Souvenirs dans le froid

Un bruit différent résonnait dans le couloir, très léger, à peine perceptible, le bruit d’une respiration plus hiératique que d’ordinaire. C’était très fin… Comme si un petit accro s’était glissé dans la trachée, bloquant avec légèreté un passage déjà étroit, pourtant assez pour dévoiler une faiblesse. Un bruit pouvant paraître insignifiant, mais qui faisait partie de ces tonalités agréables aux oreilles du seigneur Sith. Tous les signes montrant la souffrance, l’anormalité et les soucis d’un corps lui étaient agréables, même lorsqu’ils étaient insignifiants. Les ignares ne pouvaient comprendre ça, ils ignoraient tout des signes avant-coureurs et de ce qu’il fallait guetter, afin de suivre l’évolution d’un corps. Penché au-dessus avec délicatesse, à tester les points nerveux, avant de les serrer dans une poigne de fer…

Plagueis passa doucement le bout de la langue sur ses lèvres, un très large sourire au visage, tandis qu’il était allongé sur la couchette, bras derrière la tête en guise d’oreiller. Une cellule minuscule, froide, au fin fond de la galaxie, gardé par un peuple tout aussi froid aux yeux de sang, comme son avant-dernière petite proie câline et personnelle. Ils avaient eu l’intelligence de ne pas le mettre à mort, cette fois-ci, ils avaient plus de self-contrôle que l’adorable princesse d’Alderaan. Gardé en permanence, comme par crainte qu’il ne s’échappe, un boulot peu glorieux et ennuyant, pour ces gardes. Allez savoir pourquoi c’était ce peuple qui avait récupéré sa garde… Peut-être parce qu’il avait énervé l’amiral bleu en blanc en s’en prenant à son petit protégé ? Il devrait s’estimer chanceux que le Sith n’ait guère eut le temps d’aller au bout de son affaire avec lui.

Il avait aussi dû leur donner deux ou trois de ses lézards antiforce, car Plagueis était entièrement coupé de la Force depuis son arrivée ici, il y a quelques mois. Curieusement, il en s’en retrouvait presque… Apaisé… Loin d’elle, il ne ressentait plus la même envie de la frapper en plein cœur, de la déchirer, l’atteindre, la détruire. Comme si une part brûlante de sa folie s’était enfin effacée, peu à peu, au fil des semaines. Il se sentait plus reposé, somme toute, l’esprit en paix pour la première fois depuis bien longtemps… Un état qui était aussi dû à son bonheur d’avoir accompli sa plus grande œuvre. Sa maladie, rêvée si longtemps, travaillée avec soin plus d’une année entière, et finalement lancée. Nul besoin d’avoir pu suivre sa progression pour savoir qu’elle avait su commettre des ravages, à travers la galaxie. Elle était son chef-d’œuvre.

Ses journées étaient aussi dédiées à rêver à ses cobayes favoris. Nazénie, tout d’abord, bien sûr. La toute première cobaye qui avait eu l’honneur de tester les premières ébauches de ce qui deviendra bien plus tard le virus de la pandémie. Par la Force, ce qu’il avait aimé travailler sur elle ! Elle avait résisté si longtemps, avant d’être emportée par la mort. Puis il y avait eu Alek, bien sûr. Et tant d’autres par la suite… Jedis comme Siths, simples soldats, civils capturés au hasard. Il avait pu empoisonner Luke physiquement, Leia mentalement, son fils adoré également, avant de le tuer. Travailler sur la petite Chiss qui lui était tombée du ciel, puis sur son petit soldat qui avait cru pouvoir se défendre avec un simple blaster. Ses braves cobayes, tous différents les uns des autres… Finalement, Nazénie et Eli étaient ceux qui avaient pris le plus cher. La première et le dernier de sa liste, douce ironie du sort.

Il sourit de plus belle en songeant à eux deux, les yeux fermés. Ils lui manquaient. Nazénie était morte depuis longtemps, en revanche, son autre petit sujet d’expérience avait dû garder lui aussi un bon souvenir de lui…