Sortie entre femmes

L’avantage du voyage entre Nirauan et Csilla était sa longueur, ça restait un trajet facile à faire et qui ne prenait pas plusieurs jours. Pratique, lorsqu’elle devait retourner là-bas pour quelques affaires, privées ou non. Pour le coup, c’était plutôt une affaire privée, un peu de détente, entre femmes uniquement. Avec sa belle-sœur mais aussi avec Tayla. Pour cette dernière, Ewime pensait surtout que ça lui fera autant de bien de sortir un peu que de voir des aspects plus communs, plus classiques, du quotidien, dans leur société, ça l’aidera à s’intégrer. Entendre la langue, la vraie langue telle qu’elle était parlée, plutôt que se contenter de l’apprendre dans un livre, voire la vie telle qu’elle était réellement. Des moments comme ça étaient très utiles, pour mieux comprendre la société dans laquelle on devait évoluer. Elles venaient de se retrouver, chez Namia, et se préparaient pour leur sortie. Actuellement, Ewime tâchait surtout de bien attacher, en un chignon serré, ses cheveux pour ne pas être gênée ensuite. Chaussures plates, robe classique, peu serrée à cause de son ventre, léger maquillage et ce sera bon.

Elle appela Namia, dans la pièce d’à côté, pour qu’elle lui donne aussi son avis, si ça lui semblait bien. En public, et surtout dans la capitale pour être parfaitement honnête, Ewime prenait plus soin de son apparence qu’elle ne s’en souciait ailleurs. Dans cette ville, le respect du statut social et des codes l’accompagnant, comme la tenue, était très important. Il y avait une manière bien précise de s’habiller et de se coiffer, autant pour les hommes que pour les femmes, des codes définis, mais qui n’étaient pas les mêmes dans toutes les villes et sur toutes les planètes de l’Ascendance. Quant à Nirauan, par bonheur, ces codes n‘existaient pas, ça lui permettait de souffler. Bref, une fois prête, elle enfila une veste légère, par-dessus sa robe, pour ne pas voir trop chaud. Il faisait tout de même dix degrés, cet après-midi, très chaud pour la saison. Premier objectif, se rendre au centre-ville, là où se trouvaient les boutiques qu’on leur avait conseillé. Elles voulaient trouver des tenues pour leurs futurs enfants, quelques accessoires de puériculture aussi, et si possible, Ewime aimerait bien inciter Tayla à porter des tenues plus… féminines. Sans vouloir être moqueuse ou vexante, elle s’habillait comme un homme.

La première boutique où elles se rendaient était une des plus grandes, spécialement tournée vers les mères-enfants. Dans une rue légèrement incurvée, piétonne uniquement, dans une zone plutôt commerciale et animée, en journée. Beaucoup de petites boutiques et quelques unes plus grandes, pour la plupart spécialisées d’ailleurs. Vêtements, accessoires du quotidien, meubles, électronique, dans des tons majoritairement gris et blancs. A cette heure, il y avait un peu moins de monde, mais ça n’empêchait évidemment pas les passants de dévisager Tayla, plus ou moins discrètement, à leur passage. Ewime lui adressa un petit sourire et lui dit en Sy Bisti de ne pas prêter attention à ça. Les gens ici avaient juste trop peu l’habitude de voir des étrangers, ce n’était que pour ça qu’ils pouvaient la fixer un moment avant de détourner le regard. Pas de panique, n’est-ce pas. Elles se dirigèrent d’abord vers les rayons dédiés aux vêtement des nourrissons. Voilà un petit moment qu’elle mourrait d’envie de préparer les futurs tenues de son enfant, ça l’amusait déjà. Tout était si petit et mignon. Même s’il y avait quand même quelques petites choses qu’elle trouvait bizarre.

« Ils auront vraiment des pieds aussi petits ? Regardez-moi ça. »

Ces chaussons étaient si minuscules qu’elle rentrait à peine un doigt ou deux dedans, et pas en entier. C’était adorable, surprenant mais adorable. Des petits pulls et pyjamas en miniature, avec souvent des motifs d’animaux ou de plantes. Tayla aura en plus besoin de tout ça en double, en attendant des jumeaux. Ewime souriait juste à imaginer son bébé dans son petit pyjama vert pomme, à téter son biberon dans ses bras. Elle faisait aussi l’interprète, entre Tayla et Namia, comme la première ne comprenait encore que très peu leur langue et que la seconde ne parlait pas une autre langue que celle natale. Elle répétait ce qu’elle disait en Sy Bisti, à chaque fois, pour Tayla.

« Vous avez déjà préparé la chambre ou pas encore ? Il va falloir que je demande un peu d’aide, pour ça, comme je suis seule pour le moment. »

Devoir faire les boutiques. Quelle horreur… Si elle ne devait pas absolument s’y mettre pour trouver de quoi habiller ses futurs enfants, Tayla encore préféré s’enfermer à double-tour dans un placard durant des heures plutôt que ne poser ne serait-ce qu’un seul orteil dans ce magasin. Tout le monde la regardait, en plus… Elle baissa un pu la tête en entrant, avec Ewime et Namia, en espérant que ça lui permettra de passer un peu plus inaperçue. Comme si ça pouvait marcher. Pourtant, elle avait tout fait pour rester assez discrète, portant des vêtements très sobres, soit une tunique marron foncé, avec une veste, et un pantalon noir. Elle avait laissé ses longs cheveux blonds détachés, pour une fois, pour cacher un peu son visage. Mais rien à faire, tout le monde la dévisageait quand même, c’était… dérangeant. Ewime lui dit tout à coup de ne pas y prêter attention, ce n’était que de la curiosité, ils voyaient trop peu d’étrangers.

Au moins, dans l’Empire, on ne lui avait prêté la moindre attention, si ce n’est pour les habituelles remarques sexistes ou misogynes, et ça lui allait très bien, il suffisait de ne pas se faire remarquer. Ici, on le dévisageait ouvertement, lorsqu’elle sortait. Ça la rendait vraiment mal à l’aise. Enfin, elle avait de toute façon perdu son pouvoir de transparence et de « je fais partie des meubles, ne faites pas attention à moi », depuis le jour où elle était arrivée dans la septième flotte. Et pire encore sur cette planète. Gloups. Bon, voyons le côté positif des choses, il y avait quand même quelques personnes qui venaient les entourer et les aider. Tayla connaissait déjà un petit peu Ewime avant, car elle l’avait rencontrée à la base de Nirauan. Namia était sa belle-sœur, donc, très bien. Seule, la jeune humaine n’aurait sans doute pas osé venir comme ça ici, même s’il le fallait bien.

Il faisait plus chaud, à l’intérieur de la boutique, par bonheur. Tayla marchait en essayant de ne pas croiser le regard de qui que ce soit, très peu détendue. Très bien, du calme, elle devait bien en passer par là, et puis, ça la faisait sortir un peu, après tout. Entendre la langue, tout cela… Elle repérait certains mots, maintenant, et s’habituait doucement à l’accent. Elles allèrent dans le rayon des vêtements pour bébés, dans un premier temps. En voyant tout ce qui était suspendu ou présenté sur des petits meubles, la jeune femme réalisa à quel point elle n’y connaissait rien. Elle ne savait même pas exactement combien de vêtements il fallait prévoir. Un peu perdue, elle glissa le doigt sur un des pyjamas, d’un bleu pâle, peinant à imaginer ses enfants avec ça. Peinant à les imaginer, tout court.

"Ils auront vraiment des pieds aussi petits ? Regardez-moi ça."

Au moins une qui s’amusait. Tayla tourna un peu la tête pour regarder puis essaya de sourire, pour ne pas montrer à quel point elle se sentait très mal à l’aise. Au moins, même si elle était toujours dévisagée, personne n’approchait pour lancer une remarque agressive ou faire comprendre que sa présence dérangeait. En tout cas, pas pour le moment. Sans doute grâce à la présence des deux femmes. Si Tayla avait bien compris, Namia était l’épouse d’un des chefs de clan, ça devait suffire à dissuader certains d’approcher. Elle se détendit donc un petit peu, même si elle était encore plus convaincue que jamais que se promener seule n’était pas une très bonne idée. Elle trouvait encore plus adorable que les deux femmes lui aient demandé de les accompagner.

"Vous avez déjà préparé la chambre ou pas encore ? Il va falloir que je demande un peu d’aide, pour ça, comme je suis seule pour le moment."

Elles pouvaient aussi s’entraider pour ça, non ? Tayla le lui proposa, car ce serait un bon moyen de lui rendre ce qu’elle lui donnait, et aussi parce qu’elle avait déjà avancé pour la chambre de ses propres enfants. Eli était plus souvent dehors qu’à la maison, étant donné qu’il reprenait le travail mais dans l’armée Chiss cette fois, elle devait bien se débrouiller chez eux. En plus de ça, c’était un bon moyen de se vider la tête, s’occuper et se détendre à la fois. Monter un lit n’était pas si difficile, surtout qu’il fallait le faire avant d’avoir un trop gros ventre et être handicapé dans ses gestes.

"Que doit-on prendre, pour base, pour un enfant ? Pour le nombre de vêtements qu’il doit avoir ?"

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Dés

Il était fou de voir comment votre vie pouvait beaucoup changer, après certains événements et certaines rencontres. Au fil des jours, Namia s’en rendait de plus en plus compte. Il y avait bien des choses qu’elle n’avait pas anticipé ou réfléchi, avant son mariage, cela dit, aucun regret à avoir. Dans le privé, Formbi était bien plus doux qu’en public, quoi qu’il avait toujours du mal à se détendre. Il avait une bonne conversation et était assez différent des autres hommes. Attentionné avec elle, toujours mordant avec beaucoup, rancunier comme ce n’était pas permis et dans le même temps, plus curieux qu’il ne voulait bien se l’avouer. Vivre avec lui n’était pas désagréable, bien loin de là. En revanche, ce qui était nettement moins agréable, c’était bien les nouveaux codes sociaux à suivre en public et durant les cérémonies, maintenant qu’elle était devenue l’épouse d’un Aristocra…

On s’habituait à tout, certes, cela dit, elle avait encore du mal à s’y faire, sur de nombreux points. Ce n’était pas un milieu qu’elle fréquentait depuis sa naissance et avait toujours trouvé que les normes habituelles étaient déjà lourdes à suivre, dans certaines situations. Alors devoir en ajouter encore plus… Elle se disait que ça faisait partie du charme de son peuple, pour se consoler un peu. Par bonheur, Formbi l’aidait beaucoup et elle s’habituait plus vite grâce à lui. Il était, après tout, très important de faire bonne figure et de respecter les règles, pour elle mais surtout pour lui, car il devait maintenir sa position, pas l’affaiblir devant le Conseil, et donc affaiblir son Clan tout entier. Il y avait déjà eu assez d’histoires, de rumeurs et de remous comme cela, inutile d’en ajouter.

Ce qu’elle n’avait pas non plus anticipé, elle n’aurait jamais pu de toute manière, c’était aussi la famille plutôt… hum… particulière, de Formbi. Une nièce surgie tout droit des failles, c’était déjà quelque chose. Alors en plus, lorsque Namia avait entendu, la première fois, que sa sœur était en couple, non officiel, avec un exilé, elle avait été à la fois surprise et choquée. Surtout en attendant un enfant. Il fallait conserver le secret, bien entendu, mais qu’est-ce qui était le pire dans cette affaire ? Être vue comme une fille facile, enceinte d’un inconnu, alors qu’elle venait de la Haute Société, ou qu’il se sache qu’elle était en couple, non mariée, avec un homme exilé, enceinte de lui, alors qu’elle était la sœur d’un Aristocra ? Dans les deux cas, sa réputation était très dégradée. Quant à la position de Formbi, en politique, cette affaire la fragilisait encore plus.

Mieux valait encore que la parenté de cet enfant ne se sache pas. Être vue comme une fille facile restait encore « mieux » que d’être désignée comme la concubine d’un exilé. Namia avait plutôt de la peine, pour sa jeune belle-sœur, et essayait de la soutenir du mieux qu’elle le pouvait. L’amour ne se commandait pas, elle avait aussi le droit de désirer autre chose, un autre style de vie que celui tracé pour elle depuis sa naissance. C’est pour ça que cette journée, une sortie juste entre femmes, allait aérer un peu les esprits et faire du bien à tout le monde. Enfin, Namia fera tout ce qui sera en son pouvoir pour que ce soit un bon moment et pousser à prendre plus l’air. Ce sera sans doute plus facile pour Ewime que pour Tayla. Son patronyme était assez dur à comprendre, d’ailleurs… Enfin, si elles pouvaient au moins l’accompagner sur le chemin de l’intégration.

Cependant, dès lors qu’elles arrivèrent au magasin et y entrèrent, Namia put sentir elle aussi à quel point l’ambiance autour d’elle pouvait être glaciale. Une animosité très nette se dégageait, contre Tayla, et sans doute aussi contre Ewime. Dans le rayon, Namia jeta un regard froid, emprunté à Formbi au passage, pour dissuader justement un employé de s’approcher, le voyant contrarié de voir entrer Tayla ici. Il hésita, un bref instant, puis fit demi-tour, l’air de rien. Eh, c’est que ça fonctionnait bien, de regarder les gens comme ça pour les repousser, il faudra qu’elle apprenne autre chose de son mari ! Elle se le nota mentalement, regardant, un instant, plus les alentours que les vêtements des enfants. Les quelques autres clients avaient pris pour partie de ne pas les approcher, on dirait bien. Il y avait du bon à être la femme de l’Aristocra le plus grognon de tout le conseil.

"Ils auront vraiment des pieds aussi petits ? Regardez-moi ça."

Au moins, sa belle-sœur s’amusait clairement, en regardant les vêtements des tous-petits. La jeune humaine, en revanche, était plus sur ses gardes et très tendue. Elles parlèrent un instant de la préparation pour la chambre du futur bébé, Ewime se faisait d’ailleurs un devoir de tout lui traduire à mesure. Namia avait appris à parler le Sy Bisti, mais ne l’avait plus utilisé depuis déjà un très long moment… Il lui faudra se remettre dedans et se rafraîchir la mémoire. Quelques tournures de phrases lui revenaient, avec leur conversation, mais cela restait peu.

"Que doit-on prendre, pour base, pour un enfant ? Pour le nombre de vêtements qu’il doit avoir ?"

Oh, c’était simple… Namia fouilla un instant dans son sac à main, et pris la liste qu’elle avait faite à la maison, la tendant à Tayla pour qu’elle puisse jeter un œil. Constituer la garde-robe d’un bébé n’était pas si compliqué, il fallait simplement prendre garde à s’y préparer en amont et ne pas se retrouver pris de court le moment venu. Elle pouvait même garder la liste, si elle voulait, elle la connaissait déjà par cœur. Tout en regardant les pyjamas, tout d’abord, examinant les modèles pour petits garçons, Namia songea à autre chose, pour faciliter l’intégration de la jeune humaine.

"Il y a plusieurs choses que vous pouvez faire, pour moins attirer de regards. La langue est une première étape, vous pouvez aussi vous habiller plus comme les femmes de cette ville, elles ne portent pas souvent de pantalons, par ici. Vous devriez aussi songer au mariage. Ne le prenez pas mal, mais il n’est pas correct qu’un homme et une femme vivent sous le même toit sans être mariés. D’autant plus avec un enfant. S’il y a un enfant, il y a une union. Vos voisins vous considéreront déjà un peu mieux si vous êtes mariés."

Évidemment, sauf cas très… particuliers. Namia ponctua cette phrase en adressant un sourire à Tayla puis en tapotant légèrement l’épaule d’Ewime, pour lui faire comprendre que ce petit discours ne s’adressait pas à elle et qu’elle comprenait pourquoi elle n’était pas non plus mariée.

Ce sera formidable si Tayla pouvait l’aider, oui ! Et ce sera une bonne occasion pour elle de repasser sur Nirauan, voir d’autres humains et parler avec eux, sans aucune prise de tête. Elles pourront déjeuner ensemble, aussi, et se changer les idées. Quant au temps qu’il fallait pour préparer une chambre, là, elle n’en avait pas une très grande idée. Monter les meubles était une première chose, elle voudrait aussi repeindre la chambre, et peindre aussi, au-dessus du lit, le nom de son futur fils. Une petite chambre dans des tons pastels et clairs, avec une veilleuse, une plus grande lampe au plafond, des placards pour les affaires du petit, son lit, des peluches… Elle s’y voyait déjà. Continuait de sourire largement en imaginant son enfant jouer avec son doudou, dans son petit lit, et en s’imaginant, Thrawn et elle, lui raconter une histoire, le soir pour l’endormir. Elle posa doucement une main contre son ventre, en espérant que son bébé puisse sentir à quel point il était attendu, puis reporta son attention sur les pyjamas. Ce petit-là, blanc cassé sas motifs, lui semblait très bien. C’était du premier-âge, vraiment destiné aux nouveaux-nés.

« Que doit-on prendre, pour base, pour un enfant ? Pour le nombre de vêtements qu’il doit avoir ? »

Hum, voyons… Ewime commençait à compter mentalement le nombre de chaque type de vêtements, mais avant qu’elle ne puisse finir, sa belle-sœur avait déjà sortie une petite liste de son sac à main, qu’elle avait tendu à Tayla. Oh, très organisée… Ewime avait également préparé une liste mais ne l’avait pas emmené aujourd’hui. C’était d’ailleurs plutôt une liste de chose à préparer avant la naissance. Comme Thrawn était reparti pour la guerre, elle avait préféré tout noter pour être sûre de ne rien oublier. On ne savait jamais, au cas où il se passait quelque chose et que… Enfin, bref. Elle choisit deux autres modèles de pyjamas, les mettant dans le panier pris à l’entrée. Les goûts et les couleurs, après, ça dépendra de chacun. Peut-être que la papa n’aimera pas du tout ce qu’elle choisissait aujourd’hui pour leur enfant. Mais étant donné qu’elle ne pouvait pas le contacter quelle couleur il préférait pour les vêtements du petit… Pour la majorité des articles, on trouvait du blanc ou des couleurs pastels, peu vives, non agressives. Pas de rouge ni rien qui ne soit trop sombre.

« Il y a plusieurs choses que vous pouvez faire, pour moins attirer de regards. La langue est une première étape, vous pouvez aussi vous habiller plus comme les femmes de cette ville, elles ne portent pas souvent de pantalons, par ici. Vous devriez aussi songer au mariage. Ne le prenez pas mal, mais il n’est pas correct qu’un homme et une femme vivent sous le même toit sans être mariés. D’autant plus avec un enfant. S’il y a un enfant, il y a une union. Vos voisins vous considéreront déjà un peu mieux si vous êtes mariés. »

Ewime perdit complètement son sourire, en repensant tout à coup aux actuelles rumeurs qui circulaient sur son compte, puis tourna un peu la tête vers Namia, lorsque cette dernière lui tapota un peu l’épaule. C’était bon, elle ne le prenait pas mal, ce n’était tout simplement pas très agréable. De toute manière, s’il y a bien une chose – question caractère – que Ewime partageait avec son grand frère, c’était la capacité à renvoyer bouler ceux qui l’agaçaient trop ou essayaient de la rabaisser. Elle avait beau être d’un naturel plutôt apaisé, voire gentil, il ne fallait non plus trop l’énerver ou la chercher. Elle répéta donc fidèlement le tout mot pour mot à Tayla, retrouvant très vite son sourire. Il est vrai qu’en vivant pour Csilla, c’était plus important qu’Eli et elle suivent certaines règles.

« Au moins pour calmer un peu les esprits, c’est vrai que ce serait mieux. Un couple non marié avec un enfant, ce n’est pas la norme, ici. Et puis, c’est toujours mieux pour des enfants que leurs parents soient mariés et forment un couple solide. Pour leur avenir, leur sécurité, qu’ils ne soient pas non plus moqués à l’école, plus tard. »

Hum, enfin, peut-être ne devrait-elle pas lui présenter les choses de cette manière… Ewime regretta presque aussitôt ce qu’elle avait sorti, même si c’était un peu tard. Bien que l’idée soit là, ce n’était pas une manière très adroite de présenter les choses.

« Vous avez déjà un peu parlé de tout cela avec Eli ? »

Namia lui tendit une liste, en réponse à sa question, et Tayla n’osa pas lui dire qu’elle n’était pas encore capable de toute lire dessus, même si elle la remercia, bien évidemment. Pour le vocabulaire, pour le moment, elle connaissait les mots désignant les différents membres de la famille, les jours et quelques couleurs. Pour le reste, elle s’aidait de Meveawn et des dictionnaires. Par contre, si elle pouvait vraiment garder la liste, merci beaucoup, ça l’aidera plus tard. En attendant, autant regarder plutôt ce que les deux femmes prenaient pour leurs propres enfants et, de son côté, prévoir le double, tout simplement. De toute manière, si vraiment elle en avait besoin, elle reviendra faire quelques courses pour ses enfants un peu plus tard. Les pyjamas premier-âge lui apparaissaient incroyablement petits… A quelle vitesse grandissait un bébé, au juste ?

Le médecin lui avait dit qu’il y avait une certaine chance que ses enfants soient légèrement plus petits que les autres à la naissance, même si ce ne sera pas forcément très flagrant. Namia reprit la parole, une ou deux minutes, puis Ewime lui fit la traduction, mot pour mot. Hum… Tayla baissa d’abord l regard sur sa tenue, en se demandant ce qui ne clochait pas dedans car elle n’était tout de même pas débraillée, même si elle ne portait pas de robes, puis rougit un peu. Le mariage, oui… Ils en avaient déjà parlé, mais ni l’un ni l’autre n’avait encore vu ça comme une urgence ou même… Même comme quelque chose qu’il fallait faire, finalement. Ils étaient ensemble et c’est tout ! Ils formaient un couple, mariés ou non, c’était si mal vu que cela, ici, s’ils n’étaient pas mariés ? Tayla ne s’était jamais dit que c’était forcément un passage obligé, à partir du moment où se sentait bien avec la personne avec laquelle on vivait.

"Au moins pour calmer un peu les esprits, c’est vrai que ce serait mieux. Un couple non marié avec un enfant, ce n’est pas la norme, ici. Et puis, c’est toujours mieux pour des enfants que leurs parents soient mariés et forment un couple solide. Pour leur avenir, leur sécurité, qu’ils ne soient pas non plus moqués à l’école, plus tard."

Ah… Car on pouvait se payer la tête de leurs enfants si les parents n’étaient pas unis officiellement… ? D’accord ! L’Aristocra Veeren ne lui avait pas précisé ce petit détail… Un peu renfrognée, elle hocha la tête sans répondre, la gorge serrée. S’habiller comme une femme, puisque visiblement les femmes ne portaient pas de pantalons – ce qui était vrai quand elle regardait les autres clientes dans la boutique – et devoir se marier… Ce n’est pas qu’elle ne voulait pas épouser Eli, loin de là, mais après ce qui s’était passé au dernier mariage, elle avait un peu peur. Cette discussion commençait à lui faire monter la pression…

"Vous avez déjà un peu parlé de tout cela avec Eli ?"

Tayla hocha rapidement la tête, détournant un instant le regard pour cacher sa nervosité grandissante. Ils en avaient parlé… vite fait. Peu de temps après qu’elle eût appris être enceinte. Puis un peu après le mariage de la Jedi et du frère de l’amiral. Ce dernier exemple l’avait très sérieusement refroidie, pour l’avouer platement.

"Pour nous, ça ne nous a pas paru comme une priorité. On a eu autre chose à songer et nous avons d’abord pensé à comment nous organiser, maintenant que je suis enceinte. Le mariage, ce n’était pas… Comment dire… Pour nous, c’est plus comme une formalité de passage, si on veut aller par là. Par chez moi, et chez lui aussi, on ne se marie pas forcément avant la naissance d’un enfant. Il y a des couples qui vivent toute leur existence ensemble sans jamais en passer par là."

Ça n’avait en fait pas du tout la même connotation. Tayla s’interrompit le temps que Ewime puisse traduire, puis reprit en ajoutant que par chez elle, le mariage était plus une sorte de formalité, une tradition qui se maintenant, mais qui, pour autant, n’était pas considérée comme absolument essentielle. D’où venait Eli, le mariage était vu comme une tradition plus importante, mais personne n’obligeait les gens à la suivre. Dans les faits, les couples se mariaient plus par « habitude » que parce que c’était vraiment nécessaire.

"Les jeunes gens, ici, se marient vers quel âge ? Il y a aussi des protocoles pour ça ?"

Quoi qu’elle posait cette dernière question mais était certaine que oui… Ils avaient des protocoles pour absolument tout, alors…

Namia espérait sincèrement ne pas avoir froissé sa jeune belle-sœur en parlant ainsi, elle ne souhaitait pas lui infliger une pression supplémentaire, la rendre mal à l’aise ou bien lui donner à penser qu’elle n’était pas quelqu’un de fréquentable, bien au contraire. C’est vrai, les traditions étaient importantes, ceci étant, il fallait également prendre en compte la situation personnelle de chacun, de son point de vue. Ou plutôt, lorsque cette situation personnelle n’impactait en rien la sécurité et la pérennité de leur peuple, il fallait l’accepter. Même dans des situations aussi particulières que celles-ci. Quoi qu’il en soit, en épousant Formbi, elle avait, quelque part, épousé sa famille et son clan. Il était donc de son devoir de l’aider à en préserver et soutenir chaque membre, peu importe leurs problèmes.

Quant à Tayla, elle ne faisait pas partie du clan ou de leur famille, mais Namia avait une certaine sympathie pour elle. Toute jeune humaine, débarquée sur un monde qu’elle ne connaissait pas, pour son propre bien, coupée à la fois de sa famille et ses origines, attendant ses premiers enfants, dans un environnement où on lui était en grande partie hostile… A sa place, Namia savait qu’elle l’aurait vraiment très mal vécu, sans doute pas supporté, c’était pour cela qu’elle se faisait presque un devoir d’aider la jeune humaine, comme elle le pouvait. Pour l’apparence, mis à part le style vestimentaire, il y avait peu à y faire, elle sera toujours très remarquée. Mais si au moins, elle pouvait suivre correctement les normes et traditions, sa réputation ne sera pas si dégradée. Or, le mariage était l’une de ces traditions importantes, lorsqu’un homme et une femme voulaient s’installer ensemble, surtout si un bébé était en route.

Après un échange de quelques minutes, que Ewime prit soin de lui traduire, la future mère resta un peu perplexe d’apprendre que les Humains, des couples pouvaient vivre ensemble, avec un ou plusieurs enfants, sans être unis officiellement. Si on ne parlait que de l’aspect purement légal, que se passait-il en cas de décès d’un des deux parents ? Le conjoint survivant pouvait-il garder ses enfants ou ces derniers étaient-ils confiés à d’autres membres de la famille, voire à des étrangers ? Ça lui semblait un peu… inquiétant. La question suivante, sur l’âge et les protocoles, la fit un peu rire. Tayla semblait si blasée, déjà, par tous les protocoles. Ils étaient nombreux, certes, mais on s’y habituait bien vite, elle le réalisera bientôt. La rigueur n’était pas si délicate à intégrer, lorsqu’on la vivait en permanence.

"La tranche d’âge moyenne est de trente ans à quarante ans, environ. Certains se marient un peu plus tôt, d’autres plus tard. Peu choisissent de rester célibataires, souvent, cela est dû à leur travail ou bien par refus d’enfants. Pour certains personnes, il est recommandé de se marier assez jeune, entre vingt-cinq et trente ans, pour assurer au plus tôt une descendance. Chaque parent, ou mentor, à le devoir de présenter des partenaires potentiels convenables à son enfant, une fois l’âge adulte atteint. Il y a également quelques mariages d’amour, de temps en temps."

Elle avait dû en voir, pour sa part… Oh… Au moins deux ou trois, durant ces dix dernières années, c’était beaucoup. Enfin, Tayla n’avait guère besoin de se soucier des protocoles entourant les mariages arrangés, ni même de se soucier des protocoles de la cérémonie du mariage tout court, puisqu’il était très douteux qu’elle veuille d’un mariage à la sauce Chiss. Ce sera mieux qu’ils se marient, d’accord, mais pour autant, ils pouvaient très bien se marier à la manière des humains et pas obligatoirement ici. Retrouver leurs amis pour se faire était tout à fait envisageable, et sans doute une bien meilleure option, par ailleurs.

"Pour vous, Ewime, où comptez-vous que votre futur enfant grandisse ? Si c’est sur Nirauan, il faudra tout de même veiller à ce qu’il fasse une part de sa scolarité avec les siens, que ce soit ici ou sur une autre planète de l’Ascendance. Pour son intégration."

« Pour nous, ça ne nous a pas paru comme une priorité. On a eu autre chose à songer et nous avons d’abord pensé à comment nous organiser, maintenant que je suis enceinte. Le mariage, ce n’était pas… Comment dire… Pour nous, c’est plus comme une formalité de passage, si on veut aller par là. Par chez moi, et chez lui aussi, on ne se marie pas forcément avant la naissance d’un enfant. Il y a des couples qui vivent toute leur existence ensemble sans jamais en passer par là. »

C’était un aspect culturel que la jeune femme avait vraiment beaucoup de mal à comprendre et qu’elle essayait, tant bien que mal, de ne pas juger. Toute sa vie, elle avait été bercée par l’idée que le mariage et la fondation d’un foyer étaient les valeurs mêmes fondant leur société. De fait, il était compliqué d’accepter que le mariage puisse être, ailleurs, une simple formalité ou une petite tradition qu’on ne suivait que pour faire plaisir aux parents ou aux proches. Elle répéta néanmoins tout cela mot pour mot à sa belle-sœur, tout ce comme ajouta Tayla par la suite, en s’efforçant de ne pas trop monter sa perplexité. Évidemment, aucun peuple ne fonctionnait de la même façon qu’un autre, mais il y avait tous de même des valeurs qu’on retrouvait un peu partout sans peine. La vie de couple en était une. Que ce soit avec une seule personne ou plusieurs. La fondation d’un foyer, plutôt. Elle se corrigea mentalement, sur ce point, tout en continuant à regarder les vêtements et en choisir quelques uns. Le besoin de donner la vie était l’un des plus forts qui soit, peu importe son peuple.

Au fond d’elle-même, Ewime regrettait quand même un peu de ne pas pouvoir se marier. Ce n’était pas la cérémonie qui lui manquait, ni même le besoin vital de suivre la tradition, c’était plutôt… Comme si elle faisait quelque chose de mal, en réalité. Même si elle aimait sincèrement Thrawn et était déjà en joie face à ses enfants, elle sentait malgré tout le poids des regards. Elle entendait les rumeurs et savait très bien ce qui se disait sur son dos. Elle savait aussi qu’elle causait du tord à son grand frère, et à la position de chef de Clan qu’il devait tenir, et s’en voulait pour ça. Il y avait à la fois l’envie de mener sa propre vie sans se préoccuper des autres et la culpabilité de causer certains problèmes, surtout en sachant que son frère ne tentera jamais de s’éloigner d’elle ou de Feesa, par loyauté. Alors même que c’était bien ce qu’on lui reprochait, de penser d’abord à sa famille avant l’Ascendance et d’écouter ses sentiments personnels plutôt que la raison. Finalement, ni lui ni elle ne jouaient selon les règles…

Dès lors qu’elle commençait à penser à tout cela, les mêmes questions lui revenaient toujours en tête. Agissait-elle bien ou mal, qu’aurait-elle dû faire de différemment, à quoi devrait-elle penser en premier lieu, quel allait être l’avenir de l’enfant qu’elle portait et le sien, comme allait évoluer leur société et est-ce que les personnes plus atypiques pouvaient y trouver une place ou devaient-elles se satisfaire de l’éloignement. Cette seconde option lui semblait plus… plausible. Feesa était partie, Thrass était parti, elle-même s’était éloignée des siens en allant sur Nirauan. Peut-être valait-il s’y faire, simplement, et ne plus trop y songer. Peut-être n’était-ce que leur famille qui n’était pas normale et qu’elle ne trouvera personne d’autre pour se poser toutes ces questions.

« Les jeunes gens, ici, se marient vers quel âge ? Il y a aussi des protocoles pour ça ? »

« La tranche d’âge moyenne est de trente ans à quarante ans, environ. Certains se marient un peu plus tôt, d’autres plus tard. Peu choisissent de rester célibataires, souvent, cela est dû à leur travail ou bien par refus d’enfants. Pour certains personnes, il est recommandé de se marier assez jeune, entre vingt-cinq et trente ans, pour assurer au plus tôt une descendance. Chaque parent, ou mentor, à le devoir de présenter des partenaires potentiels convenables à son enfant, une fois l’âge adulte atteint. Il y a également quelques mariages d’amour, de temps en temps. »

Oui… Et Formbi avait… Un peu plus de soixante-dix ans… Son célibat avait alimenté bien des conversations et son mariage en avait choqué plus encore la société. Ce n’était que maintenant que Ewime commençait enfin à ouvrir les yeux sur les multiples détails constituant la personnalité de son frère et tout ce qui faisait qu’il ne rentrait pas dans l’ordre bien établi de l’Ascendance. Autrefois, elle le prenait comme il était, bourru, ronchon, très impulsif, mais aussi très loyal, stratège lorsqu’il le fallait, et aimant au possible. Face à une situation plus compliqué, elle découvrait enfin qu’il n’était finalement jamais rentré dans le moule. Mieux valait tard que jamais… ?

« Pour vous, Ewime, où comptez-vous que votre futur enfant grandisse ? Si c’est sur Nirauan, il faudra tout de même veiller à ce qu’il fasse une part de sa scolarité avec les siens, que ce soit ici ou sur une autre planète de l’Ascendance. Pour son intégration. »

« Oui, il n’y a pas d’inquiétude à avoir, c’est déjà prévu de ce côté-là. »

Elle la rassura d’un petit sourire, même si les inquiétudes pour le futur de son bébé à naître pesaient assez lourds sur son cœur. Même si elle ne l’avouait bien sûr pas, elle priait secrètement pour que ce petit garçon ne soit pas un sensitif. Car ça ne lui laissera que deux possibilités. Soit rester ici et devoir faire avec les problèmes que ça pourra lui causer, soit partir, comme sa grande sœur, et se retrouver coupé des siens et de ses origines. Aucune des deux solutions ne lui plaisait et elle ne voulait pas que son enfant subisse ça.

« Nous pourrons vous faire essayer quelques robes, toute à l’heure, Tayla ? De toute manière, il faudra y songer bientôt, pour avoir des vêtements adaptés à la grossesse. »

La jeune femme tentait de tout bien intégrer, en une seule fois, toutes les informations reçues. Maintenant, c’est bon, elle avait bien compris qu’il existait des codes pour absolument tous les aspects de la société, qu’ils soient publics, professionnels ou privés. Tout était cadré, organisé, et dans cette logique, les mariages d’amour se révélaient bien rares. Très bien. Entre trente et quarante ans, pour les Chiss, ça représentait quoi, si on rapportait ça à l’âge humain ? Car eux vivaient plus longtemps, si elle avait bien compris… En équivalence, ça devait être entre vingt et trente ans, pour les Humains, c’était ça ? Ou à peu près. Mais… Une minute, Eli lui avait dit que l’époux de Namia avait bien plus de soixante ans, voire qu’il avait passé la barre des soixante-dix ans. C’était normal, ça ? Elle n’osa bien sûr pas poser la question, ou en tout cas, elle ne la posera pas à elles.

D’un certain côté, ça la rassurait de savoir qu’il y avait un Aristocra qui ne suivait pas les traditions à la lettre et menait sa vie sans se sentir étouffé par toutes les règles et le carcan sociétal. Ça signifiait que même à un plus haut niveau de responsabilités politiques, dans une société très cadrée et réglementée, on trouvait tout de même des personnes qui ne suivaient pas toutes les règles. L’esprit un peu plus léger, elle se détendit un peu, poursuivant sa recherche de vêtements pour ses futurs enfants. Bien qu’elle veuille connaître les us et les coutumes, il y en a qu’elle ne pourra suivre. Pour la question du mariage, par exemple, Tayla avait tout sauf envie de suivre les protocoles Chiss, quitte à aller s’exiler sur elle ne savait quelle autre planète humaine, si vraiment ils devaient se marier.

Elle serait même prête à faire un mois de voyage complet aller-retour si ça lui permettait de ne pas suivre la cérémonie de mariage Chiss. Tout sauf ça. Rien que pour le mariage de Lorana, franchement… C’était censé être une cérémonie « allégée », et pourtant ! Le maître de cérémonie avait parlé, parlé, parlé, ça avait duré incroyablement longtemps, alors que la mariée était enceinte jusqu’au fond des yeux et que rester debout si longtemps avait sûrement dû la fatiguer. Sans oublier ce qui était arrivé derrière… Tayla ne voulait pas vivre ça, en pire, surtout maintenant qu’elle se savait elle-même enceinte. A voir ce qu’en pensait Eli, mais pour elle, simplement signer les papiers lui suffirait. Les tralalas, les robes à porter… ça l’épuisait par avance.

– Nous pourrons vous faire essayer quelques robes, toute à l’heure, Tayla ? De toute manière, il faudra y songer bientôt, pour avoir des vêtements adaptés à la grossesse.

C’est qu’elle ne comptait pas la lâcher… Tayla fit une sorte de demi-sourire, plutôt une grimace en fait, puis se força à hocher un peu la tête, lâcher un petit « Bien sûr ! » qu’elle espérait à peu près convaincant. Intégration, nous avions dit, intégration ! S’il fallait prendre pour habitude de porter des robes… Des robes, bon sang, mais quelle horreur, surtout lorsqu’on avait passé l’intégralité de son existence en pantalon. La seule fois où elle avait dû porter une jupe, c’était lors d’une cérémonie très officielle, et encore, c’était une jupe de l’armée, bien droite, descendant jusqu’aux genoux, ça restait à peu près pratique. Alors que lorsqu’elle regardait les robes portées par Namia et Ewime, l’Humaine se demandait surtout comment elles pouvaient bien marcher avec ça sans se prendre les pieds dedans.

– Vous portez vraiment des robes tous les jours ? Il n’y a quand même pas aussi des codes sur la manière de s’habiller… ?

"Oui, il n’y a pas d’inquiétude à avoir, c’est déjà prévu de ce côté-là."

Bien, très bien. Namia lui rendit son sourire, puis poursuivit ses achats. Sa jeune belle-sœur avait, elle aussi, toujours en tête la question de l’habillement, pour leur compagne humaine, il est bien vrai qu’il fallait y songer au plus tôt. Quant aux codes sur la manière de s’habiller, oui, il y en avait. Cependant, il ne fallait pas tant se stresser, les codes n’étaient stricts que lors des cérémonies officielles, par exemple, ou pour les occasions particulières, là où il ne fallait pas commettre d’erreurs. En-dehors, dans la vie quotidienne, c’était bien plus souple. Les femmes portaient habituellement des jupes longues ou des robes, oui, seules celles appartenant à la Flotte de Défense ou devant faire des métiers plus techniques ou physiques portaient des pantalons. C’était aussi une affaire sociale, la tenue montrait votre rang, votre place au sein de la société. Elle laissa Ewime expliquer tout ceci à la jeune humaine, pour ne pas l’embêter ensuite en jouant les traductrices et intermédiaires.

Après un moment passé à prendre des vêtements pour nourrissons, elles filèrent dans le rayon suivant, cette fois pour les accessoires de puériculture indispensables. Le magasin avait mis en place un petit système pratique, pour cela. Pour chaque article disponible, une petite fiche était mise à disposition. Les clients avaient simplement à prendre une fiche par article voulu, puis lesdits articles étaient livrés dans la semaine au domicile. Sauf pour ceux que les clients voulaient emporter directement, bien sûr. Il était plus simple de procéder ainsi avec les accessoires et le mobilier qu’avec des objets plus simples, comme des vêtements. Pour ce qui était de la chambre du bébé, Formbi lui avait laissé carte blanche. Pas qu’il ne se sente pas très à l’aise dans ce domaine, il était surtout bien occupé et estimait que c’était à la maman de choisir la décoration qu’elle désirait, pour le bébé.

Le magasin avait laissé sur un présentoir un catalogue avec des modèles, des photos de chambres entièrement meublées et décorées, pour garçons et filles. Plutôt adorable. Elle s’amusa un instant à le feuilleter, n’ayant pas encore une grande idée de ce qu’elle voulait pour leur futur bébé. Pour un enfant, mieux valait choisir des couleurs sobres, non agressives à l’œil, et des petits décors de nature ou d’animaux. Elle savait que Formbi aimait le bois, les plantes et ce genre de décor, tout ce qui lui manquait lorsqu’il était sous les glaces et grottes de Csilla. Il lui avait déjà avoué, un soir, détester la glace et les hauts monts recouverts de neige, il trouvait cela un peu déprimant. Vide, exempt de vie, de chaleur. Curieux, pour un homme vivant sur une planète glacée.

"Nous pouvons aussi faire de petites simulations," sourit-elle en jetant un œil au petit ordinateur laissé à disposition des clients. "Regardez cela…"

Un logiciel simple permettait de rentrer ses goûts et attentes, puis présentait des exemples de chambres, meublées et décorées, avec les références des produits disponibles en magasin. Très bien fait, à son goût. Il y en avait pour différents budgets, un paramètre permettait de régler ça.

"Nous pouvons prévoir des petits espace de jeux pour les enfants. Ils vont naître dans les mêmes périodes, ils pourront jouer tous ensemble assez tôt. J’espère que ces petits bouts deviendront amis. Au-delà des liens du sang."

Il y avait des codes pour tout, effectivement, ceci étant, certains étaient tout de même moins stricts que d’autres, tout dépendait des occasions. Ewime ne pouvait pas lui donner absolument tous les détails dès maintenant – elle risquerait surtout de la noyer dedans, sans compter que ça leur prendrait des heures – cependant, elle tâcha de lui fournir les grandes lignes et les informations les plus utiles. Le tout en poursuivant leur séance de shopping, entre les vêtements de bébés, les layettes et tout ce qui s’ensuit. Tout en discutant, elles passèrent peu à peu vers un autre rayon, les vêtements laissant place aux biberons, jouets, peluches et matériel de puériculture. La vue des biberons laissa la jeune femme pensive, l’espace d’un instant. Si, au début, elle avait songé allaiter, elle se demandait s’il s’agissait d’une bonne idée… Étant malade, avec les médicaments qu’elle prenait tous les jours pour rester en forme, ce traitement n’allait-il pas passer dans son lait et être donc nocif pour son bébé ? L’idée de prendre le moindre risque sur un tel sujet ne l’amusait, elle devrait se contenter des biberons.

Il y avait aussi, et bien évidemment, la crainte de ne pas produire assez de lait pour nourrir son enfant. Dur de quantifier exactement ce qu’avalait un bébé lorsqu’il était au sein. C’était meilleur pour lui, pourtant, mais dans son cas… Elle se nota mentalement d’en parler au médecin qui la suivait, pour sa grossesse, voulant avant tout être sûre que rien ne risquait de blesser son propre enfant. Mieux être trop prudent, voire paranoïaque, que pas assez, lorsque ça concernait son enfant. Si elle se moquait un peu d’être plus malade ou fatiguée durant une période à cause d’un problème de traitement, il était hors de question que son bébé souffre de quoi que ce soit. Dans le doute, elle choisit tout de même de prendre aujourd’hui un lot de trois biberons premier âge, et une fiche pour un stérilisateur. La majeure partie des biberons proposés en vente étaient en verre, bien mieux pour l’enfant et l’hygiène. De son côté, Namia feuilletait un catalogue proposant des exemples de chambres, meublées et décorées, de tous les styles possibles.

Le magasin avait aussi mis une version en ligne, avec un écran installé sur le côté et un logiciel pour choisir tons et couleurs. Ce n’était pas mal ! Ewime n’avait pas encore discuté avec Thrawn de le façon dont ils pouvaient aménager la chambre de leur futur enfant, à vrai dire, et ne se souvenait même pas que le sujet ait déjà été abordé entre eux. Il y avait d’abord eu les inquiétudes sur la santé de leur bébé, puis comment il allait grandir, comment le protéger, comment faire en sorte qu’on ne sache pas qui était son père pour le préserver. Beaucoup de considérations, le tout au milieu des questionnements bien plus basiques entourant la grossesse, qui avait éloigné le côté plus adorable de toute la situation. A savoir s’imaginer vraiment, la vie quotidienne, avec leur fils. Peut-être s’inquiétait-elle trop.

« Nous pouvons prévoir des petits espace de jeux pour les enfants. Ils vont naître dans les mêmes périodes, ils pourront jouer tous ensemble assez tôt. J’espère que ces petits bouts deviendront amis. Au-delà des liens du sang. »

Ewime sourit doucement, attendrie, puis traduit à l’intention de Tayla. C’est vrai, elles ne devaient pas passer leur temps à se poser des tas de questions ou angoisser, il fallait aussi penser à l’avenir. Ces enfants seront tous de la même année. Et ils pourront grandir non loin les uns des autres. Au contraire de la petite de Thrass et Lorana, qui elle viendra au monde dans une toute autre ambiance, bercée entre deux cultures. Leurs enfants, au moins, auront cette chance là, de ne pas être inquiétés par la guerre et les problèmes. Elle en parla avec ses deux compagnes du jour, tout en regardant aussi le catalogue. C’est qu’elle aimait, c’était les chambres aux couleurs claires, avec des motifs discrets et abstraits, qui ressortaient. Des motifs de hautes montagnes, par exemple, elle les trouvaient très belles et majestueuses, comme de grands gardiens veillant sur eux tous. Mine de rien, le temps filait, elles avaient déjà passé pas mal de temps ici. Avant de poursuivre, et habiller Tayla surtout, Ewime leur proposa d’aller manger quelque part, pour midi, et reprendre un peu de forces.

L’avantage, dans ce quartier piéton, était qu’on pouvait trouver tout ce qu’il leur fallait sans avoir à marcher des heures. Il y avait, à une centaine de mètres de là, un petit restaurant sympathique où elle allait de temps en temps déjeuner avec son frère. Ce n’était pas l’endroit le plus chic de la capitale, en revanche, l’ambiance y était sympathique. Ewime espérait surtout que personne, là-bas, n’allait dévisagea Tayla de trop près. Mais elle en doutait… Humaine, blonde, enceinte, navrée, elle continuera encore longtemps d’attirer tous les regards comme un aimant. Comme on pouvait s’y attendre, à leur arrivée, le propriétaire des lieux eut un net temps d’arrêt, dévisageant la pauvre Tayla avec des yeux ronds, avant de se reprendre dans un petit sursaut. Il les installa à une petite table près des larges fenêtres, donnant sur la place, sans pouvoir s’empêcher de jeter des dizaines de regards à la jeune humaine, dévoré par la curiosité. Largement possible qu’elle soit la première humaine en chair et os qu’il voyait. Une fois installées, il prit leurs commandes, puis repartit vers les cuisines d’un pas pressé. Ewime le soupçonnait fortement de filer courir dire aux autres quelle cliente ils avaient aujourd’hui.

« Ce n’est sans doute que de la curiosité, Tayla, ne le prenez pas mal, il n’a jamais dû voir une Humaine en vrai. C’est un type d’attitude qui risque de durer encore un long moment. Si cela vous pèse trop, n’hésitez pas à venir sur Nirauan, de temps de temps, voir d’autres Humains, nous rendre visite. »