Vider son sac

Allez, c’était pour ne pas faire plus de peine à sa mère… Elle avait déjà très mal pris ce qui s’était passé ce matin. Dans le même temps, elle avait été trop franche, avec le recul, elle aurait mieux fait de garder pour elle certaines choses, même si au fond, c’était tout de même vrai ! Elle ne devait simplement pas le souligner… Un long soupir lui échappa, alors qu’elle restait plantée sans bouger sur place, très peu motivée à passer cette porte, qu’elle fixait depuis cinq bonnes minutes sans faire mine de signaler sa présence. Sa mère l’avait tannée une bonne partie de la matinée, et de l’après-midi, jusqu’à la pousser dans les couloirs, qu’elle se décide enfin. Sur ce coup-là, elle avait vraiment ressemblé à son frère, on appelait ça du harcèlement. Et du chantage affectif ! Oui, c’était plus ça, d’ailleurs, un chantage affectif complet et parfaitement fourbe, Formbi aussi en avait eu l’habitude. Pourvu qu’elle ne fasse jamais ça elle-même.

Bref, elle ne pouvait pas rester là éternellement sans rien faire ou dire. Ce n’est pas qu’elle avait peur mais… Enfin… Peut-être un petit peu, dans le fond… C’était différent, elle aurait parlé beaucoup plus facilement à Thrass, par exemple, parce qu’il était moins… Plus… Enfin, il était plus… ouvert ? Moins intimidant ? Il souriait, déjà, ça aidait. Ce n’était pas que ça, il avait cette attitude, tout simplement, il comprenait vite les autres et avait su trouver facilement ce qui la tracassait, en réalité, alors même qu’elle ne lui avait rien dit explicitement. Soupirant à nouveau, elle leva la main pour frapper, ou signaler sa présence, puis la laissa retomber le long de son corps sans rien faire, toute prête à faire demi-tour. Sauf que sa mère l’attendait sûrement au tournant. Rah, bon ! Allez ! Comme ça, ce sera réglé. Mais pas le courage… Il y avait encore des questions dont elle avait peu d’obtenir la réponse.

C’était tout de même plus facile sur un champ de bataille…

Troisième soupir et on y va. Elle frappa à la porte, en essayant de se convaincre que c’est bon, il n’était pas là et elle tournera les talons l’esprit tranquille. Mais bien sûr, ça ne pouvait jamais se dérouler comme espéré. Elle commença par un « Bonsoir » assez neutre, sur le moment, en l’imaginant soudainement embrasser sa mère… L’image mentale était si bizarre… Et elle s’imposa dans son esprit quelques secondes avant qu’elle ne la chasse. Et puis, il allait sûrement la chasser, elle aussi, non ? Ça faisait sans doute parti des questions à ne pas poser à haute voix, elle avait déjà donné et n’avait pas envie d’énerver une personne de plus aujourd’hui. Beaucoup de monde avaient déjà dû entendre sa mère hurler. Il la laissa entrer, mais elle aurait aussi pu parler dans le couloir. C’était plus facile ensuite pour se sauver.

– Je viens vous voir à propos de ce qui s’est passé sur Felucia. Et d’autres choses.

Surtout parce que sa mère l’avait obligée… Le sous-entendu clignait-elle assez fort dans cette phrase ? Il hurlait en tout cas si fort dans sa tête qu’elle ne serait pas étonnée que toute la base puisse l’entendre. Feesa était restée non loin de la porte, debout, les bras dans le dos, appuyée contre le mur. Comme ça, s’il lui disait d’aller dehors, elle pourra ressortir plus vite.

– Pour l’homme qui m’a attaquée, c’est… En fait, c’est Cade Skywalker, le même qui m’avait sauvée la vie, contre Plagueis. Il a viré Sith.

Là encore, elle dû se retenir d’ajouter « lui aussi ». Cette famille avait un sacré problème, quand même…

– Je vois. Viré sith… ou revenu en temps que tel plutôt ?

– Oui.

Elle voudrait ajouter qu’il serait bien de ne pas trop lui faire de mal, ou autre, une requête qui mourut avant même de franchir la barrière de ses lèvres. Des ennuis, il allait s’en attirer, tôt ou tard, si ce n’était pas avec l’Empire, ce sera avec les Rebelles ou les Jedis. C’était un ancêtre de Luke et Mara, impossible qu’il puisse rester tranquille dans son coin et ne jamais avoir de problèmes. Elle ne pouvait rien faire pour lui, étant donné l’état dans lequel il était revenu, malheureusement. Luke n’allait pas apprécier, le jour où il apprendra qu’un nouveau membre de plus de sa famille avait plongé dans le Côté Obscur. Bref, ça, c’était la partie facile, si elle pouvait dire ça. Les affaires de famille de Luke ne regardaient que lui, et par bonheur, elle n’y était pas rattachée, de près ou de loin. Ce serait un peu trop à devoir gérer.

– Il n'y a pas de soucis. J'ai pu visionner la vidéo de ton évasion et je comprend la gratitude que tu peux éprouver envers cet humain, ou celui qu'il était avant. Y a-t-il autre chose dont tu voudrais que l'on discute ?

Sans le refus de blesser encore plus sa mère, Feesa se serait déjà levée pour repartir aussi sec de ce bureau, très honnêtement. Voilà, affaire terminée, merci, au revoir. Thrass avait raison, lui aussi, elle ne pouvait pas juste toujours esquiver les questions qu’elle se posait depuis longtemps, toujours éviter les moments où elle pourrait obtenir quelques réponses. Puisqu’il lui avait déjà confirmé qu’il ne la détestait pas, il acceptera peut-être de lui dire… Serrant les lèvres, elle ne put s’empêcher de se demander quand même s’il ne se contentera pas de l’oublier de pour de bon, par la suite.

– Ne vous moquez pas… D’accord ?

Calme-toi, ce n’était pas Vader, qu’elle avait en face. Ce qui ne l’avait empêché d’avoir une légère teinte violette lui monter aux joues, tandis qu’elle bataillait pour repousser la gêne. Ce serait plus simple si elle pouvait juste faire le test, un peu comme avec Thrass, quoi que c’était lui qui avait pris l’initiative, essayer d’aller dans ses bras pour vérifier s’il la repoussait aussitôt ou non. Mais pour ça, il faudrait contourner le bureau, se relever, et elle avait les jambes en coton. Son « geste-doudou » lui vint presque aussitôt, jouer avec une mèche de cheveux, entre les doigts. C’était stupide mais ça la calmait.

– Mon oncle m’avait toujours beaucoup parlé de maman mais jamais de vous. Il devait forcément le savoir, pourtant. J’en avais un peu parlé avec Thrass et lui pensait que c’est qu’il devait craindre que je ne finisse par partir ou être exilée à mon tour. Mais ça ne peut pas être que ça.

Et en repensant, elle était maintenant convaincue que Thrass avait compris depuis longtemps, bien avant elle, qui pouvait être son père, ce qui expliquerait aussi pourquoi il avait agi ainsi avec elle. Sur le moment, assez perdue, elle ne s’était pas posée la question. Pourtant, c’était des gestes qu’on avait seulement avec des proches.

– Est-ce que ça te… Vous gêne d’avoir des enfants ? Ou que vous n’en vouliez pas ?

Enfin elle comprenait mieux l’animosité que son oncle éprouvait vis-à-vis de l’amiral, même si elle trouvait cette réaction très exagérée, par rapport aux faits. Formbi lui avait déjà dit quelques fois qu’il était rancunier, cependant, elle n’avait pas imaginé à quel point. Elle rangea cette information dans un coin de sa tête, laissant pour le moment le passé pour se concentrer sur le moment présent. Enfin, « présent », pas réellement, mais… Ah, non, pas le moment de se prendre la tête sur ça. Il lui avait déjà fallu une bonne dose de courage pour poser sa question, tant elle craignait d’entendre la réponse. Par bonheur, personne ne pouvait entendre ses pensées, elle se doutait bien que sa mère crierait encore si elle était dans sa tête. Pour autant, Feesa ne pouvait pas être très sûre d’elle sur ce genre de sujets. Et préférait encore passer pour une idiote mais avoir ses réponses que rester sans cesse sans savoir ou comprendre.

– J'en suis heureux, au contraire. Avant mon exil, je dois admettre ne pas y avoir songé, laissant mon frère me trouver une épouse comme le veut la tradition. Et après, et bien un exilé n'est pas censé en avoir donc je n'y ai pas songé non plus. Depuis que j'ai appris ton existence, et que j'ai rencontré Ewime, je ne peux qu'estimer être un chiss chanceux.

C’est vrai ? La question faillit lui échapper, elle ne serra les lèvres qu’au dernier moment, retenue lorsqu’il lui sourit soudainement. Feesa ne savait pas pourquoi, mais ce n’est que ce petit détail qui fit qu’elle crut, d’un seul coup. Peut-être parce qu’elle ne l’avait jamais vu sourire avant et qu’elle avait le sentiment qu’il était sincère. C’est pourquoi elle sourit très légèrement, à son tour, un peu en retrait malgré tout. Il y avait aussi le problème de l’exil, auquel elle n’avait pas vraiment réfléchi jusque-là… Et se demandait à présent si cela n’allait pas poser des problèmes, que l’amiral et sa mère soient ensemble. Il n’y avait pas de loi interdisant à une personne exilée de se marier ou bien de faire des enfants avec une personne de l’Ascendance, non ? Ou bien c’était « inclue » directement dans la sentence de l’exil ? Ou juste mal vu ? Certaines traditions avaient tout autant de poids, voire plus, que les lois, et Feesa espérait qu’aucun de ses parents n’ait de problèmes à cause de ça. Enfin… Thrawn était déjà exilé, mais que risquait sa mère ? Oncle Formbi prendrait extrêmement mal un coup pareil…

– Je m'excuse si j'ai pu te laisser croire le contraire. C'est juste que… j'ignore si je serais un bon père. De ce que j'ai compris, je n'ai pas eu la chance de pouvoir t'élever et je le regrette, sincèrement. Accepterais-tu, malgré le fait que nous soyons dans des camps opposés, de me laisser me rattraper ?

Feesa quitta le souvenir défilant des lois qu’elle avait apprise, pour en trouver une qui traite ce sujet, pour revenir au moment présent. Jusque-là, jamais elle n’avait eu à s’occuper des affaires traitant d’exil, par ailleurs, elle n’avait pas connu non plus une Ascendance aussi fermée sèchement, même si ça ne se jouait qu’à quelques détails et à certains liens bien déterminés entre les siens et l’extérieur. La base de Nirauan, bien active cette fois, et le Nouvel Ordre jedi, autrement dit. Elle voulait toujours essayer de… Bon, s’il la repoussait, elle n’aura plus qu’à aller mourir de gêne un jour ou deux et ce sera passé. Elle se leva donc et fut le tour du bureau, hésitant une seconde, avant d’un peu tendre les bras pour voir s’il voulait bien lui faire un câlin. Laissant tomber le côté bizarre qu’il y avait à faire ça, dans le même temps. Puis elle fondit littéralement en comprenant qu’il ne la repoussait pas du tout, au contraire. Feesa s’accrocha presque timidement, du bout des doigts, au tissu dans son dos, la tête posée contre lui, les yeux fermés.

– Ces failles ne sont pas drôles, murmura-t-elle, mais j’ai toujours voulu savoir qui vous étiez, en vrai, maman et toi.

Connaître ses origines était un sacré poids en moins, impossible de comprendre ceux qui ne voulaient pas vraiment savoir. Même si votre famille ne pouvait plus être près de vous.

– Pourquoi vous n’étiez pas censé avoir d’enfants, qu’est-ce que ça change, il n’y a tout de même pas une loi contre ça ?

– Indirectement, il y en a une. L'exil est le pire châtiment de la législation chiss. Cela veut dire que je ne suis pas censé avoir de contact ou de relation avec notre peuple. Cela veut dire qu'une femme qui voudrait rester avec moi subirait cet exil, et notre descendance aussi.

Ah… Un dernier point que Feesa ignorait, jusqu’ici, elle ne s’était jamais posée la question auparavant, parce qu’elle n’avait jamais connu de personnes ayant subi ça. Mais elle comprenait, maintenant, le parfait silence de son oncle sur le sujet. Il n’y avait pas que sa haine envers son beau-frère, visiblement, il avait aussi dû avoir peu des conséquences. Combien de fois lui avait-il déjà dit qu’il fera toujours tout pour la protéger ? Il le lui avait encore redit après leur « virée » vers le Vol vers l’Infini, dans son temps, où il avait pris toutes les responsabilités de l’affaire sur le dos, pour la protéger. Le Conseil avait grincé des dents, mais son oncle n’avait pas laissé de preuves leur permettant de l’incriminer, elle aussi. Il avait beau avoir un caractère difficile, sa famille passait avant tout. Quitte à renier autre chose ou à se mettre lui-même en danger. Ce qui avait agacée Feesa, une fois, une seule, car il portait parfois tout sur ses épaules alors que rien ne l’y obligeait, qu’il pourrait laisser les autres se débrouiller, même si les problèmes pouvaient être lourds.

– Quant à ton oncle, et bien je comprends sa décision de ne rien dire. Peut-être l'aurait-il fait quand tu serais devenue plus âgée ? Aussi, ne lui en veut pas d'avoir agi ainsi, ni de la façon qu'il pourrait avoir vis à vis de ma personne. Personnellement, je ne lui en ai jamais voulu. A sa façon, il essaye de protéger notre peuple, comme moi. Mon seul regret est qu'il veuille toujours faire passer sa Maison avant les autres.

– Je sais bien…

De toute façon, son oncle n’admettra jamais qu’il ressemblait plus à l’amiral qu’il n’acceptait de se l’avouer. C’était encore plus flagrant aujourd’hui. Un petit tressaillement la pris lorsqu’elle imagina sa réaction, s’il le voyait dans les bras de son père, et une légère chaleur envahie ses joues. Pour la cacher, elle baissa un peu la tête, laissant retomber ses mèches devant une partie de son visage. Elle ne répondit pas immédiatement à la question de son père, cherchant un instant ses mots, plongée dans ses pensées. C’était un peu confus, elle était passée par beaucoup d’émotions et de « stades » différents, depuis son arrivée dans ce temps, à la fois effrayée d’en savoir plus et heureuse de fixer enfin ses origines. Un jeu d’équilibriste parfois épuisant, et qui sera peut-être perdu en rentrant chez elle… A moins qu’elle ne perde pas la mémoire de ce passé différent ? Il ne pourra pas influencer sur son propre futur. Ou plutôt, il n’influencera pas son époque, juste sa vie, à elle, et à jamais.

– Au début, j’avais surtout peur d’être complètement rejetée, finit-elle par répondre, à voix basse, sans relever la tête. Puis je me suis demandée si c’était sain, de s’attacher quand même, alors que je pouvais être renvoyée n’importe quand dans mon époque, et que dans l’optique ou je garderai mes souvenirs, il faudrait refaire un deuil. Maintenant, je me dis juste que ça en vaut la peine quand même. Je suis heureuse de vous connaître. Maman et toi, vous êtes très… protecteurs.

Elle avait hésité, elle s’était demandé s’il valait mieux vivre sans savoir ou essayer quand même de découvrir la vérité, et à présent, elle était finalement soulagée de savoir. La dernière phrase avait été lâchée à voix encore plus basse, presque étouffée. Elle devrait pourtant avoir l’habitude, après tout, son oncle brillait aussi dans le domaine, mais c’était parfois très frustrant. Elle releva enfin la tête, le regard un peu plus brillant.

– Pourquoi n’as-tu plus tes propres parents ? Ni maman ? Pourquoi… Tout le monde doit mourir aussi vite dans notre famille… ?

– Mes parents sont morts quand j'étais jeune et j'ai peu de souvenir d'eux. Thrass a dû m'élever tout en s'élevant dans la hiérarchie du clan. Mais pour te répondre, je l'ignore. Je suis un soldat, je sais que la mort frappe sans prévenir mais tu as un avantage, Feesa. Tu viens du futur, tu peux donc tenter d'influencer, de modifier ce qui est l'avenir pour nous autres. Je ne dirais pas que la Force t'a amené dans ce but mais c'est à toi de définir ce pour quoi tu te bats, un peu comme je l'ai toujours fais.

Comment pourrait-elle changer quoi que ce soit sur ce terrain alors qu’elle ignorait quand et comment ses deux parents allaient mourir, du moins, si tout se déroulait comme dans sa propre ligne de temps ? Évidemment qu’elle avait pensé, sûrement comme Nat d’ailleurs, qu’il était possible d’influencer certaines choses, qu’ils pouvaient faire en sorte que certains malheurs n’arrivent jamais ! Mais… D’une part, ce n’était pas si évident, d’autre part, avant ça, il fallait savoir ce qui s’était passé exactement et comment y remédier. Les informations, sur sa famille du moins, c’était un peu le gros point noir. Son oncle n’en parlait pas, les adultes qui l’avaient entourée, enfant, n’en savaient pas plus qu’elle ou n’avaient pas voulu le dire. Et puis, était-ce vraiment bon de vouloir modifier ce futur, ne risquait-on pas de provoquer bien pire encore en voulant agir de cette façon ? Il lui glissa tout à coup la menton sous le menton, pour lui faire relever la tête, et elle fut assez surprise de voir qu’il souriait. Il y avait vraiment le moindre motif à sourire, là, dans l’immédiat ?

– C'est une chose que j'ai décidé alors que je n'avais même pas ton âge : je me suis fixé un but et je fais ce qu'il faut pour l'atteindre. A toi de montrer ce que tu vaux, ma fille. Je suis sûr que tu y arriveras. Et ne me dis pas que tu doutes de toi, tu n'as aucune raison de le faire.

Des raisons, elle aurait pu lui en sortir quelques unes, mais elle était aussi d’un coup très touchée et en même temps très gênée. Le principal discours qu’elle avait toujours entendu, c’était plutôt « Rentre dans le moule et reste-s-y ! ». Bon, pas exactement évoqué comme ça mais c’était bel et bien l’idée. Ses pommettes prirent une couleur légèrement violette, à mesure que le sang lui montait au visage. Au fond, elle avait quand même honte, car elle avait eu plus l’habitude de vouloir se conformer aux règles et à ce qu’on attendait d’elle, plutôt que de rêver à ce dont elle avait envie, personnellement. Elle s’était toujours demandée ce qu’elle pouvait faire pour soutenir les siens, sans se fixer un but plus personnel. Pourtant, elle en avait bien un qui se dessinait, peu à peu, depuis qu’elle se trouvait dans cette époque. Sauf que ce but… Elle n’y parviendra pas seule. Un sourire encore plus gêné vint s’ajouter sur son visage, la voix hésitante.

– Je voudrai… qu’il y ait un endroit dans l’Ascendance où les jeunes sensitifs pourraient s’entraîner sans avoir peur. Que ce soit accepté comme quelque chose de normal. Sans que personne n’ait peur.

Et elle sera sûrement morte de vieillesse bien avant que ce rêve-là ne réalise. C’était pourtant déjà arrivé… Sogua en était la preuve, il avait vécu à un temps où la Force était considérée comme un élément très naturel dans la vie d’une personne. Comment, cependant, faire accepter ça à son peuple… Peut-être que si elle devenait un jour Aristocra, elle pourrait avoir plus de poids pour faire évoluer les choses. De toute façon, pour faire ça, il faudra à la fois qu’elle progresse dans la maîtrise de la Force mais aussi qu’elle apprenne tous les rouages de la politique.

– Pourquoi as-tu voulu être soldat et pas autre chose ?

– On ne choisit pas, dans notre peuple, tu le sais bien. On est envoyé là ou nous montrons des compétences et mon passage au sein des forces militaire de la famille Mitth a prouvé que j'avais un potentiel dans cette branche. C'est pour cela que mon clan natal a mené une négociation avec les Nuruodo, en partie sous l'influence de mon frère, pour me faire intégrer les Forces de Défense sous un aspect nouveau. Ce n'est pas un fait connu mais, vois-tu, mes parents étaient un couple de fermiers, vivant près de la capitale.

Un aspect nouveau… L’expérience avait tourné court très vite ensuite. Elle se retint de le dire, par contre, s’écartant un petit peu et profitant d’un court temps mort pour se reprendre pour de bon. Pour ce qui des origines, oui, elle savait que ça n’avait pas une réelle importance, cependant, ils restaient tous et toutes un peu influencés malgré tout. Quand on baignait dans un certain univers depuis la petite enfance, et qu’on apprenait parfois malgré soi des techniques et attitudes, c’était tout aussi naturel d’être à son tour dirigé vers la même branche une fois adulte. Elle était bien placée pour le dire, son oncle avait beaucoup influencé son début de carrière, volontairement ou pas, d’ailleurs, et ce n’était qu’aujourd’hui qu’elle s’en éloignait d’elle-même. Pour une voie où elle n’était pas forcément très préparée, soyons honnête, mais où elle voyait plus de possibilités d’avenir. Quitte à ce que soit beaucoup plus difficile.

De toute manière, et au moins pour un temps, mieux valait pour elle qu’elle reste… Disons… Un peu à l’écart de l’Ascendance. Même si le Conseil n’avait pas voté l’exil, Feesa ne se sentait plus assez à l’aise parmi les siens pour vouloir y demeurer longuement dans cette époque. Elle n’était pas la seule, Thrass aussi s’en éloignait et lui avait des raisons encore plus solides qu’elle. Ce n’était peut-être que passager, après tout, ils… Enfin… Non, on ne changeait pas les mentalités facilement, quoi qu’il arrive, ça prendra certainement bien plus d’une vie et elle en était consciente. Feesa ne savait pas vraiment par où commencer. Prouver par des actes concrets que vivre avec la Force pouvait être bénéfique sera déjà un bon début.

– Cela dit, j'ai pu constater que tout le monde ne partageait pas cet avis, quant à mes capacités de commandement ou, plutôt, mes méthodes de travail. Que ce soit au sein de l'Ascendance ou de l'Empire d'ailleurs.

– Je me demande bien pourquoi, rit-elle légèrement.

Tant que ça fonctionnait, après tout, c’était le principal. De toute manière, ayant été bercée en bonne partie sur Nirauan, justement, elle n’avait pas les mêmes aprioris que beaucoup. Bref. Elle releva un peu la tête pour le regarder dans les yeux, légèrement vexée dans le fond d’être restée coincée à la même taille ou presque que sa mère, se sentant toujours toute petite à côté des autres. Un ami lui avait déjà dit en riant que ce qui est petit est mignon, il n’empêche qu’elle n’aurait pas refusé quelques centimètres de plus.

– Merci de m’avoir parlé. Je ne vais pas te déranger plus longtemps. J’espère juste que je pourrai garder ces souvenirs-là si un jour je peux rentrer chez moi.