Folie pour folie, prenons les plus nobles

Un monde entier se dévoilait à son regard. De nouvelles opportunités. De plus grandes causes encore.

L’Ascendance seule ne l’intéressait pas, c’était un peuple parmi d’autres. Parmi tant d’autres. Tant de nouvelles espèces et races qu’il n’avait pas encore pu côtoyer, tant qu’il n’avait pu encore examiner et expérimenter. Loin des habituels humains et autres petites races faiblardes habituelles pullulant dans le restant de la galaxie. Il découvrait le Chaos, comme les gens d’ici l’appelaient. Des routes instables et fragiles, des centaines de peuples, si différents les uns des autres, des empires, des royaumes, des confédérations, des tribus, des démocraties, des peuplades en tous genres, sous de multiples régimes. Des Guildes puissantes et respectées, points de repères pour tous. Des systèmes d’échanges, de parole et de cultures complètement différents. Une part entière de la galaxie, qui s’était développée à l’écart de la galaxie connue, en empruntant donc un chemin complètement distinct.

Après des décennies passées dans la galaxie connue, le Chaos se révélait peu à peu comme un véritable cadeau. Un cadeau si exaltant qu’il en oubliait d’ores et déjà les pathétiques manœuvres impériales, rebelles et celles des autres petites factions isolées sans grand intérêt. Le Chaos se dévoilait comme un nouveau et immense terrain de jeu. Non infecté par les pitoyables manœuvres de ses voisins, grâce à la puissance séparatrice de ses routes galactiques mortelles. Il en tremblait presque, seul dans cette bibliothèque, en passant les doigts sur les pages de cet ouvrage papier, dans la bibliothèque. Après avoir avalé la langue, les manières et les pensées de son hôte, il décryptait ces nouvelles connaissances. Laissant son hôte agir – en apparence normalement – à sa vie quotidienne, prenant le contrôle pour mieux découvrir les cartes et les données à disposition. Aussi avide que durant le lancement de sa grande œuvre pandémique.

Tant à faire, par où commencer ? Avec le frisson de nouvelles découvertes venait, aussitôt, cette éternelle question. Lorsque le champ d’action se révélait aussi vaste, où porter le regard en premier lieu ? Il aurait bien une idée… Afin de se faire la main… Plagueis redressa la tête puis l’appuya contre le mur derrière lui, assis sur une sorte de gros coussin de lecture, le livre sur les genoux. Il y avait bien des choses à faire ici-même, pour débuter, en effet. Sa mort dans cet hôpital avait piqué sa curiosité et à mesure qu’il avait sucé les connaissances de son hôte, il s’était interrogé sur le travail qu’il menait. Les découvertes faites à mesure l’avaient beaucoup amusé. Jamais il ne se serait imaginé que ce peuple pensait ainsi de la Force et surtout, qu’il menait de telles expériences. Ce qui l’avait conduit à reconsidérer son opinion de cet hôte forcé.

Peut-être allait-il pouvoir bien plus s’amuser que prévu.

La porte de cette salle de lecture s’ouvrit, laissant passer la seconde suivante un homme que son hôte connaissait bien et pour cause, il s’agissait d’un des plus impliqués dans leur petite association. Mib'orel'lux. Plagueis reposa le livre et le salua parfaitement dans les règles, avec la manière dont son hôte le faisait. La porte refermée sur eux, il se douta que ce charmant docteur était venu parler de quelques affaires privées et plus ou moins sensible. C’était rigolo. Plagueis devait bien admettre qu’il était ravi, il avait beaucoup aimé cette petite phase en tant que cobaye car il avait pu faire une toute nouvelle expérience, avec l’esprit de sa précédente victime, dans son second corps. C’était d’autant plus drôle aujourd’hui que ce Chiss ne pouvait savoir à qui il avait à faire. Après les salutations d’usage et une fois tous deux assis, Plagueis dû tout de même réfréner un sourire prêt à poindre.

Vous semblez soucieux. Que s’est-il passé ?

C’était un peu curieux, leur collègue passait beaucoup de temps à la bibliothèque, depuis un peu plus d’une semaine, dès qu’il avait un peu de temps libre ou le soir après son travail. Cette manie lui avait passée depuis longtemps, pourtant, lorsque sa famille était parvenue à le convaincre de plus sortir, vivre comme tout le monde et faire plus attention à son rythme de sommeil et de travail. Pourvu que ce qui se soit passé au centre de la prison ne lui ait pas faite resurgir tous ses vieux démons, ce serait une catastrophe ! Ils n’avaient pas besoin qu’un des membres de leur équipe s’effondre subitement au beau milieu de la journée à case du surmenage. Comme quoi, songea amèrement le docteur en entrant dans la grande bibliothèque, chassez le naturel et il reviendra au galop. Le seul avantage est qu’on savait au moins où le retrouver facilement. Il chercha d’abord dans les salles de lecture principales, puis en demandant un peu au hasard, finit par dénicher dans quel recoin il s’était fourré, cette fois-ci. Le secteur consacré à la géographie… ? Allons bon, à quoi pouvait-il bien s’intéresser là-dedans, maintenant.

Borell grimpa les marches menant au troisième étage, légèrement essoufflé car il ne pouvait plus courir autant qu’il le voudrait, puis passa ensuite dans la coursive de gauche. Il y avait peu de monde à cette heure, en fin de de semaine. Même si la bibliothèque restait ouverte jusque tard le soir, les journées comme celles-ci, d’autres lieux étaient bien plus attirants pour la population locale. Les théâtres, les cinémas, les bars… Thlaaps aura finalement renoncé bien vite à fréquenter ces lieux, comme tous ceux de son âge, pour retourner à la place s’enfermer dans des salles de lecture ou d’étude. Le médecin secoua légèrement la tête, un fin sourire aux lèvres, néanmoins. Ils étaient bien d’autres à l’avoir fait… Lui-même avait suivi cette voie. Il poussa finalement la porte de la salle dite, trouvant son jeune collègue. Une fois les salutations passées, le docteur prit place à un bureau peu large à côté de l’espace lecture, posant ses affaires dessus. Très bien, au moins, ils ne seront pas dérangés ici, surtout à un tel moment. Il sortit également son datapad, pianotant avec rapidité pour entrer son mot de passe et le déverrouiller.

« Vous semblez soucieux. Que s’est-il passé ? »

« Disons plutôt assez lassé, les dernières semaines ont été particulièrement agitées, » soupira-t-il. « Entre l’affaire déplorable concernant la petite Jedi et le décès soudain de Plagueis… Tout cela est bien lamentable. »

S’il était parvenu très vite à accepter la mort d’un simple prisonnier, surtout celui-là, il avait en revanche toujours beaucoup du mal à avaler l’assassinat raté de la Jedi. Comment avaient-ils réussi à ne pas l’achever, alors qu’elle avait reçu non moins de six coups à bout portant ?! Borell se frotta un peu les yeux avec une grimace, désespéré. Une femme sortant d’un lieu public un soir avec peu de passage, qui n’avait même pas eu le temps de se défendre et ces imbéciles avaient réussi à la louper.

« Ces événements appartiennent au passé, cela dit. Parlons plutôt de l’avenir. Le nouveau programme de recherches va pouvoir débuter sous peu, comme vous le savez. Mais nous avons eu quelques contretemps et il a fallu changer de centre de recherches. Pour d’évidentes raisons de sécurité mais aussi car le matériel devant servir a été lui aussi modifié et prendra plus de place. Voici où vous serez attendu. »

Il lui tendit les coordonnées en main propres, pour commencer. Les équipes avaient été réorganisées, pour ce nouveau projet, comme il se doit. Tous avaient dû vite tourner la page du précédent, avorté par la mort brutale du cobaye.

« Le retard pris sera compensé en deux à trois semaines, selon mes estimations. Cela étant, nous ne pouvons pas nous permettre de griller des étapes. En savez-vous, en ce qui concerne votre Clan, sur les nouvelles restrictions imposées contre ce type de traitement ? »

L’affaire déplorable concernant la petite Jedi, hum ? Plagueis fouilla aussitôt dans l’esprit de sa victime et ne tarda guère à trouver ce dont il s’agissait. Visiblement, une affaire qui avait fait un très, très, très grand bruit… Une Jedi mariée à un de ces êtres immondes, une mère en plus, qui avait échappé à une tentative d’assassinat. Un assassinat désiré par des « amis » de son hôte, apparemment. Voilà qui était très intéressant ! Une Jedi venue se fourrer dans cette nation au bras d’un de ces types, c’était étrange. Les Jedi… Toujours à aller se mettre dans des situations tordues et impossibles… Leur capacité sans limite à courir vers les ennuis restera à jamais légendaire. Sans doute croisera-t-il un jour cette femme, après tout, il était dans le même clan qu’elle, s’il avait bien compris. Ce serait très amusant.

Ces événements appartiennent au passé, cela dit. Parlons plutôt de l’avenir. Le nouveau programme de recherches va pouvoir débuter sous peu, comme vous le savez. Mais nous avons eu quelques contretemps et il a fallu changer de centre de recherches. Pour d’évidentes raisons de sécurité mais aussi car le matériel devant servir a été lui aussi modifié et prendra plus de place. Voici où vous serez attendu.

Très bien, très bien. Les recherches scientifiques, c’était son domaine, ces charmants êtres bleus avaient recruté un expert. Plagueis glissa dans sa poche la petite clé contenant les coordonnées, avec un simple hochement de tête. Il sera à l’heure, ils peuvent compter sur lui. A vrai dire, il était on ne peut plus curieux d’en savoir plus sur leurs programmes de recherche, surtout si ces derniers étaient clandestins. Il sera ravi de leur filer un petit coup de main, très personnel. Comment les remercier, sinon, de lui avoir fourni un nouveau corps ? Restait encore à savoir combien de temps il allait tenir, celui-là. Enfin bref, il changera lorsqu’il en aura besoin, ce n’était pas un souci. Selon ce qu’il aura sous la main, dans ces régions galactiques… Certaines espèces n’étaient pas bonnes à hanter. Trop faibles ou trop contraignantes, trop petites aussi, pour certaines. Ou encore trop différentes des humanoïdes, dont il avait l’habitude.

En ce qui concernait la question suivante de son cher nouveau confrère, Plagueis dénicha la réponse dans l’esprit de son hôte. Une réponse qui ne plut certainement pas au vieil alien face à lui. Des restrictions, il y en avait eu et pas qu’un peu. Le chef de ce clan s’était arrangé pour imposer bien plus de contrôles avant qu’un patient ne soit finalement autorisé à suivre ces doux traitements. D’ailleurs, maintenant que Plagueis y songeait, il n’avait absolument jamais entendu parler du moindre peuple, dans cette galaxie, à traiter la Force de cette manière. Il se demandait bien comment celui-ci en était arrivé là, c’était très curieux. D’ordinaire, les peuples ignoraient ce qu’était ce pouvoir. Pour ceux le sachant un peu, ils s’étaient toujours contentés de signaler les morveux concernés à l’Ordre Jedi. Comment, par la Force, celui-ci s’y était pris pour voir ça comme une maladie ? Quelle aberration.

D’autres restrictions suivront celles-ci, ça ne fait aucun doute. Mais il y a un moyen de prouver qu’ils sont essentiels. Si, par exemple, il était démontré que ce pouvoir peut causer de graves accidents ou qu’il était dangereux pour la société. Une démonstration choquante mais qui éveillerait les esprits, qui pousserait à faire reconnaître le danger. D’autant plus à cause de personnes instables ou non entraînées, comme il y en a un peu.

Rien ne valait la démonstration directe, n’est-ce pas ? Pour balayer toutes les déclarations des bien-pensants…

Ce clan avait donc décidé d’emprunter la même voie que l’infect clan de Chaf’orm’bintrano. Quelle décadence… Quelle terrible décadence… Quelle honte et tristesse… Le docteur se frotta un peu les yeux, puis les temples, en écoutant son confrère, soupir aux lèvres. Il ne pouvait ni comprendre ni admettre l’entêtement flagrant de leurs adversaires, à refuser à la population des traitements pourtant efficaces et capables de les soigner. C’était tout bonnement criminel ! fort heureusement, ce n’était pas généralisé à toute la population, bien loin de là… Il était également convaincu que même parmi ces clans, des personnes plus raisonnables allaient réaliser l’absurdité de leur refuser ces soins et aller se procurer ailleurs de quoi être suivi. Tout espoir n’était pas perdu… cependant, il était si usant de devoir sans cesse et autant se battre simplement pour avoir le droit de soigner des personnes. En arriver là prouvait qu’ils traversaient une époque sincèrement gravissime.

« D’autres restrictions suivront celles-ci, ça ne fait aucun doute. Mais il y a un moyen de prouver qu’ils sont essentiels. Si, par exemple, il était démontré que ce pouvoir peut causer de graves accidents ou qu’il était dangereux pour la société. Une démonstration choquante mais qui éveillerait les esprits, qui pousserait à faire reconnaître le danger. D’autant plus à cause de personnes instables ou non entraînées, comme il y en a un peu. »

« C’est une idée qui a été évoquée à plusieurs reprises, oui… Malheureusement, nous devons encore attendre, que les choses se tassent. C’est un peu tôt, avec les récents événements. Vous ne deviez pas être là, lorsque nous en avions parlé, mais il est vrai que ce fut assez rapide. Nous devons être patients. »

Même si cela l’agaçait, force était de reconnaître que précipiter les choses ne feraient que les desservir. Il comprenait bien son collège, lui aussi devait se sentir extrêmement frustré par toute cette situation. Hélas, ils n’avaient pas réellement le choix. Borel soupira à nouveau puis se reprit ? En se redressant, il ajouta d’un ton plus confiant que le nouveau programme s’annonçait plus prometteur et qu’il était certain que les futures avancées débloqueront beaucoup de nouveaux projets par la suite. Il y croyait fermement ! Après tout, voilà plusieurs décennies que ces programmes se menaient, ce n’était guère quelques petits accros sans importance sur leur route qui allait tout empêcher. Cela dit, en ce qui concernait certains accrocs, il sera plus prudent de mieux les garder à l’œil. On en venait au principal sujet pour lequel il était venu trouver son confrère ici même, ce soir.

« Nous avons discuté, entre responsables, de la suite des événements. Étant donné votre appartenance à ce clan, disons, défaillant, vous pouvez nous aider d’une nouvelle manière. Nous souhaitons que vous parveniez à vous rapprocher peu à peu de cette femme, de vous en faire une amie. Afin de garder un œil sur elle et sa famille. »

Inutile de prononcer le moindre nom, il comprendra aussitôt de quelle femme il était question. Il n’y en avait qu’une seule qui, à l’heure actuelle, avait la formation et les compétences nécessaires pour devenir un parasite on ne peut plus nuisible, plus encore qu’elle ne l’était déjà. Une véritable menace pour la stabilité même de l’Ascendance ! Devoir faire profil bas pour le moment ne signifiait pas qu’ils devaient rester inactifs.

« Nous comptons sur vous pour cela. Pensez-vous en être capable ? »

C’est une idée qui a été évoquée à plusieurs reprises, oui… Malheureusement, nous devons encore attendre, que les choses se tassent. C’est un peu tôt, avec les récents événements. Vous ne deviez pas être là, lorsque nous en avions parlé, mais il est vrai que ce fut assez rapide. Nous devons être patients.

Patients, patients, humph… La patience menait juste à perdre des opportunités, selon lui, surtout lorsque ces dernières étaient si proches. Enfin bref… De toute manière, il lui fallait du temps, à lui aussi, avant de s’adapter correctement, donc soit. Il écouta son cher collègue en rajouter, cet optimisme affiché. Au moins était-il prêt à travailler dur, dirons-nous ? Plagueis cherchait un moyen d’écourter cette entrevue lorsque la suite arriva. Que cette demande arriva… Il lui demandait… de… devenir proche avec… Quoi ?! Brusquement retranché dans l’esprit de son hôte, afin de le laisser répondre et accepter cette ignominie, Plagueis eut l’impression d’avoir reçu un coup en plein visage. Devenir ami avec une Jedi ?! Comment pouvait-il exiger cela si sérieusement ? Pourquoi perdre du temps à la surveiller alors qu’ils pourraient tout simplement l’éliminer ?! Qu’importe qu’elle puisse revenir par les failles !

Si son abruti d’hôte répondait sans y voir le moindre petit inconvénient, Plagueis, de son côté, ne parvenait toujours pas à digérer la demande. Ami avec… Peu importe avec qui, ce serait déjà une épreuve, amis avec une Jedi… Ou ex-Jedi, oui, peut-être, qui pourrait bien se soucier de ce détail ? Le temps de la conversation, il se retrancha encore plus puis chercha dans l’esprit ce que savait son hôte de cette femme. Son nom, son apparence, son âge, son clan… Le fait qu’elle ait un enfant, ou plutôt une enfant, une métis… Qu’elle venait de l’Ordre Jedi… Arrivée ici quelques temps avec bébé et mari… Que les différents médias l’avaient filmée sous tous les angles et voulu l’interroger après l’attentat raté… Qu’elle vécût sous la protection rapprochée de son clan… ni son nom ni son visage ne lui disait quoi que ce soit. Il ne savait rien d’elle, de son caractère, de ses buts, rien du tout. Mmh…

La conversation avec le docteur s’acheva presque sans qu’il s’en rendre compte, alors que son hôte se chargeait des formules de politesse et des au revoir. Plagueis reprit le contrôle une fois de nouveau seul, perplexe. L’amitié, hum… Un concept qu’il n’avait expérimenté… Comment cela fonctionnait ? il rangea machinalement les livres de tout à l’heure puis partit en quête, dans cette bibliothèque, voir s’il ne pourra pas dénicher un ouvrage ou deux sur le sujet. Par exemple, comment on abordait les gens sans leur faire peur d’emblée. Au moins, dans ce corps, personne ne s’inquiètera s’il ne souriait pas ! Mais comment engageait-on une conversation polie ou amicale avec d’autres personnes ? Tout cela était tellement perturbant ! Il fouilla longuement dans les rayonnages, jusqu’à l’heure de fermeture des lieux. De nouveau dehors, il repartit à pied, lentement, vers l’appartement de son hôte. L’amitié… Qu’était-ce l’amitié…

Il y avait, bien sûr, des avantages, à se rapprocher de cette femme, il y voyait des opportunités. Mais accomplir cela pour y parvenir lui semblait une tâche autrement plus compliquée que bâtir son œuvre virale. Il devra trouver un premier moyen d’approche…