Mère et fille

C’était une… seule et même ville ? C’était juste… immense… Senya était soufflée, regardant cette étendue incroyable s’étalant sous ses yeux, par la baie fine de la large cabine où elle se trouvait, en peinant à y croire. Quel était l’intérêt de faire une ville aussi tentaculaire ? Combien de personnes vivaient ici ? Pourquoi s’étaient-elles toutes regroupées en cette même place alors qu’il ne devait y avoir presque plus aucune ressource naturelle ni de nature ? Voilà déjà de longues minutes qu’elle contemplait la surface de cette planète, sans pourtant arriver à y croire. C’était… trop. Et cela lui donnait une très mauvaise impression. Bien sûr, elle ne ressentait pas du tout la même oppression que sur Nathema, mais tout de même… Descendre sur cette planète ne lui donnait pas la moindre envie.

De toute manière, elle n’avait pas à le faire. Son époux était parti toute à l’heure et il devait lui faire envoyer leur fille. Il était certain qu’elle se trouvait ici. Pour sa part, Senya n’aurait pu le deviner seule et si facilement, elle ne comprenait guère comment il y était parvenu. Mais cela la rassurait, car ça signifiait que, malgré les apparences, Valkorion était assez lié avec ses enfants pour ressentir au loin leur présence et s’ils étaient ou non en danger. Il les aimait vraiment, bien qu’il garde toujours une certaine distance, c’était bien grâce à cela qu’il avait su dire où se trouvait leur petite actuellement. Ça rassurera sûrement leurs petits de savoir ça, que leur père pouvait les retrouver, n’importe où. Et surtout, que leurs parents pouvaient vite être auprès d’eux en cas de problème.

En attendant de retrouver sa fille, Senya demeurait seule dans la cabine, debout près de la baie, le regard dans le vague. Tout s’était un peu précipité, dernièrement. Valkorion demeurait auprès d’elle, par bonheur, et il était même plus présent que lors de leurs années sur Zakel. Lorsque Senya avait appris qu’elle était de nouveau enceinte, son compagnon avait réagi comme pour ses deux autres grossesses. Beaucoup de calme, une simple acceptation, puis était ensuite passé à autre chose. Il n’exprimait pas de joie d’être père, enfin, maintenant, elle savait qu’il n’y était pas indifférent pour autant. A la naissance de Thexan et Arcann, il avait demandé à rester seul un moment avec eux, preuve qu’il voulait s’attacher à ses garçons. Il avait aussi tenu longuement Vaylin dans ses bras lorsqu’elle était venue au monde.

Il s’écoula encore d longues minutes avant qu’enfin, un garde ne vienne doucement frapper, murmurant un « Ma dame ? », discret. Elle se retourna puis alla vers la porte, tendant aussitôt les bras vers le second homme, qui portait sa petite fille. Aussitôt après, l’homme referma pour les laisser seules. Senya serra sa petite contre elle avec force, répétant son prénom en boucle, avec un immense soulagement. Enfin ! Elle était là, elle semblait aller bien…

« Ma petite puce… »

Sans la lâcher, Senya alla s’asseoir contre le lit avec sa fille dans les bras, la berçant et la câlinant, les larmes aux yeux. Elle avait eu si peur pour elle ! Mais tout va bien, elle était là, tout va bien. Son père avait pu la récupérer. La Force soit louée.

« Que t’est-il arrivée, ma chérie ? Personne n’a voulu te faire du mal, j’espère ? »

"Bien sûr, tu vas rentrer. Il y a une personne très spéciale qui t’attend, là-haut, que tu reconnaîtras vite. Tu vas rester avec elle en attendant mon retour."

Une personne très spéciale… ? Encore trop sonnée pour réfléchir, ou même beaucoup bouger, Vaylin ne parvint pas à trop réagir. Il lui vint juste à l’idée qu’elle devait se secouer, sinon elle tombera par terre dès que père la redéposera sur ses pieds, sauf qu’il ne fit pas. A la place, il quitta la cellule en la portant toujours, puis la fit glisser dans les bras d’un autre, un de ses gardes, visiblement, qui repartit aussi sec en l’emmenant. Pendant qu’ils traversaient les couloirs, la fillette fit de son mieux pour reprendre un peu ses esprits. Son corps était encore très lourd, tant elle était gorgée de calmants et d’autres médicaments l’ayant assommée. Marcher tout de suite aurait effectivement été complètement impossible, pas tant que tous ces trucs flottaient encore dans son sang. Le garde qui la portait, avec le petit groupe les entourant, grimpa bientôt dans une navette, qui décolla presque aussitôt.

Ils arrivèrent ensuite dans un autre vaisseau, faisant enfin réaliser à la petite qu’elle était libre et en sécurité, maintenant. Que père était vraiment venu la chercher. Et qu’elle ne reverra sans doute plus le rouge affreux qui lui avait des choses cruelles sur lui, et sans doute fausses en plus. Le garde la porta à nouveau, jusqu’à une porte. Quand elle s’ouvrit, Vaylin fit presque un petit bond dans les bras du soldat, tendant aussitôt les bras vers sa maman. Les larmes aux yeux, des larmes de joies, elle s’accrocha aussitôt à elle avec autant de force que possible, nichant son visage contre on cou, les yeux fermés. Maman… Elle était là, elle aussi ! Maman ! La personne qu’elle avait le plus désiré de voir dans toute la galaxie. Maman s’assit avec elle sur une couchette, en la serrant dans ses bras, et par ce geste, elle chassait toutes les angoisses que Vaylin avait put ressentir depuis son arrivée dans ce temps. Maman…

Durant de longues minutes, elle ne dit rien du tout, se laissant bercer et câliner par maman comme si elle avait toujours trois ou quatre ans. Elle sentait son odeur, dans le creux de son cou, elle sentait aussi son coeur battre, pleinement rassurée maintenant. Que pouvait-il bien arriver de mal, en ayant papa et maman autour d’elle ? En plus, ils allaient rentrer, père l’avait dit. Ils pourront être en sécurité même dans ce temps.

"Que t’est-il arrivée, ma chérie ? Personne n’a voulu te faire du mal, j’espère ?"

Ce qui lui était arrivé… Il lui fallut un peu de temps avant de rassembler ses pensées et répondre sans bafouiller. Tout en restant blottie contre sa mère, Vaylin prit une petite inspiration puis commença à tout lui raconter. Sa « chute » dans cette époque, au milieu d’une sorte de fête, tout le monde qu’il y avait eu, puis Takara la Sith, avec le grand rouge, et la façon dont elle avait perdu le contrôle de son pouvoir. Elle lui raconta sa peur terrible et ce qu’elle avait entendu autour d’elle, elle lui parla aussitôt de ce qu’on lui avait dit sur papa, dans cette cellule. Même si tout cela avait été assez dur à vivre, pour elle,ça n’avait désormais plus aucune importance. Sa famille était là, c’était tout ce qui comptait, elle se fichait du reste.

"Comment père et toi avez su que j’étais sur cette planète ? Et vous étiez où ?"

Valkorion l’avait déjà prévenue que de nombreuses personnes, dans ce temps, tenteraient de le décrédibiliser ou de raconter des choses malsaines sur lui, qu’elle ne devait pas s’en soucier ou prendre la peine d’écouter… Néanmoins, Senya n’avait pas imaginé que les ennemis de son époux feraient cela avec une petite fille, qu’ils tenteraient d’effrayer une enfant, une fillette, qu’ils joueraient même avec elle de cette façon, c’était si odieux ! Avaient-ils donc si peur d’affronter directement un adulte, étaient-ils se lâches pour raconter pareilles choses à une enfant, simplement pour la blesser et la troubler ?! Senya pouvait encaisser et supporter de très nombreuses choses, sauf qu’on s’en prenne à l’un de ses enfants. C’était impardonnable… Personne, personne, dans toute cette galaxie, n’avait le moindre droit de lever la main sur sa fille ou tenter de la blesser psychologiquement.

Les noms que son enfant lui avaient répété ne lui disaient rien. Cette Hilts, elle n’en avait absolument jamais entendu parler, et avec ces affaires de failles, elle pourrait venir d’absolument n’importe où. Enfin, ce n’était pas elle la pire, dans cette sale histoire… Senya en voulait plus à l’autre type, ce Scourge. Peut-être que son mari reconnaîtra ce nom ? Il était âgé, il avait connu de nombreux temps, peut-être restait-il une chance qu’il le connaisse. Ils en pareront entre eux, mais plus tard. Pour le moment, tout ce qui intéressait Senya était de réconforter son bébé. Tout en la tenant contre elle, elle lui massait un peu la nuque et le haut du dos, espérant lui passer un peu de chaleur. Sa crainte étaient que les deux frères de sa petite soient eux aussi éjectés dans ce temps et aient à souffrir à cause de personnes malhonnêtes. Loin de leurs parents, comment seraient-ils en sécurité ?

« Comment père et toi avez su que j’étais sur cette planète ? Et vous étiez où ? »

« Dans les régions Inconnues, ma chérie. J’ignore comment ton père a su exactement où venir te chercher, mais ça n’a aucune importance, tu sais… Il est lié à toi comme à tes frères, il saura toujours où vous retrouver et vous protéger. Ai confiance. »

En son père, en elle-même, en ses frères, en leur famille. C’était bien tout ce qu’il leur restait, dans ce temps, leur famille. Sa petite Vaylin pouvait compter sur les liens du sang. Senya se leva de nouveau, avec son enfant dans les bras, et la porta jusqu’à la salle de bain. Là, elle la fit asseoir sur une chaise, puis entreprit de lui laver doucement le visage et les bras, comme si elle était encore toute petite fille, pour la rafraîchir et l’apaiser. Elle s’assit après derrière la petite, défaisant la longue tresse, pour peigner les longs cheveux blonds de sa petite, et arranger sa coiffure.

« Ne pense plus à ceux qui t’ont dit du mal de ton père, ça ne vaut rien. Nous t’avons retrouvée, c’est l’essentiel. D’ailleurs, j’ai une nouvelle à t’annoncer, ma puce. Tu seras toi aussi une grande sœur, dans quelques mois. »

"Dans les régions Inconnues, ma chérie. J’ignore comment ton père a su exactement où venir te chercher, mais ça n’a aucune importance, tu sais… Il est lié à toi comme à tes frères, il saura toujours où vous retrouver et vous protéger. Ai confiance."

Oui, oui, elle avait confiance ! Complètement, même si des gens avaient voulu la bercer de mensonges. Elle hocha la tête avec ferveur pour le confirmer à maman puis s’accrocha à elle lorsqu’elle se leva et la souleva, avant de l’emmener dans la salle de bain. Même si elle était plus grande, maintenant, Vaylin adorait toujours autant se retrouver dans les bras de sa mère comme ça, elle s’y sentait en parfaite sécurité. Elle adorait aussi quand maman s’occupait d’elle de cette façon, ça ne lui donnait pas du tout l’impression d’être encore un bébé ou quoi que ce soit. Au contraire, ça la réconfortait. Elle se laissait faire sans rien dire, profitant juste d’un moment tranquille… Sans doute encore un peu assommée par les calmants et les membres toujours engourdis. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi ces gens tenaient tant à la droguer à un tel point… Ils n’allaient quand même pas avoir peur d’elle à son âge, non ?

"Ne pense plus à ceux qui t’ont dit du mal de ton père, ça ne vaut rien. Nous t’avons retrouvée, c’est l’essentiel. D’ailleurs, j’ai une nouvelle à t’annoncer, ma puce. Tu seras toi aussi une grande sœur, dans quelques mois."

"C’est vrai ??"

Elle tourna brusquement la tête vers sa mère avec un large sourire, lui enlevant au passage le petit travail qu’elle avait entrepris, puis se pencha aussi sec pour observer de plus près le ventre de sa mère et le toucher, en espérant sentir quelque chose, comme le bébé bouger par exemple. Sauf qu’elle ne se sentit rien du tout… Le ventre de sa mère était à peine arrondi et le bébé ne bougeait pas du tout, même lorsqu’elle essaya de l’appeler, pour voir. Vaylin fut un peu déçue, avant de réaliser que c’était peut-être simplement trop récent encore pour que le bébé ait assez grandi pour les entendre. C’était une fille ou un garçon ? A partir de quand on pouvait le savoir ? Et ce sera quoi son prénom ? Elle posa cette suite de questions à sa mère en relevant la tête vers elle, déjà impatiente d’avoir un frère ou une sœur de plus.

"Le bébé sera là quand ? Ils seront aussi sensibles à la Force ? Père le sait ?"

« C’est vrai ?? »

Les longs cheveux blonds de sa fille volèrent et lui échappèrent des mains, lorsqu’elle se retourna et vint se pencher contre son ventre. Senya rattrapa le peigne à la volée, puis eut un rire amusé, devant le soudain enthousiasme de son troisième enfant. Allons, allons, du calme… Attendrie par la scène, Senya posa sa main libre contre l’épaule de sa petite fille, tandis qu’elle essayait sans doute d’entendre le bébé. C’était encore un peu tôt pour ça, ma chérie… Il lui faudra plusieurs semaines de patience de plus pour sentir l’enfant bouger. C’était adorable, les jumeaux aussi avaient eu la même réaction que leur petite sœur, lorsqu’ils avaient su qu’elle attendait un autre enfant. Ils avaient voulu toucher son ventre et écouter, essayer d’entendre le bébé, même alors qu’elle n’en était qu’au premier trimestre et que la grossesse ne se voyait qu’à peine. Ils n’étaient pas frères et sœur pour rien, ces trois-là.

Valkorion n’avait pas eu la même réaction, de son côté. A vrai dire, il ne s’était pas beaucoup impliqué dans ses deux grossesses. Il avait simplement veillé à ce qu’elle bien entourée, médicalement parlant, et qu’il ne lui arrive rien. Mais ils n’avaient pas partagé ce genre de moment, il ne s’était pas non plus vraiment intéressé à tout ça avant le jour même de son accouchement. Le stress de devenir père, peut-être ? Il avait tant à faire et tant de responsabilités qu’il n’avait pas dû prendre assez de temps pour penser à sa vie privée. Au moins, à la naissance des jumeaux, il avait voulu rester seul avec eux, créer enfin un lien avec ses fils. Pour Vaylin, il avait aussi pris du temps avec elle, mais cette fois, il n’avait pas voulu être seul avec elle. Senya attendait la petite salve de questions qui n’allait pas tarder à suivre et ne fut pas déçue. Avant de répondre, elle fit d’abord remettre sa fille en bonne position sur le tabouret, puis reprit le peigne posé toute à l’heure.

« C’est un peu tôt pour savoir le sexe du bébé, jeune fille, un peu de patience. Nous déciderons du prénom plus tard, une fois que nous saurons ça. D’ici deux ou trois mois, tu sauras si tu auras un frère ou une sœur. »

Senya ne se sentait pas du tout stressée par cette nouvelle grossesse. Après trois enfants et deux maternités, elle savait comment les choses devaient se dérouler et ce qui l’attendait. Elle savait qu’il y aura des phases de très grande fatigue et de divers problèmes peu agréables liés à la maternité, au corps changeant, mais rien de très angoissant maintenant. Elle continua de peigner les longues mèches blondes de sa fille, sans cesser de sourire.

« Ton père le sait, bien entendu, il a été le premier au courant. Quant à savoir s’ils seront sensibles à la Force, je l’ignore encore. Pour toi, je l’ai su très tôt car déjà, dans mon ventre, tu te manifestais quelque peu, à ce sujet… Pour tes frères, nous ne l’avons su que plus tard, après leur naissance. Donc qui sait ? Là encore, il faudra un peu de patience. Il reste plusieurs mois avant que je ne sois prête à accoucher. »

Intérieurement, elle espérait que ce bébé ne le soit pas, qu’il ait une vie un peu moins rythmée et chaotique que ses trois aînés. Hélas, ce n’était pas elle qui décidait.

« Penche un tout petit peu la tête, pour que je puisse te coiffer… Voilà, merci. Maintenant que nous sommes réunis, en famille, je devrai parler à ton père pour qu’il s’occupe un peu plus de ton entraînement. Tu as besoin d’apprendre à contrôler ton pouvoir, c’est très important. Je ne peux pas beaucoup t’aider, à mon niveau. Lorsque ton père reviendra, je lui en toucherai un mot. »