"Charmantes" retrouvailles

Elle n’avait pas changé d’un pouce… Enfin, si, elle avait grossi, quoi, mais c’est tout. Juste du ventre, d’ailleurs, comme si elle était… Anakin fronça légèrement les sourcils, tout à coup frappé par cette idée. Puis éprouvant un mélange entre dépit, désespoir et profonde pitié, pour elle, si c’était bien le cas. Dans quel genre d’ennuis allait-elle encore se jeter ! Depuis qu’ils étaient installés ici dans cette petite pièce, alors qu’elle était tout juste arrivée et qu’ils étaient assis depuis cinq bonnes minutes, il n’avait pas encore lâché un seul mot, seulement deux ou trois soupirs. Il ne savait pas par quoi commencer. Et pourtant, il y avait pas mal de choses à aborder… Il voudrait aussi savoir, d’ailleurs, comment elle avait bien pu atterrir dans l’Ascendance. Ce n’était pas chez eux, qu’elle était morte ? Pourquoi retourner là-bas et y vivre ? Il ne voyait aucune raison valable pour ça, même si elle avait juste voulu partir loin de l’Ordre et point, il devait tellement y avoir d’autres endroits mieux que celui-là.

"Eh bien," finit-il enfin par dire après sept minutes d’un silence gênant, "tu n’as pas changée, depuis ta mort. Enfin, tu as grossi. Tu es enceinte ? Toutes mes condoléances. C’est vraiment malheureux pour toi."

Elle était bien jeune encore pour subir ça, surtout qu’elle était déjà morte une fois ! Quelle tristesse… Si elle survivait à son accouchement, alors elle devrait gérer un bébé jour et nuit, essayer de l’élever, de le protéger, avec tous les risques allant avec, sans oublier que la Force pouvait aussi s’amuser à lui attirer des ennuis. Il ne pouvait juste pas concevoir une grossesse autrement que comme une étape dangereuse et avec de très forts risques de mortalité précoce. Même en cas de survie, le seul fait de devoir se charger d’un bébé hurlant à vous percer les tympans, ça n’avait rien de très réjouissant. Si seulement les mômes pouvaient venir au monde déjà sous forme adulte, ou bien encore, grandir en moins d’une semaine, ça serait l’idéal. Ou encore, naître dans une cuve ou autre chose, sans avoir à mettre la vie de la mère en jeu.

"Sinon," reprit-il en essayant d’effacer de sa tête le souvenir de cette vision, de sa propre épouse mourant en couches, "je voulais te voir pour discuter de deux ou trois sujets. Je dois revoir Obi-Wan un prochain jour, mais avant cela, il y a des petits détails à connaitre, ou régler, tu fais partie des rares, en ce moment, qui puisse aider là-dessus."

Parce qu’elle était une des rares qu’il avait connu avant qu’il ne tourne du côté obscur et parce qu’elle n’avait pas eu le temps de connaître le massacre de l’Ordre. Sans compter qu’elle était là, sur place, c’était d’autant plus facile de la rencontrer. Au moins un avantage de cette installation bizarre chez ce peuple. D’ailleurs, qui pouvait bien être le père du futur gamin ? A tous les coups, il avait dû se barrer et l’abandonner, puisqu’elle en était rendue à vivre dans les Régions Inconnues !

"Qu’est devenu l’Ordre, plus exactement, aujourd’hui ? Au niveau des règles ?"

Si rien n’avait changé, par chez eux… Il tendait à le croire puisqu’elle était là, enceinte… C’est qu’ils avaient dû la chasser, quelle autre explication possible ?

Bon, bon, bon, ça commençait à devenir un peu lourd, comme ambiance… Lorana but son verre d’eau à petites gorgées, en jetant de fréquents regards à Vader, enfin Anakin, en attendant qu’il se décide à dire pourquoi il avait voulu la voir. C’était assez bizarre, d’ailleurs… Elle l’avait vu quelques fois en holo, lorsqu’elle était encore au temple, mais jamais en face. Et elle ne s’était pas attendue non plus à le rencontrer sans son armure au grand complet, casque compris. Les blessures sur son crâne n’étaient pas belles à voir… En revanche, on regard n’avait pas changé, c’était au moins ça. Il soupirait de temps en temps, sinon rien. Très bien, c’était à elle de le lancer, alors ? Mais de quoi comptait-il parler ? Un problème lié à la Force… ? Ou peut-être autre chose. Apprendre qu’il s’était retrouvé sur Nirauan avait déjà été une sacrée surprise. Qu’il ait voulu lui parler, là, elle ne comprenait vraiment pas pourquoi. Ils n'avaient pas été des amis intimes, même s’ils se connaissaient. Elle n’était pas non plus une experte dans un domaine ou un autre, là où il aurait pu avoir besoin d’aide. De toute façon, il vivait entouré de militaires, il devait bien y en avoir assez pour l’accompagner régler elle ne savait quel ennui.

« Eh bien, tu n’as pas changée, depuis ta mort. Enfin, tu as grossi. Tu es enceinte ? Toutes mes condoléances. C’est vraiment malheureux pour toi. »

« Ta sollicitude me touche, » grinça-t-elle des dents.

Il avait une manière toute personnelle de voir la grossesse… Elle ne savait pas pourquoi mais ce n’était définitivement pas normal. En tout cas, lui n’avait pas changé d’un pouce, visiblement, toujours aussi diplomate et rempli d’un tact certain. Elle plissa légèrement les yeux en observant son air, en se demandant comme il avait vécu la naissance de ses propres enfants, pour envisager la maternité d’une telle façon. D’ailleurs, maintenant qu’elle y songeait, elle n’avait jamais demandé, au Temple, qui était la mère de Luke. C’était un sujet assez personnel et poser des questions là-dessus aurait été assez malvenu. Cela dit, ça ne le regardait pas. Par contre, ce serait pas mal qu’Anakin en parle à quelqu’un, de son côté, s’il avait aussi mal vécu que ça. Comme avec… Par exemple… Il y avait peut-être une autre femme dans l’Ordre, depuis, qui avait eu un enfant et pourrait lui dire que ce n’était pas toujours mortel. Ou même ici, dans la base entière, il y avait des parents, dans le tas.

« Sinon, je voulais te voir pour discuter de deux ou trois sujets. Je dois revoir Obi-Wan un prochain jour, mais avant cela, il y a des petits détails à connaitre, ou régler, tu fais partie des rares, en ce moment, qui puisse aider là-dessus. Qu’est devenu l’Ordre, plus exactement, aujourd’hui ? Au niveau des règles ? »

« Bon, pour commencer, essaye de t’enlever de la tête qu’une grossesse est forcément mortelle. J’ai survécu à la naissance de ma fille aînée et je pense survivre également à celle-ci. Tu as aussi d’autres parents, ici, qui pourront te confirmer ça. »

Heureusement que les grossesses à risque n’étaient pas la majorité ! Que deviendrait la galaxie, si toutes les femmes mouraient systématiquement en couches. Bref, donc il voulait la voir pour parler de rare. Elle ne voyait vraiment pas en quoi elle était une des rares, comme il disait, à pouvoir l’aider… S’il devait revoir Obi-Wan, pourquoi ne pas simplement attendre cette rencontre et lui demander directement, à lui, ce qu’était devenus les Jedi ? Il répondra certainement bien mieux ! Même si elle était actuellement plus proche, géographiquement parlant, ça ne pouvait tout de même pas être pour ça qu’il la considérait comme la mieux placée pour en parler.

« L’Ordre s’est reconstitué, ça, tu dois déjà le savoir. Les règles en place ne sont plus les mêmes qu’autrefois. Des choses sont restées, évidemment, sur l’entraînement, la morale, les relations maître-élève, ce genre de choses. Par contre, plus personne ne dit rien contre les relations amoureuses. Ils ne m’ont pas reproché non plus d’être enceinte, par exemple. C’est surtout grâce aux jeunes qui sont nés à la fin de la guerre ou un peu après, qui n’ont rien connu de ce que nous avons vécu. Obi-Wan était toujours le grand maître de l’Ordre lorsque je suis partie, mais il parlait de passer la main à ton fils. C’est peut-être officialisé, depuis le temps. Tu pourras poser la question à Obi-Wan. »

Ça devait être fait, depuis le temps. Tout ça était leurs affaires, de toute façon. Obi-Wan lui avait demandé de donner des nouvelles, de temps en temps, mais elle ne l’avait pas encore fait. D’une part car elle avait été pas mal occupée, d’autre part car c’était aussi difficile, techniquement parlant.

« Pourquoi n’attends-tu pas de lui demander tout ce qui te travailles, plus simplement ? Ou il y a des sujets que tu ne veux pas aborder avec lui ? »

"Bon, pour commencer, essaye de t’enlever de la tête qu’une grossesse est forcément mortelle. J’ai survécu à la naissance de ma fille aînée et je pense survivre également à celle-ci. Tu as aussi d’autres parents, ici, qui pourront te confirmer ça."

Elle avait déjà une fille… ? Alors le père était toujours là ? Et la première grossesse s’était bien passé ? Il faillit lui poser la question, mais vraiment, juste avant de retenir tout ça à l’ultime seconde. Il ne pouvait pas lui demander ça. Pas tout de suite, en tout cas. De toute façon, elle enchaîna assez vite, pour répondre à sa question sur l’Ordre. Lorsqu’elle lui expliqua que les anciennes règles sur l’attachement, l’amour, le mariage, la parentalité, etc., n’avaient désormais plus cours, Anakin éprouva une curieuse sensation. Mélange entre le soulagement que ça soit terminé, la colère que ça ne soit pas arrivé plus tôt, l’écœurement contre les « anciens » Jedi qui laissaient faire aujourd’hui mais qui se seraient pourtant bien outrés contre il y a quelques années et d’autres émotions qu’il ne parvenait pas bien à définir. Un drôle de son lui échappa, alors qu’il ravalait ce qu’il aurait voulu cracher. Plus amer que jamais.

"Pourquoi n’attends-tu pas de lui demander tout ce qui te travailles, plus simplement ? Ou il y a des sujets que tu ne veux pas aborder avec lui ?"

"Aborder quoi, le mariage ?" grogna-t-il d’un ton amer. "Il était le premier à tout faire pour suivre cette règle, même si ça le faisait souffrir lui aussi ! Je l’ai parfaitement vu ! Tu vois, je pensais que tu avais été jetée dehors à cause de ça. Mais c’est bien, oui, que ce soit fini, ça… rendra la vie plus simple. Je suppose."

Ça ne le regardait plus et pourtant, ça l’agaçait toujours. Il ne pouvait pas se défaire du sentiment d’avoir perdu une large partie de son existence à cause de ça et… Ne pas s’attacher, ne pas s’attacher… Jamais il n‘avait accepté ce que Yoda lui avait dit, d’accepter de laisser partir ceux qu’on aime sans que cela nous touche trop, pour les laisser rejoindre la Force. Cette interdiction de souffrir car on aimait d’autres personnes, finalement, le refus de trop se lier pour ne pas se laisser entraîner dans cette spirale. Même aujourd’hui, il ne digérait toujours pas ce qui s’était produit à cause de ça. Voir Lorana dans cet état lui rappelait de plein fouet toute cette période, les semaines qui avaient défilé, les mois… Il avait vu Padmé changer peu à peu, son ventre s’arrondir et il ne supportait plus ces souvenirs. Il se rendit alors compte qu’il l’enviait. Elle était loin de l’Ordre Jedi, elle avait déjà une fille, elle attendait un autre enfant, le père était sans doute toujours là et elle n’avait plus à se préoccuper de personnes pouvant lui dire que l’attachement était dangereux. C’était la vie qu’il aurait dû choisir. Il aurait dû tout laisser tomber, même Obi-Wan, pour partir avec Padmé.

"J’aurai dû faire comme toi," ajouta-t-il dans un bref souffle. "Aller vivre loin, avec mes enfants. Tant pis pour l’Ordre Jedi ou la guerre…"

Il disait ça mais il n’en aurait sans doute pas été capable. Se contenter de tout plaquer pour partir avec femme et enfants, alors que le conflit faisait toujours rage… Quitter l’Ordre, il y avait déjà songé très sérieusement. Une fois, vers quatorze ou quinze ans, il avait même failli le faire, si une mission un peu particulière avec Obi-Wan ne lui avait pas fait changer d’avis.

"Pourquoi es-tu partie, alors, si personne ne t’a mise dehors ? Le père de ta fille est toujours avec toi ? Et surtout, pourquoi ici, pourquoi dans l’Ascendance ? Ce sont quand même eux qui t’ont tuée."

Ce n’était pas Thrawn en personne, d’ailleurs, qui l’avait tué, s’il avait bien compris cette histoire-là ? Il n’en avait eu que de petites brides et du peu qu’il avait compris, c’était bien Thrawn qui avait arrêté le Vol vers l’Infini. La suite logique, pour Anakin, était que c’était aussi lui qui avait attaqué et détruit ce projet de fous. Cela dit, ce n’était peut-être pas ça du tout.

"Ils ont participé à détruire le vaisseau mais je me suis tuée toute seule. Enfin, seule. Il y avait Thrass, avec moi. Avant que tu demandes, c’est un Chiss et il est lui aussi revenu d’une faille. Nous nous sommes mariés, c’est le père de ma fille et oui, nous vivons toujours ensemble. Pourquoi ici, eh bien, c’est loin de l’Ordre, j’ai été acceptée par une partie des siens et lui aussi est mieux ici. En plus, on y a de la famille. Thrass a un frère, qui vit aussi avec sa compagne. Ils ont eu un bébé, il n’y a pas très longtemps, un petit garçon. Et tu les as déjà vu ou revu tous les trois, dans cette base, tu sais ?"

Anakin cligna lentement des yeux. Une fois, deux fois, trois fois. La fixant, avec son sourire un peu moqueur, avant de percuter tout à coup ce qu’elle voulait dire. D’accord… Il soupira et leva la main pour se frotter un peu les yeux, en secouant la tête. Un ancien grand amiral impérial, proche de Palpatine, qui devenait le beau-frère d’une Jedi, on croirait rêver ! Il se redressa un peu, tandis qu’elle commençait à lui raconter ce qui s’était vraiment passé, avec ce maudit vaisseau et C’Baoth. Durant le voyage, puis la bataille à l’arrivée dans ces régions. Sa mort, avec ce type. Son mari, donc, aujourd’hui… C’était à peine croyable. Il fut assez surprit d’apprendre, ensuite, que les colons avaient été retrouvés et qu’ils avaient pu quitter la planète pour retrouver leurs familles. Eh bien, une affaire réglée, comme elle disait. Ceux qui devaient se rappeler de cette histoire étaient sûrement rares, de toute façon, dans l’Empire.

Il imaginait si bien la tête que le vieux avait dû tirer en voyant un de ses hauts officiers comme témoin de ce genre de mariage. Évidemment que ça s’était mal terminé ! Jamais il n’aurait pu imaginer une histoire pareille, de son côté… Sidious avait sûrement dû frôler la crise cardiaque, quel dommage que ça n’ait pas réussi à l’achever. Enfin bref… Il pensait que plus rien ne pouvait le surprendre et pourtant, ce coup-là, il n’en revenait pas. Ce qui était bizarre aussi, c’est qu’il avait le plus grand mal à imaginer Thrawn aimer une femme, même s’il avait eu la preuve sous le nez, avec ce bébé, que c’était possible. Tss, en plus, le gamin, même bébé, il était déjà agité, ça promettait pour la suite ! La seule idée de tenir l’un de ces petits être gigotant dans ses bras suffisait à le faire fuir.

"Qu’est-ce qui te perturbe autant, avec la maternité ? Si l’enfant est désiré, une grossesse n’est pas une malédiction. Ou alors, c’est de ma faute, ça te rappelle de mauvais souvenirs ?"

"Quoi ? Non, non… Je n’ai besoin de personne pour y penser."

Bon, la voir enceinte avait un peu aidé mais même sans ça, il y aurait pensé bien vite, quoi qu’il arrive. Il y pensait tous les jours. Parfois même plusieurs fois par jour. Il en rêvait et cauchemardait. La plupart de ses visions en étaient remplies. Personne ne pouvait réaliser à quel point ça hantait toute son existence et une si grande part de ses pensées, encore plus depuis qu’il avait tout plaqué une seconde fois. Il n’en parlait jamais à qui que ce soit, bien évidemment, à qui l’aurait-il fait dans l’Empire ? Mais aujourd’hui… Il ne pourrait pas aborder non plus le sujet avec Obi-Wan ou d’autres membres de l’Ordre, pas avec ceux et celles déjà engagés dans cette guerre, ceux qui avaient connu la purge, ceux qui pouvaient être emplis de préjugés sur les relations conjugales, la famille, les conjoints.

"Tout s’est très mal terminé," reprit-il d’un ton plus lent. "Notre mariage s’est fait en secret. Il fallait toujours se cacher, toujours mentir. Je n’aurai sans doute pas pu quitter la guerre… Elle non plus… Elle menait un combat politique, elle n’aurait pas abandonné. Au fil du temps, des combats et de tout le reste, j’ai sombré. Lorsqu’elle est tombée enceinte, j’ai eu du mal à en être heureux. Comment cacher longtemps notre mariage, avec un enfant ? Je ne savais non plus si je serai capable de m’en occuper, encore moins de le voir grandir, avec la guerre, l’Ordre… Puis j’ai commencé à avoir des visions d’elle, mourant en couches. Ça n’a pas contribué à bien considérer cette grossesse. Je n’avais rien contre le bébé mais j’avais du mal à m’y attacher autant qu’elle."

Entre leurs vies publiques à mener, la vie privée tenue secrète et tout ce qui lui embrouillait l’esprit à cette époque, il n’y avait alors tout simplement pas de place pour un bébé dans l’équation. Il l’avait vu comme un problème supplémentaire à se soucier, finalement, maintenant qu’il y songeait… Aujourd’hui, son opinion avait changé, il s’était enfin attaché à ses enfants et voulait les protéger. Il lui aura fallu plus de vingt ans et pas mal de bouleversements, avant de reconsidérer cette question.

"Aujourd’hui, je me suis attaché à eux. Avant leur naissance, c’était… compliqué. Mais j’ai causé la mort de leur mère, en cherchant à la protéger."

Besoin de personne pour y penser, ça voulait dire qu’il y pensait plus que de raison et que ça en venait à le torturer mentalement ? De la part de quelqu’un qui avait sombré dans le côté obscur, elle s’attendait bien à ce qu’il ait des traumatismes ou des fardeaux à porter, par contre, elle voyait toujours bien mal comment elle pourrait l’aider à passer au-dessus. Discuter était une chose, produire un véritable travail de psychologie, s’en était une autre. Et pourtant, les voilà à en parler… Bon, mis à part Obi-Wan ou Luke, il fallait bien l’avouer, qui accepterait de le faire ? Peu importe qu’il ait trahi l’Empire, il restera un ennemi pour de très nombreuses personnes et elle doutait qu’il parvienne à regagner la confiance des rebelles ou juste des peuples libres de la galaxie, pas après tout ce qui s’était passé. Beaucoup devaient rêver de le voir mort ou a minima, enfermé à vie. Tant de personnes qui ne comprendront pas non plus les effets pervers d’une chute dans les ténèbres et encore moins la possible rédemption. Elle ne leur jetait pas la pierre, ce point de vue se comprenait très facilement et ils avaient d’excellentes raisons. C’était compliqué. Finalement, mis à part dans cette base, il n’aurait eu nulle part où aller. Même si les Jedi avaient accepté qu’il les rejoigne, ça aurait créé aussitôt pas mal de conflits avec l’Alliance Rebelle.

« Tout s’est très mal terminé. Notre mariage s’est fait en secret. Il fallait toujours se cacher, toujours mentir. Je n’aurai sans doute pas pu quitter la guerre… Elle non plus… Elle menait un combat politique, elle n’aurait pas abandonné. Au fil du temps, des combats et de tout le reste, j’ai sombré. Lorsqu’elle est tombée enceinte, j’ai eu du mal à en être heureux. Comment cacher longtemps notre mariage, avec un enfant ? Je ne savais non plus si je serai capable de m’en occuper, encore moins de le voir grandir, avec la guerre, l’Ordre… Puis j’ai commencé à avoir des visions d’elle, mourant en couches. Ça n’a pas contribué à bien considérer cette grossesse. Je n’avais rien contre le bébé mais j’avais du mal à m’y attacher autant qu’elle. »

D’accord… Elle comprenait un peu mieux pourquoi la grossesse lui donnait des cauchemars, mais ce n’était malgré qu’une mauvaise expérience. Les visions n’étaient pas à prendre telles quelles, elles étaient sources d’interprétation, même si elles pouvaient apporter des informations utiles. Donc sa femme était une politicienne, d’ailleurs… Mmh, ce n’était pourtant pas lui qu’elle aurait imaginé épouser une personne passionnée de politique, mais soit, elle n’était pas là pour juger. Elle se dit juste qu’il y avait des chances que le métier de son épouse ait pu renforcer l’angoisse liée à ce mariage secret. Si tout était découvert, peut-être avait-elle couru le risque sa carrière soit ruinée ou qu’elle perdre en crédibilité, en plus du risque que Anakin soit exclu de l’Ordre ? Le tout en pleine Guerre des Clones, histoire d’arranger la sauce. Une grossesse n’était pas si simple à cacher.

« Aujourd’hui, je me suis attaché à eux. Avant leur naissance, c’était… compliqué. Mais j’ai causé la mort de leur mère, en cherchant à la protéger. »

Donc, si elle résumait, il était travaillé par ces mensonges-là, les secrets, la trahison, les meurtres, le défaut dans sa paternité et ainsi de suite ? Une fois de plus, elle se dit qu’elle n’était franchement pas armée pour aider véritablement des gens sur de tels sujets.

« Il y a des moments de la vie où avoir un enfant n’est pas du tout arrangeant, » commença-t-elle avec une certaine hésitation. « C’est comme ça… Tout le monde traverse des périodes délicates, où avoir un bébé devient plutôt un gros problème. Ce n’est pas si aberrant que tu n’as pas pu t’en réjouir sur le moment. »

Sans compter que certains hommes – pas tous, évidemment, mais une partie – avaient plus de mal que leur compagne à s’attacher directement à cet enfant à naître. Tout simplement car la première des relations n’était pas la même. Ils pouvaient aussi ne pas être prêts ou ne pas le vouloir Ça n’avait rien de péjoratif, Lorana trouvait ça complètement naturel. Ça marchait aussi dans l’autre sens, en plus, il y avait des femmes qui avaient du mal à s’attacher au bébé qu’elle portait, exactement pour les mêmes raisons que les hommes. A ses yeux, Anakin n’avait pas à culpabiliser pour cela. S’il avait pu voir naître et élever ses enfants, son point de vue aurait sûrement évolué avec le temps.

« On ne peut pas effacer le passé, malheureusement. Mais tu peux en racheter une partie, en bouleversant complètement ton comportement, tes actes, tes objectifs, dorénavant. Au lieu de te laisser t’enfoncer dans la mélancolie, la dépression ou… Faire autre chose, tu vois ? Même si c’est trop tard pour certains sujets, tu peux avancer sur d’autres. Ce n’est pas ce que ton épouse voudrait également ? »

"Il y a des moments de la vie où avoir un enfant n’est pas du tout arrangeant. C’est comme ça… Tout le monde traverse des périodes délicates, où avoir un bébé devient plutôt un gros problème. Ce n’est pas si aberrant que tu n’as pas pu t’en réjouir sur le moment."

Ah… ? Il haussa un peu les sourcils, ou plutôt ce qu’il en restait, sans être vraiment convaincu. Il s’était toujours senti « anormal » d’être effrayé par cette naissance, encore plus de ne pas la désirer. Ce qu’il voudrait savoir, c’est si c’était déjà arrivé chez d’autre. Qu’on lui donne des exemples d’hommes et femmes qui avaient eu peur à l‘idée de devenir parents, de personnes qui n’avaient pas vécu ce moment avec joie car ce n’était « pas du tout arrangeant », de femmes qui avaient décidé d’interrompre leur grossesse. En bref, des exemples différents, des personnes qui avaient choisi de ne pas être parents ! Même si Padmé aurait refusé d’avorter et même s’il se serait sans doute fait à l’idée, dans des circonstances plus agréables et hors de l’Ordre, même si assister la naissance aurait pu le réconcilier avec tout ça, il aurait besoin d’entendre les récits de ceux qui avaient décidé de ne pas devenir parents.

"On ne peut pas effacer le passé, malheureusement. Mais tu peux en racheter une partie, en bouleversant complètement ton comportement, tes actes, tes objectifs, dorénavant. Au lieu de te laisser t’enfoncer dans la mélancolie, la dépression ou… Faire autre chose, tu vois ? Même si c’est trop tard pour certains sujets, tu peux avancer sur d’autres. Ce n’est pas ce que ton épouse voudrait également ?"

Il n’était pas certain de ce que voudrait sa femme, aujourd’hui. Il s’était déjà imaginé des milliers de discussions avec elle et encore depuis son arrivée ici. Mélancolie, dépression, des mots qu’il refusait tout net de s’appliquer à lui-même, bien qu’il sache très bien qu’il y avait une grosse part de vérité là-dedans. Il se sentait… Juste… Complètement épuisé. Comme une sorte de ras-le-bol général, dès lors qu’il pensait à tout ça. La solution qu’il avait toujours appliquée, aujourd’hui encore, était de foncer dans le présent sans réfléchir au futur et encore moins au passé. Vivre sans se soucier de ce qui pourra arriver dans un mois, un an, dix ans, agir sans se soucier de ce qu’on pouvait bien penser de lui. C’était très pratique et dans le même temps, il le savait bien, une manière de fuir les problèmes.

"Si elle était toujours en vie, elle serait partie depuis très longtemps. Non, sinon, tout changer, ce n’est pas aussi simple que ça. Même ici. Ailleurs… Peu importe. Je sais très bien que beaucoup de gens veulent ma peau. Et leur avis ne m’intéresse pas."

L’avis des autres sur lui, peu importe qui prenait la parole, ne l’intéressait, en réalité, à bien y réfléchir. Même son propre fils ne pourrait pas effacer son côté borné ou certaines opinions. Il pouvait faire semblant d’en avoir quelque chose à faire dans certaines circonstances ou faire de véritables efforts sur son comportement lorsqu’il réalisait que la situation l’exigeait. Mais de là à changer juste parce qu’on lui demandait, sans raison valable… Hin hin. Il fallait d’abord un impératif de travail, par exemple, pour accéder aux objectifs donnés. Ou une raison parfaitement valable.

"Pourquoi as-tu fait des enfants ?" soupira-t-il légèrement. "Je veux dire, toi, tu as été élevée par un Ordre qui réfutait ce genre d’envies, toute ta vie. Donc pourquoi as-tu changé d’avis ?"

Oh, mais elle n’avait jamais dit que ça serait simple. Elle avait dit qu’il pourrait essayer et se couper pour de bon du passé. Evidemment que beaucoup voulaient sa peau et évidemment qu’il s’en moquait, elle savait bien tout cela. Après tout, il était parfaitement capable de foutre l’entièreté de sa vie en l’air en un instant, sur un pur coup de tête. Elle remplit à niveau son verre d’eau, en s’asseyant un peu plus confortablement dans son siège. Ce n’était sans doute pas l’endroit le plus adapté de la base pour parler de tout ça, mais au moins, il osait le faire, c’était déjà un bon début. Peut-être qu’à force de côtoyer des personnes avec qui il pouvait être plus lui-même allait aider ? Dans tous les cas, même sans vouloir être pessimiste, elle ne pensait pas qu’il puisse se remettre complètement, un jour, de ce qui s’était passé. Ou qu’il cesse complètement de culpabiliser. C’était tout simplement trop.

« Pourquoi as-tu fait des enfants ? Je veux dire, toi, tu as été élevée par un Ordre qui réfutait ce genre d’envies, toute ta vie. Donc pourquoi as-tu changé d’avis ? »

« Eh bien… »

Maintenant qu’elle y repensait, elle se disait qu’elle n’avait même pas pensé une pauvre petite seconde à la possibilité de tomber enceinte. Elle connaissait évidemment toute la théorie sur le sujet mais à aucun moment, il ne lui était venu à l’idée de se protéger. Avec le recul, ça pouvait sembler idiot… Elle rougit un peu, en y songeant, se sentant assez naïve d’avoir juste occulté tout ça. Alors que c’était tout ce qu’il y a de plus naturel ! Son verre serré entre ses mains, elle était restée silencieuse un court instant, plongée dans ses souvenirs. Oui, on pouvait dire qu’elle avait fait preuve de pas mal de naïveté. Tout s’était enchaîné très vite.

« Ce n’était pas une décision, en tant que tel, que j’avais prise. Lorsque j’ai retrouvé Thrass, je ne m’étais pas vraiment rapproché des Jedi, encore. C’était peu de temps après mon arrivée, et la sienne, par les failles. C’est même Thrawn qui me les avait expliquées, d’ailleurs. Je n’avais pas prévu de tomber enceinte, ça s’est fait comme ça. Plus tard, oui, j’ai eu peur de la réaction de l’Ordre mais personne ne nous a rien dit. Puis… Avec ma grossesse, ma relation avec mon mari, sa difficulté à s’intégrer dans l’Ordre et la mienne à m’y investir de nouveau ont fait que, peu à peu, nous ne nous sommes pas réellement attachés aux Jedi ou à l’Ordre. Le retour de C’Baoth et certaines réactions des membres de l’Ordre, quand ils ont su ce qu’on m’avait proposé comme projet dans l’Ascendance, ont confirmé le choix de s’en éloigner. J’ai eu du mal à digérer certaines réactions et je ne voulais pas non plus rester dans un endroit où Thrass n’était pas plus à l’aise que moi. Je me suis dit que j’avais le droit de refaire ma vie loin de tout ça et d’avoir ma propre famille. Cette seconde grossesse était voulue, elle, pas autant une surprise que notre fille aînée. »

Elle avait pas mal paniqué, alors qu’elle portait Edelweiss, surtout les premiers mois. Ça avait été un peu plus apaisé ensuite, la panique n’était revenue que le jour même de l’accouchement, lorsque les contractions étaient devenues si fortes. Elle ne se souvenait pas avoir déjà eu mal de sa vie… Au moins, tout s’était passé vite et bien.

« Tant mieux, » reprit-elle avec un léger soupir, « si d’autres arrivent à reprendre leurs vies et leurs devoirs, après ces failles, comme si rien ne s’était passé. J’ai du mal à cette idée, tout recommencer, comme avant… Autant devenir autre chose. S’engager sur d’autres projets et mener une autre vie, complètement différente. Même s’il y a des « détails » qui ne plaisent pas, comme l’apprentissage de la Force donné à d’autres. L’Ordre n’a jamais eu le monopole de cet apprentissage et il serait arrogant de vouloir l’imposer. »

De toute façon, ça serait à la fois injuste et malsain. Il y avait des personnes bonnes et mauvaises absolument partout, dans toute la galaxie, comment justifier qu’un peuple ou une communauté ne pourrait pas enseigner ces choses sans être chapeauté par un Ordre ou un autre ?

Elle répondit à peine deux mots avant de s’arrêter, soudain plus nerveuse. Eh bien quoi ? Il y avait un problème ? Il appuya le coude sa la table, sa tête dans sa main métallique, en la regardant. Puis écoutant. C’est Thrawn qui lui avait expliqué cette histoire avec les failles ? Mais il était déjà amiral, non ? Pourquoi il ne l’avait pas fait arrêter à ce moment-là ? Pourquoi rien n’était normal ni logique, dans cette galaxie, depuis que la Force était brisée ou malade ? Donc ils avaient du mal tous les deux à s’intégrer dans l’Ordre Jedi ? Ça, par contre, il pouvait très bien le comprendre. Même sans les failles, un retour, c’était compliqué. Puis ce gars-là, son mari, c’était normal aussi qu’il ait du mal à s’intégrer, le frère d’un gars haut placé dans l’Empire, ça avait dû faire désordre. Il imaginait bien les « certaines réactions »… Par contre, il n’en revenait toujours pas de la voir si détendue alors qu’elle était de nouveau enceinte et risquait donc gravement sa vie.

" Tant mieux si d’autres arrivent à reprendre leurs vies et leurs devoirs, après ces failles, comme si rien ne s’était passé. J’ai du mal à cette idée, tout recommencer, comme avant… Autant devenir autre chose. S’engager sur d’autres projets et mener une autre vie, complètement différente. Même s’il y a des « détails » qui ne plaisent pas, comme l’apprentissage de la Force donné à d’autres. L’Ordre n’a jamais eu le monopole de cet apprentissage et il serait arrogant de vouloir l’imposer."

Il eut un petit temps d’arrêt, le temps de comprendre les sous-entendus, ce qu’elle voulait vraiment dire. Elle comptait devenir professeur à son tour, alors ? Là encore, sa première réaction fut la pitié. Non seulement elle était de nouveau enceinte, mais en plus, elle comptait s’entourer de marmots à former ?? Mais était-elle donc maudite elle aussi ?! Il la fixa avec une infinie pitié, désolé qu’elle ait à subir une horreur pareille, imaginant avec un frémissement terrifié ce que ça donnera lorsqu’elle aura à la fois sa fille à côté d’elle, son bébé dans les bras et en plus des gamins tout autour d’elle à instruire. Il fit appel à la Force sans vraiment y penser, quant à cet avenir, mais cette fois, aucune vision terrifiante ne vint aussitôt le hanter, sur ce sujet. C’était déjà ça… Il n’était pas complètement rassuré mais au moins, il se dit qu’elle n’allait peut-être pas en mourir.

" Donc… Tu vas être à la fois mère et professeur… ? Dans un monde où tu es la seule Humaine ? Bonne chance ! Mais tu as bien fait de partir, de toute façon. Les Jedi sont longs à la détente, ils comprennent encore très mal ce genre de choses et pour couronner le tout, s’il y en a de trop coincés sur leurs beaux et grands principes…"

Il lâcha un petit rire moqueur, en regrettant presque de ne pas avoir assisté au moment où elle avait annoncé qu’elle partait pour devenir professeur dans les Régions Inconnues. Il se demandait bien qui avait été contre et qui avait soutenu, même s’il avait une petite idée de la réponse.

"Tes enfants ont un nom Chiss en morceaux, alors, eux aussi ?"

« Donc… Tu vas être à la fois mère et professeur… ? Dans un monde où tu es la seule Humaine ? Bonne chance ! Mais tu as bien fait de partir, de toute façon. Les Jedi sont longs à la détente, ils comprennent encore très mal ce genre de choses et pour couronner le tout, s’il y en a de trop coincés sur leurs beaux et grands principes… »

Elle ne savait pas trop s’il était amer ou moqueur, pour le coup, mais bon, au moins, il commençait à se dérider peu à peu. Elle sourit faiblement, en haussant les épaules, jouant un peu avec son verre d’eau, sans vraiment y songer. Il y avait quelques Jedi ayant des grands principes et du mal à s’en détacher, c’est vrai, mais ce n’était pas une majorité. Un débat sur lequel elle ne comptait pas s’engager, cela dit, car elle ne le sentait pas prêt à écouter les arguments qu’elle pourrait donner et encore moins les accepter. Il faudra avant tout qu’il fasse la paix avec lui-même et son passé, avant de pouvoir progresser. Sa question suivante lui arracha un petit rire, par contre, elle n’avait pas encore entendu cette expression-là ailleurs. Quelque part, il n’avait pas vraiment tort, ça pouvait sonner comme ça, pour les étrangers et ceux qui n’étaient pas encore très familiarisés avec ce système. Elle aussi avait mis un peu de temps avant de comprendre pourquoi cela fonctionnait ainsi et quelle en étaient les causes.

« Oui, elle en a un, même si seule sa nourrice l’utilise pour le moment, ça sera plus fréquent lorsqu’elle entrera à l’école. On continue à lui donner son prénom de naissance, à la maison. Même chose pour moi, j’en ai désormais un, pour l’intégration, mais ma famille continue de m’appeler par mon prénom Humain. Mes futurs fils auront eux aussi un prénom en morceau, comme tu le dis. »

Cette fois, sans doute, ils leur donneront directement ces noms dès la naissance. Leur sœur aînée, née au Temple, avait entendu le sien dès bébé, c’était pour cela qu’ils l’habituaient doucement à entendre – et à répondre – à son nom Chiss. Que ça ne la perturbe pas trop, finalement. De son côté, elle s’était habituée au sien, lorsqu’elle sortait. Tant que Thrass n’était absolument pas gêné de l’appeler comme autrefois… Il n’y avait pas de mal à ça. De toute façon, si elle avait bien suivi, cette histoire de noms ne posait pas vraiment de problème, ici, puisque tout le monde utilisait les surnoms, n’est-ce pas ? C’était ça qui devait surtout être perturbant, pour les Chiss présents. Anakin apprendra sans doute ces « détails » à mesure, lui aussi, du moins, s’il faisait l’effort d’aller vers les autres et engager la discussion. S’il arrivait à le faire avec elle alors qu’ils n‘avaient pas été des amis proches autrefois, elle ne voyait pas d’obstacle à ce qu’il parvienne à le faire avec d’autres. Qui sait, peut-être que son caractère évoluera plus vite grâce à ça.

« Peut-être que plus tard, tu arriveras à faire la paix avec l’Ordre, » ajouta-t-elle un ton plus bas, plus calme. « Avec le temps, qui sait ? Avec les Rebelles, ça sera… Plus compliqué, disons, il n’y a pas besoin de réfléchir longtemps pour le savoir. Savais-tu qu’ils avaient déjà rejeté Luke assez longtemps ? Peu de temps après que sa sœur ait sombré. Ils ont jugé qu’il était un ennemi potentiel, lui aussi, pour ça, étant donné sa famille. J’imagine que ça doit être mieux aujourd’hui, niveau relation, avec la destruction de l’Étoile Noire. Je l’espère, en tout cas. Je n’ai jamais vraiment su quoi penser des Rebelles. Leur cause est noble et en même temps, il y a certains aspects politiques, chez eux, assez dérangeants. Dans une alliance aussi grande, c’est tout à fait normal…  Mais ça me posait certains problèmes. »

De conscience. Evidemment, absolument aucune faction n’est entièrement blanche ou noire ! Créer une faction parfaite, c’était juste impossible, une chimère que pensaient vainement atteindre certains dirigeants ou personnalités politiques. Mais il fallait en trouver une où les principes moraux personnels pouvaient être suffisamment respectés pour ne pas être dégoûté.

« Et de ton côté, tu vas être professeur ou instructeur de nouveau, dans cette base ? »

"Oui, elle en a un, même si seule sa nourrice l’utilise pour le moment, ça sera plus fréquent lorsqu’elle entrera à l’école. On continue à lui donner son prénom de naissance, à la maison. Même chose pour moi, j’en ai désormais un, pour l’intégration, mais ma famille continue de m’appeler par mon prénom Humain. Mes futurs fils auront eux aussi un prénom en morceau, comme tu le dis."

"Car tu as dû changer de prénom, toi aussi, en plus."

Incroyable… Non seulement elle se mettait en danger mais en plus, elle devait se farcir une toute nouvelle identité. Et en plus de tout ça, ça n’avait même pas l’air de la choquer, elle en riait ! Il aurait pu se frapper le visage du plat de la main, s’il n’avait pas été si blasé. Après avoir lâché un truc pareil, elle poursuivit comme si de rien n’était, sur les rebelles. La manière dont ils avaient rejeté Luke. Anakin resta assez perplexe sur la raison évoquée, trouvant ça assez… Enfin, ils auraient tout de même pu trouver quelque chose de plus crédible ! Comme s’il était le seul à avoir eu des personnes affiliées à l’Empire, dans sa famille… Il devait y avoir une autre raison, non avouée, mais tout de même, ce manque d’imagination était on ne peut plus consternant. Si on ajoutait la politique dans la sauce, comme elle l’évoquait, c’était évident que ça vous laissait un goût amer en bouche. Son opinion sur l’Alliance Rebelle n’avait pas évolué d’un petit iota. Une alliance de fanatiques aussi bourrins que l’était l’Empire, dirigés par une avide de pouvoir.

"Et de ton côté, tu vas être professeur ou instructeur de nouveau, dans cette base ?"

"On ne peut pas vraiment dire ça. Il y en a que je pousse à s’entraîner ou s’améliorer, mais de là à parler d’instructeur, non."

Il n’entraînait pas à plein temps et n’était en plus pas le seul à prendre cette formation en charge, autrement dit, le qualifier de professeur serait un peu gros. De toute façon, ce n’était pas son domaine de prédilection. Et il n’avait pas non plus envie de revenir à la place qu’il avait occupé autrefois, pour Ahsoka. Étant donné la manière dont ça s’était terminé… Il n’avait pas pu l’aider ou la défendre correctement. Cependant, avec le recul, cela avait été un mal pour un bien. Elle ne s’était pas trouvée au Temple lors de la Purge et n’avait pas été une cible prioritaire lors des années suivantes. Ils ne s’étaient que rarement affrontés et même aujourd’hui, il ne saurait quoi lui dire s’il la revoyait. Certain qu’elle devait conserver une immense rancœur, voire pire. Un goût particulièrement amer lui envahi la bouche, alors qu’il repensait aux fois où ils s’étaient revus et affrontés. Si au fond de lui, il ne pouvait s’empêcher d’être fière d’elle, il se sentait mal malgré tout.

"Je vais continuer à être un soldat, tout simplement. Que faire d’autre ?"

Ce n’était qu’une question rhétorique, il avait déjà retourné cette situation dans tous les sens, le temps qu’il était alité, et la réponse était évident. Rien du tout. Il n’était pas capable de faire quoi que ce soit d’autre que soldat. Hormis la mécanique et le pilotage, ses domaines favoris, il y en avait pas un seul où il pourrait se reconvertir.

"Il y a aussi une autre menace, assez proche. Tu dois le savoir déjà, toi aussi, le fou dangereux s’est encore évadé. Il doit être très proche… Du moins, s’il n’a pas déjà quitté ton peuple, pour accomplir je ne sais quelle nouvelle horreur. J’ignore comment le débusquer mais c’est une priorité. Il ne faut pas qu’il fuit encore on ne sait où pour préparer une nouvelle maladie… Ou pire encore, rejoindre Vitiate. Qui sait ce que ces deux-là seraient capables de faire, une fois laissés ensemble. D’ailleurs, tu devrais te méfier, toi aussi. Tu es la seule Jedi de l’Ascendance, non ? La seule bien formée, dans tous les cas. Il pourrait vouloir te tomber dessus."