Négociations avec les FID

La future mère avait mis le trajet à propice pour expliquer à Solian Simoor, l’officier qui l’accompagnait quelques uns de leurs us et coutumes, afin qu’il ne se sente pas trop perdu. Bien qu’ils aient préparé toute cette affaire en amont et beaucoup discutés, il restait toujours des petits détails pouvant surprendre et elle ne souhaitait pas qu’il se sente en difficulté. Assis à côté d’elle, les bras croisés, il ne disait pas grand-chose, écoutant en pinçant un peu les lèvres. Même pour un soldat entraîné à faire face à de ombreuses situations, toutes très variées, il n’était pas forcément évident d’être envoyé comme négociateur et diplomate, au sein d’un peuple dont il n’avait vu que quelques représentants sur Nirauan. En parlant, Ewime avait appris qu’il servait dans la septième Flotte depuis une bonne dizaine d’années, maintenant, et qu’il était arrivé sur Nirauan dès le début des travaux sur la base. Il avait déjà l’habitude des situations sortant des clous, pour autant, elle sentait qu’il était un peu nerveux. Elle conclut son petit exposé sur une note qui se voulait rassurante, avec un sourire. Mais il ne semblait pas très convaincu.

« Je suis un soldat avant tout, madame, pas un politicien. »

« Notre peuple préfère le cadre militaire. C’est la première fois que vous participez à ce genre de négociations ? »

« Oui et non. J’ai déjà été impliqué dans une affaire de ce type, mais c’était très restreint et les conséquences possibles étaient loin d’être les mêmes. »

Il eut un faible sourire à son tour, haussant un peu les épaules. Il ne montrait pas sa tension, ce n’était perceptible qu’en étant proche de lui ou en l’observant bien. Il avait déjà avoué que ce qui le gênait le plus n’était pas tant de jouer les diplomates auprès d’une nation étrangère mais bien les récentes révélations sur la pandémie. Beaucoup étaient encore très troublés, bien évidemment… Les plus en colère étaient, bien évidemment, les habitants restant de l’Espace Sauvage. La grogne y montait de plus en plus, d’après ce qu’elle avait pu entendre sur Nirauan, des révoltes ici et là avaient même éclatées. Ewime craignait que l’Empire finisse par envoyer une force de frappe assez importante pour écraser toutes ces rébellions et en finir pour de bon… Le nom de Nightswan revenait de plus en plus souvent, lui et ses hommes étaient sur tous les fronts, ces régions, habituellement calmes, étaient de nouveau en feu. Pensive, alors que leur navette s’engageait finalement dans les longs tunnels souterrains menant à la capitale, elle finit par partager ses craintes à ce sujet. Solian commença par murmurer qu’il ignorait comment tout allait se décanter, le regard dans le vague.

« Il n’y a pas que les Rebelles en action, nos propres troupes vont aider à ça, il y aura aussi plus de désertions avec le temps, à mon avis. Mais c’est… difficile de prévoir quoi que ce soit. Ces régions sont tellement grandes, l’Empire ne pourra pas abattre toutes les révoltes en un seul coup, elles se reformeront ailleurs. »

« Et tenter de régler ça avec la diplomatie… ? »

« Pas après la pandémie. »

« Même avec du soutien, ces mondes ne sont plus en état de tenir longtemps en guerre. »

« Tout dépend de comment l’aide s’organise. Par ailleurs, les effets des annonces sur la maladie se répandent encore. Nous devons être un peu patients. »

Il était bien plus optimiste qu’elle. Enfin, de toute manière, ils n’avaient pas le temps de plus en discuter, ils étaient arrivés à la capitale. Ewime en était partie il y a peu, revenue sur Nirauan justement pour préparer la réunion qui les attendait avec le commandant. Les trajets fréquents avaient tendance à beaucoup la fatiguer, pour être tout à fait honnête, mais elle ne voulait pas le montrer, pour ne pas inquiéter son entourage. Le petit bout qu’elle portait dans le ventre, bien au chaud, commençait tout juste à bouger de temps à autre, elle le sentait. De tous petits mouvements, presque indiscernables, comme s’il se retournait en elle. C’était une sensation nouvelle, extrêmement bizarre et perturbante, les premières fois où c’était arrivé, bien qu’elle s’y soit vite habituée. C’était comme si d’un coup, tout devenait plus réel, plus concret. Sentir son bébé bouger était tout à fait autre chose que simplement le voir sur une échographie. Il était bien là, bien en vie, il grandissait bien en elle, il n’y avait pas de mots pour décrire ce qu’elle ressentait quand il remuait. Sans être énorme, sa grossesse se voyait de mieux en mieux, ses robes ne cachaient plus rien.

Le protocole d’accueil et la cérémonie se mirent en place à peine un pied déposé hors de la navette, devant le Parlement. Une partie toujours longue mais il était habituée depuis longtemps. Seul point plus « gênant », devoir rester debout longtemps dans son état…

Deux options. Soit sa sœur n’avait réellement et absolument aucune idée de comment fonctionnait la politique au sein de l’Ascendance, soit elle le savait et pensait sincèrement que cette petite affaire avait la moindre chance d’aider en quoi que ce soit. Dans un cas comme dans l’autre, Formbi se demandait à quel point elle devait être profondément naïve et pourquoi il ne l’avait pas réalisé, à venir jusqu’ici. C’était même plus que de la naïveté, cette fois, il y voyait une réelle et incroyable stupidité. Aurait-elle voulu saper ses efforts et planter une balle dans le pied qu’elle ne s’y serait sans doute pas mieux prise. Même une personne ignorant tout ou presque du fonctionnement du Parlement aurait réalisé à quel point cette manœuvre était idiote. Maintenant, était-ce elle qui avait eu cette idée ou Thrawn ? Si c’était ce dernier, alors son pauvre beau-frère avait encore moins de sens politique que Formbi l’avait cru…

Fait rare, il était cette fois autant en colère contre l’un que contre l’autre. Contre Thrawn car ce jeune imbécile était complètement ignorant de comment la politique devait être menée, contre sa petite sœur car elle avait suivi bêtement cette mirifique connerie sans réfléchir. Formbi voulait bien accepter et tolérer beaucoup de choses, en revanche, qu’on vienne lui gâcher ses efforts et son travail sur son terrain de chasse, ça ne passait pas. Est-ce que son crétin de beau-frère avait seulement conscience, même un peu, de comment de telles négociations devaient être faites ?! Et Ewime ! Elle devrait, elle aurait dû, comprendre à quel point venir ici en tant qu’émissaire était idiot ! Jamais il n’aurait cru penser ça un jour, mais bon, ces deux-là s’étaient effectivement bien trouvés ! Incapables de suivre les règles et les conventions, il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre !

Cette fois-ci, leur assemblée ne se tenait pas en huit clos. Lorsqu’ils ne devaient se rencontrer qu’entre eux, qu’entre chefs des neuf clans, ils organisaient cela dans une salle de réunion au dernier étage du Parlement, un endroit assez petit, finalement, mais tranquille et discret. Pour cette fois et ces négociations, la rencontre se tenait dans une des grandes salles. Choix plus pragmatique, car ils n’étaient pas qu’eux neuf, chaque chef de famille avait avec lui ses conseillers, des parlementaires, des délégués, ainsi que des personnes devant retranscrire les informations et prises de décisions à l’ordre du jour. De façade, Formbi était très calme, intérieurement, il bouillonnait toujours intérieurement contre les deux imbéciles lui servant respectivement de sœur et de beau-frère. Il inspira légèrement et discrètement, jetant un regard en biais à Chaf’arth’aklaio, assis juste à côté de lui.

Son Administrateur, et aussi meilleur ami, avait les lèvres assez pincées et cachait plutôt mal que cette situation ne lui plaisait pas plus. Alors que l’ordre du jour était énoncé, Fartha faisait visiblement de son mieux pour se recomposer une expression normale et ne plus montrer ses ressentis. Un exercice délicat, pour lui, il avait toujours eu du mal à cacher ses émotions. Formbi l’encouragea d’un regard, avant de reprendre une pose plus formelle et prête au travail. Il posa le regard sur le commandant Humain, qui accompagnait sa sœur, et qui avait pris la parole pour exposer son poste et les raisons de sa venue. Pour le moment, le cadre était encore très officiel, chacun était bien installé à son siège, le cadre suivait son cours. Un peu de répit, mais pour encore peu de temps. A aucun moment, Formbi ne lança le moindre regard vers sa petite sœur, cherchant plutôt rapidement une solution pour ne pas foncer droit dans le mur.

*Merci encore pour ça, petite sœur…*

Au moins, Feesa avait été formée à ne jamais connaître une erreur aussi monumentale, merci au ciel. Quant à l’enfant à venir… Bah, espérons au moins que son père ne lui apprendra pas à être une sorte de gros troll comme lui…

PNJ Commandant Solian Simoor, 37 ans, member des FIID

L’amiral ne l’avait pas prévenu qu’il y aurait une cérémonie – carrément – aussi longue avant qu’enfin, ils n’accèdent à la salle en elle-même et ne puissent commencer. Le commandant Simoor n’avait pas compris le tiers de ce qui s’était dit durant tout ce temps, se contentant de rester planté là en ne saisissant que quelques mots à la volée, pour les avoir déjà entendus sur Nirauan, mais sinon… Quel était l’intérêt de mener une cérémonie avant une réunion militaire… ? Et dire qu’il trouvait déjà les protocoles impériaux longs, bien trop longs pour la santé mentale, il n’avait aucune idée de ce qu’était réellement un protocole interminable. Enfin, c’est bon, ils étaient assis et prêts à débuter. Ou presque. Car il y avait encore beaucoup de paroles à dire, visiblement. Pitié, bon sang. Heureusement, cette fois, la conversation était passé en Sy Bisti. Il avait commencé à travailler sérieusement cette langue il y a… Oh, il y a assez longtemps, maintenant, depuis que ses affectations l’avaient mené vers l’Espace Sauvage. En revanche, il n’aurait pas imaginé se retrouver plongé dans une telle situation.

D’abord les manœuvres de diplomatie dans l’Espace Sauvage, où il avait participé avec un collègue un peu moins expérimenté mais très doué niveau social, il savait se faire écouter partout où il se rendait, un atout précieux. Ensuite, la pandémie, dont il ne gardait que peu de souvenirs car il avait passé la plupart de son temps cloué dans un lit d’hôpital en se demandant à quel instant il passera finalement l’arme à gauche. Après cela, une période convalescence un peu délicate, suivie d’une reprise de service, cette fois sur Nirauan. Puis les récentes petites… révélations… concernant la pandémie. Révélations l’autant mis suffisamment en colère pour laisser tomber l’Empire et son armée avec. Enfin, aujourd’hui, il se retrouvait en mission diplomatique auprès d’une puissance étrangère, en compagnie d’une femme diplomate, enceinte jusqu’au fond des yeux, et dont il soupçonnait très fortement que le père ne soit nul autre que leur amiral. Bien évidemment, il gardait cette pensée pour lui, même s’il croyait bien que la moitié de la base avait déjà compris ça. Ah, les familles en temps de guerre… Sa propre femme l’avait quitté il y a quatre ans et il n’avait pas d’enfants, ça réglait au moins la question de savoir comment combiner son devoir et la nécessité de protéger sa famille.

Solian ne savait pas vraiment pourquoi c’était lui, précisément, que l’amiral avait décidé d’envoyer ici avec sa femme, enfin, avec la diplomate, il n’avait pas une si grosse expérience des affaires de ce type. Vanto aurait pu se retrouver ici à sa place, sauf que le garçon avait disparu de la circulation. Il s’était retrouvé un temps à la base, lui aussi, puis pouf, plus rien. Il l’avait juste revu dans la vidéo qui avait été diffusé, pour un message particulièrement… Horrifiant. Le commandant chassa cette pensée de son esprit pour le moment, dossier en main, car c’était à son tour de parler. Il commença par se présenter clairement, ainsi que le poste qu’il occupait habituellement, puis enfin, la raison de sa venue en ces lieux avec madame. Le tout d’une voix claire, assurée. Cette rencontre, il l’avait préparée en amont avec madame Chaf. Hum, quoi qu’il n’eût jamais été sûr, pour être honnête, que Chaf soit vraiment son nom de famille, elle l’avait très vite perdu avec ses explications sur la famille et les clans. Bah, de toute façon, elle ne s’offusquait pas lorsqu’il l’appelait ainsi, c’est que ça devait être à peu près bon.

– Nous représentons les Forces Impériales Dissidentes, un mouvement créé suite à la propagation du message dénonçant les véritables dessous de la pandémie récente. De nombreux membres de l’armée impériale ont ainsi déserté.

Il se sentait observé, détaillé, presque disséqué par les nombreux regards rouge sang, et n’aimait pas spécialement ça. Il y avait bien du monde, aujourd’hui, une véritable assemblée comme on en voyait au palais sur Coruscant, lorsque le Sénat évoluait encore. Il tapota très légèrement son dossier avec le bout de son crayon, en observant ses interlocuteurs, arrivant à peu près à bien repérer lesquels étaient les chefs de Familles, grâce aux couleurs qu’ils portaient, sans pourtant se souvenir quelles couleurs étaient associées à quels clans. Il l’avait étudié avec la dame, pourtant, mais las, cette info-là s’échappait de sa mémoire.

– Suite à ce message diffusé et suite au mariage de nos deux jeunes gens, la situation globale a beaucoup évolué. Les rapports de force se trouvent modifiés et ces changements continuent d’affecter les diverses parties. Nous sommes ici pour discuter d’une alliance, non militaire, puisque nous savons que vous ne souhaitez pas entrer en guerre. Malgré tout, l’Empereur Sith tournera son regard vers vous, tôt ou tard. Cela dit, il ne pourra le faire si aisément, avec des obstacles placés sur sa route.

Le silence était très lourd, tandis que l’Humain se présentait plus spécifiquement et débutait sa prise de parole. Formbi fit un rapide et discret tour de salle des yeux, notant qu’une bonne majorité de l’assemblée était plus curieuse qu’hostile, vis-à-vis du soldat, car finalement peu ici avaient déjà croisé la route d’Humains. En revanche, ses confrères, au Conseil, en avaient déjà vu plus que leur compte et n’étaient pas particulièrement ravis d’en découvrir un de plus chez eux. Surtout sachant que celui-là venait de la part du groupe de son beau-frère. Enfin, de Thrawn. Enfin, de l’exilé… Bref… Formbi se frotta un peu la tempe, discrètement, avec une très brève grimace. Mal au crâne, mal au crâne, ce type lui donnait mal au crâne, et le pire de tout, il avait peur qu’il se fasse tuer sur un champ de bataille, maintenant, car ça rendrait Ewime malheureuse et le bébé à moitié orphelin.

Pensif, il détailla, comme les autres, le commandant assis face à eux, sur le même plan, en se demandant vaguement combien, exactement, de soldats avaient déjà déserté l’armée impériale voisine et combien comptaient encore le faire. Cette information-là ne choquait personne, dans leur assemblée, tout le conseil et sans doute tous les citoyens étaient au courant de ce qui était arrivé et des déboires soulevant les rangs du puissant voisin. Ce qui ne signifiait pas pour autant que beaucoup s’en préoccupaient ou même ne cherchaient à en savoir plus. L’Empire n’était pas perçu comme une menace sérieuse et immédiate et ce n’était vers lui que les regards se tournaient le plus. Comme le disait l’Amirale Ar’alani, la menace des extragalactiques était, à l’heure actuelle, plus grave à leurs yeux que celle de l’Empire.

Ce point de vue était plus ou moins partagé par le Conseil, plus préoccupé par les menaces qu’ils trouvaient dans les Régions Inconnues et à leurs frontières qu’autre chose. Néanmoins, la donne avait récemment changé et ils devaient s’interroger sur ce voisin-là et sur les Siths. C’était d’ailleurs bien ces derniers qui les préoccupaient le plus. L’Ascendance pouvait se défendre contre une armée classique venue frapper à leurs portes, en revanche, ils n’étaient pas si bien défendus contre les étranges pouvoirs de la Force. Le vrai problème était là. La pandémie avait servi de leçon. Et pour qui avait besoin de rappel, il suffisait de jeter un œil au Sith destructeur, bouclé dans sa cellule, sur la petite planète leur servant de prison. Devoir le surveiller de près était devenue la nouvelle affectation que leurs soldats détestaient le plus. Il paraîtrait que le prisonnier leur faisait peur, lorsqu’il chantonnait des horreurs tout seul.

– Suite à ce message diffusé et suite au mariage de nos deux jeunes gens, la situation globale a beaucoup évolué. Les rapports de force se trouvent modifiés et ces changements continuent d’affecter les diverses parties. Nous sommes ici pour discuter d’une alliance, non militaire, puisque nous savons que vous ne souhaitez pas entrer en guerre. Malgré tout, l’Empereur Sith tournera son regard vers vous, tôt ou tard. Cela dit, il ne pourra le faire si aisément, avec des obstacles placés sur sa route.

Il surestimait leurs forces actuelles, ce garçon. Quoi que ce fût assez habituel, lorsqu’on débutait des négociations de ce type… Il avait au moins réussi à arracher un ou deux sourires au sein de toute l’assemblée, même si le Conseil, de son côté, était resté de marbre. La mention « non militaire » avait en tout cas contribué à apaiser les plus tendus. Beclu'doz'csapla avait été le premier à réagir et reprendre la parole, bien sûr, il était le plus concerné d’entre eux, son Clan s’occupant de la distribution des ressources, de l’agriculture, mais aussi des Colonies, en plus d’être en charge de Csilla. Il concentrait un fort pouvoir politique entre ses mains, qui datait de loin… Il commença par se faire confirmer que rien, si une telle coopération se nouait, ne concernera effectivement l’armée, de près ou de loin, balayant volontairement de son discours l’éventualité que Palpatine puisse s’en prendre à eux.

Ils y reviendront plus tard, c’était évident, mais il était compréhensible qu’il ne veuille pas aussitôt aborder le sujet. De son côté, Formbi restait assez pensif… Thrawn devrait savoir qu’ils étaient capables de se défendre, si l’Empire voisin venait vraiment les attaquer, et plus encore, qu’il aura déjà assez à faire, lui et ses déserteurs, pour s’intéresser à ce qui pourra se passer dans les Régions Inconnues. Sachant qu’il avait maintenant une jolie cible toute fraîche peinte sur la tête, il ferait mieux de se soucier à sa propre sécurité avant de se soucier de ce qui pouvait arriver dans les Régions Inconnues. Le commandant Humain était maintenant occupé à détailler les termes proposés, ce dont ils avaient besoin et ce qui était proposé en échange, en termes de matériel, fournitures et autres. L’avantage avec les soldats est qu’ils allaient droit au but, c’était plus agréable.

Oler'ede'migan interrompit à un moment leur confrère des Csapla, levant une main vers lui avec un petit geste, pour soulever quelques soucis liés à l’infrastructure, dans un tel système d’échange, car demeurait le problème qu’ils ne voulaient pas laisser des Humains ou autres rentrer et ressortir comme ça de chez eux, et dévoiler les routes. Même pour des simples affaires de transport. Les routes commerciales habituelles, si elles étaient peu connues, n’étaient pas forcément très bien protégées, ils ne souhaitaient pas attirer l’attention dessus ni déployer des forces militaires supplémentaires au détriment de coins et routes beaucoup plus sensibles. Leur Flotte avait beau être grande, elle n’était pas extensible à l’infini. Il proposait plutôt de mettre en place une base mobile, ou bien une base sur une planète, qui servirait de jonction entre les deux parties. Plus facile à défendre, ensuite, chacun des camps se débrouillerait pour assurer la sécurité de ses propres convois.

Pour le moment, lui-même ne disait rien, car ils n’en étaient pas à la partie où il aura son mot à dire. Il écoutait, observait, prenait quelques notes, laissant pour l’instant les Aristocras concernés en premier lieu poser toutes leurs questions et déterminer les termes voulus.

A ses yeux, l’Ascendance avait déjà changé, il le fallait pour que cette assemblée puisse avoir lieu aujourd’hui. Évidemment, il restait encore de très nombreux points non négociables qu’elle aimerait voir évoluer à l’avenir, sans oublier, bien entendu, les rapports extérieurs dont elle espérait qu’ils soient meilleurs à l’avenir. Au moins un peu plus ouverts et détendus ? Ce ne sera pas tout de suite… Le commandant, assis à côté d’elle, pris la parole à son tour, les regards braqués sur lui. Durant ce temps, Ewime observait en silence les diverses réactions, dans la salle, sentant une part d’hostilité mais aussi une certaine curiosité. Une petite partie, également, était plutôt indifférente. Une atmosphère mitigée, sans compter qu’il était assez dur de déterminer avec précision ce que pensaient les Aristocras de toute cette histoire. Sauf pour son frère, évidemment, mais elle évitait – un peu lâchement, il faut bien l’avouer – de croiser son regard. Il n’avait sans doute pas dû s’attendre à la voir ici, même s’il y avait des intérêts, et elle ne sentait pas d’attaque pour engager le moindre débat après cette affaire.

Des refus catégoriques potentiels ne l’inquiétaient guère, pour être honnête. Le Conseil aurait, tout simplement, refusé que cette réunion se tienne s’ils étaient fondamentalement contre le moindre échange commercial avec les FID ou s’ils ne voulaient, tout simplement, pas en entendre parler. Les alliances ou échanges étaient acceptables tant qu’ils n’impliquaient aucune intervention militaire dans les guerres des autres. Tout comme les traités de neutralité, garantissant à chaque partie une vie parfaitement tranquille du moment qu’aucun des deux camps ne tentait quoi que ce soit contre l’autre. C’était déjà arrivé plusieurs fois par le passé et encore aujourd’hui. Un peu sur ses gardes malgré tout, Ewime continuait d’observer les Aristocras et leurs attitudes. Son frère restait, curieusement, très calme et silencieux, le regard presque… Perdu dans le vague. A quoi pouvait-il bien songer ? D’habitude, il était toujours le premier à s’opposer à ce type d’échange ou de traité, tant il se méfiait des organisations étrangères, quelles qu’elles soient. Et vu à quel point il n’aimait guère Thrawn, elle était très étonnée qu’il ne dise toujours rien.

La discussion fut très rapidement centrée sur les termes pratiques d’un tel échange, si celui-ci se mettait en place, et la question de la place de l’Ascendance, face à la menace représentée par l’Empire voisin, ne fut même pas évoquée, après que le commandant ait terminé son laïus. Elle put même sentir l’étonnement et la légère crispation de Simoor, à côté d’elle, mais il fut trop diplomate pour dire quoi que ce soit ou tenter de ramener ce sujet. Il fallait bien dire que le Conseil ne devait pas se sentir en danger le moins du monde, du moins, les menaces réelles et avérées étaient déjà bien connues et l’Empire de Palpatine ne rentrait pas dans cette liste, bien que les Siths, eux, y soient. Après tout, la Flotte de Défense connaissait son travail et l’Empire avait déjà assez de déchets à balayer devant sa porte avant de penser à faire le voyage pour s’en prendre à eux. Ewime devait aussi avouer que les FID n’étaient pas encore assez forts pour vraiment protéger l’Ascendance… Et ils auront assez de travail comme ça, avec les tensions grimpant de plus en plus, dans toute la galaxie, suite aux révélations sur la pandémie.

En amont de cette réunion, ils avaient passé beaucoup de temps à lister les besoins, ce qui était possible de fournir en retour, et les termes pouvant être acceptables aux yeux de l’Ascendance. Un véritable travail de fourmi, qui les avaient tenu beaucoup occupés. L’Aristocra Oler'ede'migan souleva, un moment plus tard, un point important sur la question des transports et et la protection des routes spatiales utilisées. Ewime le savait assez conservateur et il craignait toujours, pour des contrats commerciaux avec des forces étrangères, que leurs routes soient dévoilées ou qu’on ne laisse rentrer des étrangers. Son idée d’une base spatiale, ou planétaire, n’était pas mauvaise… Les endroits possibles, dans leurs régions, étaient multiples, et les personnes venues de l’extérieur avaient des difficulté à se repérer et voyager. Disons-le clairement, se déplacer dans les Régions Inconnues étaient dangereux, peu de routes étaient fiables. A mesure que le débat et les discussions avançaient, plus de voix s’élevaient, chacun selon son domaine de compétence ou pour énoncer une autre idée. Chacune, comme elle le nota, destinée à réduire au minimum vital les contacts avec les FID. Des relations plus ouvertes, ce ne sera pas encore pour demain.

Malgré tout, la principale raison faisant que le Conseil avait accepté d’en discuter, c’était que quelques membres de l’Ascendance avaient décidé de rejoindre Nirauan, ni plus ni moins. Le Conseil ne pouvait pas ignorer cette tendance, même si elle était encore très infime, de leur peuple à s’ouvrir un peu vers l’extérieur. A mesure que le débat se menait, elle prenait assez régulièrement la parole, pour ajouter certaines précisions, donner des détails et contrecarrer certaines peurs ou crispations, plus particulièrement. De son côté, le commandant Simoor commençait, très discrètement mais il commençait, à montrer des petits signes d’un certain ennui. Pour un soldat, une réunion aussi longue devait vraiment l’assommer. Elle profita d’une très brève pause, alors que le niveau des conversations s’élevait soudainement dans la salle, pour boire un peu d’eau et lui adresser un petit sourire d’encouragement.

« Tout va bien ? » murmura-t-elle.

« Oui… C’est assez long, mais oui. »

Et encore, ils n’en avaient pas terminé… Ewime n’osa pas lui dire qu’elle trouvait ça court, selon leurs standards et habitudes. Après tout, ils n’étaient là que depuis trois heures. Elle hésita un instant à le lui souligner, puis se retint, pour ne pas le démoraliser. Chaque sujet devait juste être traité avec soin avant de passer au suivant, voilà tout.

Prendre le temps et le soin de s’attarder sur chaque détail, pour constituer un dossier parfaitement solide, c’était là un travail que Formbi savait apprécier à sa juste valeur. Il adorait ça autant que la musique, il adorait le côté perfectionniste et pointilleux de son peuple, dans la préparation des dossiers et divers sujets. A mesure que les discussions progressaient, il se calmait et se détendait, se plongeant dans ce travail de fourmi et réussissant même à oublier sa colère première vis à vis de sa petite sœur. Dans la salle, les interventions pouvaient sembler anarchiques, d’un point de vue extérieurs, elles étaient pourtant calibrées au millimètre. Car s’ils prenaient soin d’explorer jusqu’aux plus petits détails, ils ne devaient pas pour autant se perdre en débats inutiles ou tolérer des interventions qui n’apporteront rien d’intéressant au dossier. Il finit par lui aussi prendre la parole sur certains points, intéressant de plus près son Clan.

Fartha lui glissait régulièrement des documents entre les mains et en reprenaient d’autres, parfois agrémentés de petits conseils, dans un murmure, lorsqu’il ne devait pas lui-même prendre la parole. Un petit ballet et un échange paramétré avec soin depuis plusieurs années, maintenant. Ils se connaissaient depuis… Oh, une bonne vingtaine d’années, et il s’en était écoulé dix depuis que son ami était devenu également son Administrateur. C’était un homme d’un tempérament très calme et conciliant, très sociable, soit tout le contraire de Formbi. C’est pour cela aussi qu’il avait autant besoin de lui dans la gestion quotidienne du clan, car son caractère contrebalançait avec le sien, le tout fournissait un meilleur équilibre. Lorsque des décisions devaient être prises, c’était d’autant plus important. En plus de ça, à un niveau plus personnel, Formbi trouvait que Fartha était un homme en or, une personne qu’il était bon d’avoir dans son entourage.

Veeren profita d’une nouvelle occasion pour ajouter une condition, verrouillant un peu plus la présence d’humains près de leurs frontières, une mesure qui sembla appréciée par leurs collègues. Elle cherchait à apaiser les plus tendus et rassurer la population, avant tout. Il approuva, lui aussi, bien qu’il ait moins de griefs contre les Humains par rapport à autrefois, il songeait que ça pouvait aider à calmer les choses. Un peu plus de trois heures s’étaient écoulées, sans compter, bien évidemment, la cérémonie d’accueil ayant précédé la réunion, lorsqu’ils firent une petite pause. Formbi soupira légèrement en se tournant à moitié vers son ami. Fartha était un peu préoccupé, un des détail technique, sur le transport, lui causait du souci. Ça ne sera pourtant pas le problème principal de leur Clan, chacun son travail.

– Il y a beaucoup de points qui seront de toute manière retravaillés ensuite, sourit doucement Formbi, à voix basse. Ne t’en fais pas tant.

– Je préfère lorsque tout est bien carré et ordonné. Je n’aime pas les imprévus.

– Moi non plus, mais ici, c’est un simple échange commercial de plus. Que veux-tu qu’il puisse arriver de mal.

– Nous pensions tous aussi qu’il ne pouvait rien arriver de mal chez nous, avec les Siths voisins.

Bon point. Il ne trouva rien à répliquer, seule une très légère grimace envahit ses traits, l’espace d’un instant. Ils reprirent ensuite leur assemblée, après quelques minutes, pour une heure et quelques encore, avant un arrêt prévu pour le déjeuner. Il repensa parfois, durant ce temps, à ce qu’avait dit Fartha, mais ce sujet-là n’était pas encore revenu une seule fois dans la discussion. Sans doute le Conseil devait-il trouver, dans son ensemble, le commandant assez mignon et revendicatif, mais ne pas croire pour autant que la faction qu’il représentait avait déjà les épaules assez solides pour les aider. De plus, personne ici ne pensait qu’une force militaire supplémentaire soit la véritable solution, contre les Siths. Plus depuis les failles. Plus depuis ce qu’ils avaient observé chez le grand cinglé des virus. Si l’atomiser sur place pouvait régler le problème, toute la galaxie se serait concentrée sur ça depuis très longtemps.

Lorsque vint la pause déjeuner, l’ambiance se détendit un peu, alors que chacun se levait, discutait, et récupérait quelques documents pour ceux tenant à continuer le travail même en mangeant. Formbi en profita pour aller rejoindre sa petite sœur et le commandant, saluant de nouveau la première d’un ton plus familier et le second en restant très neutre. Vu de plus près, il eut le sentiment que l’Humain était sur le point de mourir littéralement d’ennui, d’après son regard et sa posture.

– Merci pour la « surprise », petite sœur, soupira-t-il en langage commun, pour ne pas rejeter d’emblée l’Humain à côté. Tu es bien certaine que ce soit une bonne idée ? La grossesse te fatigue malgré tout.

Le travail avançait bien, mais Ewime sentait que le commandant luttait de plus en plus ardemment pour ne pas s’effondrer d’ennui sur la table. Ça l’amusait un peu, dans le fond, elle voyait qu’il faisait tous les efforts du monde pour rester très concentré, mais que plus les minutes et que les débats s’éternisaient, plus il avait du mal à le rester. Cependant, ça allait encore, il ne s’écoula qu’à peine plus d’une heure avant que la réunion ne soit interrompue, le temps de déjeuner. Ewime rangea rapidement certaines affaires avant de les glisser dans un petit sac et se lever, un peu fatiguée malgré tout, mais elle ne voulait pas le montrer. Le commandant avait presque sursauté, quand tout le monde s’était levé d’un coup, car ne parlant pas leur langue, il n’avait pas pu comprendre l’annonce de la pause, par le maître de l’assemblée, et suivit le mouvement avec un léger temps de retard. Elle l’attendit au bout de la rangée, ses affaires sous le bras, juste au moment où son frère s’avança vers eux. Ewime fut un peu tendue, en lui rendant son salut, mais il ne semblait plus vraiment en colère. A son très grand soulagement. Et aussi à son très grand étonnement, quelque part… Étonnement qui se raviva encore plus lorsqu’il prit la peine de parler en Basic plutôt que d’utiliser leur langue natale. Son frère avait… changé.

« Merci pour la « surprise », petite sœur. Tu es bien certaine que ce soit une bonne idée ? La grossesse te fatigue malgré tout. »

« Je me sens plutôt bien, ne t’en fais pas. Et puis, je n’ai pas besoin, médicalement parlant, de rester allongée vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le bébé va bien et moi aussi. Vous venez déjeuner avec nous, commandant ? »

Elle ne voulait pas l’abandonner tout seul dans cet endroit alors qu’il ne connaissait rien ni personne… Il n’était pas obligé bien sûr, mais ce serait mieux pour lui. Heureusement, il accepta assez facilement, bien qu’ayant jeté un drôle de regard vers eux, comme s’il ne savait pas vraiment où se placer. Ils ne devaient pas aller loin, de toute façon, lorsqu’il y avait une réunion de ce genre, Formbi lui avait dit qu’il allait toujours déjeuner au même endroit, un petit restaurant tout près d’ici. Elle y avait été avec lui quelques fois, l’ambiance y était décontractée. Évidemment, à leur arrivée, la patronne et son conjoint, en salle, ne purent s’empêcher de dévisager l’Humain avec des yeux ronds puis se reprirent, avec une légère gêne. Lorsqu’ils allèrent s’asseoir, elle adressa discrètement un petit mot d’excuse, à l’attention du commandant, pour ça. D’autres clients faisaient d’ailleurs de même, plus ou moins ouvertement ou discrètement, et elle n’osa pas leur envoya un regard noir, pour qu’ils cessent. Heureusement, le commandant semblait déjà en avoir pris son partie et n’y prêtait pas plus attention que ça, ce qui la soulagea assez.

« Il est habituel… » demanda-t-il d’un coup, d’un ton prudent, « que les réunions durent ce temps ? »

« Oh, non, ça s’est passé très vite, ce matin, pour une fois, celle-ci est très rapide, dans sa manière de procéder. »

La mine du commandant se déconfit, tout à coup, et Ewime regretta d’avoir été un peu trop directe. Elle lui sourit, suite à cette réponse, et lui dit ensuite de ne pas trop s’en faire, puisque oui, justement, c’était rapide, aujourd’hui. La patronne vint prendre leurs commandes, le plat du jour pour rester simple, et leur apporta leurs assiettes peu de temps plus tard. Elle avait profité du temps mort pour demander des nouvelles plus classiques à son frère, à savoir comment ils allaient, lui et Namia, les petites nouvelles habituelles sur leurs connaissances communes, ce genre de choses. Il était comme elle et n’avait que très peu d’amis proches, ça réduisait le temps nécessaire à ce genre d’échanges. C’est en commençant à manger qu’elle se rendit compte qu’elle mourrait de faim, en réalité. Depuis un mois ou deux, son appétit avait augmenté, après avoir été complètement déréglé durant tout le premier trimestre de sa grossesse.

« Où en es-tu, finalement, sur ce qui touche à Nirauan ? Tu soutiens ou tu ne soutiens pas ? »

– Je me sens plutôt bien, ne t’en fais pas. Et puis, je n’ai pas besoin, médicalement parlant, de rester allongée vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le bébé va bien et moi aussi. Vous venez déjeuner avec nous, commandant ?

– Bon…

Il s’angoissait autant pour son neveu que pour son propre fils, c’était comme ça, il ne pouvait juste pas s’en empêcher ! Tout comme il s’était beaucoup angoissé pour Feesa, avant qu’elle ne reparte finalement chez elle. Ah, bon sang… En quittant les lieux, il croisa Fartha à la sortie, qui lui avait rejoint sa femme, venue le chercher, et partant également en direction d’un des petits restaurants du quartier pour le déjeuner. Tien,s maintenant qu’il y pensait… Feesa lui avait dit que Fartha et sa femme l’avaient adoptée, d’accord, mais le couple n’avait jamais eu d’enfants… Il n’avait jamais abordé vraiment le sujet avec son ami, mais c’est vrai, il était marié depuis un peu plus de cinq ans, maintenant… Pouvaient-ils avoir un enfant, seulement ? Ou ne désiraient-ils pas en avoir ? Enfin, non, si Fartha avait accepté d’adopter Feesa, avec sa femme, c’est qu’ils en voulaient. Peut-être ne pouvaient-ils pas en avoir…

Il ne comptait cependant pas aborder le sujet avec lui, c’était sûrement un peu sensible et il ne tenait pas à blesser le couple, surtout s’ils cherchaient sans succès à fonder une famille. Détournant le regard, il suivit sa sœur et l’humain dans l’établissement où il avait l’habitude de déjeuner, entre deux phases de réunion, non loin du Parlement. Il aimait venir ici car le service était très rapide et on pouvait y déjeuner en toute tranquillité. Les plus gros restaurants, plus officiels aussi, le fatiguaient, il détestait profondément les ronds-de-jambe et les blas blas interminables de la Haute Société. Il se considérait même pas comme en faisant partie lui-même, alors que c’était pourtant le cas, et évitait autant que possible toutes les soirées et autres événements sociaux de ce milieu. Ce qui ne devait pas arranger sa réputation de gros ours des neiges mal léché, maintenant qu’il y pensait.

Une fois à table, pendant que sa sœur et Simoor échangeaient quelques mots rapides, il sortit son datapad et en profita pour tapoter rapidement un message pour sa femme, afin de prendre de ses nouvelles et savoir comment elle se sentait. Il n’avait pas eu le temps de la voir, ce matin, devant partir avant qu’elle ne se réveille. Il le rangea lorsque la patronne vint prendre leurs commandes, puis apporter les assiettes, tout en discutant avec sa sœur. Quelques nouvelles banales mais rassurantes, dans le fond. La vie continuait… Et surtout, la vie se calmait, ces derniers temps. Plus trop d’étrangers dans le coin, si on exceptait le commandant aujourd’hui, évidemment, et surtout, les citoyens de Csilla commençaient enfin à envoyer moins de lettres au Parlement pour se plaindre de la présence de deux Humains. Sans doute car ils réalisaient que personne, dans le Conseil, ne prenait la peine d’y répondre.

– Où en es-tu, finalement, sur ce qui touche à Nirauan ? Tu soutiens ou tu ne soutiens pas ?

Cette question piège… Formbi avala un peu de travers la bouchée de poisson qu’il venait juste de prendre puis la fit passer avec de l’eau, avant de se racler la gorge. Donc. Nirauan. Ce qui lui faisait le plus de peine, là-dedans, c’était bien que sur une quarantaine des leurs y étant partis, presque la moitié faisait partie de son propre Clan… Une autre grosse partie venait du Clan Nuruodo, et les quelques autres se partageaient entre les autres Familles.

– Eh bien, étant donné le nombre de personnes de notre Clan ayant choisi d’y travailler, disons que je soutiens.

Un très léger soupir lui échappa, presque indiscernable. Lorsque cette base s’était faite, il y avait eu un peu de remous… De son côté, Formbi n’avait jamais rien fait, même aux tous débuts, pour dissuader les candidats au départ de filer vers cette base ou de travailler avec les Humains s’ils en avaient envie, au contraire de la majorité des autres Aristocras. Seul Mitth'san'suazee et Sev’eere’nuruodo avaient suivi cette même ligne de conduite, ce qui était logique. Veeren était fondamentalement pour ce projet, quant aux Mitth, ils étaient inféodé au Clan Nuruodo et suivaient leur avis dans la grande majorité des cas. Il avait haussé un peu les épaules, plus aussi agacé par tout ça qu’il ne l’avait été par le passé. Il n’avait rien fait pour ne pas créer de dissensions dans le Clan, les premiers départs s’étaient faits avant que sa sœur ne décide d’y rester elle-même.

Évidemment, il y avait aussi d’autres raisons, très personnelles et dont il n’avait jamais parlé à qui que ce soit, mais celles-là, il les conservait pour lui. Personne n’avait besoin de savoir ce qu’il pensait vraiment.

– Attention, cependant, ça ne veut pas dire que je soutiendrai des actions armées, comme ça, contre je ne sais qui dans cette galaxie, pas tant qu’on ne nous attaquera pas. Et que toi non plus, tu ne te retrouves pas dans je ne sais quel conflit, sur cette base, surtout enceinte. J’espère au moins que Thrawn veille comme il faut sur toi et le bébé.

Au moins, elle avait sa réponse, même si elle avait eu, à un instant, le sentiment de devoir la lui arracher. Bien, très bien ! Rassurée, elle lui dédia un beau sourire, puis continua son déjeuner. Le poisson était excellent. C’était ce qui constituait principalement son alimentation, depuis quelques semaines, car elle digérait plus mal la viande ces derniers temps. Pour une raison… qui existait sûrement. Pas mené d’investigations sur le sujet, elle se contentait de cuisiner et manger ce qui lui faisait envie ou plaisir, sans plus se poser de questions. Il lui arrivait aussi de se lever au beau milieu de la nuit pour une soudaine faim ou parce qu’elle mourrait d’un coup de soif. Bref, tout était complètement déréglé, exactement comme ses humeurs. Un rapide regard vers le bas, et son ventre arrondi, le temps qu’elle demande mentalement au bébé d’arrêter de lui mettre tout à l’envers, merci, puis elle releva la tête. Juste à temps pour croiser le regard inquisiteur de son grand frère.

« Attention, cependant, ça ne veut pas dire que je soutiendrai des actions armées, comme ça, contre je ne sais qui dans cette galaxie, pas tant qu’on ne nous attaquera pas. Et que toi non plus, tu ne te retrouves pas dans je ne sais quel conflit, sur cette base, surtout enceinte. J’espère au moins que Thrawn veille comme il faut sur toi et le bébé. »

Elle allait répondre lorsque Simoor, à côté d’elle, s’étouffa un peu brusquement puis toussa dans sa serviette, respirant avec peine. Elle lui tapota le dos avec un peu de panique, puis il bafouilla que c’était bon, tout allait très bien, merci. La minute d’après, avoir reprit son souffle, il s’intéressa soudainement à ce qui se passait dans la rue ou regardant avec passion un dessin peint aux murs, les joues un peu rouges. Reportant le regard vers son frère, Ewime soupira un petit peu, puis lui décrit deux ou trois choses que Thrawn faisait pour elle lorsqu’elle était plus fatiguée par sa grossesse ou qu’elle se sentait moins bien, dans l’espoir qu’il cesse de s’inquiéter à ce sujet. Il prenait soin d’elle, lorsqu’ils étaient tous les deux, aucun souci à ce sujet ! Et elle ne pouvait pas lui rendre totalement la pareille… Mais soit, pour que Formbi arrête de s’inquiéter, elle lui parla plus en détails de leur vie à deux, quand il pouvait être présent, d’un ton très confiant. A côté, le commandant fixait maintenant son assiette, les joues rouge cramoisi et donnait l’impression de vouloir se trouver n’importe où sauf ici.

Déviant ensuite le sujet, elle repassa sur un sujet plus banal, tentant autant de rassurer son aîné que lui faire comprendre que tout se passait très bien et qu’elle était parfaitement heureuse. Ils discutèrent longuement, durant le déjeuner, mais beaucoup entre deux. Elle tenta plusieurs fois d’inclure le commandant dans la conversation, mais ce dernier s’était comme renfermé, telle une huître, c’était un peu étrange. Après le déjeuner, il fut assez vite de rentrer au Parlement pour la suite de la réunion. En retrouvant sa place, Ewime prit quelques minutes pour être certaine que l’Humain allait bien, quand même. Elle ne comprenait pas vraiment ses réactions, cela dit, c’était sans doute le stress, tout simplement. Bon, ils allaient reprendre, de toute manière, replonger dans le bain l’aidera à se sentir mieux, c’était certain.

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Oh là, le commandant, il fallait faire attention, lorsqu’on mange ! Formbi poussa la carafe d’eau vers lui, pendant que sa petite sœur lui tapotait le dos pour l’aider à respirer. C’est bon, il n’allait pas s’étouffer ? Mmh ? Voyant qu’il se reprenait, l’Aristocra fut rassuré puis reprit sa conversation avec sa sœur. Il déjeunait doucement, pour une fois, plus préoccupé par les nouvelles qu’elle avait à lui donner. Elle cherchait à le rassurer, évidemment… Et de son côté, il n’osait pas lui dire qu’il s’inquiétait comme jamais depuis qu’il savait que Feesa avait grandit sans mère ni père. Elle était décédée en couches, mais ce que son frère imaginait, c’était bien qu’un choix terrible avait dû se faire, lors de cette naissance, entre sauver la mère ou l’enfant. Feesa ne l’avait avoué qu’à demi-mots, avant son départ, se contentant de souffler que tout s’était passé très rapidement, d’après ce que lui-même lui avait raconté.

Il redoutait par-dessus tout en arriver à une telle situation. Le père de l’enfant déjà mort, sa petite sœur à l’agonie, le bébé en danger, et qu’un médecin lui dire qu’ils ne pouvaient tirer d’affaire à la fois Ewime et son bébé. De ce qu’il avait su, avec Feesa, c’était bel et bien ce qui s’était produit. Il ne pouvait qu’à peine imaginer l’horreur de cette situation… Et pourtant, dans le même temps, il savait déjà très bien ce qu’il devra faire, dans ce cas-là. Il demandera évidemment à ce que le bébé passe en priorité. Il savait que si Ewime était en état de parler, elle voudrait cela aussi. L’enfant d’abord. En regardant la future maman, aujourd’hui, il ne pouvait pas arrêter de penser à tout cela. De se dire qu’il pourrait, pour sauver ce bébé, laisser mourir l’une des personnes qu’il aimait le plus dans ce monde. Quitte à termine sa vie, ensuite, avec ses remords.

Ces pensées l’accompagnèrent tout le long du déjeuner, puis lors du trajet retour au Parlement. Une fois revenu à sa place, tout en couvant sa sœur du regard, plus loin, Formbi se dit que le mieux qu’il pourrait faire, de toute façon, sera de veiller sur elle jusqu’à la fin, puis de veiller aussi sur ce bébé si un nouveau drame survenait et qu’il perdait ses parents. Il jurait de le protéger, l’élever et l’aimer comme son propre enfant, quoi qu’il arrive. Baissant la tête, il retint un soupir, puis se focalisa de nouveau sur leur réunion, lorsqu’ils reprirent le rythme. Dès la lancée, il y eut cette fois un peu plus de crispations que ce matin, peu étonnant, étant donné les sujets abordés. Formbi retrouva assez vite son humeur habituelle, son esprit se centrant sur les préoccupations des membres de son Clan et leurs intérêts. Tout en gardant en tête qu’il valait mieux que tout se déroule bien entre les deux parties… Du moins, aussi bien que possible.

Régulièrement, inlassablement, il était répété qu’aucune opération militaire, d’une quelconque nature que ce soit, ne sera acceptée. Ou tolérée. Intérieurement, même s’il ne dit bien sûr pas à haute voix, Formbi se dit que lui-même n’aura pas beaucoup d’hésitation, pourtant, à aller filer un coup de main à Nirauan s’ils étaient attaqués, avec leurs navires personnels, ceux de la Famille, pas la Flotte de Défense. Beaucoup des Chaf étaient là-bas, après tout, alors peu importe que l’Ascendance ne soit pas d’accord, s’ils étaient menacés, Formbi ne restera pas gentiment les bras croisés en attendant qu’ils se fassent dégommer. Son Devoir restait de les protéger, même s’ils avaient choisi de travailler là-bas. Il hésita franchement à l’annoncer platement, quitte à en énerver pas mal au passage mais au moins leur faire comprendre que c’était un sujet important. Il ouvrait la bouche quand Fartha posa tout à coup une main contre son bras, sourcils froncés.

– Quoi ? souffla-t-il dans un murmure.

– Ne dis rien pour l’instant.

– Tu ne sais même pas ce que je comptais dire…

– Je le devine très bien.

Formbi grimaça très légèrement, mais pour une fois, décida d’écouter les conseils de Fartha et resta silencieux. Il n’en pensait pas moins, cela dit… Il faudra qu’il en touche un mot à Thrawn… Grmbll… Ô joie… Il se nota dans un coin de son esprit de s’en occuper plus tard, ce n’était pas le moment pour y penser…

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Note à soi-même, ne jamais écrire à la va-vite entre deux transports sur un carnet car on ne parvenait même plus à se relire soi-même ensuite. Ewime fit une petite moue, sourcils froncés, en essayant de se souvenir pourquoi elle avait griffonné ça dans un coin sur le trajet vers le Parlement, ce matin, puis la mémoire lui revint d’un coup une minute plus tard. Après le déjeuner, elle avait toujours un petit moment de flottement, comme si la fatigue la rattrapait tout à coup, c’était assez bizarre. Un déjeuner qui n’avait pas permis à tout le monde de se détendre, en tout cas, à moins que ce ne soit que parce qu’ils abordaient, vraiment, les sujets qui fâchent. A savoir quelles ressources, exactement, pouvaient être inclues dans le cadre de ces échanges, ce qui était attendu en retour, et ainsi de suite. Jetant un petit regard sur le côté, elle s’aperçut que Simoor griffonnait à la main sur son propre carnet « Que fais-je donc lààà » dans un petit coin, alors qu’il gardait un sourire poli et le regard droit. Amusée, elle reporta le regard sur les Aristocras en pleine discussion, mains croisées contre la table.

Un coup d’œil rapide vers son frère lui permit aussi d’intercepter le geste de Fartha et elle se demanda ce qui se passait, cette fois-ci, ce qu’il se retenait de dire haut et fort et qui risquerait de provoquer pas mal de remous. Il n’y avait pourtant rien eu de bien méchant… Cela dit, même elle avait souvent du mal à comprendre tout ce qui traversait l’esprit de son frère et les éléments susceptibles de l’agacer ou de l’effrayer, il était souvent difficile à saisir. Enfin, sur certains sujets, c’était très limpide, même prévisible, mais sur d’autres… Enfin bref. Son confrère du jour intervint à plusieurs reprises, soit pour ajouter des précisions, soit pour éviter certains petits malentendus… Il cachait bien qu’il mourrait littéralement d’ennui, en tout cas. Si les discussions, globalement, furent plus animées que ce matin, ils avançaient malgré tout un peu plus vite. Seuls les plus pointilleux venaient encore rallonger la sauce avec les petits détails. Même si elle avait l’habitude de ce type d’affaires, Ewime aussi commençait à fatiguer, et à la fin de l’après-midi, elle avait beaucoup mal à la tête, se sentait très raide.

Un dossier fut remis au commandant, qui devra le transmettre à Thrawn, avec les propositions faites et le « contrat » pouvant être établi. Chaque partie allait encore devoir revoir tout cela à tête reposée, maintenant que le gros était déblayé, et les diplomates se chargeront de la suite de l’affaire, pour tout peaufiner. Il était déjà tard, lorsque la séance fut levée, presque vingt-heures. Alors que chacun rangeait ses dossiers, se levait et discutait, elle se tourna vers le commandant pour lui dire qu’il pouvait relâcher un peu la pression, maintenant, avec un petit sourire. Le pauvre avait les yeux brillants tant il n’en pouvait plus, après une journée complète de discussions et cérémonials. Ewime se leva avec une certaine difficulté, très raide dans le dos aussi, et posa une main contre son ventre, l’autre tenant ses propres dossiers. Ah, bon sang, c’était quand même idiot de ne plus être capable de tenir une pauvre journée pour son travail, elle avait presque mal au ventre.

« Vous allez bien ? » chuchota le commandant avec un air un peu inquiet.

« Oui, oui, c’est bon… C’est juste un des bons côtés de la grossesse, disons. »

Elle en riait mais au fond, ça ne l’enchantait pas. Elle ne voulait juste pas qu’on s’inquiète pour elle, en fait. Bien, maintenant, rentrer sur Nirauan. Son frère était déjà prévenu qu’ils rentraient directement au vaisseau après la réunion, même s’il était un peu tard, maintenant. Surtout pour ne froisser personne, comme elle savait que peu, ici, alliance ou pas alliance d’ailleurs, appréciait les étrangers, ça sera mieux pour le commandant, et elle du même coup, de ne pas s’attarder. Elle alla saluer son frère, lui répéter au passage de ne pas toujours s’angoisser pour elle, surtout sans raison, lui demanda d’embrasser sa belle-sœur de sa part, puis repartit trouver Simoor pour quitter la capitale. Sa seule hâte, maintenant, était de manger un bout et prendre un peu de repos. Le travail attendra bien demain matin.