Tu enfanteras dans la douleur

Elle avait l’impression qu’on lui matraquait et enserrait le ventre à chaque nouvelle contraction… Comme le docteur lui avait dit il y a deux ou trois semaines, ça n’avait effectivement plus grand-chose à voire avec les petites contractions reçues le nuit ou parfois le matin… Un nouveau gémissement lui échappa, involontaire, au bord des larmes. Il fallait attendre l’ouverture du col, plus que cela, avant d’administrer l’anesthésie, pour ne pas pénaliser le travail et l’avancée, mais bon sang, ça faisait mal ! Il y a plus d’une heure maintenant, qu’elle avait perdu les eaux et qu’elle avait l’impression qu’on lui arrachait les organes un par un. Assise au bord du lit, en tenue d’hôpital, elle se tenait à Thrawn des deux mains, s’appuyant contre lui et respirant très fort pour essayer de supporter la douleur. Elle devait lui faire mal, si ça se trouve, en s’accrochant comme ça à lui, désolée… Aucune position n’était vraiment meilleure qu’une autre. Le médecin entra de nouveau dans la salle, pour venir voir comment ça se passait. Elle dû se rallonger pour qu’il puisse examiner le col, un rapide examen.

« C’est ouvert d’un petit centimètre de plus, par rapport à toute à l’heure. Il faut attendre encore un peu pour la péridurale. »

« Encore… ? Je n’en peux déjà plus ! »

« Je comprends, madame, mais un peu de patience, il faut le supporter. »

Il ressortit de la pièce en disant qu’il reviendra toute à l’heure, avant qu’Ewime n’ait eut de céder à son envie soudaine de lui balancer quelque chose à la figure. Il faut le supporter, ça se voyait bien que ce n’était pas lui à qui on arrachait le ventre à ce moment précis ! Elle se rassit au bord du lit puis se raccrocha, presque par réflexe, à Thrawn, en appuyant aussi la tête contre lui. Se dire qu’à chaque nouvelle contraction, son enfant descendait un peu plus n’aidait pas beaucoup, pour le moment. On lui avait que ce n’était pas agréable mais rien n’aurait pu la préparer vraiment à ça… Inspirer, expirer, doucement, puis plus fortement, serrer les dents aux contractions, broyer à moitié les bras de son compagnon lorsqu’elle s’accrochait à lui. Le docteur avait au moins eu le bon goût de ne pas faire le moindre commentaire lorsqu’il était venu la rejoindre à l’infirmerie. Il lui avait juste donné une tenue stérile et précisé qu’il ne fallait pas faire d’allers-retours entre l’extérieur et la salle de travail, pour ne pas ramener de saletés ou de bactéries.

« Comment tu peux vouloir faire plusieurs enfants… » marmonna-t-elle d’un ton étouffé. « Ce n’est pas possible, c’est trop douloureux… Et comment il va sortir, c’est… Si jamais il ne passe pas… »

Elle tourna juste rapidement la tête pour vérifier, sur les écrans de contrôle, le rythme cardiaque de son bébé. Bon, pour le moment, il n’y avait rien à signaler. Rassurée, elle reposa la tête contre Thrawn et s’accrocha à lui plus fortement, saisie par une énième contraction. Elle commençait à paniquer, maintenant, la peur de ne pas réussir correctement ce qu’on allait lui demander, de faire du mal à son bébé par accident ou pire encore, qu’il n’arrive pas à sortir à cause d’elle et s’étouffe.

« Tu ne me lâches pas, hein ? Du tout… J’ai peur… »

Il ne lui vint pas à l’esprit que même s’il avait voulu s’écarter, elle le tenait de toute façon avec tant de forces qu’il aurait eu du mal à le faire.

« Si le petit sort malade ou… Va avec lui, d’accord ? Moi, ça ira, mais va surveiller s’il va bien. »

Mitth'raw'nuruodo était en pleine réunion avec le colonel Yularen. Ensemble, tous les deux, ils préparaient une opération visant à porter un coup à l'Empereur Palpatine. Oh, pas un coup de grâce mais ce sera une opération qui lui causera du tort, qui l'énervera. Cela ne devrait pas lui causer du tort car la cible est une installation top secrète dont, au mieux, seuls les plus proches de l'Empereur sont au courant de son existence. Ses courtisans, les journalistes, ses adversaires politiques ou sith, les rebelles ne sont pas au courant non plus, normalement. Eux le sont, grâce à une piste totalement imprévisible et inconnue de l'Empire, grâce à une personne venue des failles et qui a su rester discrète jusqu'à maintenant.

Thrawn aurait pu en discuter avec ses vices-amiraux, Parck et Pellaeon, aussi mais les deux sont en mission en ce moment. Le premier mène une mission de reconnaissance dans les Régions Inconnues, dirigeant son DSI vers quelques mondes habités connus du grand amiral afin de s'assurer qu'ils sont toujours là, qu'il n'y a pas de changement à leur égard mais aussi pour se faire connaître un peu dans cette partie de la galaxie si particulière, où les voyages hyperspatiaux sont compliqués à cause d'un phénomène qui rend les routes hyper instables. Pellaeon est, de son côté, dans l'Espace Sauvage, en train de diriger les premières patrouilles depuis le Harbringer. Pour une organisations aussi petite, détourner autant de vaisseau à cette vaste tâche est un coût qui pèse sur les opérations possibles mais le retour devrait largement compenser cela. Après tout, ce qui manque le plus au grand amiral ce ne sont pas les effectifs, car il n'a pas une logique de conquête pour l'heure, mais le ravitaillement.

C'est lors de cette réunion préparatoire que le grand amiral fut informé que la civile chiss Chaf'ewine'asu venait d'arriver à l'hôpital, intégré à la base militaire troglodyte du chiss, pour accoucher. Il est évident que c'est, par devoir envers sa compatriote qu'il clotura, sans faire attention au sourire de son vieil ami humain, la discussion et se rendit, d'un pas tranquille, vers l'intérieur de la structure souterraine de la base. Il s'y était déjà rendu pour discuter avec le jeune commandant rebelle-jedi Ezra Bridger, deux-trois fois, mais ce serait la première fois qu'il allait au chevet d'une compatriote.

Il enfila, prestement, la tenue protectrice par-dessus son uniforme blanc puis entra dans le box où se trouvait la jeune chiss. Il sourit, doucement, dans l'indifférence de l'équipe médicale présente, surtout celle du droïde médical, en venant près d'elle pour la soutenir dans cette dure épreuve. Oh, il le faisait parce que, bien que cela ne soit noté officiellement nul part, c'était son fils qui allait naître ce jour-là mais il aurait fait de même pour toute chiss qui aurait donné la vie et dont aucun membre de sa famille n'était présent..

« Comment tu peux vouloir faire plusieurs enfants… Ce n’est pas possible, c’est trop douloureux… Et comment il va sortir, c’est… Si jamais il ne passe pas… »

Il sourit en entendant son murmure, passant une main dans les cheveux noirs de la femme en travail. Il lui répondit sur le même ton, en cheuhn non pour un soucis de discrétoin, car l'enregistrement sonore sera effacé sans aucune copie, mais pour la rssurer en lui faisant entendre une langue familière.

"Tu dis cela mais tu seras heureuse et tu oublieras ce moment dès que tu verras Fedoa et que tu le tiendras dans tes bras. Et ne t'inquiète pas, tout se passera bien."

Il suffisait d'un regard vers le médecin et les deux infirmières pour le comprendre. Bien que ce ne soit pas une chose habituelle dans un hopital militaire, ils étaient tous les trois sur d'eux, ayant eu le temps de se préparer à cela, et le droid médical surveillait les constantes de la future mère et celles qu'ils avaient de l'enfant pendant que les organiques s'activaient efficacement. Thrawn espéra qu'entendre le nom intime de leur enfant rassurera Ewime, serrant sa main, ou plutôt sa main pressée par les siennes, pendant que l'autre continuait de caresser ses cheveux avec régularité. Il la laissa s'aggriper à lui et écarta ses jambes pour avoir une bonne position et lui servir de dossier-pilier comme elle semblait en avoir besoin.

« Tu ne me lâches pas, hein ? Du tout… J’ai peur… »

"Je suis là, tu n'as aucune raison d'avoir peur quand je suis là," [i]dit-il en cheuhn, toujours d'une voix pleine d'assurance et de soutient, calme et aussi apaisante qu'il le pouvait.[i]

« Si le petit sort malade ou… Va avec lui, d’accord ? Moi, ça ira, mais va surveiller s’il va bien. »*

"Si tu le veux, je le ferais. Rassure toi, tout va bien se passer."

Tout va bien se passer, tout va bien se passer, tout va bien se passer… Ce n’était pas le répéter qui allait suffire à la convaincre, dans un moment pareil ! Elle était rassurée qu’il soit là pour suivre la naissance, par contre, il y avait plein de paramètre que ni lui ni elle ne pouvaient contrôler et c’était bien ça qui continuait de l’angoisser ! Son bébé pouvait s’affaiblir, dans son ventre, durant le travail, son rythme cardiaque ou sa tension pouvaient chuter. Elle-même pouvait faillir, ne pas être capable de tenir ou de bien faire les choses, puis de mettre en danger son enfant à cause de cela ! Il pouvait aussi être malade, dès la naissance, à cause d’elle aussi ou du traitement qu’elle prenait tous les jours. Ou encore, avec le cordon coincé autour du cou… Des tas de scénarios catastrophes lui venaient en tête, à mesure que la douleur des contractions augmentait, tout comme la panique. S’accrocher à son compagnon était l’ultime rempart l’empêchant de sombrer dans une véritable crise d’angoisse, là, tout de suite.

A l’examen suivant, cette fois, le médecin put poser la péridurale. Debout derrière elle, une infirmière devant pour qu’elle s’accroche à elle, elle suivit les recommandations à la lettre le temps qu’il fasse la piqûre dans le dos. Là encore, un passage très peu agréable… Une fois fait, ils la rallongèrent dans le lit, sous les draps, en lui disant de se détendre un maximum, le temps que le produit agisse. Enfin, le soulagement… Ewime était déjà en sueur mais au moins plus apaisée. Déjà épuisée. Les contractions avaient débuté il y a… Un peu plus de trois heures, maintenant. Le col s‘ouvrait peu à peu, mais il restait encore du temps à patienter avant l’accouchement lui-même. Elle pensa, un moment, qu’avoir perdu les eaux dans sa chambre avait dû rendre très sale la couverture sur le lit… mais ça l’avait surprise, sur le moment, elle essayait alors de se détendre, de lire et avait d’abord cru qu’elle s’était lâchée dessus. Sauf que non. Installée dans son lit, à moitié assise, elle avait maintenant l’impression que son ventre était encore plus énorme, sous le drap blanc.

Un monitoring restait posé pour surveiller le rythme du bébé, un autre le sien. Branchée de partout, avec ses perfusions, elle avait le sentiment très désagréable d’être à nouveau hospitalisée dans un service de soins intensifs, comme la période où sa maladie s’était déclarée, alors qu’elle était toute jeune. On lui avait laissé à portée une petite commande pour la pompe à perfusion, au cas où l’anesthésie commençait à se dissiper, qu’elle puisse réguler la dose reçue.Au bout d’une vingtaine de minutes, les contractions étaient devenues largement supportables et elle veillait à ne pas trop forcer l’anesthésie. Par peur de ne plus sentir du tout les contractions et donc de ne plus être capable, ensuite, de sentir quand il fallait pousser son bébé. Au moins, la baisse de la douleur avait aussi un bel effet sur son moral, elle se sentait maintenant plus capable d’affronter ce qui allait suivre, si elle n’avait pas besoin, en plus, de gérer la souffrance engendrée.

« Tu sais, ce serait bien que les médecins soient capables de vous dire, un jour, combien de temps le travail peut prendre. Juste en vous examinant. »

Il fallait attendre… Attendre encore… Elle tenait et serrait la main de son compagnon contre elle comme un doudou, couchée sur le côté. De temps en temps, le médecin revenait l’examiner. Ce n’est qu’après deux nouvelles longues heures qu’il lui annonça que le col était complètement ouvert, maintenant, qu’ils allaient pouvoir s’installer. Ewime aurait bien aimé rester sur le côté mais le médecin n’avait pas l’air très enthousiaste. Elle prit un moment avant de repenser à nouveau en Sy Bisti, encline tout d’abord à parler sa langue maternelle.

« Je me sens plus à l’aise sur le côté… »

« Je le comprends. Mais dans le cas où il y a un souci et qu’il faut réaliser certaines manœuvres, la position classique permettra d’intervenir plus rapidement et efficacement. On vous fera bouger si besoin. Les pieds dans les étriers, les genoux vers vous et le dos bien à plat. Monsieur pour vous tenir la nuque, par-dessous. Relevez un peu la tête. Le col est bien ouvert maintenant et le bébé se présente dans la bonne position. A la prochaine contraction, vous prenez une bonne goulée d’air et vous poussez très fort en bas. Le plus fort et longtemps possible, d’accord ? »

D’accord… Elle hocha la tête, pendant qu’il braquait une lampe sur elle. Pour le coup, elle n’était même plus gênée que le docteur et les infirmières aient une vue aussi directe sur son intimité, un peu trop occupée à penser à ce qui allait suivre. Elle fit ce qu’on lui demandait aussitôt la nouvelle contraction, dents serrés et yeux fermés, entendant juste le médecin et les infirmières répéter en boucle et très vite de pousser encore, plus fort. Elle tint comme elle put et relâcha, le souffle court, le docteur lui dit de recommencer aussitôt. Un gémissement lui échappa, avant de reprendre son souffle et pousser de nouveau. Avec la sensation que tout son corps se distendait, même avec la péridurale. Elle continua, puisant dans ses forces, mais aussi déjà épuisée et avec la sensation qu’elle n’allait jamais y arriver.

« On y retourne, allez, tout de suite, le bébé descend. Vous allez y arriver. Reprenez une grande inspiration et allez-y. »

Elle tenait d’une main le bord en fer des barreaux de lit et de l’autre main celle de Thrawn. Allez… Nouvelle contraction, nouvelle poussée, sous les vifs encouragements de tout le monde. Même avec l’anesthésie, une vif douleur la surprit au moment où la tête du bébé passa. Elle ne put retenir un cri de douleur, suivit quelques secondes après par le premier cri de leur bébé. Un cri qui la surprit presque, lorsqu’elle tendit les bras par réflexe, pour le prendre. Le médecin lui posa l’enfant contre la poitrine, couvert de sang et de placenta, s’agitant un peu et criant encore. Elle eut un blanc de plusieurs secondes, le temps de réaliser que c’était bien son fils et referma les bras sur lui, essoufflée et pas mal choquée. Une des infirmières essuya le liquide, avec un linge, l’autre prépara la coupe du cordon et donna les ciseaux à Thrawn pour qu’il s’en charge, là où elle lui indiqua. Ils couvrirent le petit de deux nouvelles petites couvertures, pendant qu’elle le regardait fixement, comme par peur qu’il disparaisse. Oh bon sang… Il cessa de crier, finalement, lorsqu’elle le serra contre elle, une main derrière sa petite tête.

« Il y avait du sang… »

« C’est le vôtre, madame, ne vous alarmez pas. On s’occupe de ça. »

Oh mais elle ne s’alarmait pas… Elle n’avait maintenant d’yeux que pour son bébé. Enveloppé dans ses couvertures blanches et blotti tout contre elle. Il avait les yeux fermés et ouvrait puis refermait la bouche, comme pour chercher à téter. C’était… Il n’y avait pas de mot… Même le souvenir de la douleur s’était déjà envolé. Elle tendit la main à tâtons pour trouver Thrawn et le faire se rapprocher, avant de réaliser qu’elle avait mis du sang sur son uniforme.

« Oh, pardon, » bafouilla-t-elle en revenant à leur langue maternelle. « Regarde-le… il est tellement mignon. »

Il n’ouvrait pas ses petits yeux, encore, mais il respirait bien et ne pleurait plus. Le médecin glissa simplement qu’il devra le prendre toute à l’heure, pour les premiers examens. Discrètement car comme le bébé était né naturellement et ne présentait aucun signe clinique inquiétant, il les laissait profiter des premiers instants câlins, avant de l’examiner.

« Garde bien les couvertures enveloppées, pour le prendre, hein ? Tiens, doucement… Dis bonjour à papa, mon chaton. »

Dans leur langue, elle pouvait bien le dire. Elle passa leur petit bout dans les bras de son père, le plus doucement possible, pour qu’il puisse embrasser correctement son fils.

Eh, elle ne s’inquiétait pas ! Elle ne voulait juste pas que leur bébé prenne froid aussitôt et il devait se sentir bien enveloppé et entouré. Elle laissa retomber sa tête contre l’oreiller, le temps de reprendre son souffle, complètement épuisée mais très heureuse. La douleur était passée et toute la pression retombait d’un seul coup, accentuant encore plus la fatigue. Comme si elle avait couru plusieurs marathons d’affilée avant d’enchaîner sur de nombreuses nuits sans sommeil. Mais tout de même très fière, les yeux irrémédiablement attiré vers son fils, tout sage dans les bras de son papa. Sage pour le moment, car lorsqu’il commencera à avoir faim, il se fera sans doute bien plus entendre. Le stress retombait, lui aussi, la laissant assez tremblante. Elle comprenait mieux, maintenant, pourquoi on lui avait parlé de véritable délivrance, jamais elle n’avait eu une sensation pareille. S’il fallait recommencer un jour, elle priait déjà pour que la prochaine fois ne soit pas aussi marquée par une attaque et un enlèvement.

« Je crains qu'il ne faille prendre une photo pour ton frère, sinon il ne croira jamais que tout s'est bien passé. Veux-tu qu'on le fasse maintenant ou tout à l'heure ? »

« On peut maintenant. N’oublie pas d’aussi l’envoyer à ton frère. Ça leur fera du bien, un moment de douceur. »

De toute manière, elle comptait bien réunir la famille plus tard, ça ne fera aucun mal. Lorsque Lorana aura quitté l’hôpital, bien entendu. Après quelques minutes, Thrawn lui remit leur bébé contre elle et elle l’enveloppa aussitôt dans ses bras, en l’embrassant sur les petits cheveux noirs couvrant sa tête. Il était, à ses yeux, le plus précieux trésor de cette galaxie. Sans trop savoir s’il dormait ou s’il était juste somnolent, comme il n’avait pas encore ouvert les yeux. Peut-être il y avait-il trop de lumière dans la pièce ? Un moment plus tard, le médecin dû quand même revenir le lui prendre, pour faire passer au bébé ses tous premiers examens médicaux et vérifier son poids. Elle le regarda faire depuis son lit. Il contrôla la motricité du bébé, ses sens… réveillant le garçonnet qui n’apprécia visiblement pas du tout les manipulations et fit comprendre, en se mettant à crier, qu’il n’aimait déjà pas les médecins. Pas de quoi déstabiliser ce dernier, cela dit, qui poursuivit son travail malgré les cris aigus.

Le docteur lui fit aussi sa toilette puis engagea alors Thrawn pour mettre une couche au bébé, l’habiller d’un petit pyjama de naissance et lui mettre un bonnet, autrement les premiers gestes de soin de base. Durant ce temps, elle attendit, avec plus ou moins d’impatience, quand lui rende son fils. Les infirmières s'étaient aussi occupées d’elle, en s’assurant que le sang avait cessé de couler et qu’il ne restait plus de placenta à sortir. On lui fit un brin de toilette également puis l’une des deux la couvrit d’une couverture. Puis le docteur lui rendit l’enfant, plus propre, maintenant habillé et dans une nouvelle couverture propre elle aussi, avec son petit bonnet. Ce n’est que là qu’il les laissa tous les trois seuls. Au même instant, Fedoa se décida à ouvrir doucement les yeux, plissés encore, avec une petite moue sur le visage. Comme s’il boudait. Elle rit un peu, en lui caressant le joue du bout des doigts, pour essayer de lui faire faire un petit sourire.

« Tu n’aimes pas les médecins, mon cœur ? »

Leur fils bailla longuement pour toute réponse, bougeant un petit peu ses poings refermés et minuscules. Il avait de nouveau arrêté de crier. Ewime en profita pour dégrafer son haut d’hôpital et essayer de le mettre à son sein, pour qu’il tète un peu. Une première fois difficile à passer, elle ne savait pas s’y prendre. Après de nombreux essais et tests de position, elle finit par en trouver une à peu près correcte. Leur bébé ne téta qu’un tout petit peu, cependant, avant de se rendormir. Elle se rhabilla d’une main, au moins contente qu’il arrivait à prendre. Elle tourna le regard vers Thrawn, les larmes aux yeux à cause de l’émotion.

« Je pourrai dormir trois jours d’affilée, maintenant, » avoua-t-elle avec un faible sourire. « Tu pourras être là les prochains temps ou tu devras repartir bientôt ? Dans quelques temps, j’aimerai bien qu’on puisse tous se retrouver, ça fera du bien à tout le monde. Lorsque Lorana aura quitté l’hôpital. Les garçons de Tayla aussi, j’ai juste su qu’ils doivent rester en couveuse encore plusieurs semaines, au minimum. Un peu de… De détente, disons-le comme ça, pour tout le monde. Ça ne pourra pas être tout de suite, de toute façon. Tu penses que les choses vont s’arranger ? »

Juste une semaine, ça n’allait pas lui laisser beaucoup de temps pour voir son fils et s’occuper de lui, c’était dommage mais prévisible, elle savait ce qu’était la vie d’un soldat. Leur bébé déjà bien grandi lorsqu’il pourra le revoir, si cette mission devait durer plusieurs mois. Tant qu’il leur revenait en un seul morceau, c’était tout ce qu’elle espérait. Pour le petit, surtout, c’était pour lui que ça comptait le plus, dorénavant. Elle ne voulait pas qu’il grandisse sans ses parents biologiques, comme Feesa avait dû le faire, sans savoir à qui il ressemblait ni d’où il venait. Elle avait envie qu’il puisse rester comme il l’était en ce moment même, si paisible, en parfaite sécurité morale et affective. En le tenant contre elle, endormi, elle ne pouvait juste pas s’empêcher de penser à Feesa, qui n’y avait pas eu droit. Elle voudrait que ça puisse durer des années encore, avec eux deux, même si le papa devait partir pour de longs mois, avec son travail.

« Oh, d'ailleurs, j'ai discuté avec la chef instructeur O'Brien. Dès que le médecin te l'autorisera, il te programmera des séances d'entraînements, de même que pour tous ceux désireux d'apprendre à se défendre. »

« Et moi qui osais penser que tu avais oublié cette demande-là. »

Sur cette base, il ne devait pas il y avoir tant de personnes que cela ne sachant pas se défendre. La très grande majorité des présents étaient des militaires et même parmi les techniciens, tous ou presque avaient reçu une formation de base commune.

« Je vais, par contre, devoir te laisser. Cela t'ennuie ou dois-je demander à repousser la réunion qui m'attend ? »

« Ne t’inquiète pas, tout ira bien. »

Il ne fallait surtout pas qu’il commence à se forcer, dans son travail, c’était trop important. Elle l’embrassa avant qu’il ne doive repartir, profitant surtout qu’ils soient encore seuls, lui donna son fils dans les bras pour qu’il lui dise au revoir également, puis lui fit un petit signe de main quand il passa la porte. Maintenant en tête avec son bébé, à peine dérangé par le mouvement, elle le regarda dormir un long moment, simplement satisfaite de le tenir allongée contre elle, dans le creux de ses bras. Il avait la tête posée et tournée sur le côté contre le haut de sa poitrine, ses petits poings repliés juste à côté. Elle le tenait dessous avec une main et l’autre était posée contre son dos. Son enfant respirait doucement et tranquillement, plus sage, pour le moment en tout cas, qu’il ne l’avait été dans son ventre. Elle ignora combien de temps s’écoula ainsi, peut-être bien une heure, dans un calme parfait… Il finit par s’éveiller de nouveau, commencer à pleurer un peu. Elle le remit à téter à son sein avec douceur, pensant qu’il devait avoir faim. Un geste encore maladroit.

« Tu vas aussi faire la connaissance de tes oncles et tantes, mon cœur » murmura-t-elle avec un sourire pendant qu’il tétait. « Tu as une cousine et tu auras bientôt un cousin. »

Même s’il ne pouvait pas déjà comprendre ce qu’elle pouvait lui raconter, elle sentait qu’il était important de lui parler, de lui faire entendre le son de sa voix. Des intonations qu’il avait déjà dû entendre, dans son ventre, qui pouvaient le rassurer maintenant. Elle sentait qu’il prenait plus de lait, cette fois-ci. C’était très bien, petit ange. Il devait boire pour bien grandir et être en bonne santé. Dès que ce sera possible, elle demandera à lui faire passer des examens plus poussés, pour être sûre et certaine qu’il n’avait pas hérité de ses propres problèmes de santé.