Affaire de complot

Une tentative de meurtre…

L’affaire était exceptionnellement grave. La dernière fois que ce crime s’était produit, cela datait d’il y a exactement soixante-deux ans et l’auteur était toujours en prison à l’air actuel. Vieillissant et non loin d’y mourir de vieillesse, comme il se devait. Cette affaire-là avait été un règlement de compte qui avait mal tourné, entre deux hommes pris dans une affaire de corruption. L’un était mort, l’autre avait été arrêté et condamné à perpétuité. Il n’y avait plus eu de crimes de sang depuis lors, bien qu’il y ait évidemment eu d’autres crimes et délits commis. Alors un crime purement gratuit, contre une jeune mère, devant un hôpital, en fin d’après-midi… Le Clan Mitth était furieux, les autres Clans partagés entre le choc et pour certains, le « soulagement » que ledit crime ait eu lieu contre une Humaine. Comme si cela rendait l’acte moins grave !

Veeren quitta son bureau, son dossier sous le bras, pour se rendre au dernier étage et y retrouver ses confrères. Se réunir pour cela, jamais elle ne l’aurait pensé ou même juste envisagé. Un certain remords la tenait, se souvenant très bien du court passage de Thrass pour parler de ses inquiétudes. Sur le moment, elle n’avait pas vu en quoi le tout pouvait mener au moindre problème… Cependant, le lien entre cette affaire et cette tentative de meurtre n’était pas établi, très loin de là. Ils n’avaient pas de preuves concrètes, pas de témoins importants, pas d’informateurs et pour couronner le tout, les agresseurs avaient tous préféré la mort plutôt que la capture ! Leurs familles respectives hurlaient déjà au complot et à la manipulation. Toutes avaient déjà pris des avocats pour défendre bec et ongle leurs défunts et leurs mémoires, réfutant en bloc qu’ils aient commis cette tentative d’assassinat de leur plein gré.

En rentrant dans la salle, avec tous ses collègues, Veeren retint un petit soupir en sentant combien l’ambiance était lourde. Dans la salle, la table centrale n’attendait qu’eux. Les murs étaient ornés des insignes de chacune des familles et surtout de leurs couleurs respectives. De grandes baies vitrées couvraient tout un mur, offrant une vue splendide sur la capitale entière. Une vue apaisant, d’ordinaire… Qui ne l’était pas vraiment aujourd’hui. Lorsque tout le monde arriva et que les formalités d’usage soient passées, ils prirent chacun place à leurs sièges attribués. Tout d’abord, un rappel des faits fut fait. L’attaque avait eu lieu quatre jours plus tôt, à la sortie sud de l’hôpital public de la vielle, du bâtiment réservé à la maternité. En fin d’après-midi, six hommes avaient agressé madame Safis et lui avaient tiré dessus à six reprises à bout portant. Les agresseurs étaient tous décédés sous les feux conjoints de la police et de deux citoyens, venus porter secours à la jeune mère.

"Où en est la victime ?" demanda Nelv'isi'argo d’un ton inquiet.

"Sous la protection de membres de mon clan," précisa aussi sec Mitth’san’safis. "Je précise immédiatement qu’elle le restera, ainsi que sa famille. J’ajoute d’ailleurs, pour les personnes pouvant penser que la nature humaine de cette femme soit une circonstance atténuante, qu’elle est la femme d’un ancien Administrateur. Les remarques émergentes sur cette prétendue circonstance atténuante ne contribuent guère à apaiser la tension. Les membres de mon Clan s’interrogent sur le fait qu’on puisse juger peu grave un tel crime, perpétué à l’encontre d’une proche d’un haut placé du clan, même s’il n’est plus en poste. Quelles conclusions doit-on en tirer ?"

Veeren lança un bref et rapide petit regard à son confrère, pour lui signifier de conserver son calme. Il avait toutes les raisons qui soit d’être très agacé, mais ils devaient conserver leur calme. Pour tirer cette histoire au claire et prendre de nouvelles mesures.

"Nilat'ase'sabosen, avez-vous plus d’éléments, concernant l’enquête en cours ?"

Aristocra Oler'ede'migan, chef du Clan Migan

Devoir se réunir avec le Conseil au grand complet pour une telle affaire était… très curieux… Redem se rendit à l’heure convenue dans la salle du conseil, sans comprendre pour autant ce qui justifiait qu’ils doivent se réunir ainsi. Cette affaire, après tout, ne concernait que la police et la justice. Certes, l’acte était grave et aucun crime de sang ne s’était produit depuis très longtemps. Mais de là à les faire se réunir pour cela ! Ce n’était qu’un fait divers, concernant simplement l’équipe d’enquêteurs chargée de sa résolution, non pas une affaire d’État. Le Clan Mitth pouvait être agacé, mais sinon… Vraiment, il ne comprenait pas l’intérêt. Lors des formalités et salutations d’usage, il ne parla que peu, attendant qu’on en arrive au vif du sujet et savoir ce qui méritait qu’ils se réunissent pour parler d’un fait divers. Pourvu que ça ne soit pas si long, par ailleurs, il avait beaucoup de travail, ces derniers temps. Se préoccuper d’une enquête en cours ne l’intéressait guère, ce n’était pas le domaine de son Clan.

Un rapide résumé de l’affaire fut donné, puis Mitth'san'suazee « donna » des nouvelles de la victime. Assez sèchement, c’est le moins qu’on puisse dire. Redem resta de marbre, même si intérieurement, il approuvait tout à fait que la double-nature d’humaine et ex Jedi de cette femme soit une circonstance atténuante très conséquente. Qu’elle soit ou non la femme d’un homme haut placé du Clan ne lui importait pas, ce n’était qu’une humaine. Qui plus est, une sensitive. Bien sûr que cela rendait l’agression bien moins grave, même excusable ! N’en déplaise au Clan Mitth ! C’était également pour cela qu’il ne comprenait guère que tous ici doivent perdre leur temps à discuter d’une affaire qui sera bien vite réglée. Seul Nilat'ase'sabosen devait en entendre parler, finalement, il s’agissait d’une part de ses domaines de compétences. Enfin, puisqu’ils en étaient là… Au moins pourra-t-il profiter ensuite d’un déjeuner avec ses proches amis, avant de poursuivre son travail, en début d’après-midi.

L’entrée en matière de Nilat'ase'sabosen lui donna bon espoir qu’ils puissent en terminer assez tôt avec cette réunion inutile. Bien sûr que l’enquête allait bientôt se conclure, c’était assez simple, la police savait se montrer efficace. Qu’on juge rapidement les personnes impliquées, afin de ne plus entendre parler de tout cela ensuite. Le Chef de Clan était plutôt pour un acquittement, car soyons honnêtes, c’était exactement comme si ces six hommes s’étaient contenté de tirer sur un lapin lors d’une partie de chasse. La vie de cette femme n’avait guère plus de valeur à ses yeux. Hélas, pour calmer l’opinion publique, la justice se devait de traiter cette affaire comme si la victime était une véritable membre de leur peuple. Un gaspillage de moyens, à son humble avis. Il n’en admirait que d’autant plus le zèle que leur confrère avait accordé à cette enquête ! Un tel professionnalisme ne pouvait qu’être salué avec un profond respect. Il était certain que lui-même n’y aurait pas fait tant d’efforts.

Il écouta, toujours en silence mais avec une attention plus déclinante, les profils des criminels. Dire qu’ils avaient simplement désiré conserver l’Ascendance propre, par cette attaque… Un acte de courage. Les projections lui arrachèrent un regard peu intéressé. Le temps de leurs descriptions et pauvres vies, il réfléchit plutôt à un projet de rénovation, poursuivit en ce moment même, dans les deux plus gros axes souterrains de Csilla. Le premier était tunnel d‘Avchi, celui permettant aux vaisseaux imposants de pouvoir pénétrer dans les souterrains, jusqu’à la plus importante plateforme de stockage de la planète. Les vaisseaux de livraison pouvaient progresser sous terre jusqu’à elle pour les livraisons puis repartaient, ils ne pouvaient aller plus loin, à cause de leurs tailles. Le second était le tunnel de Mikra, celui-ci conçu pour des navettes de taille moyenne et petites, pour le transport de personnes et de marchandises. En quantités plus limitées. D’importants travaux de maintenance et rénovation s’y menaient, en ce moment, il y passait bien du temps, depuis quelques semaines.

« Comme vous pouvez maintenant le voir à présent, les commanditaires ne sont rien d'autre que, et j'en suis le premier étonné, Chaf'arth'aklaio et Chaf’ann’ysek. Les témoignages et les preuves financière vont malheureusement dans ce sens. Nous avons tout fait réexaminé et réinterrogé pour en être sûr. »

Mmh ? Redem quitta le fil de ses pensées pour se concentrer de nouveau, cette fois pour de bon, sur cette réunion. Oh oh… Voilà qui était très intéressant, en revanche, jamais il n’aurait pu penser que l’Administrateur de ce petit Clan se retrouve sur le banc des accusés. Surtout, Redem avait toujours méprisé Chaf’orm’bintrano, il était donc tout particulièrement agréable d’entendre que son Administrateur était visé dans une affaire de meurtre. Finalement, cette réunion pouvait être intéressante, qui l’aurai cru ?

« Vous en êtes étonné, mon cher confrère, mais je dois bien avouer que je ne le suis pas. Après tout, par le passé, certaines affaires financières suspectes, menées par Chaf’arth’aklaio, ont été étouffées, souvenez-vous en. Vous avez alors bien protégé votre Administrateur, à l’époque, Chaf’orm’bintrano. Ceci étant, le crime est cette fois bien plus grave. Vous faites bien trop souvent confiance à des personnes suspectes, hélas. Il semble même que ce soit de famille. Mais tout de même, que cela arrive à un tel point, qui aurait pu seulement l’imaginer ? Un tel crime ne peut être puni que par l’exil. »

La longue conversation tenue avec Mitth’ras’safis et Mitth'san'suazee se répétait en boucle dans son esprit, alors que Formbi quittait juste son bureau. L’association Ednlar était-elle vraiment allée jusqu’à la tentative de meurtre… ? Il en connaissait les responsables depuis longtemps, il s’agissait de l’une des plus importantes associations militant pour imposer la Force comme une maladie officielle, aux yeux de la Loi, pour la faire reconnaître comme telle par tous. Une des associations contre lesquelles il avait très régulièrement à faire en justice car il leur avait interdit depuis longtemps de poser un seul orteil sur Svarchi et surtout d’y faire la moindre de leurs programmes de propagande. Eux le voyaient comme un Aristocra extrémiste et trop borné, lui les voyait comme une bande d’énormes fanatiques écervelés et dangereux. Autant dire que le dialogue était rompu depuis très longtemps. Dès lors qu’il avait commencé à travailler en politique, vers ses vingt ans, il avait eu affaire à eux. Et surtout, avait commencé le bras de fer avec eux.

Mais pouvaient-ils être des meurtriers pour autant ? Ils étaient extrémistes, durs dans leurs idées, si convaincus de leurs principes qu’ils pouvaient en arriver au harcèlement. Mais le meurtre ? C’était une toute autre affaire… Si grave… L’idée que l’attaque ait simplement pu être motivée par le racisme lui paraissait peu crédible, cependant. Qui en viendrait au meurtre pour une telle raison ? Non, soit il s’agissait vraiment de l’association Ednlar et il faudra des preuves, soit il y avait une toute autre raison, une autre affaire, dont ils n’avaient pas encore connaissances ni de preuves. Cela dit, en entrant dans la salle du conseil pour y retrouver ses collègues, il se dit qu’au moins, personne ici ne pourra contester qu’il s’agissait d’un problème grave au seul prétexte que la jeune Safis était humaine. Il avait entendu certains faire courir cette insinuation odieuse mais restait convaincu qu’aucun des Aristocra ne le songeait. Simplement car ce cas était trop grave pour que quiconque se permettre de le penser. Sans oublier que la jeune femme était membre du Clan Mitth en bonne et due forme, par son mariage puis son adoption officielle !

Une fois tout le monde arrivé et les formalités habituelles passées, Formbi écouta d’abord Mitth’san’suazee donner des nouvelles, après demande, de la victime de cette histoire. Tout en déclarant son écœurement quant à ce qui avait déjà été lancé dans les médias vis à vis d’elle. Forcément, cela rejaillissait aussi sur son clan et il n’était pas question qu’il accepte facilement de telles insultes. Pour le moment, Formbi demeurait silencieux et toujours perplexe. Les mots de son épouse lui revenaient en mémoire, sans qu’il ne puisse s’en empêcher et malgré le fait qu’il peine à penser à l’existence d’un réel complot. Car si conspiration il y avait, cela signifiait que des personnes de la police ou de la justice pouvaient y être impliquées. Une idée terrible, se heurtant à ses convictions. Accepter qu’il y ait de la corruption et que ça puisse en arriver à des faits aussi graves… Il avait bien du mal à y croire. A accepter, seulement, que ce soit possible.

"Nilat'ase'sabosen, avez-vous plus d’éléments, concernant l’enquête en cours ?"

"En effet Sev'eere'nuruodo, je vous dirais même plus que l'enquête est sur le point de se conclure, actuellement les forces de l'ordre ont arrêté ou sont en train de procéder à l'arrestation des commanditaires, ainsi que tous ceux impliqué dans cette effroyable tentative de meurtre, bien entendu ils vont être immédiatement entendu puis jugés pour leurs actes. Mais avant de vous révéler qui, il est nécessaire de vous étayer toute les preuves dont il a été possible de réunir qui nous ont permis d'en arriver là. Comme vous pourrez le constater, nos forces de l’ordre et services juridictionnels ont travaillé d'arrache-pied, pour obtenir toute ces preuves, ces renseignements que je vais vous dévoiler."

Quoi… ? Comment avaient-ils pu arriver à la conclusion de l’enquête en à peine une semaine ? Déjà retrouver, même, les commanditaires ? Formbi retourna la tête vers leur collègue, sans pouvoir cacher à quel point il était surpris. Puis nota que Thsans, de son côté, semblait tout à coup légèrement plus méfiant, sans doute porté par les mêmes interrogations. Tous les autres, Veeren incluse, conservaient un air de marbre, tout en jetant un œil au dossier transféré puis à la projection holographique, au centre de la table. Le chef des Chaf s’efforça de ne pas se laisser envahir par ses doutes, car après tout, il était parfois possible de très vite trouver la vérité, si les personnes impliquées n’avaient pas été prudentes un instant. Dans cette affaire-là, c’était bien le cas. Donc pourquoi pas… Attendons de savoir ce qui allait se dire, au moins.

Pour les six impliqués dans l’attentat raté, tous tués d’ailleurs – bon débarras – il voulait bien croire que ce fut très rapide. Les corps avaient été récupérés, avec ça, l’identification était ensuite rapide. Mais de là à remonter aussi vite aux commanditaires, tout de même… C’est avant tout cela qu’il attendait. Pouvant se plonger plus tard, en détails, dans les dossiers de ceux ayant porté les armes. Quant aux intermédiaires impliqués… A mesure que leur confrère leur déballait son dossier et ce qui avait été trouvé, Formbi avait un mauvais pressentiment. Comme un malaise commençant à lui ronger l’estomac. Puis ce fut comme deux coups successifs portés en pleine tête. Le choc, suivit aussitôt tout net d’accepter que ça puisse être la vérité. Il vit flou, l’espace d’un instant, avant de se reprendre vivement. Son cœur s’était brusquement emballé, comme s’il venait de sauter à pieds joints d’une falaise.

"Vous en êtes étonné, mon cher confrère, mais je dois bien avouer que je ne le suis pas. Après tout, par le passé, certaines affaires financières suspectes, menées par Chaf’arth’aklaio, ont été étouffées, souvenez-vous en. Vous avez alors bien protégé votre Administrateur, à l’époque, Chaf’orm’bintrano. Ceci étant, le crime est cette fois bien plus grave. Vous faites bien trop souvent confiance à des personnes suspectes, hélas. Il semble même que ce soit de famille. Mais tout de même, que cela arrive à un tel point, qui aurait pu seulement l’imaginer ? Un tel crime ne peut être puni que par l’exil."

Formbi dû mener une lutte interne pour retrouver l’usage de la parole, sur le coup. Fartha et Fanny auraient commandité un meurtre contre Lorana, sachant que tous deux l’avaient toujours soutenu dans son projet dès le départ, qu’ils avaient aussi fait leur possible pour aider le couple à bien s’installer et qu’ils avaient toujours été des soutiens indéfectibles ?!

"Si vous êtes si persuadé de vos preuves, vous ne verrez sans doute aucune objection à ce qu’elles soient réexaminées dans le détail par mes services. Vous comprendrez bien qu’il faudra un dossier plus que solide avant de parler d’exil."

Conserver son sang-froid, surtout ici… Ce n’était pas seulement un ami proche et une assistante loyale qu’on attaquait, c’était surtout les pivots centraux de son Clan. S’en prendre à eux n’avait rien d’innocent… Un coup qui créait une brèche et incitait maintenant plus l’Aristocra à porter foi aux suspicions de son épouse. Il voudrait parler ici de l’association mais savait que ça serait maladroit, sachant qu’il n’avait encore aucune preuves tangibles. Quant à ce qu’avait ressentie Lorana à l’hôpital, qui allait prendre cela au sérieux ?

"Par ailleurs, nous sommes en ce moment en train d’enquêter sur d’autres commanditaires possibles, notamment un médecin avec lequel la jeune victime a eu des problèmes, ainsi que sa famille proche. Dans son ensemble. Vous serez certainement tous d’accord sur l’importance d’explorer toutes les pistes possibles avant de désigner le véritable coupable."

Chaf’ann’ysek. Chaf'arth'aklaio. Veeren demeura impossible, à cette annonce. Elle n’y croyait pas un seul instant mais essayait de demeurer impartiale, relisant le dossier et tâchant d’être le plus neutre possible. Elle ne connaissait que très peu Chaf’ann’ysek car cette dernière travaillait principalement sur Svarchi, il était rare qu’elle se rende à la capitale ou qu’elle se mène d’affaires ne concernant pas la planète du Clan Chaf. Chaf'arth'aklaio, en revanche, en tant qu’Administrateur, se rendait régulièrement sur Csilla, comme ses pairs, au Parlement. Étant donné son caractère et ses manières de travailler, il était quasiment impossible de l’imaginer commanditer un meurtre… Pourtant, le travail mené par leur confrère avait remonté jusqu’à lui et c’est ce qui la troublait profondément… Nilat'ase'sabosen avait toujours été rigoureux, dans le travail mené, il n’avait jamais été du genre à bâcler des dossiers et encore moins à accuser une personnes sans preuves. Mais tout de même…

Ce qui la troublait le plus était que Chaf’arth’aklaio avait toujours soutenu Formbi contre vents et marées, peu importe ses projets, même les plus fous et invraisemblables. Il était son plus proche ami. Alors pourquoi aurait-il commandité un meurtre contre une femme que l’Aristocra des Chaf protégeait et avec qui il travaillait, dorénavant ? Ça n’avait aucun sens. Les preuves leur était présenté mais la logique, seule, l’interdisait de croire à une pareille théorie. Néanmoins, ce qui comptait avant tout étaient les preuves. Cette histoire devait être creusée, elle voudrait avoir plus d’éléments entre les mains. Ce fut le moment choisit par Oler'ede'migan pour en ajouter et lancer une nouvelle pique à leur collègue. Évidemment. Si une nouvelle personne devait être envoyée en exil, jamais Veeren n’aurait parié sur cet homme-là. Une telle condamnation l’effondrerait, il n’avait pas du tout le même caractère que Mitth’raw’nuruodo.

"Si vous êtes si persuadé de vos preuves, vous ne verrez sans doute aucune objection à ce qu’elles soient réexaminées dans le détail par mes services. Vous comprendrez bien qu’il faudra un dossier plus que solide avant de parler d’exil."

Sur ce point, tout le monde était d’accord. Plusieurs des Aristocras hochèrent machinalement la tête. La plupart, à vrai dire, étaient surtout occupés à relire les éléments présentés. Accuser une assistante était une chose, accuser un Administrateur en était une autre… Les conséquences seraient désastreuses, pour le Clan Chaf, en cas de condamnation… Pas seulement pour sa place dans le conseil, mais aussi pour les liens de confiance avec l’ensemble de la société. A moyen et long terme, le clan pourrait perdre sa place parmi les familles dirigeantes et perdre beaucoup, en liens, échanges et relations, avec les autres clans. De là à le voir ensuite se déliter, sur le long terme… C’était malheureusement déjà arrivé par le passé. Rarement, certes, mais c’était arrivé. Chaf’orm’bintrano aura un travail considérable à effectuer pour guérir son clan et le renforcer, dans le cas où son administrateur était condamné.

"Par ailleurs, nous sommes en ce moment en train d’enquêter sur d’autres commanditaires possibles, notamment un médecin avec lequel la jeune victime a eu des problèmes, ainsi que sa famille proche. Dans son ensemble. Vous serez certainement tous d’accord sur l’importance d’explorer toutes les pistes possibles avant de désigner le véritable coupable."

"Bien entendu. Il serait cependant préférable que vos hommes restent en contact avec les personnes déjà chargées de cette enquête et qui ont assemblé les premiers éléments. Plus nous coopérons, tous, plus vite cette affaire sera éclaircie."

Le médecin en question devait être celui dont Mitth’ras’safis étai rapidement venu lui parler… Un nouvel élément troublant. L’ex-administrateur des Mitth avait beau être plus sensible que la moyenne, il en fallait tout de même beaucoup pour réussir à lui faire perdre son sang-froid. En réalité, la seule autre fois où il avait perdu le contrôle de ses nerfs, c’était il y a bien longtemps, lorsque son frère s’était bêtement mis en danger et avait été gravement blessé. Il fallait que ça touche à sa famille et que ce soit assez grave…

"J’ai eu des échos de certaines accusations portées contre ce médecin, cependant, il faut des preuves concrètes, avant de pouvoir accuser de quoi que ce soit. Tant que ce n’est pas le cas, il est présumé innocent. Nous n’avons pas eu de plainte déposée par la jeune femme ni de rapports sur des incidents particuliers. Quant à ce qui pu se produire par le passé, là encore, il faut des preuves. Mitth’ras’safis a été interrogé, pour les débuts de cette enquête ?"

Nilat'ase'sabosen, Aristocra Chiss du clan Sabosen

– Vous en êtes étonné, mon cher confrère, mais je dois bien avouer que je ne le suis pas. Après tout, par le passé, certaines affaires financières suspectes, menées par Chaf’arth’aklaio, ont été étouffées, souvenez-vous en. Vous avez alors bien protégé votre Administrateur, à l’époque, Chaf’orm’bintrano. Ceci étant, le crime est cette fois bien plus grave. Vous faites bien trop souvent confiance à des personnes suspectes, hélas. Il semble même que ce soit de famille. Mais tout de même, que cela arrive à un tel point, qui aurait pu seulement l’imaginer ? Un tel crime ne peut être puni que par l’exil.

Aaah, Oler'ede'migan, toujours le bon mot, notamment lorsqu’il s’agissait de mettre des bâtons dans les roues de leur bien estimé et méprisable confrère des Chaf. La pique n’était pas gratuite, après tout, bon nombre d’affaires assez louches avaient effectivement été étouffées par le passé. Ceci étant, il ne comptait guère appuyer sur le sujet dès à présent, autant garder quelques petites munitions pour plus tard, dans la suite de leurs affaires, n’est-ce pas ? Tout donner ici ne rendrait pas une bonne justice. Il afficha, ensuite, son accord et son soutien à ce que la famille Chaf participe à la recherche de preuves et de la recherche de la vérité, bien entendu, comment leur dénier ce droit ? Ils trouveront sans le moindre problèmes les preuves à charges « laissées » à disposition pour la suite de l’enquête. Tases ne se nota tranquillement une petite note personnelle, pour songer à contacter un de ses assistants, après la réunion. Il devra le charger d’une petite correction, notamment, afin de préparer le terrain au mieux. La procédure devait être respectée au millimètre près, ils n’avaient aucune marge de manœuvre. De plus, en attendant que tout ça soit réglé, ils avaient aussi beaucoup de travail pour préparer la suite des opérations et stopper tout projet fou de leur confrère.

– Par ailleurs, nous sommes en ce moment en train d’enquêter sur d’autres commanditaires possibles, notamment un médecin avec lequel la jeune victime a eu des problèmes, ainsi que sa famille proche. Dans son ensemble. Vous serez certainement tous d’accord sur l’importance d’explorer toutes les pistes possibles avant de désigner le véritable coupable.

– J’ai eu des échos de certaines accusations portées contre ce médecin, cependant, il faut des preuves concrètes, avant de pouvoir accuser de quoi que ce soit. Tant que ce n’est pas le cas, il est présumé innocent. Nous n’avons pas eu de plainte déposée par la jeune femme ni de rapports sur des incidents particuliers. Quant à ce qui put se produire par le passé, là encore, il faut des preuves. Mitth’ras’safis a été interrogé, pour les débuts de cette enquête ?

– En effet. Il y a deux jours, à l’hôpital, en compagnie de son épouse. J’ai d’ailleurs plaisir à vous annoncer qu’elle se remet peu à peu. Il a effectivement mentionné ce médecin, bien que pour le moment, ces déclarations penchent plus vers la diffamation qu’autre chose.

Le ton était demeuré parfaitement calme, presque froid. Ce cher Mitth’ras’safis était délicieusement sensible, il en fallait si peu pour le faire parler lorsqu’il ne devrait pas, c’était bien utile. Il était sur ses gardes depuis un moment mais ils ignoraient quand et comment il avait commencé à comprendre certaines choses passées. Il s’apprêtait à passer à la suite lorsqu’il fut interrompu par un message urgent. Oh oh… D’une voix paisible, il annonça alors à tout le Conseil qu’il venait d’être informé que le dénommé Chaf’arth’aklaio avait résisté lors de son arrestation, avec beaucoup de véhémence d’ailleurs, ce qui prouvait au passage qu’il devait bien avoir quelque chose à se reprocher. De plus, sa femme avait assisté à cette triste scène et avait déclaré qu’elle allait exiger le divorce, car jamais elle n’aurait pu penser avoir épousé un meurtrier. Il resta neutre en faisant cette annonce mais cela ne l’empêcha guère de se délecter intérieurement du visage de son bien-aimé adversaire face à la nouvelle. Une nouvelle qui ne secoua pas que lui, puisque tous pouvaient bien imaginer qu’une personne résistante ainsi ne pouvait qu’avoir des faits à se reprocher.

– Une fois le temps nécessaire, pour la défense, bien écoulé, nous devrons faire en sorte que le grand public reste bien informé du déroulé du procès. Cette affaire a profondément agité les nôtres, montrer que justice est bien faite est essentiel. Pour un meilleur exemple et une justice plus juste, nous pourrions d’ailleurs demander plutôt la prison, plutôt que l’exil. Etant donné le caractère de la victime, ce serait lui tendre la main que d’appuyer une peine correspondant plus à ses critères.