Séance d'essayage et de questions

Le mariage allait se dérouler dans quelques jours, maintenant. Et Ewime avait deux choses à régler en amont. Le plus léger, se préparer pour la cérémonie, le plus dur, faire avouer à sa fille ce qui s’était vraiment passé pour qu’un chasseur de primes puisse lui tomber dessus de cette façon. Elle aurait pu être très gravement blessée ! Ou mourir ! Voire pire, que serait-il arrivé, si son père ne l’avait pas récupérée au vol ? Si elle était tombée sur un Sith ? Un autre fou dangereux comme Darth Plagueis ? Ewime s’en rendait malade simplement à imaginer ça, son bébé entre les mains d’un nouveau malade psychopathe. Elle ne comprenait pas non plus pourquoi elle refusait de dire qui l’avait capturée, comment et dans quelles circonstances. Ce matin-là, elles allaient pouvoir en discuter. La jeune femme ne voulait pas le faire en présence de Thrawn car leur fille pourrait être plus « bloquée » s’il était là. Alors qu’elle, elle était sa mère, elle devrait déjà être plus détendue et prête à se confier. Raisonnement tiré de sa propre expérience, elle avait perdu sa mère très jeune mais Ewime se sentait plus proche d’elle que son père, à l’époque.

Ewime avait une stratégie pour que sa fille ne puisse pas lui glisser entre les doigts lorsqu’elles parleront, elles allaient faire la séance d’essayage pour elle en même temps, ainsi, elle ne pourra pas trop bouger. Le mariage de son frère aîné, alors ça, c’était un véritable miracle ! Lui qui n’avait jamais posé les yeux sur la moindre femme, lui qui ne s’était même jamais demandé s’il n’était pas temps de fonder son propre foyer, lui qui avait progressé en expérience, âge et existence sans jamais évoquer le désir d’avoir un enfant. Au contraire d’elle-même qui avait toujours voulu en avoir deux ou trois, tout en ayant passé des années à se dire qu’elle ne pourra jamais, à cause de sa maladie. Il y avait des jours avec et des jours sans. Des jours où même travailler lui était impossible, affectée par des pertes d’équilibre, la désorientation, des troubles psychiques. Et d’autres jours où elle se sentait mieux, où le traitement qu’elle suivait faisait disparaître les symptômes. Durant les jours plus douloureux, elle avait pour le moment toujours réussie à être seule ou juste en présence de son frère. Personne d’autre, à part son médecin, n’avait à subir ça.

Même sa fille savait juste qu’elle avait une maladie héréditaire et que c’était de ça que sa grand-mère était morte, rien de plus. La maladie ne sautait pas de génération, en revanche, le risque qu’elle se déclare était de 50 %, le plus souvent à l’âge adulte. Formbi avait été épargné, pas elle, c’était comme ça. Sa fille ne présentait aucun symptôme non plus mais Ewime ne sera rassurée que lorsqu’elle aura au moins franchi la barre des trente ans sans avoir de problèmes. Mais si… Ewime s’interrompit un instant dans ses préparatifs, pensive. Si elle ne survivait pas tout ce temps, elle devrait tout de même en parler à Thrawn, qu’il puisse surveiller l’état de santé de leur fille lorsqu’elle ne sera plus là. Et qu’il lui fasse suivre un traitement. L’arrivée de son enfant la sortit de ces pensées peu joyeuses et elle lui dit de refermer la porte derrière elle. Bien, bien, elle devra y réfléchir, d’ici là, il y avait autre chose à penser.

« On va te faire essayer quelques tenues, pour le mariage de ton oncle. Je t’ai sortie des robes. Enlève aussi tes chaussures, et ne t’en fais pas, il n’y a que toi et moi, à la maison. »

Ewime n’était pas une très grande fan de la mode, donc elle avait acheté exprès quelques magazines spécialisés pour savoir ce que devait porter une jeune fille de cet âge lors d’un mariage. Les ajustements, rajouts et autres travaux de couture, elle pourra les faire elle-même, douée là-dedans. Sa fille pouvait se déshabiller derrière le paravent, si elle voulait, mais bon, ce n’était pas sa mère qui allait lui faire la moindre remarque sur son physique. Elle commença par voir les tailles possibles. Pas bien grande, sa fille.

« Quel genre de robe portes-tu d’habitude ? De quelles couleurs ? »

Il devait être encore assez tôt… Feesa avait gardé son visage fourré dans l’oreiller en attendant que Thrawn quitte la petite maison, sans bouger, encore dans le noir, puis n’avait plus bougé en entendant sa mère rentrer dans la pièce d’à côté, même si elle devait la rejoindre toute à l’heure. Elle avait besoin d’un peu de temps pour tout avaler… Découvrir enfin sa famille proche, elle l’avait toujours voulue, mais une de ses craintes s’était aussi concrétisée. Qu’un de ses parents, par bonheur pas les deux, se trouvait dans un camp opposé et qu’elle ne puisse pas tenter d’aller vers lui. Même s’il ne la détestait pas, elle ne pouvait pas être proche de lui malgré tout. Un amiral impérial… Il avait fallu tomber sur un amiral impérial… L’Empire destructeur et nocif dont elle avait entendu tellement de mal et qui s’était écroulé sur lui-même après la mort de l’Empereur. Voilà pourquoi son oncle lui avait caché la vérité, si jamais il l’avait vraiment su.

Elle ne comprenait pas non plus sa mère, et même en essayant de se convaincre que tout ça n’était rien, que ce n’était pas son temps, donc forcément pas « son problème », elle ne pouvait pas s’empêcher d’en être touchée. L’envie de rentrer chez elle était plus forte que jamais, en cet instant précis, elle en arrivait à maudire la Force de ne pas la laisser revenir dans son temps et de lui effacer la mémoire au passage, ou lui faire croire que tout cela n’avait été qu’un grand rêve bizarre. Elle finit par se lever tout de même, s’habillant, se coiffant, laissant tomber très vite l’idée de manger, ce matin, impossible d’avaler quoi que ce soit. Sa priorité allait clairement être de s’évader d’ici, puis de partir le plus loin possible de l’Ascendance. Peut-être que d’autres pourront l’aider à comprendre ou… Respire un grand coup… Après tout, elle n’était que de passage, non ? Peut-être. En attendant, faire bonne figure et sourire, quitte à faire semblant. Ce sera très bien.

Sa mère comptait lui faire essayer des tenues, ce matin, pour le mariage de son oncle. Feesa referma la porte de la pièce derrière elle en hochant vaguement la tête, sans trop parler. Ce mariage l’avait surprise, tout d’abord, mais c’était finalement l’élément le moins choquant du tas, si on rassemblait tout. Entre un oncle qui se mariait enfin et un père qui servait un Empire pourri jusqu’à l’os, elle estimait que le second point était plus traumatisant que le premier. Et pourtant, il ne l’avait pas livrée… Pourquoi ? A qui pourrait-elle en parler ? Évoquer le sujet avec sa mère ne lui paraissait pas être une très bonne idée. En silence, elle enleva ses chaussures, puis son pantalon, avant de tirer sur son pull. Soit les premiers habits qui lui étaient tombés sous la main, ce n’était pas un sujet dont elle se souciait beaucoup d’habitude. Formbi ne lui avait jamais rien dit sur ses tenues, à partir du moment où elle était présentable.

– Quel genre de robe portes-tu d’habitude ? De quelles couleurs ?

– Je n’en porte jamais. Sauf lorsque je n’ai pas le choix, pour les cérémonies officielles.

En fait, toute petite, son oncle lui faisait bien porter des robes ou des jupes, puis il avait arrêté et commencé à lui acheter des pantalons plus solides en constatant qu’elle revenait souvent avec sa tenue déchirée et les genoux un peu écorchés, après avoir joué dehors. Depuis, l’habitude était restée et elle n’avait plus jamais porté souvent des tenues « de fille ». Elle ne se souvenait pas non plus d’avoir déjà assisté à un mariage, en fait, et faisait donc confiance à sa mère pour savoir comment s’habiller. La première tenue était toute simple, rouge bordeaux avec du jaune. Feesa tâchait de se concentrer, autant sur ses gestes et expressions que sur les mots qu’elle pouvait employer, pour ne pas se trahir.

– Comment se fait-il que Formbi veuille se marier, tout d’un coup ? Qu’est-ce qui l’a poussé ?

« Je n’en porte jamais. Sauf lorsque je n’ai pas le choix, pour les cérémonies officielles. »

« Oh. Bon… »

Et dire que son frère, lorsqu’ils étaient plus jeunes après que leur père soit lui aussi décédé, lui avait souvent répété qu’il était mieux pour une femme de porter des vêtements plus féminins et élégants, que c’était pour être plus présentable lorsqu’on sortait. Si Ewime en avait très bien l’habitude, elle ne trouvait pas plus mal pour autant que son grand frère ne se préoccupe plus autant des apparences. Cela dit, peu à peu, elle comprenait le choc qu’avait dû ressentir sa fille, face à son oncle ici, en comparaison de ce qu’elle avait pu vivre. L’écart avait l’air… Très… Un gouffre véritable, très important. La jeune femme prit donc la première robe qu’elle avait sorti, assez longue mais élégante, dans un style que les jeunes filles portaient souvent, dans les fêtes, de ce qu’elle avait vu. En revanche, si Feesa n’avait pas l’habitude des robes, la longueur la gênera sans doute, le but n’était pas qu’elle se casse une cheville au cours de la cérémonie.

« Comment se fait-il que Formbi veuille se marier, tout d’un coup ? Qu’est-ce qui l’a poussé ? »

« Et bien… Ton arrivée, je suppose. Je pense qu’il a dû prendre conscience qu’il sera assez seul, enfin, il t’a eu, toi, mais seul… sans avoir eu ses propres enfants, sans avoir eu une épouse. La famille est très importante, pour lui, je suppose qu’il a eu peur de passer à côté de cela, même si tu es avec lui. »

A vrai dire, Ewime n’était pas exactement sûre de savoir ce qui avait motivé son frère. Le mariage, jusqu’ici, il avait dû en parler une fois ou deux, sans s’attarder, sans sérieux. Quant aux enfants, cette fois, jamais un mot, jamais elle ne l’avait entendu dire qu’il aimerait en avoir ou qu’il les appréciait. A ses yeux, cette décision soudaine restait donc en grande partie un mystère. Elle poussa d’abord sa fille à essayer la robe, continuant à chercher ses mots. Elle ne la voulait pas la brusquer, en revanche, elle estimait très important qu’ils parlent de plusieurs points. Sa fille pouvait tâcher de ne rien montrer, Ewime sentait qu’elle n’allait pas aussi bien qu’elle le prétendait. Elle en était même intimement convaincue, sans avoir la moindre preuve. Une sorte de… Comment dire cela… Une sorte d’instinct qui l’avertissait, qui lui soufflait que non, quelque chose n’était pas normal. Ça pouvait semble idiot, sans doute, comment être sûr sans preuves, après tout ? Elle le sentait, c’est tout.

« Je ne m’attendais pas à ce que tu reviennes sur Nirauan de cette façon. Mais je suis très contente que ton père ait pu te récupérer au vol. Tu as eu de la chance qu’il ait pu te protéger. »

Elle la fit se tourner un peu pour arranger la robe et régler les détails, improvisant un peu dans sa manière d’amener le sujet. C’était la première fois qu’elle se confrontait à cet exercice… Et depuis le retour de la petite et de Thrawn, elle avait imaginé plusieurs façons possibles d’aborder le problème, sans être très sûre de la meilleure manière qui soit.

« Ce que je ne comprend pas, c’est que tu devais être avec quelqu’un, au moins des rebelles. Personne n’a pu voir que tu avais un problème ? »

– Et bien… Ton arrivée, je suppose. Je pense qu’il a dû prendre conscience qu’il sera assez seul, enfin, il t’a eu, toi, mais seul… sans avoir eu ses propres enfants, sans avoir eu une épouse. La famille est très importante, pour lui, je suppose qu’il a eu peur de passer à côté de cela, même si tu es avec lui.

Peut-être… Feesa ne répondit pas, se contentant d’enfiler avec un peu de difficultés la robe que sa mère lui tendait, déjà embarrassée par cette masse de tissu alors qu’elle avait à peine passé les bras dedans. Après tout, ce n’était pas plus mal, si son oncle avait rencontré une femme avec qui il se sentait bien, ça restait une ligne de temps différente, des événements radicalement différents, alors pourquoi pas. Même sa mère avait du mal à comprendre cette décision, visiblement, et personne dans l’Ascendance ne devait vraiment le comprendre. Il aurait vraiment fait ça à cause d’elle et de la peur d’être seule… ? Une simple personne ne pouvait tout même pas influencer à ce point les choix de vie d’une autre… Feesa soupira un peu, ramenant comme il faut les manches de la robe, alors que le sujet coulait déjà de son esprit. Au moins, il était heureux et le restera, c’était l’essentiel. Puisque rien ne se déroulait de la même manière, tant mieux, en un sens. Trop y réfléchir lui donnait mal à la tête, ce n’étaient que des questions insolubles.

– Je ne m’attendais pas à ce que tu reviennes sur Nirauan de cette façon. Mais je suis très contente que ton père ait pu te récupérer au vol. Tu as eu de la chance qu’il ait pu te protéger.

Feesa fut bien contente de se tourner, pour qu’elle tire les fils dans le dos, et ne voit ainsi pas la tête qu’elle venait de tirer. Elle s’était arrêtée sur « père probable », un peu par mauvaise foi en fait, mais sa mère… Puis, elle avait raison, en plus… Feesa tâchait de tout intégrer, sincèrement ! De faire le tri, prendre le temps de réfléchir, et accepter ce qu’elle pouvait, elle avait juste un peu les nerfs à vif, c’est tout. On ne pouvait pas juste lui laisser un peu de temps ? Oui, il y avait eu le voyage, mais ce n’était pas coincée sur un destroyer impérial qu’elle avait pu vraiment se poser. Quant à la suite… Feesa tourna un peu la tête, le temps de répondre qu’elle s’était éloignée du reste du groupe, et que c’était à ce moment-là que tout était arrivé. Ils n’avaient rien pu voir. De toute manière, maintenant qu’elle y repensait, ils n’auraient d’ailleurs rien pu faire. Sur le fond, c’était sans doute stupide, elle n’avait pas assez réfléchie, elle s’était dit que c’était normal, sachant après tout déjà que Cade avait ce genre de comportement et d’addiction. Aujourd’hui, s’il avait rejoint lui aussi les Siths…

Elle n’était plus vraiment sûre de savoir comment réagir, en réalité. D’un côté, c’était tout de même lui qui lui avait sauvé la vie, dans le palais impérial de Coruscant, et elle se sentait redevable envers lui. D’un autre côté, ce n’était plus la même personne, plus vraiment lui, et ce Cade était très clairement en partie enfoncé dans le ôté Obscur. Il avait peut-être même rejoint l’Ordre Sith. Elle n’avait pas pu en parler aux Jedis, alors qu’ils devaient savoir. Quant à son père… Elle baissa un peu la tête en se rappelant à ce qu’avaient dit Luke et Ezra au Conseil, hésitante. Il ne pouvait pas agir directement contre les Siths, mais… Bon… Elle ne se voyait pas non plus filer lui en parler, juste comme ça. Et puis, allait-il seulement la croire ? En plus de cela, elle n’était de toute façon pas de ce temps, donc ce n’était pas si grave, s’il lui arrivait quelque chose, elle disparaîtra, simplement.

– Maman, tu sais… Ce n’est pas si grave, après tout, s’il m’arrive quelque chose, je disparaîtrai, c’est tout. La Force m’a renvoyée ici pour je ne sais quelle raison, mais même si je meurs, ce sera sans doute un retour dans mon propre temps. Donc ce n’est pas très important.

Humph, éloignée ou non, les rebelles auraient dû voir quelque chose, tout de même ! N’est-ce pas ? Si sa fille ne lui décrivait pas un mieux la scène que cela, comment vouliez-vous comprendre quoi que ce soit ? C’était un monde ! Soupirant un peu, après l’avoir fait se retourner, elle commença par nouer doucement les fils, tout le long du dos, pour refermer la robe. Celle-ci semblait ne pas lui aller trop mal, même si cette couleur n’était pas terrible. Bien, maintenant qu’elle en avait dit un petit plus sur les circonstances, voyons voir la suite. Elle manquait sans doute encore d’entraînement, selon ce qu’elle lui avait déjà expliqué, sa formation initiale n’était pas vraiment axée sur l’armée, très loin de là. Tant qu’elle était là, avant qu’elle ne tente de s’enfuir en tout cas, il faudrait qu’elle en profite pour voir quelques bases supplémentaires en combat. Ou en prudence.

« Maman, tu sais… Ce n’est pas si grave, après tout, s’il m’arrive quelque chose, je disparaîtrai, c’est tout. La Force m’a renvoyée ici pour je ne sais quelle raison, mais même si je meurs, ce sera sans doute un retour dans mon propre temps. Donc ce n’est pas très important. »

Le cœur de la jeune femme rata un brusque battement, en entendant ça, et la colère l’envahie. Elle avait pris un sale coup à la tête ou quoi ?! Ewime la fit se retourner sèchement vers elle, pointant un doigt vers son visage, furieuse, l’autre main serrée sur son épaule.

« Évidemment que si, c’est important tout de même, jeune fille ! Qu’est-ce que tu crois ?! Je me fiche que tu viennes de ce temps ou d’un autre, tu restes notre fille ! Tu penses que ça ne fera de peine à personne, si tu meurs, que ça ne vaut pas la peine de s’en faire ?! »

Elle avait hurlé la dernière phrase et ce n’est qu’à ce moment que l’information « Hum, tu te trouves dans une base militaire, entendre hurler va inquiéter » remonta timidement jusqu’à son cerveau. Ewime fut un effort considérable pour ne pas hurler la suite, tout ce qui lui venait en vrac dans l’esprit à ce moment-là, et prit une grande inspiration. Se reprenant, elle inspira encore, levant un peu les mains puis les laissant retomber. Cette enfant allait finir par lui coller une crise cardiaque ! Elle se laissa tomber assise sur le bord de son lit puis prit Feesa par la main pour qu’elle vienne s’asseoir à côté d’elle. Pas grave si elle mourrait… Celle-là, elle ne risquait pas de l’avaler !

« A ton avis, pourquoi ton père t’a emmenée ici au lieu de te livrer aux Siths ou te laisser dans une prison quelconque en chemin ? Pourquoi je me suis attachée à toi-même si tu ne viens pas d’ici, comme tu dis ? Pourquoi ton oncle s’est rendu malade dès le premier jour, quand il a compris qui tu étais et ce que tu avais vécu à Coruscant ?! Nous sommes ta famille, il va bien falloir te rentrer ça dans la tête ! »

Ne pas hurler, elle avait dit… Respire… Les enfants étaient décidément incapables de se rendre compte à quel point on pouvait s’angoisser pour eux ! Jusqu’au jour où ils devenaient parents eux-mêmes. Elle en tremblait même un peu, ne revenant toujours pas que sa fille ait osé lui sortir une chose pareille.

« C’est aussi pour ça que je ne comprends pas que tu refuses de dire qui t’a attaquée et comment. Tu penses qu’on le vit comment, de savoir qu’il t’est arrivé quelque chose mais qu tu ne veux pas te confier à ta propre famille ? »

La jeune fille faillit légèrement perdre l’équilibre, sur le moment, surprise par le geste mais plus encore par l’expression d’un seul coup furieuse de sa mère et le doigt pointé sur elle. Elle ouvrait la bouche pour se justifier mais n’en eut clairement pas le temps, la refermant tout aussi vite, d’un coup contrite. Elle n’avait pas voulu lui faire de la peine ! Juste voulu dire que… Et bien, comme elle n’était pas vraiment de ce temps, elle ne… En rajouter n’était en fait pas la solution la plus idéale, pour le moment, mieux valait se taire. Lèvres serrées, elle culpabilisait d’avoir fait de le peine à sa mère… Et ne dit rien non plus en la voyant se retenir de continuer à hurler aussitôt, en le regardant finalement s’asseoir. Dans le fond, pourtant, c’était vrai, elle n’était pas encore… Ou pas vraiment… Sa mère lui tira la main pour la faire venir s’asseoir à côté, sans qu’elle n’oppose la moindre résistance, ni ne trouve encore un moyen plus clair de s’expliquer. C’était très maladroit, d’accord, même si, navrée, mais c’était réaliste. Ou peut-être que sa famille se foutait clairement du « détail » saut dans le temps.

– A ton avis, pourquoi ton père t’a emmenée ici au lieu de te livrer aux Siths ou te laisser dans une prison quelconque en chemin ? Pourquoi je me suis attachée à toi-même si tu ne viens pas d’ici, comme tu dis ? Pourquoi ton oncle s’est rendu malade dès le premier jour, quand il a compris qui tu étais et ce que tu avais vécu à Coruscant ?! Nous sommes ta famille, il va bien falloir te rentrer ça dans la tête !

D’accord, elle s’en foutait clairement, et la culpabilité lui rongeait de plus en plus l’estomac. Feesa n’avait même plus tiqué sur le « ton père », parce que justement, elle venait de réaliser que c’était la seule raison évidente qu’il l’ait emmenée ici, au lieu de soit la jeter en prison, soit juste la laisser partir, comme Ezra. Parce que son évasion avait été plus facile que prévue.

– C’est aussi pour ça que je ne comprends pas que tu refuses de dire qui t’a attaquée et comment. Tu penses qu’on le vit comment, de savoir qu’il t’est arrivé quelque chose mais qu tu ne veux pas te confier à ta propre famille ?

Merci, elle culpabilisait encore plus, maintenant ! Feesa se mordilla les lèvres en se retenant de répliquer, parfaitement consciente que sa mère avait précisément utilisé cet argument-ci pour la faire craquer. C’était un coup bas, même si elle n’avait pas tord… Elle imaginait aussi la réaction de son oncle, dans son propre temps cette fois-ci, face à la même situation… Il ne serait pas heureux non plus et ferait des pieds et des mains pour savoir, en lui reprochant tout autant de ne rien vouloir lui dire. Et son oncle de cette époque ferait la même chose, ce serait même pire car il avait moins de sang-froid. Elle préférait encore ne pas imaginer la réaction de son père.

– C’était un sensitif que j’avais déjà vu, finit-elle par avouer à voix basse. Celui qui m’avait sauvée la vie, sur Coruscant. Il avait depuis disparu, mais il est revenu plus… Moins fiable. C’est lui qui m’a attaquée.

Dénoncer quelqu’un qui l’avait sauvée lui semblait immonde, quand bien même ce n’était pas exactement la même personne… Mais avec un peu de chance, sa mère allait garder cette information pour elle. Après tout, qui d’autre ça concernait ? Même si Formbi l’apprenait, il ne pourra rien y faire. De toute façon, le contrebandier était sûrement loin, dorénavant…

Alors ? Ewime ne comptait certainement pas la lâcher comme ça, encore moins abandonner le sujet ! Cette enfant ne sortira pas de cette pièce tant qu’elle n’aura pas obtenu de réponse, c’était dit ! Croisant les bras, la jeune femme attendit, lèvres pincées, sentant son impatience enfler un peu plus. Là encore, ce n’était pas exactement normal, mais ce que Feesa avait osé lui sortir… Prend ton temps si tu veux, jeune fille, mais parle ! Elle n’avait pas le choix ! Et il était aussi hors de question, dorénavant, que Ewime fasse les intermédiaires, cette enfant ira plutôt en parler elle-même à son père et le plus tôt sera le mieux. Ce n’est que comme ça qu’elle allait enfin comprendre certains principes, pourtant évidents, et surtout essentiels ! Tout de même, c’était fou ce que les enfants pouvaient penser comme parfaites âneries ! Et comme horreurs, parfois, aussi, comment penser qu’un père ou une mère pourrait ne pas vous aimer. Pire, même, vouloir vous rejeter ou vous vendre à vos ennemis.

« C’était un sensitif que j’avais déjà vu, finit-elle par avouer à voix basse. Celui qui m’avait sauvée la vie, sur Coruscant. Il avait depuis disparu, mais il est revenu plus… Moins fiable. C’est lui qui m’a attaquée. »

On progressait. Le sensitif qui lui avait sauvé la vie, donc, c’était… Mince… Ah oui, le neveu du grognon disparu ! Cade Skywalker. Voilà, c’était ça. Belle ironie de l’Histoire, il venait, la sauvait, puis disparaissait, avant de revenir de nouveau mais cette fois en agresseur. Ewime soupira longuement, décroisant les bras, avec une grande inspiration, ensuite, pour se calmer. On avançait, petit à petit. Il fallait du temps mais on avançait ! Elle la fit se relever, jugeant cette fois la robe d’un coup d’œil critique, avant de lui dire de l’enlever pour lui en faire essayer une autre. Tâcher de ne plus hurler, maintenant, ils étaient dans une base militaire, Ewime ne voulait pas alerter tout le monde simplement à cause d’une perte de sang-froid.

« Si ce n’est pas le même homme que celui de Coruscant, je ne vois pas ce qui t’empêchait d’en parler. Bien au contraire, si c’est un Sith, il doit être surveillé, contrôlé, à défaut de pouvoir être arrêté. Tu sais aussi bien que moi à quel point c’est important ! Et tu iras en parler toi-même à ton père, jeune fille. »

Le tout sur un ton qui n’admettait aucune discussion. C’était elle qui avait vécu cette affaire et donc elle qui pourra donner les détails nécessaires, le cas échéant. Tout en parlant, elle lui fit enfiler une autre robe, celle-ci déjà plus jolie et plus adaptée à une fille de cet âge. Rester active, même pour si peu, l’aidait à se calmer, peu à peu, et à ne plus se laisser prendre à l’envie de crier.

« Une chose m’échappe, comment peux-tu seulement croire que, parce que tu viens d’un autre temps, ta famille peut ne pas être attachée à toi ? Pourquoi penses-tu que ça peut jouer à ce point ? Est-ce que je t’ai déjà repoussée ? Ou ton oncle ? Ou Thrawn ? Ou même Thrass tiens, c’était bien avec lui que tu étais à un moment, avant cette affaire ! Fessa… J’espère que tu n’as quand même pas peur de ta propre famille ? »

Soudainement, Ewime avait un très gros doute et espérait que ce ne soit pas…

Mmh… Elle s’était enfoncée un peu plus, c’est ça ? Se relevant sans rien dire, et sans oser en rajouter, elle ôté la robe comme le lui dit sa mère, avec un peu de difficultés pour se débarrasser de ce tas de tissu. Des gestes presque mécaniques, savoir comment elle était habillée n’avait aucune importance, présentement, elle se souciait de plus de savoir si elle n’avait pas trop blessé Ewime. Elle n’avait juste pas pensé que ça pourrait la faire réagir de cette façon ! Même si, avec un peu de recul, ça sonnait comme une pure évidence. Elle était désolée… Comment se rattraper, maintenant ? Là encore, pas d’expérience dans ce domaine… Elle s’était bien évidemment déjà disputée avec son oncle mais ne se souvenait en revanche pas de s’être retrouvée dans une situation pareille avec lui. A moins qu’il le lui ait caché ? Difficile à croire, elle s’en serait aperçue.

– Si ce n’est pas le même homme que celui de Coruscant, je ne vois pas ce qui t’empêchait d’en parler. Bien au contraire, si c’est un Sith, il doit être surveillé, contrôlé, à défaut de pouvoir être arrêté. Tu sais aussi bien que moi à quel point c’est important ! Et tu iras en parler toi-même à ton père, jeune fille.

– Mais…

Feesa s’interrompit net en voyant son expression, la gorge soudain plus serrée, puis recevant la seconde robe dans les bras avec un temps de retard. Elle voulait, elle voulait que… Mais… Elle n’allait quand même pas aller le retrouver pour ça, en plus, il devait avoir du travail, plein de choses à faire et elle ne savait quoi, ne connaissant pas le travail d’un soldat haut gradé. Il n’aura certainement pas le temps ! Ou bien il l’aura précisément à ce moment et elle se retrouvera comme une idiote à chercher ses mots. Déjà qu’elle avait encore du mal à associer « Thrawn » et « Père » dans une seule et même phrase… Quoi que ça pourrait être bien pire, maintenant qu’elle y songeait, elle n’était pas à la place de Luke, après tout. Une pensée un peu réconfortante, en matière de famille, il y avait toujours quelqu’un qui avait remporté la palme d’avoir les pires ennuis avec. Par contre, ça n’empêchait pas qu’on pouvait avoir du mal à composer avec ou trouver la meilleure façon de s’y prendre.

– Une chose m’échappe, comment peux-tu seulement croire que, parce que tu viens d’un autre temps, ta famille peut ne pas être attachée à toi ? Pourquoi penses-tu que ça peut jouer à ce point ? Est-ce que je t’ai déjà repoussée ? Ou ton oncle ? Ou Thrawn ? Ou même Thrass tiens, c’était bien avec lui que tu étais à un moment, avant cette affaire ! Fessa… J’espère que tu n’as quand même pas peur de ta propre famille ?

– Non ! Bien sûr que non ! Je, j’ai…

Elle ne voulait pas surtout pas lui faire croire qu’elle ne l’aimait pas ou la blesser ! Ce n’était même pas le problème des failles, en plus, ça venait d’autre chose, de beaucoup plus basique. Lorsqu’elle en avait parlé à Thrass, elle ignorait encore qu’ils étaient reliés, d’une façon ou d’une autre, il était alors simplement, à ses yeux, un des repères qu’elle pouvait avoir dans la Rébellion, quelqu’un de son peuple qui connaissait la même chose qu’elle avec les failles et la Force, avec qui elle pouvait parler, rien de plus, rien de moins. Feesa se retourna complètement vers sa mère, à moitie habillée, laissant retomber les pans de tissu sur le côté sans s’en préoccuper.

– J’ai grandi sans vous, dans un monde très différent. Enfant, je me suis fait des dizaines de films sur toi et papa, comment vous pouviez être, ce que la vie aurait été si vous étiez toujours là. J’ai juste eu… peur de confronter ça à la réalité, peur que… Ne crie pas, mais que, finalement, que vous n’alliez pas… Enfin, d’être rejetée. Et peur, en m’attachant à toi, de tout perdre une seconde fois. De ne rien pouvoir empêcher.

Elle n’allait pas crier de nouveau, hein ? Ça, c’était ce qu’elle avait d’abord ressenti pour elle. Pour Thrawn, le blocage venait encore… d’ailleurs… Il y avait une partie de ça aussi, évidemment, mais ce n’était pas tout, et elle se sentait gênée à la seule idée de lui en parler.