Leçon sans échappatoire [PV Ezra Bridger]

Le bas du dos le grattait, là où il avait un bandage très épais. Le docteur lui avait dit de ne pas y toucher, ne pas déranger les cicatrices, mais bon sang, c’était désagréable ! Il se tortilla un peu pour toucher l’endroit en question, glissant les doigts, sous la chemise d’hôpital, sur le bandage en question, légèrement rugueux au toucher. Il avait l’impression d’avoir le dos quasiment entièrement couvert de ça, moins les bras. Ça faisait… Il ne savait plus… Un bon moment qu’il se trouvait ici. Ses visites se résumaient à celles du docteur et de ses assistants. Il avait aussi vu Lorana et son mari, qui étaient passés le voir, avant de repartir pour le temple. Ezra n’avait pas compris ce qu’ils fichaient sur Nirauan, encore trop abruti par les médocs au moment de leur passage, mais ils lui avaient promis qu’il pourra être rapatrié au Temple dès que possible. Il s’était écoulé du temps, depuis cette visite et cette promesse, et le jeune homme commençait à peine à regagner un bon niveau de conscience. A réaliser ce qui s’était passé et les conséquences.

Même si ce n’était pas dans sa nature de se laisser abattre ou sombrer dans la dépression, la situation restait incroyablement dure à avaler. Il ne pouvait jamais s’empêcher de tenter quand même de remuer les jambes par tous les moyens, il avait même essayé ce matin avec la Force. C’était… horrible… de se sentir coupé d’une partie de soi. Le pire, c’est qu’il avait parfois encore mal aux jambes. Le docteur Nuwan disait que c’était des douleurs fantômes. Ses jambes ne répondaient plus mais il en pouvait encore en souffrir, ce n’était rien d’autres que des « traces » enregistrées par son cerveau, qu’il lui renvoyait de temps à autre. Et que c’était normal, chez les personnes paralysées et celles qui avaient été amputées. Normal, peut-être, mais stressant et perturbant… Il laissa retomber la tête contre l’oreiller, puis referma un instant les yeux. C’était encore dur de se projeter dans l’avenir…

Quelques minutes plus tard, le bruit d’une sonnette le tira de pensées devenues bien plus moroses. Il rouvrit les yeux et lança à la porte que le docteur était déjà passé, pensant que ça devait être encore le gars qui s’occupait de « l’état mental des patients » et n’avait franchement pas envie de le revoir, celui-là. Sauf que lorsque la porte s’ouvrit, Ezra changea brutalement d’avis et se dit que finalement, si si, ça aurait très bien de le revoir, en fait, ce type ! Bouche bée, il pensa juste après de filer de là, puis se rappela qu’il ne pouvait pas, de toute façon. Attendez, ah, oui, c’est vrai, ils étaient sensés être alliés, maintenant. Désolé, mais il allait encore lui falloir un moment avant de réussir à intégrer cette petite-donnée là, tellement ça lui semblait complètement surnaturel.

"Comment vous sentez-vous ?"

"Parfaitement bien, merci beaucoup. Je fais ma tournée de visite des hôpitaux, histoire d’écrire un guide plus tard."

Il préférait en parler ainsi pour ne pas se laisser déborder par ses émotions et plus important encore, pour ne pas en pleurer. S’il commençait comme ça, c’était fichu par avance. Et puis, il avait toujours fait comme ça, dissimuler les peines derrière un sourire de façade.

"Sinon, pourquoi vous venez me rendre visite… ? Si c’est pour promouvoir un cours de pilotage, ça devra attendre un peu, votre chef docteur ne veut pas que je sorte du lit pour le moment. Ou alors vous avez peint un tableau et vous voulez le présenter ?"

"Hélas, je n'ai pas le temps de faire de peinture mais si vous insistez, je pourrais tâcher d'en faire une pour égayer votre séjour sur Nirauan. Avez vous une envie particulière ? J'ai quelques œuvres de votre amie Sabine Wren, voulez vous que je les fasse amener ici en attendant ?"

Ezra était sur le point de répliquer que c’était vraiment très drôle, merci bien, puis se tut juste après le premier mot, en réalisant qu’il serait bel et bien capable d’avoir vraiment récupéré des œuvres de Sabine. Et qu’il serait vraiment foutu de les avoir étudié, avec ça. Ce qui lui arracha une petite grimace incrédule, tant imaginer ce type en train d’observer une peinture de son amie Mandalorienne restait extrêmement bizarre… Et il faisait avec ça avec tout le monde ou… ? C’était malin, maintenant, Ezra avait envie de répondre oui, juste pour vérifier si c’était vrai ou pas ! Pour ensuite raconter ça à Sabine, il mourrait déjà de curiosité, vis à vis de sa réaction, si elle apprenait un truc pareil. Non, non, non, résiste à la tentation, quand même, et puis, il n’était en plus pas sûr de vouloir connaître la réponse. C’était bizarre de se dire qu’un ennemi étudiait vos tableaux, en plus. Enfin, lui, il ne pigeait rien à l’art, sauf pour quelques peintures qui le touchaient. Trop compliqué, de toute façon. Et jamais eu l’occasion de vraiment s’y mettre.

"Quand à ma présence, elle est normale. Vous êtes un hôte important, commandant Bridger, à la fois jedi et officier de l'Alliance Rebelle. Un allié donc, et il est de mon devoir de m'assurer que tout va bien pour vous et de veiller à ce que votre séjour ici se passe bien. Et aussi, je voulais vous rendre ceci."

"Mmh ?"

Il sourcilla un peu en voyant l’arme qu’il lui tendait et la prit sans rien dire. Juste tendre le bras étira aussi ses blessures dans le dos. Un brusque éclat de douleur, qu’il fit passer en ravalant de l’air, sans rien dire, et en essayant de ne pas montrer qu’il avait mal. Par pure fierté. Et aussi parce qu’il n’était toujours pas question de craquer et pleurer devant qui que ce soit dans cette galaxie, mis à part Kanan. Toute une flopée de jurons dans un langage très fleuri, que la décence lui interdisait d’énoncer à haute voix, lui vint en tête, alors qu’il laissait retomber le sabre sur la table de chevet dans un petit clac. C’était comme si son dos pouvait se mettre à parler et surtout râler d’arrêter de gigoter comme un crétin. Il retourna ensuite la tête vers le Chiss, quand il évoqua le jeune couple, puis la suite… Bah, de toute façon, il ne risquait pas de quitter ce lit sans aide.

"Non mais, dites… Vous avez vraiment récupéré des œuvres de Sabine, ce n’est pas une blague ? A quoi ça vous sert, au juste ? L’art, c’est pour distraire, se détendre et… C’est tout. Et vous faites ça avec tout le monde ? Ou juste les peintres ? C’est curieux, comme passion, pour un militaire."

Han, il répondait vraiment, en plus ! Ezra eut la bizarre impression d’être passé dans un monde parallèle où même les trucs les plus improbables dans la galaxie pouvaient se réaliser. Genre, il s’était attendu à se faire envoyer balader, plutôt, pas à ce qu’il réponde, encore moins aussi tranquillement. Presque de quoi lui en faire oublier complètement la douleur, tant ça le surprit. Tant incrédule qu’il faillit ne rien comprendre à la première phase, alors que c’était pourtant la moins compliquée, et se reprit d’extrême justesse. Pour le début, là, ça va, il comprenait très bien, connaître son ennemi, c’était la base et très essentiel, même si ce n’était pas forcément évident. Ezra retint une petite grimace, puis plaça son bras contre son visage, un instant, bouger un peu, essayer de s’étirer un minimum. Il sentait qu’il était tendu comme un arc, le médecin serait là, il serait déjà occupé à lui faire la morale là-dessus. Mais c’était même pas de sa faute, en plus, il ne le faisait pas exprès !

Puis se rappeler leur première rencontre sur Ryloth, c’était pas forcément un souvenir agréable non plus. Il se souvenait trop bien de la peine qu’avait ressentie Hera et du regret qu’elle avait eu, même si les choses s’étaient bien terminées. Ouais, il voyait en quoi ça avait été utile, mais tout de même, ça s’appelait du vol pure et simple, surtout si ça touchait un objet qui avait une aussi forte valeur sentimentale. Le jeune homme avait du mal à mettre ça de côté, aujourd’hui, c’était le genre de chose qui lui restait au travers de la gorge. Même s’il s’était passé vraiment beaucoup de trucs depuis. Ce n’est pas qu’il détestait l’amiral, il avait été un ennemi parmi beaucoup d’autres, et puis, Ezra détestait plutôt Pryce que Thrawn. Par contre, au fond, il lui faisait quand même un peu peur. Même maintenant. Bah, de toute façon, il ne l’avouera jamais à haute voix, plutôt se crasher une nouvelle fois.

C’était bizarre, là aussi. Il était ultra-stressé et tendu, à cet instant précis, et même temps, il avait les idées claires et arrivait à mieux bouger les bras et la tête, sans avoir trop mal. L’adrénaline plus forte que la douleur, envers et contre tout ? Il avait d’abord cru qu’il n’allait rien y capter, mais en fait, c’était… simple. Enfin, simple dans le sens où il comprenait, pas simple dans le sens où il serait capable de faire la même chose.

"Cela étant, je n'ai pas l'impression que vous soyez très intéressé par cela."

"Ah si, je m’intéresse à tout, tant qu’on m’explique. Puis… pour Hera, c’est du privé, de toute façon, pour tout le monde. Personne n’a envie qu’on vienne lui hurler dans les oreilles que son frère est décédé ou que…"

Il s’interrompit en repensant soudainement que l’amiral en face de lui savait pourtant exactement ce qu’on pouvait ressentir dans ces cas-là. Puis il dévisagea bizarrement Thrawn, sans pouvoir s’empêcher de le comparer mentalement à son frère, en se demandant par quel magie lui pouvait toujours avoir cette tronche ultra-sérieuse, alors que Thrass souriait facilement et à tout le monde. Au point qu’il avait encore du mal à croire qu’ils soient vraiment frères. Ezra se frotta un peu le front, toujours complètement incrédule et tendu.

"D’accord, bon… C’est quand même bizarre de se baser comme ça sur l’art et ça doit prendre du temps, en plus, pour tout déchiffrer. Puis il y a toujours plein de trucs et de savoirs qui se perdent avec le temps, ça peut empêcher de comprendre l’évolution d’un peuple ou d’un autre. Il y a même des archives qui peuvent être détruites ou modifiées volontairement."

Il pensait au travail de propagande impérial, évidemment, mais les exemples de ça étaient légions. Ça le désolait complètement, ce genre d’histoire.

"Il y a un truc que je me suis souvent demandé, par contre, c’est comment vous faites pour récupérer assez d’infos et toutes les analyser ? Ça demande forcément un temps de dingue. Ou vous avez contaminé d’autres personnes avec cette méthode pour qu’elles analysent aussi le tout ?"

Prendre sur son temps libre pour étudier des trucs d’art, sûrement obscurs parfois, en plus de la vie militaire… Il était vraiment… Non mais, sans rire, ça lui était déjà arrivé dans sa vie de se reposer ou jouer avec quelqu’un ?? Ezra était en train de repenser à tous ces petits moments où il s’amusait, simplement, avec Zeb et Chopper, ces moments où il discutait de tout et rien avec Sabine, à ceux qu’il passait avec Kanan et Hera, tous ces moments qui lui donnaient un sentiment de sécurité, de chaleur et de pur réconfort. Et il se disait maintenant que cet amiral bleu n’avait jamais dû connaître ça, sur les vaisseaux où il avait travaillé. Parce que pour se détendre, dans la marine impériale… C’était ça le seul moyen trouvé, alors, quand il ne travaillait pas, il regardait des tableaux ou des sculptures ? Quelle tristesse ! Non mais vraiment, c’était même pas une moquerie, là, il trouvait ça vraiment triste à pleurer. Une vie sans jeux, c’était, c’était… Une vie sans sel, finalement !

"Voyons cela sur un sujet qui vous intéresse plus particulièrement. Lothal, votre monde natal que vous essayez d'arracher au contrôle impérial avec vos amis depuis quelques années maintenant. Pouvez-vous me dire quels sont les personnes pouvant s'opposer à cet objectif et ce que vous savez dessus ?"

Ouais, il y en avait, mais quel était le rapport avec l’art, là, d’un coup… Il se gratta un peu le front, en essayant quand même de ne pas déranger tous les fils, les perfusions et les machins qui font bip, au passage. Curieusement, parler l’aidait plus à garder l’esprit clair que rester au repos en permanence. Ezra ne comprenait pas très bien comment l’art avait à voir avec Lothal, c’était un monde agricole, surtout, et dont les habitants ne s’intéressaient pas plus que les autres à tout ça, ce n’était pas Alderaan. Tout le monde était plus concentré sur comment gérer au mieux les fermes et les mines, plutôt. L’industrie avait une place plus importante, à ce niveau, que les galeries d’arts.

"L’arriviste s’est entourée de plusieurs politiciens comme elle," soupira-t-il légèrement. "Enfin, Pryce, quoi, mais bon, z’avez compris. On a pu apprendre, dans les grandes lignes, comment elle avait gagné son poste de gouverneur et qui elle avait trahi ou fait dégager pour ça, au passage, c’est une super politicienne, même si ça fait mal de devoir l’admettre. Mais elle est cruelle et ne pense qu’à elle et ses envies de pouvoirs. Elle ne s’est même rendue compte que c’est à cause de ses actions que la révolte a grondé de plus en plus sur Lothal. C’est incroyable, ça, si elle s’était juste arrangée pour ne pas trop emmerder le monde, personne n’aurait jamais rien voulu tenter contre elle ou ne serait soucié plus que ça des rebelles. L’ancien gouverneur n’était pas une lumière non plus, mais il n’était pas aussi à fond, la résistance restait plus petite. Puis, bon, les soldats impériaux sur place ne tiraient pas à vue sur les gamins. Ils n’osaient pas tirer sur des petits, avant. Puis Tarkin a débarqué aussi."

Il était extrêmement bien placé pour le savoir ! Plus d’une fois, alors qu’il était complètement seul et devait se débrouiller, sans l’aide de qui que se soit, il s’était retrouvé plus d’une fois dans des situations assez tendues. Mais si les soldats accomplissaient leurs missions et devoirs, forcément, aucun d’entre eux ne s’était décidé à lui tirer dessus pour de bon, pas sur un petiot de dix ans qui leur arrivait à peine à la taille. Ça avait changé après que Pryce ait pris le contrôle, après que Tarkin soit passé, lui aussi, et les Inquisiteurs. Parce que bon, des rebelles sur Lothal, il y en avait toujours eu, bien avant elle ! Mais… ça avait tellement empiré… Il laissa retomber sa main dans un petit geste de résignation, contre le lit, et le regretta aussitôt car l’aiguille de perfusion planté dans son poignet bougea un peu malgré le pansement transparent et lui fit mal.

"Puis maintenant, c’est… C’est qui, déjà, qui dirige le blocus… Constantine ? Je ne sais pas trop à quoi il sert, en fait, depuis la fin de la pandémie et tout, on passe sans problèmes. Je ne sais pas, je le connais moins, il a pas l’air trop fanatique, pas autant que Pryce en tout cas, mais la dernière fois qu’il avait fait une réaction sur l’holo, contre la vidéo, il avait l’air de croire à ce qu’il disait, il croyait vraiment que Plagueis était une vaste blague. Je ne sais pas trop s’il a juste peur de l’admettre ou plus peur de savoir ce qui arriverait s’il s’autoriserait à y croire."

Une légère grimace perplexe lui vint à cette pensée. Que Pryce n’y accorde pas un crédit, c’était normal, elle ne pensait qu’à elle et au pouvoir qu’elle désirait garder, à son influence politique personnelle, et elle avait déjà prouvé plusieurs fois n’avoir rien à carrer des populations civiles. Mais Constantine, quoi, qu’est-ce qui l’empêchait d’y croire, en fait, à part une stupide confiance aveugle en l’Empire ? Ou juste sa fierté, il pensait qu’on le manipulait, il ne voulait rien croire de ce qui venait de rebelles ?

"J’y connais rien, en politique, mais ça serait quand même un moyen sûr d’écarter Pryce pour de bon. Si elle agaçait trop Tarkin, par exemple, il s’en débarrasserait lui-même. Enfin, je suppose qu’on devra s’en charger quand même. Mais… Bon."

Il se racla un peu la gorge, pour faire passer la gêne et la boule commençant à s’y former. Ne pleure pas. Là. Respire. Doucement. Voilà, très bien. Mine de rien, il releva sa main à nouveau vers son visage, un peu pour se frotter les yeux et aussi pour vérifier qu’aucune larme non désirée n’osait se présenter. La boule dans sa gorge, elle, ne daignait pas s’en aller.

"Quel rapport avec l’art ? Ils ne peignent pas, ces deux-là."

D’accord, alors ça marchait aussi juste avec ce que les gens aimaient ou achetaient ? Quand même, fallait encore trouver un moyen de le découvrir, ça, avant de l’étudier ! Tout ça, ça restait encore flou, aux yeux d’Ezra, même s’il comprenait bien le principe, sur le fond, il avait du mal à voir comment ça se mettait en pratique, une fois débarqué sur le terrain. En plus, ce n’est pas comme s’il pouvait aller se balader dans le salon ou les toilettes de Pryce pour aller checker sa déco personnelle ! Il hocha vaguement la tête pour le coup de leurs sabres, c’était vrai, même si ce n’était pas non plus, selon lui, un indice capital pour comprendre qui était le propriétaire. En plus, ça pouvait très bien arriver qu’une personne doive utiliser le sabre d’un autre. Par choix ou non. Pas envie de le souligner, par contre, pas la force d’entrer dans un quelconque débat, pas le courage pour ça. Thrawn ne s’en rendait peut-être pas compte, mais au moins, le temps qu’il parle, ça en laissait à Ezra pour se calmer et faire passer l’envie de pleurer. En tout cas, pas devant les autres.

Il réfléchissait, en même temps et presque machinalement, aux comportements de Pryce et de l’autre crétin d’amiral. Les gens doués en politique, il y en avait plein, mais ceux qui en profitaient pour écraser les autres de cette façon le dégoûtaient profondément. Alors que si Pryce n’avait pas été si mauvaise et fourbe dès le départ, elle aurait pu réaliser de sacrés projets pour Lothal ! Mais non, il avait fallu qu’elle fasse passer ses intérêts personnels et son goût du pouvoir avant tout le reste. C’était super frustrant, quand on imaginait ce qu’elle aurait été capable de faire si elle avait fait l’effort de d’abord s’intéresser au développement et la protection de Lothal. C’était son monde aussi, après tout, elle y était née, elle avait quasiment toujours vécu. Ce gâchis monumental… Il grimaça un peu, le nez levé vers le plafond, le bras accroché à moins de perfusions posé contre son front. Qu’en feront-ils, une fois arrêtée ? Elle sera juste jugée et point ? Et ensuite ? Il leur faudra une personne solide et fiable, pour la remplacer.

"Pour le gouverneur Pryce, elle est effectivement un animal politique. C'est une femme intelligente, déterminée, mais qui prend tout à un degré personnel. Elle est aussi impitoyable et ne connaît qu'une seule façon d'anéantir l'opposition : l'anéantir. Elle est aussi d'une grande impatience, préférant l'action immédiate, et aussi brutale que possible, à l'étude de la stratégie de l'adversaire. C'est pour cela qu'elle a fait appel au Grand Moff Tarkin et à ma personne devant tous les échecs de sa part et de celle de Konstantine à vous neutraliser. Des deux, elle est la plus dangereuse mais je suis certain, jeune homme, que vous êtes parfaitement capable de monter une stratégie capable de la neutraliser, et par là-même de mettre Konstantine hors-jeu, et pour libérer Lothal de ses mains."

"Vous savez… ça reste bizarre, de vous entendre de dire ça. Je sais qu’on arrivera à libérer notre monde… Et au pire des cas, je pourrais juste lui rouler dessus, à Pryce."

Un sourire mesquin lui échappa en s’imaginant la scène, qu’il mima légèrement avec son autre main. Avec un bon fauteuil, ça devrait le faire, n’empêche ! Et ça lui procurerait une telle satisfaction ! D’ailleurs… Il fronça légèrement les sourcils, en se rappelant autre chose, puis il retourna la tête vers son interlocuteur.

"Qu’est-ce qu’elle vous a fait, en fait, à vous ? Personnellement, je veux dire ? Ça se voyait, que vous ne pouviez pas la carrer. Et même, avant le départ pour la mission, j’ai lâché son nom devant Vanto et il a fait une tête bizarre, il était dégoûté. Je m’attend à peu près tout, maintenant, elle est responsable de la mort d’un officier que vous appréciez ou autre chose du genre ?"

Il y a encore deux ou trois ans, même un an, Ezra n’aurait pas cru une seule seconde que son ex-adversaire, assis dans cette petite pièce, ne soit pas l’unique responsable de ce massacre-là, resté tristement célèbre dans les mémoires rebelles. Aujourd’hui, avec ce qu’il avait appris en plus sur Pryce, les réactions des uns et des autres et tout ce qu’il avait pu voir, il était prêt à y croire. Ouais, il en parlera à Nightswan, s’il en avait l’occasion un jour, c’était sûr ! Parce que s’ils pouvaient avoir un peu d’aide pour se débarrasser de Pryce, ça ne sera jamais de refus. Il marmonna donc qu’il comptait bien lui en parler dès qu’il pourra, tout en glissant sa main valide dans le bas du dos, avec une légère grimace. Ah, bordel… Eh, mais, c’était pour ça que le Cygne boitait, aujourd’hui ? Il l’avait su par ses hommes, avant le début de la mission, qu’il se déplaçait assez mal et marchait parfois avec une canne, comme s’il avait le dos brisé. Comme quoi, même handicapé, on pouvait très bien continuer à se battre et à agir, ça lui remontait le moral d’un bloc.

"Quand à votre future question, j'ai aidé le gouverneur Pryce en remerciement de son aide sur certains points, comme la mise au point de mes Defender. Oh, cela n'a pas changé mon opinion sur elle. On ne choisit pas toujours avec qui l'on travaille, n'est ce pas ?"

"Eh, si, on peut pas forcer quelqu’un à travailler avec nous et on peut aussi refuser soi-même de travailler avec d’autres, si on ne veut pas. Enfin, dans l’armée impériale, je ne sais pas. Bref, merci pour la leçon d’art et d’histoire, professeur, c’était intéressant."

Le sourire qu’il lui adressa était parfaitement ironique, même si au fond, il était quand même sincère. Ça restait agréable quand quelqu’un acceptait de répondre à vos questions, même si c’était idiot, et en plus, mine de rien, ça occupait vraiment l’esprit. Puis… Voilà où en était rendu, coincé – encore – dans un lit d’hôpital, à s’occuper l’esprit grâce à un type qu’on avait pourtant combattu durant des années, et avec qui un grand jeu du chat et de la souris s’était fait durant bien longtemps. La Force se foutait complètement de sa gueule. Bah, après, entre ça ou bien être dans une réunion entre Jedis à profondément s’ennuyer car ça risquait de parler de politique avec les rebelles ou il ne savait quoi du même goût, être ici n’était pas plus mal ! Enfin, ça l’aurait été s’il n’avait pas eu la colonne vertébrale réduite en poussière.

"Du coup, j’avais d’autres questions, je peux ?"

Sans rire, cette fois, sauf s’il avait plein de trucs urgents à faire ailleurs, là d’accord. Ezra, de son côté, n’avait plus que ça à foutre, et comme il en avait marre de dormir, discuter était une option valable. Le docteur lui avait juste interdit de bouger, de vouloir déjà se redresser tout seul dans son lit, de toucher à la moindre petite perfusion ou des appareils de contrôle sous peine qu’il ne l’achève lui-même, d’essayer de trop s’agiter, de toucher ou tirer sur ses jambes pour essayer de les faire bouger, en bref, interdiction de faire quoi que ce soit à part manger, parler, lire et dormir. Autant dire que pour une personne qui avait toujours eu beaucoup l’habitude de beaucoup bouger, c’était une punition infernale.

"Comment se faisait-il que tant de personnes étaient quand même prêtes à suivre l’Empire avant la pandémie et Manaan, alors que la doctrine Tarkin était déjà en place ? Ça ne gênait pas plus de personnes que ça ? Ou bien ceux qui osaient protester trop fort étaient exécutés en douce, purement et simplement ? Comment vous avez réussi à gagner du grade dans un Empire complètement xénophobe ? Pourquoi il y avait pas eu de plus grande chasse à l’homme contre Nightswan, alors qu’il agace l’Empire depuis avant même que vous débarquiez, vous ? Et pourquoi l’Empire faisait passer en Cour martiale les soldats qui avaient assez de cerveau pour épargner la vie de leurs hommes, comme le capitaine Fel ?"

Ce n’était qu’une partie des questions sans réponse, une partie de son incompréhension, de ce qui continuait à le travailler régulièrement. Pour lui, c’était totalement incohérent, il avait besoin de savoir.

Peut-être que Kanan ou d’autres Jedis, et aussi les rebelles évidemment, râleraient en le voyant discuter tranquillement avec un ancien ennemi. Mais bon, hein… D’une part, il n’avait que ça à faire, d’autre part, si quelqu’un était capable de répondre à tout ça, même juste en partie, c’était toujours bon à prendre, puis enfin, c’était quand même mieux que rester là dans un lit d’hôpital à ne strictement rien faire d’autre que ressasser. Il écoutait mais avait quand même du mal à voir l’état actuel comme légitime, car vote ou pas, ça restait une grande manipulation qui avait amené à ça, rien de plus. A partir de là, la légitimité était uniquement apparente, ça ne voulait rien dire. Même si la République avait eu des tords, comme n’importe quel gouvernement, ça restait un coup d’état masqué et organisé. Mais ça, allez le faire comprendre à tous, tiens… ça lui foutait un peu le moral en l’air, quand il réfléchissait trop. Se dire qu’il y avait des mondes qui ne sauront jamais cette réalité là, ou refuseront de la croire, pour apprécier l’Empire à la place, ça lui donnait mal au cœur.

Ce qui le réconfortait, par contre, c’était d’entendre un ancien de l’armée impériale cracher sur la manière dont la politique s’infiltrait à ce point dans toutes les décisions militaires possibles. C’était idiot mais réconfortant ! D’autres déserteurs, dans les rangs rebelles, râlaient eux aussi sur ça, c’était toujours important pour lutter contre la propagande de l’Empire et en appuyer contre les travers. Par contre, Ezra ne comprenait toujours pas comment juste quelques soutiens avaient réussi à garder Thrawn à ce poste. Résultats ou non, il restait un alien, alors vu le racisme notoire de l’Empire, ce n’étaient jamais les résultats et deux ou trois soutiens qui suffisaient à garantir un bon avenir. Alors soit l’Empereur avait dû agir bien plus que le jeune homme le croyait, soit il y avait encore eu autre chose, une autre aide extérieure, pour que ça puisse marcher. Ou les deux ? Il ne savait pas… Bah, ce n’était pas si important de connaître les détails. Il fit juste une petite moue en se frottant les yeux, luttant toujours pour garder les idées claires.

Un autre truc qu’il avait du mal à comprendre, tiens, et qui lui venait au fil des explications données. Le fait que Nightswan ait tant de mal à se rapprocher de l’Alliance Rebelle. Comme l’inverse. Il en avait surtout entendu certains qui se méfiaient un peu et d’autres qui ne voyaient pas où était l’intérêt de mener des actions de rébellion dans l’Espace Sauvage alors que l’Empire y était aussi peu présent. Perte de temps et d’énergie, comme ils disaient, et encore, c’était plus gentil que ceux affirmant que ce n’était qu’une simple lâcheté. Ezra n’avait non plus la moindre idée de ce que le Cygne Noir voulait vraiment faire ni pourquoi. En bref, ça faisait beaucoup de choses, tout ça. Le seul truc dont il était convaincu, c’était que les grosses armées et les intrigues politiques ou militaires dans tous les sens, clairement, il n’était pas taillé pour ! Il devait bien s’y plonger parce qu’il n’avait pas du tout le choix, mais bon…

"Ouais, bon, ça me conforte dans l’idée que c’est mieux de fuir les affaires politiques. Merci."

Il y en avait que ça amusait, peut-être, et il ne les comprenaient pas du tout. Ce qui lui faisait peur, aussi, c’est ce qui allait se passer après. L’alliance travaillait depuis un moment à la préparation d’état transitoire, ça, au moins, c’était acté. Par contre, il y aura forcément d’autres groupes et factions qui allaient se monter un peu partout, c’était normal. Alors comment toutes ces factions allaient travailler ensemble dans l’avenir ? Comment on sera sûr qu’il n’y ait plus de guerre ? Comment ça allait marcher ?

"Mais vous, vous serez quoi,a lors, quand tout sera fini ? Un groupe indépendant comme plein d’autres dans votre coin ?"