Liens entre frère et soeur

Quelques jours de repos, se lever tard pour une fois, tâcher de se détendre… C’était la première fois depuis bien longtemps que l’Aristocra n’était pas debout aux aurores, le jour était venu depuis longtemps et il était toujours dans son lit, à moitié somnolent, son épouse blottie contre lui, encore profondément endormie. Tendant doucement une main, pour ne pas la réveiller, Formbi écarta quelques mèches pour mieux détailler son visage, écoutant le souffle doux de sa respiration. La voir ainsi endormie, peau à peau, en toute quiétude et intimité, lui laissait encore un goût à la fois étrange et très doux. Habitué à dormir seul depuis des dizaines d’années, ce brusque changement le déroutait un peu, même s’il en était heureux. Quant à la nuit passée ensemble… Elle avait déjà été mariée une fois et avait clairement plus d’expérience que lui, sur le sujet, de très loin.

Il se détacha très doucement d’elle, pour ne pas la déranger, puis se leva enfin, avant d’aller dans la salle de bain, se préparer pour la journée. Le mariage avait été organisé dans les règles, la cérémonie, le bal, tout s’était passé comme cela devait l’être. L’union n’avait été consommée qu’après ces procédures très officielles, comme il se doit, dans le respect des traditions. Mais quelques grains de sable étaient venus gripper la machine, certaines questions restaient en suspens, il avait besoin de réponses. A commencer par une des questions les plus essentielles, comprendre ce que était arrivé, exactement, à sa petite sœur. Enfin… Formbi grimaça, sous la douche, en songeant à l’hypothèse qui lui avait traversé l’esprit. La pire de toute, même s’il s’agissait aussi de la plus logique et évidente. En sortant de la douche et se séchant, il fit un effort considérable pour rester parfaitement serein.

Cependant, il avait beau faire, toutes ses résolutions fondaient déjà comme neige au soleil. Il avait cru s’être bien préparé, pourtant ! Il s’était exercé, il y avait déjà pas mal réfléchi, il s’était promis de faire un effort si tout ça se concrétisait, si jour, il se trouvait que sa petite sœur attende bel et bien un enfant de ce… Ce… L’idée lui fit froid dans le dos. Alors oui, il le savait déjà, pourtant, Feesa était bien là, elle était née ! Mais au fond de lui, Formbi espérait encore qu’elle soit la fille d’un autre, d’un autre homme, n’importe qui ferait mieux l’affaire. Il sortait de la salle de bain au moment où Namia se réveillait à son tour et vint s’asseoir près d’elle, au bord du lit, pour l’embrasser longuement. Voilà comment les choses devaient se dérouler… Un mariage convenu, entre deux êtres se ressemblant, afin de fonder un foyer aussi stable qu’heureux.

– Tu es tendu, finit par soupirer Namia. Tu sais que tu ne dois pas t’emporter ? Ce sera pire, sinon.

– Mmh..

Vouloir rester parfaitement calme, c’était une chose. L’accomplir, s’en était une autre. Sur des sujets aussi sensibles, et concernant une personne qu’il aimait tant, Formbi savait très bien qu’il ne réussira sans doute pas à garder son sang-froid. Il passa le reste de la matinée et le déjeuner avec sa femme, pensant à autre chose, sentant qu’elle faisait aussi tout son possible pour le détendre au maximum. En début d’après-midi, en quittant son domicile pour rejoindre la maison où vivait sa sœur sur Csilla, il fit aussi beaucoup d’efforts pour s‘éclaircir l’esprit, ne pas s’attarder sur des points irrationnels mais causant toujours sa colère. En arrivant, il essaya même de sourire, passant les salutation d’usage avec un peu plus de peine que d’habitude. Bien. Donc… Il ne pouvait pas s’empêcher de la détailler, alors que ça n’avait de toute façon aucune chance de se voir si tôt, si c’était bien ça.

– S’il te plaît, préviens-moi, même très rapidement, si tu dois « disparaître » de nouveau, comme au mariage. Même si tu ne veux pas rentrer immédiatement dans les détails. Je me suis fait un sang d’encre, en ne te voyant plus nulle part.

Et encore, ça, c’était la partie facile, il se faisait bien plus de soucis concernant la suite et toutes les conséquences que ça allait avoir. Tourné vers elle, il la regarda, encore, de la tête aux pieds, priant encore pour qu’elle lui réponde un « Non » très ferme.

– Tu attends un enfant… ? De ce sal… De « lui » ?

Une bonne partie de la nuit et de la matinée s’était faite au-dessus des toilettes, avec les nausées, parfois vomir un peu. Ça ne voulait pas s’arrêter. Ewime ne se souvenait pas d’avoir été aussi malade, même avec les « crises » survenant à cause de sa maladie héréditaire, ça ne se passait pas comme ça. Fatiguée, stressée, énervée de ne pas réussir à se ressaisir, elle commençait à regretter d’avoir accepté de parler si tôt avec son frère. Le manque de sommeil, même sur une courte période, avait toujours eu des effets très négatifs sur son humeur… Encore plus si elle était malade. Mais là, elle n’était pas malade, par contre, les symptômes étaient bien là. Par terre sur le carrelage, encore en chemise de nuit, avec un peignoir mal fermé sur le dos, près des toilettes de la salle de bain, « coiffée » à l’arrache, avec juste un élastique ne retenant même pas tous ses cheveux. Et puis peu importe, elle ne comptait pas sortir tout de suite, de toute façon ! Pas malade, ouais… Au moins, malade, elle savait à peu près à quoi s’attendre. Ici, c’était comme si une force étrangère lui avait retourné l’estomac et donnait des coups de pieds dedans en continu.

Elle avait dû passer une heure de plus dans la salle de bain, lorsque la sonnette retentit. Oui, elle venait… Qui c’était, cette fois ? En allant ouvrir, elle se souvint que Formbi devait passer la voir, cet après-midi, lui ouvrant avant de refermer un peu brusquement. Comme une parfaite idiote, elle avait accepté qu’ils se voient en privé très vite, oubliant le léger « détail » des nausées. Et n’ayant absolument pas pensé que ça, conjugué au reste, allait l’empêcher de dormir. Des centaines de questions lui avaient tourné en boucle dans les pensées, impossible de s’endormir. Ewime lui rendit quand même son salut, un rapide bisou sur la joue, avant de refermer correctement son peignoir. Oui, oui, elle aurait dû l’avertir, mais non, en plein mariage, comme ça… ce n’était pas le bon moment. Marmonnant une très vague réponse qui n’engageait à rien, elle alla s’asseoir dans un petit fauteuil. Ou plutôt, se laissa tomber dedans sans plus aucune considération pour les bonnes manières. Pas le bon jour pour elles non plus ! Quand les vagues de nausées seront passées, elle y repensera, en attendant, personne n’avait intérêt à lui faire la moindre remarque sur le sujet.

« Tu attends un enfant… ? De ce sal… De « lui » ? »

« Si tu continues à toujours l’insulter et à ne jamais l’appeler par son nom, je te jure que je ne reviendrais plus jamais sur Csilla ! »

Ton sec, mais sans hurler, parce que la nausée était revenue pile au même moment et qu’elle n’avait pas eu la force de monter le ton. La jeune femme plaqua la main contre s abouche et détourna la tête, fermant un instant les yeux en attendant que ça passe. Son grand frère savait parfaitement qu’il ne fallait pas l’agacer lorsqu’elle était en manque de sommeil, pourtant ! Ça ne se voyait pas assez ? Lorsqu’elle en prenait pas la peine de s’habiller et se coiffer décemment, c’était un signe qui ne trompait pas.

« Oui, selon mes analyses, j’attends un enfant. Et oui, le père de ce bébé est l’homme que tu détestes le plus dans cette galaxie. Oui, il est déjà au courant, je lui ai envoyé un message. Non, personne d’autre ne sait, sauf Veeren et son mari. Et Thrass. Non, ce n’était pas prévu, c’est arrivé comme ça et je ne regrette rien, même si ça soulève pas mal de questions. Quoi d’autre, voyooons… Arrête de reluquer mon ventre, ça ne va pas se voir avant des semaines ! »

Ou des jours, ou dans un mois, ou deux, elle n’en savait rien et ce détail ne la souciait absolument pas. Tout ce qui lui importait, c’était que les nausées s’arrêtent et qu’elle puisse dormiiiir… Juste deux nuits et deux jours sans réussir à fermer l’œil, c’était suffisant pour lui mettre les nerfs en boule.

« Qu’est-ce qui te gêne autant, de toute manière, la seule identité du père de ce bébé ? »

– Si tu continues à toujours l’insulter et à ne jamais l’appeler par son nom, je te jure que je ne reviendrais plus jamais sur Csilla !

D’accord, d’accord, c’est bon, ce n’était pas le sujet principal ! Il hocha la tête, tout en se retenant de ne pas lever les yeux au ciel avec un immense soupir. Sa sœur s’était installée dans un fauteuil, lui-même s’assit sur le bord du canapé, secouant un peu la tête en la regardant. Il s’était promis de rester calme mais c’était mal parti, on dirait bien… Et elle-même n’était clairement pas dans son état normal, renforçant d’autant plus ses soupçons. Ce n’était pas comme ça que ça devait se passer ! Même dans le cadre des relations spontanées, et non arrangées, il y avait des règles à suivre ! Comment s’en sortir, sinon ? Formbi prit une longue et légère inspiration, se forçant même à sourire, et ajouta qu’il n’était pas venu pour une simple dispute. Il comptait d’ailleurs aussi en parler à l’amiral, mais d’abord, il devra s’entraîner à le faire sans vouloir aussitôt le frapper.

– Oui, selon mes analyses, j’attends un enfant. Et oui, le père de ce bébé est l’homme que tu détestes le plus dans cette galaxie. Oui, il est déjà au courant, je lui ai envoyé un message. Non, personne d’autre ne sait, sauf Veeren et son mari. Et Thrass. Non, ce n’était pas prévu, c’est arrivé comme ça et je ne regrette rien, même si ça soulève pas mal de questions. Quoi d’autre, voyooons… Arrête de reluquer mon ventre, ça ne va pas se voir avant des semaines !

– Très bien…

Pires soupçons confirmés. Pas qu’elle attende un enfant mais que cet enfant ait ça comme père. Bon, donc… Ne pas s’énerver… Rester parfaitement serein, calme et détendu, il pouvait y arriver… Il pouvait très bien y arriver… Formbi soupira un peu, de lassitude, et se frotta les yeux, dépité. Veeren avait bien réagi, il devra penser à la remercier. En attendant, cette petite affaire soulevait pas mal de problèmes ! Pourquoi, bon sang, pourquoi rien ne devait se dérouler de manière normale depuis un an ou deux ?! Tout partait en vrille depuis que… Ah… Depuis que sa nièce d’un autre temps était arrivée dans celui-ci, en réalité. Il n’accusait pas Feesa mais son arrivée coïncidait à la perfection avec le début des problèmes dans la famille.

– Qu’est-ce qui te gêne autant, de toute manière, la seule identité du père de ce bébé ?

– Son état, plus encore que son identité. Qu’il soit dans l’armée impériale, dans la Flotte de Défense ou je ne sais quoi, ce n’est pas le problème principal. Le problème, Ewime… Le problème est que tu ni toi ni lui n’avez rien fait dans les règles ! Un couple stable doit se former avec l’aval des familles, et surtout, un couple sain ne peut pas se faire entre une femme de l’Ascendance et un homme exilé depuis des décennies. Une femme ne doit pas tomber enceinte avant son mariage et l’homme à l’origine de ça ne vaut rien, s’il ne prend même pas garde à son honneur.

Premier point. Et il l’avait dit sans hurler ! Même s’il était en colère et dégoûté, pour une fois, son ton était resté très lisse et égal. Même s’il entendait tout ce qui se chuchotait dans le dos de sa petite sœur, et pire, parfois ouvertement par certains de ses collègues, très précis, qui n’acceptaient pas la situation. Même si cet affront-là restait tout de même bien moins important que celui qu’avait osé accomplir Mitth’ras’safis. Cela dit, ce dernier avait une semi-excuse, étant donné qu’il n’était plus vraiment de cette galaxie, déjà mort une fois.

– Tu n’es pas mariée et tu attends un enfant d’un exilé. Réalises-tu au moins ce que les gens vont penser de toi, une fois que cela se saura ? Tu vas être isolée à ton tour ! Rien de tout ça n’est acceptable ! D’autant plus avec ta belle-famille, qui est encore moins acceptable que Thrawn. Un ex-Administrateur qui épouse et met enceinte une femme Humaine, et Jedi de surcroît, histoire d’en rajouter, c’est un affront de plus de s’y retrouver lié par la famille proche.

Thrass n’avait sûrement pas voulu tant cracher au visage des siens, mais les faits étaient là, comment les nier ? Sur le moment, Formbi l’avait défendu, parce qu’il ne supportait pas qu’on crache sur les enfants mais aussi parce que cet argument était brandi par son confrère Csapla pour prononcer l’exil de plus et qu’il ne pouvait que s’y opposer, étant donné que sa nièce était incluse dans le tas. Ce qui n’empêchait pas que leur ex-Administrateur avait tout à gagner à ne pas trop rester dans les environs.

– Tu ne dois pas oublier ton rang social, qui t’expose encore plus. As-tu au moins réfléchi à tout ça avant de t’engager ?

« Son état, plus encore que son identité. Qu’il soit dans l’armée impériale, dans la Flotte de Défense ou je ne sais quoi, ce n’est pas le problème principal. Le problème, Ewime… Le problème est que tu ni toi ni lui n’avez rien fait dans les règles ! Un couple stable doit se former avec l’aval des familles, et surtout, un couple sain ne peut pas se faire entre une femme de l’Ascendance et un homme exilé depuis des décennies. Une femme ne doit pas tomber enceinte avant son mariage et l’homme à l’origine de ça ne vaut rien, s’il ne prend même pas garde à son honneur. »

Les règles commençaient à l’agacer… Oui, Thrawn était exilé, oui, elle n’avait pas suivi le chemin classique imposé aux jeunes couples pour une union saine, avant le mariage, oui, elle était déjà enceinte, et elle ne parvenait pas pour autant à considérer ça comme grave. C’était comme ça, c’était arrivé, c’est tout ! Elle avait juste voulu… Pour une fois, une seule petit fois dans sa vie, ne pas se plier sans cesse aux règles et suivre ce qu’elle voulait faire, elle, pas ce que la société lui demandait de faire ! C’était un peu tard pour les leçons de morale, de toute façon ! Ewime ne comptait évidemment pas dire à Thrawn qu’elle le quittait et encore moins faire cesser cette grossesse. Ni faire adopter cet enfant une fois né, pour qu’il soit coupé de ses origines et vive « normalement ». Il était là, elle le gardait, il connaîtra ses deux parents et vivra avec eux, point final. Si cet enfant était bien Feesa, d’ailleurs, elle n’en sera que plus heureuse d’être là pour l’élever elle-même. En position fœtal, elle continuait de couver son frère d’un regard assez noir, bien décidée à prendre en main elle-même sa vie, pour une fois, et non pas se plier encore et toujours à ce que la société exigeait d’elle. Traditions ou pas traditions.

« Tu n’es pas mariée et tu attends un enfant d’un exilé. Réalises-tu au moins ce que les gens vont penser de toi, une fois que cela se saura ? Tu vas être isolée à ton tour ! Rien de tout ça n’est acceptable ! D’autant plus avec ta belle-famille, qui est encore moins acceptable que Thrawn. Un ex-Administrateur qui épouse et met enceinte une femme Humaine, et Jedi de surcroît, histoire d’en rajouter, c’est un affront de plus de s’y retrouver lié par la famille proche. »

Tiens, ça y est, Thrass avait finalement supplanté son frère, dans l’agacement qu’il pouvait provoquer ? Sur l’échelle du non-respect des traditions et des valeurs morales de l’Ascendance, il était moins grave d’attendre un enfant d’un exilé – mais bien Chiss – que de ne pas être Chiss mais humaine, Jedi et enceinte d’un homme de l’Ascendance ? Ewime éprouva d’un coup un fort sentiment de pitié pour Lorana… Elle n’avait absolument rien demandé à personne, était morte très jeune, avait passé son enfance avec un maître ignoble, et aujourd’hui, elle se mettait à dos le peuple de son futur mari simplement parce qu’elle attendait un enfant de lui, et ce alors qu’elle s’était mise aussi à dos les Humains et certains Rebelles, parce qu’elle faisait partie de l’Ordre Jedi. Une situation très saine et très agréable, surtout pour une femme qui devait en plus avoir des angoisses supplémentaires quant à la santé et le développement de son bébé, sachant qu’il était métis et que personne n’avait la moindre référence là-dessus. Ewime ne connaissait pas les rumeurs qui pouvaient courir sur leurs comptes, non… Ni sur elle, ni sur Lorana, ni sur Thrawn ou Thrass. Était-ce si important de les connaître ? Ce n’est pas ça qui changera sa vie, encore moins ses décisions.

« Tu ne dois pas oublier ton rang social, qui t’expose encore plus. As-tu au moins réfléchi à tout ça avant de t’engager ? »

A son rang social ? Non pas, une seule seconde, son frère devait déjà le savoir, n’est-ce pas ? Quant aux rumeurs, non plus, ça ne lui avait même pas effleuré l’esprit, pour ainsi dire ! Si elle commençait à s’interroger là-dessus, elle allait encore se laisser faire, une fois de plus. Une fois de trop.

« J’ai réfléchi au sens à donner à ma vie. Je sais que Feesa n’a jamais connu ses parents, Thrawn et moi allons mourir bientôt, si le schéma se reproduit dans cette époque. Je me suis demandée si j’allais me contenter d’attendre que ça arrive et rester sur Csilla à ne rien faire, sinon me plier aux traditions. Quitte à ne jamais rien faire, dans le cas où la maladie ne m’emporte pas, ici… Ou si j’allais essayer de suivre une autre voie. Travailler dans un domaine qui me plaît. Aimer qui je veux, sans m’occuper des traditions ou de la bonne démarche à suivre. »

Voilà, c’est tout. Rien de plus, rien de moins. C’était si compliqué à comprendre ?! Oui, Thrawn était exilé, et alors, que pouvait-elle y faire ? Si ça l’isolait… Elle tâchera de rester plus sur Nirauan, à ce moment, pour ne pas heurter les sensibilités de ceux très attachés aux traditions, tout simplement.

« C’est comme ça, de toute manière. Ignore donc les rumeurs, je ne ferai pas marche arrière. Encore moins abandonner autant Thrawn que ce bébé. Il est exilé, et ensuite, je n’y peux rien ! Mais je veux ce bébé, que ce soit Feesa ou non, connaisse ses deux parents. Je resterai pour de bon sur Nirauan s’il le faut. »

Ils n’en parlaient presque jamais, entre deux, et pourtant, une très grande partie du problème venait bien de là, la maladie de sa jeune sœur. Elle tenait avec un traitement quotidien, oui, mais pour combien de temps encore ? Formbi s’angoissait chaque jour pour ça, s’angoissait chaque jour, sachant que ce mal la rongeait toujours un peu plus de l’intérieur, sans qu’il ne puisse rien y faire de plus. Oui, il comprenait très bien qu’elle veuille vivre sa vie autant que possible, avant que ce soit ne trop tard, mais pas en gâchant au passage les amitiés qu’elle avait noué ou la vie qu’elle s’était construite ! Voulait-elle finir seule, sur Nirauan, avec un compagnon qu’elle ne verra qu’à peine car il était sans cesse parti en missions militaires ? Ou bien pouvoir passer le plus de temps possible avec ses proches, dans l’Ascendance, en profiter pleinement avant que ce ne soit la fin ?

L’Aristocra savait depuis longtemps qu’ils risquaient d’en arriver là, à une situation impossible, une équation qu’il se sentait incapable de résoudre. A un moment où il devra choisir lui-même entre suivre sa ligne de conduite, suivre sa voie et son travail, en devant accepter de laisser de côté sa famille de sang, ou bien changer, accepter de briser certaines traditions, tout faire pour ne pas perdre sa famille proche ou la voir s’éloigner, quitte à renier une partie de ses anciennes décisions. Il ne devait pas se laisser guider par ses sentiments, les lois étaient les lois, il le savait, il les appliquait depuis toujours. Mais la famille était la famille… Perdre la sienne le rendrait fou, définitivement.

– C’est comme ça, de toute manière. Ignore donc les rumeurs, je ne ferai pas marche arrière. Encore moins abandonner autant Thrawn que ce bébé. Il est exilé, et ensuite, je n’y peux rien ! Mais je veux que ce bébé, que ce soit Feesa ou non, connaisse ses deux parents. Je resterai pour de bon sur Nirauan s’il le faut.

Elle pourrait être exilée, elle aussi, si jamais il s’apprenait que Thrawn était bel et bien le père de ce bébé. Même si on apprenait qu’il était aussi celui de Feesa. Formbi refusait tout net d’admettre cette possibilité et encore moins de la laisser faire. Les yeux fermés, dans un silence parfait, il luttait contre lui-même, cette fois pas pour garder son calme mais pour faire le tri, envisager toutes les solutions dont il disposait. Le problème était que même s’ils cachaient la paternité, il ne fallait pas être un grand génie pour comprendre pourquoi Ewime restait tout de même loin, sur Nirauan, alors même que personne ne l’avait jamais vue au bras d’un homme, alors même qu’elle n’était pas mariée. La grossesse se verra, tôt ou tard, qu’elle reste ici le plus possible ou non. Tous les secrets s’éventaient, tôt ou tard.

Si seulement il avait su… Le jour où il avait demandé l’exil, contre Thrawn… Si seulement il avait su, que des années plus tard, lui et Ewime… Bon, très bien, le passé était le passé, ça ne faisait que parasiter le présent. Formbi rouvrit les yeux, laissant toujours le silence durer, contemplant un moment sa sœur. Pour lui éviter les ennuis, il faudrait qu’elle soit au bras d’un homme non exilé, mariée avant la naissance de cet enfant, ce serait encore mieux, et qu’elle accepte de faire dans les règles autant son mariage que sa vie. Pour ça, il faudrait faire rompre l’exil de Thrawn… Son visage pris une coloration bizarre, alors qu’il s’imaginait amener ce sujet au Conseil. Tout le monde saura qu’il agissait ainsi au seul motif de protéger sa petite sœur, jamais ça ne pourra passer !Mais s’il ne le faisait pas, il la perdait…

Il y avait aussi ce bébé qu’elle attendait. Même s’il n’était pour rien, dans cette affaire, il aura à en souffrir, si ses deux parents étaient exilés. Ou même simplement son père. Par la suite, si sa petite sœur et Thrawn mourraient tous les deux, sera-t-il pleinement accepté dans l’Ascendance, si Formbi l’adoptait ? Aura-t-il le même genre de vie qu’avait eu Feesa… ? Cette dernière avait vécu une majeure partie de sa vie ici, sur Nirauan, preuve s’il en fallait une qu’elle y avait été plus acceptée qu’ailleurs. Condamner les parents, les laisser au loin, c’était condamner ce bébé du même coup. Intolérable, une fois encore, puisqu’il s’agissait de son neveu ou sa nièce.

– Je dois…

Il s’interrompit avant de lancer « parler à Thrawn », parce qu’il n’était pas encore certain de ce genre de solutions. Parce qu’il ne voyait pas comment… Parce que… Sa sœur était très résolue, elle, alors que lui aurait voulu être confronté à n’importe quel autre choix plutôt que celui-ci.

– Je refuse que tu finisses exilée, toi aussi. Autant pour notre famille que pour l’avenir de ce bébé. Je pourrais essayer que ton compagnon ne… Qu’il puisse revenir…

Il avait littéralement dû s’arracher les mots de la bouche, pour réussir à le dire à haute voix. Le tout accompagné d’un long et violent frisson. Ne serait-ce qu’y penser lui faisait détester l’amiral encore plus, mais le bien de sa famille passait bien devant cette haine.

– Je doute que ce soit possible. Mais je lui en parlerai.

Un silence absolument parfait suivit sa réponse, alors qu’elle s’attendait à ce qu’il se mette à hurler. Au lieu de ça, il ferma les yeux, tête un peu baissée, sans plus lâcher un seul mot. Si Ewi fut très surprise, elle ne ne montra pas, se contentant de rester blottie dans le fauteuil sans trop bouger, attendant. Quand il tirait cette tête-là, c’est qu’il était plongé dans une réflexion difficile… Pourtant, il n’y avait rien de difficile là-dedans ! Puisqu’elle n’avait pas suivi les règles, ne pouvait pas les suivre, elle s’éloignera pour ne perturber personne. Voilà tout. C’était si si simple… La solution que Thrass avait choisi, lui aussi, la seule solution valable à ses yeux. Formbi pourra toujours venir la voir sur Nirauan. Quant à ses autres proches et amis, et bien… S’ils ne comprenaient pas son choix, elle apprendra à vivre en étant plus isolée. Mais Formbi l’inquiétait, d’un seul coup… Il avait une… tête bizarre… Moitié violet, avec une expression tordue… Elle pencha un peu la tête sur le côté, perplexe, en espérant qu’il n’était tout de même pas en train de lui faire une attaque. Ouh ouh ? Eh ! Il allait bien ?

« Je dois… »

Prendre l’air ? Respirer ? Crier ? Sortir ? Partir ? Se détendre ? Il n’allait pas faire une crise cardiaque, pas vrai ? Ewime bougea enfin, s’asseyant un peu mieux, prête à appeler les secours si jamais il s’effondrait sur place. Il pouvait bien accepter qu’elle fasse sa vie ailleurs, enfin loin de l’Ascendance s’il le fallait, tout de même.

« Je refuse que tu finisses exilée, toi aussi. Autant pour notre famille que pour l’avenir de ce bébé. Je pourrais essayer que ton compagnon ne… Qu’il puisse revenir… Je doute que ce soit possible. Mais je lui en parlerai. »

Il blaguait ?

Ou il avait pris un sale coup sur la tête… ?

Elle le fixa une bonne minute, prête à l’entendre s’écrire « C’est une blague ! », ou bien à l’entendre dire qu’il ne se sentait pas bien et ne savait même plus de quoi il parlait. Elle devait avoir des comprimés contre la fièvre, dans la salle de bain, s’il voulait. Non ? Une minute passa, puis une seconde, rien ne bougeait, il gardait toujours un air fermé, quoi qu’il avait prêt à vomir, et ce n’est que là qu’elle réalisa qu’il était sérieux. Il ferait ça pour elle … ? Bouche bée, elle ne sut pas quoi répondre, sur le moment, puis finit par marmonner que ce n’était pas possible. C’était lui qui avait demandé cet exil ! Si aujourd’hui il demandait à l’annuler, il lui faudra une excellente raison, et s’il apprenait que c’était juste pour elle… Rien que le dire à elle lui avait arraché une grimace torturée ! Comment ferait-il face à ses confrères ? En plus de ça, pourquoi serait-elle exilée alors que… Bon, peut-être certains n’apprécieraient-ils pas qu’elle soit enceinte de Thrawn, mais ils n’étaient pas obligé de savoir la vérité.

« Tu peux… lui en parler. Mais je ne pense pas que ça ait la moindre chance de passer, pour le Conseil des Familles. »

Pas sans avoir une autre raison que « Je fais ça pour le bien de ma sœur ». Ewi se leva, rabattit son peignoir contre elle pour mieux le rattacher, puis alla leur préparer un peu de thé, dans la cuisine. Boire quelque chose de chaud lui fera du bien, il avait des idées très… étranges. Elle n’avait pas envie de penser à un exil possible, ni montrer à son frère que ça lui donnait mal au cœur, mais elle ne voulait pas non plus se faire de fausses joies ou illusions. En ramenant les tasses et le thé sur la table, elle vérifia rapidement qu’il était toujours bien conscient et qu’il ne risquait pas de s’effondrer sur le tapis.

« Tout ce que je souhaite, pour ma part, c’est que tu puisses t’occuper de notre bébé, si jamais il nous arrive quelque chose, à Thrawn et moi. »

Formbi regrettait déjà ce qu’il venait de lâcher à sa sœur, qui en était d’ailleurs restée bouche bée, luttant toujours intérieurement. Cette idée le rendait littéralement malade, mais il ne voyait pas d’autre solution… Ou plutôt, il ne voyait pas une autre solution qui lui permettrait de ne pas voir sa sœur partir au loin à jamais ! S’il en trouvait une, il sauterait dessus, directement, si vite… Ewime finit par marmonner que ce n’était pas possible et il ne pouvait qu’être d’accord. Non, ça ne passera pas… Mais il devait essayer, pour elle et pour cet enfant. Essayer, au minimum, car il ne pouvait pas se contenter de la laisser partir sur Nirauan pour de bon, sans réagir, de la voir être coupée de tous ses proches et ses amis, de leur Famille. Ce serait se renier lui-même, il accordait autant d’importance à ses valeurs qu’à sa famille proche, on ne pouvait pas lui demander d’accepter gentiment de perdre l’une ou l’autre.

– Tu peux… lui en parler. Mais je ne pense pas que ça ait la moindre chance de passer, pour le Conseil des Familles.

Elle se leva ensuite, pour aller faire du thé, dans la cuisine, tandis qu’il relâchait un long et discret soupir. Elle avait raison, mais… Admettons qu’il n’en parle pas, ni au Conseil, ni à Thrawn, qu’il se résignait immédiatement, qu’est-ce cela donnera ? Sa sœur restera sur la base, là-bas, elle devra vivre sa grossesse quasiment seul, car on ne pouvait pas espérer que le père puisse être là,après tout. Une grimace de dédain lui vint, qui s’effaça alors qu’il imaginait sa sœur rester isolée alors qu’elle était enceinte. Si elle restait sur Csilla, on lui demandera qui était le père, pourquoi il n’était pas auprès d’elle, et en ne voulant pas répondre, elle attirera des soupçons, des rumeurs, au risque que la vérité finisse par être connue. Mais même en restant sur Nirauan, si des amis apprenaient sa grossesse, ils pourront aussi se douter de qui était le père de l’enfant.

Un marmonnement très agacé lui échappa, alors qu’il se laissait retomber contre le dossier du canapé, dans son dos. C’était insoluble ! Si on se contentait de dire qu’on ignorait l’identité du père, sa sœur allait passer pour une traînée qui couchait avec n’importe qui, ce qui était encore pire que le reste ! Être en couple avec un exilé, tant que c’était discret, ça pouvait encore passer, mais attendre un enfant… Là, c’était complètement différent. Sa sœur revint avec du thé, des tasses et des cuillères, posant le tout sur la petite table du salon, face à eux. Merci… Pas soif… Envie de rien… Il prit quand même une des deux tasses, pour se donner contenance.

– Tout ce que je souhaite, pour ma part, c’est que tu puisses t’occuper de notre bébé, si jamais il nous arrive quelque chose, à Thrawn et moi.

– Tu sais déjà que je le ferai, bien évidemment.

Quoi qu’il arrive, rien ne sera de la faute de ce bébé. Peu importe s’il n’aimait pas son père, il prendra soin de lui si jamais ce petit perdait ses parents. Visiblement, il avait dû élever Feesa… Il se savait donc capable de s’occuper correctement d’un enfant, quand bien même il lui arrivait d’en douter. Boire un peu de thé l’aida à se calmer, quoi qu’il avait toujours l’esprit très troublé par cette affaire. Finalement, Thrass était plus « tranquille », lui, il était parti avec sa femme et cette dernière ne sera pas isolée le temps de sa grossesse. Enfin, sa femme, ils n’étaient pas encore mariés.

– Si tu passes ta grossesse sur Nirauan, je veux qu’il y ait au moins une personne qui puisse veiller sur toi, là-bas. Pas tous les jours à venir te voir si tu n’en as pas envie, mais qui soit sur place, qui puisse être là si tu en as besoin ou si… Enfin, si tu ne te sens pas bien, à cause de ta maladie.

Car lui-même ne pourra pas être là comme il le voudrait, ayant un travail prenant. Si elle avait au moins une personne auprès d’elle, il serait rassuré… Vu qu’il n’accordait aucune confiance à Thrawn pour être capable d’être présent au bon moment.

– Ton amiral pourrait au moins demander à une personne, sur cette base, de veiller sur toi.

« Tu sais déjà que je le ferai, bien évidemment. »

Oui, elle avait néanmoins besoin de l’entendre le confirmer à haute voix. Pas par manque de confiance envers son frère, mais simplement parce que cela la rassurait. Que l’avenir de cet enfant soit en partie assuré, au moins le fait qu’il puisse grandir dans un endroit parfaitement sécurisé, jusqu’au jour où il volera de ses propres ailes. Difficile, en revanche, de vraiment assurer la sécurité de son fils ou de sa fille une fois que ce dernier filait loin de vous pour mener sa propre vie, le rôle de parent avait ses limites et ces limites étaient les volontés des enfants à prendre leurs propres risques pour avancer. Ewime se rassit, cette fois en tailleur dans le creux du fauteuil et tant pis pour les bonnes manières, puis ajouta un peu plus de thé dans sa tasse. Maintenant qu’elle y songeait, quelles étaient les boissons ou aliments déconseillés, voire interdits, lorsqu’on attendait un enfant ? Il devait bien y avoir des aliments plus nocifs pour le développement d’un bébé, elle devra se rendre à la bibliothèque pour se renseigner sur le sujet. Ou demander à Veeren elle avait déjà eu trois enfants et attendait le quatrième, c’était bien un domaine qu’elle devait bien maîtriser.

« Si tu passes ta grossesse sur Nirauan, je veux qu’il y ait au moins une personne qui puisse veiller sur toi, là-bas. Pas tous les jours à venir te voir si tu n’en as pas envie, mais qui soit sur place, qui puisse être là si tu en as besoin ou si… Enfin, si tu ne te sens pas bien, à cause de ta maladie. »

Il n’arrivait pas à imaginer Thrawn être capable de le faire, même lorsqu’il sera présent, c’était ça ? Ce que son frère ajouta ensuite le lui confirma, aussitôt, et elle retint un sourire avec un peu de peine. Ils ne s’entendront jamais… C’était dommage, car la source de leur conflit remontait à loin, à présent, beaucoup de choses s’étaient écoulées depuis. Par ailleurs, l’amiral en question allait être le père de son futur neveu, Formbi devrait donc faire un petit effort, ne serait-ce que pour ce bébé. Ewime ne lui demandait pas d’être ami avec, elle savait très bien que ce sera une mission impossible, mais au moins de ne plus lui jeter des regards dégoûtés en permanence dès qu’ils se trouvaient dans la même pièce. Ce n’est pas comme s’ils risquaient de se croiser très souvent.

« Il y a du monde en permanence, sur la base, je ne pense pas être isolée, de toute façon. Ce sera mieux que je reste là-bas, au moins en partie, pour la grossesse. Personne ne me posera de questions, sur qui est le père ou pourquoi je reste à vivre seule. Les Humains ne sont pas autant stressés sur ce genre de sujets. »

Enfin, elle ignorait s’ils approuvaient ou non la situation, mais elle en avait déjà entendu dire que ça arrivait, ce n’était pas très joyeux mais c’était comme ça. En revanche, Ewime avait beaucoup de mal à comprendre leur concept « d’accident », pour les grosses imprévues ou non désirées. Alors, oui, ce n’était pas très glorieux, mais un accident ? Qualifier un bébé de ça, c’était vraiment horrible, à ses yeux. Elle but un peu de thé, puis reposa la tasse, pas encore assez infusé à son goût. Elle sourit à son grand frère et lui répéta, une fois de plus, de ne pas trop s’inquiéter. Pour le moment, ça ne se voyait absolument pas ! Elle était fatiguée, un peu angoissée, les nausées ne voulaient pas encore stopper, mais au moins, personne n’était au courant à part Veeren, dans le coin. Tout allait très bien, autrement. Il y avait aussi le docteur, à l’hôpital, mais Ewime ne croyait pas qu’il allait répéter ça partout, c’était une affaire privée et il y avait le secret médical.

« Tu pourrais aussi… essayer de te résigner un peu. Tout ne peut pas toujours se passer comme on le souhaite. Je suis touchée que tu tiennes comme ça à moi, par contre, ça ne vaut pas la peine pour autant de se rendre malade ou de menacer ta propre position. Je vais m’en sortir, tout ira bien. »

– Il y a du monde en permanence, sur la base, je ne pense pas être isolée, de toute façon. Ce sera mieux que je reste là-bas, au moins en partie, pour la grossesse. Personne ne me posera de questions, sur qui est le père ou pourquoi je reste à vivre seule. Les Humains ne sont pas autant stressés sur ce genre de sujets.

Mouais… Formbi haussa vaguement les épaules, puis souffla un peu sur son thé avant de boire, complètement dépité. Elle lui répéta encore de ne pas s’inquiéter, avec un sourire, une phrase ne risquant pas de changer quoi que se soit à l’état d’esprit de son aîné. Il ne savait pas pour encore combien de temps ils allaient rester comme ça, en sursis, avant que la vérité ne s’apprenne et que les ennuis n’arrivent. Formbi plissa les yeux, en se massant un petit instant le front. Que pouvait-il faire, de son côté, pour que jamais l’identité du père ne soit connue ? Il y avait peu de Chiss, sur Nirauan, si leurs familles leur posaient à un moment la question, tous diraient qu’ils n’avaient rien à voir avec ça. Il n’y en a qu’un qu’ils ne pourront pas interroger… Les yeux fermés, il but lentement la boisson encore très chaude, plongé dans ses pensées et ses nombreux doutes.

– Tu pourrais aussi… essayer de te résigner un peu. Tout ne peut pas toujours se passer comme on le souhaite. Je suis touchée que tu tiennes comme ça à moi, par contre, ça ne vaut pas la peine pour autant de se rendre malade ou de menacer ta propre position. Je vais m’en sortir, tout ira bien.

Une vive brûlure le saisit à la gorge lorsque l’Aristocra s’étouffa en avalant le thé et en le recrachant à moitié. Il toussa trois bonnes minutes en luttant pour reprendre son souffle, alors que son cerveau peinait à accepter que sa sœur lui ait vraiment dit de la laisser tomber et se résigner. Elle, elle, elle… ! Il pointa le doigt sur elle, toussant toujours dans son autre main, puis prit finalement d’abord le temps de bien respirer.

– Tu crois ça, toi, siffla-t-il enfin. Bien sûr, je vais t’abandonner sur Nirauan et tâcher d’oublier !

Il essuya avec un bout de papier le thé renversé sur lui, toute à l’heure, tout en marmonnant entre ses dents que ce n’était tout de même pas croyable d’entendre des choses pareilles. Lui, laisser tomber sa propre famille ou bien ignorer si elle avait des problèmes, bien sûr, comme si c’était concevable ! C’était stupide… Il secoua la tête avec un long soupir, puis essuya aussi le thé qu’il avait fait tomber sur la petite table de salon. Comme si la brûlure l’avait réveillé, il se souvint au même moment qu’il ne pouvait pas non plus trop tarder car une réunion devait se tenir, au Parlement, pour « l’affaire Jedi », comme certains l’appelaient, très bientôt. Une affaire qui avait le mérite d’être une diversion parfaite.

– Je ne sais pas encore comment tout ça va se passer, comment faire pour… Il faut y réfléchir. Mais je ne veux pas, et je ne pourrai pas, me résigner si facilement.

Il alla jeter le papier à la poubelle, puis embrassa sa sœur sur le front, avant de la serrer longuement dans ses bras pour lui dire au revoir. Il devait rentrer se changer rapidement, avant la réunion, puis rejoindre le Parlement. Mais il reviendra la voir avant qu’elle ne s’en aille, c’était promis…