La famille s'agrandie

Un petit effort. Un tout petit effort, c’était la seule chose qu’on lui demandait. Un tout petit effort uniquement le temps de rejoindre sa petite sœur et ce sera bon ! Il avait juste à rester calme, poli, tranquille, reposé, faire le trajet, sourire s’il le fallait vraiment, puis une fois qu’il aura retrouvé Ewime, ce sera bon ! Il pouvait faire cela, non ? Non ? Si ! Allez. Formbi rangea dans un coin tous ses aprioris, jugements, ressentiments et ce qui s’ensuit bien au fond, dans un coin de sa tête, avant de descendre de la navette, avec Namia à son bras. Les quelques membres de leur peuple croisés sur leur chemin leur lancèrent des regards bizarres, en le voyant avec une femme, il n’y prêta cependant guère attention. S’il n’était venu là, ce n’était que pour voir sa sœur, pas pour des affaires diplomatiques, politiques ou militaires.

Sa sœur vivait dans un appartement assez tranquille et légèrement à l’écart, rempli des ces fleurs blanches médicinales qu’elle aimait tant et de quelques souvenirs de famille. Lorsqu’elle vint leur ouvrir, il la serra aussitôt longuement dans ses bras pour lui dire bonjour, soulagé de la revoir entière et bien portante. Voilà un moment qu’il ne l’avait plus revue et il comptait bien en profiter, s’inquiétant beaucoup pour elle depuis qu’elle s’était installée ici. Au bout de quelques minutes, il dû bien, cependant, revenir à la réalité et la relâcher, avant de lui présenter Namia dans les formes. Sur le moment, il crut surtout que sa petite sœur allait faire un commentaire sur le fait qu’il vienne accompagné par une femme, mais elle ne dit rien. Merci… En entrant, il déposa sa veste dans un coin, regardant plus attentivement où vivait maintenant sa jeune sœur.

Le soulagement était immense quand il ne vit pas de traces quelconques indiquant qu’elle ne vivait pas seule. Non pas qu’il ne voulait pas qu’elle soit heureuse ou ait rencontré quelqu’un ici, mais… La réalité était qu’il avait déjà eu quelques cauchemars sur l’identité de celui qui pourrait partager sa vie, surtout ici, et que durant tout le trajet, il avait eu des sueurs froides en imaginant en trouver des preuves. Sauf qu’il n’y avait rien de spécial. Pas une trace, pas de signes, pas de photos ou quoi que ce soit. Il aura donc encore des occasions de présenter des hommes convenables à Ewime, des hommes avec qui elle pourra monter un foyer heureux. En attendant, il l’aida à préparer l’apéritif, dans un petit salon. C’était bon, effectivement, tout allait très bien ! Souriant, il s’assit sur un petit canapé avec Namia à côté de lui, sa sœur sur un fauteuil en face.

– Je tenais beaucoup à vous présenter, toutes les deux. Pour te donner l’histoire, Ewime, nous nous sommes rencontrés après que j’ai commencé à entreprendre quelques recherches pour enfin me marier. C’est la famille de Namia qui a fait en sorte que nous nous rencontrions.

On pouvait appeler ça un petit miracle, son frère qui venait la voir sur Nirauan sans faire au préalable le moindre commentaire ou l’inciter à quitter la planète pour rentrer sur Csilla. Et mieux encore, il devait venir avec une amie. Ce dernier détail avait pas mal étonné la jeune femme, puis soit, pourquoi pas, s’il en avait envie. C’était d’ailleurs bon pour lui qu’il sorte de temps en temps avec ses amis, plutôt que de passer tout son temps enfermé à travailler, dans son bureau ou chez lui. Ewime avait passé une partie de la matinée à préparer un repas pour le midi et se préparer à les recevoir, regrettant juste que sa fille ne puisse pas être là, elle aussi. Voilà longtemps qu’elle ne l’avait plus revue… Longtemps qu’elle n’avait même pas eu de nouvelles, d’ailleurs, fait encore plus ardu à supporter. Oui, elle était avec l’ordre, son maître, Nat, et sans doute bien entourée, mais tout de même. Au moins, Thrass n’était pas isolé, même s’il avait quitté l’Ascendance, il était avec sa femme. Enfin, future femme. Dans leur cas, elle considérait déjà Lorana comme étant la femme de Thrass.

La jeune humaine ne devait pas se douter une seule seconde de tous les bruits courant sur elle à Csilla, d’ailleurs… Ils avaient vérifié, il n’y avait pas eu d’autre enfant métis, à moins bien sûr que cette donnée se soit perdue avec le temps. Cette union en troublait plus d’un, pas juste parce que la future mère était une Jedi, mais surtout parce que cela prouvait que les Humains et Chiss, au minimum d’un point de vue biologique, étaient proches. Que même les évolutions ancestrales les ayant amené à leur condition, aujourd’hui, n’avaient pas tout chamboulé ou effacé. Beaucoup s’interrogeaient sur les caractéristiques qu’allait posséder ce bébé, entre autres, et comment elles allaient se présenter. Même avant cela, Ewime connaissait plus d’un médecin qui aurait bien voulu suivre en direct l’évolution de cette grossesse, l’état de la mère et celui du bébé. Peu de chances que Lorana ait conscience de ça, et même si c’était le cas, Ewime doutait fortement qu’elle aurait accepté de passer sa grossesse entourée de médecins débordant de curiosité. Lesdits médecins ne verraient d’ailleurs aucune objection à ce qu’elle accouche sur Csilla pour observer le bébé à la naissance.

Lorsque son frère arriva, elle eut à peine le temps d’ouvrir la porte et de leur dire bonjour que déjà il avait fondu sur elle et la serrait dans ses bras à l’en étouffer. Oh, allons… Avait-il donc peur qu’elle l’abandonne ? Amusée, elle se laissa faire, lui rendant son étreinte durant de longues minutes avant qu’il ne la relâche et lui présente son amie, Wren'ami'adelle. Enchantée. C’était bizarre, si elle était une amie, pourquoi ne s’étaient-elles jamais croisées auparavant ? Bon, ce n’était pas grave, cela dit, son frère menait sa vie comme elle menait la sienne. Elle les fit entrer tous les deux, servant ensuite un apéritif léger au salon, pour débuter. N’ayant pas souvent de la visite ici, c’était très agréable. Le dernier à être entré dans cet appartement était Thrawn, un « détail » qu’elle préférait encore que son frère ne sache pas. C’était un peu tôt, elle doutait qu’il soit prêt à l’accepter. Ou bien, si elle lui en parlait, elle devra préparer le terrain avant, trouver la façon la plus douce d’aborder le sujet.

« Je tenais beaucoup à vous présenter, toutes les deux. Pour te donner l’histoire, Ewime, nous nous sommes rencontrés après que j’ai commencé à entreprendre quelques recherches pour enfin me marier. C’est la famille de Namia qui a fait en sorte que nous nous rencontrions. »

Se… marier ?! Ewime suspendit d’un coup son geste alors qu’elle s’apprêtait à leur servir trois verres, bouche bée, les regardant tous les deux l’un après l’autre. Il comptait se marier ?! Il… Oh. D’accord. Très bien. Elle fit un brusque effort pour se reprendre et leur répondre qu’elle était très contente pour eux deux, cependant, impossible d’effacer la surprise de sa voix. Son frère marié, la situation la plus improbable qui soit ! Mais soit. Tant mieux, après tout, s’il était heureux. C’était juste très, hum… soudain ? Lui demander platement ce qui l’avait décidé, d’un coup, n’était pas la meilleure chose à faire.

« Bienvenue par avance dans la famille, sourit-elle en donnant son verre à Wren'ami'adelle. »

Une légère gêne s’était emparée d’elle, d’un seul coup, elle ne savait plus quoi dire, encore sous le coup de la surprise. Jamais son grand frère n’avait manifesté la moindre intention de se marier, par arrangement ou non, donc pourquoi, tout à coup…

« Et donc, vous… Vous vous êtes rencontrés il y a longtemps ? Pour quand prévoyez-vous le mariage ? »

PNJ Wren’ami’adelle

Namia se sentit un peu intimidée, en arrivant sur la base, et s‘accrocha un peu mieux au bras de Formbi le temps de la traverser. Ce genre d’endroits ne la mettait pas très à l’aise, elle avait toujours le sentiment qu’il allait se dérouler quelque chose de grave. De plus, se déplacer en robe sur un terrain encore accidenté en de nombreux endroits ou toujours en travaux n’était pas l’idéal… Par bonheur, elle parvint à l’appartement où vivait la sœur de Formbi bien entière et sans que rien de notable ne se soit passé en cours de route. Une visite de courtoisie en ce genre d’endroits restait quand même particulier, surtout pour une dame de cette condition sociale… Pourquoi demeurer ici ? Et surtout, s’éloigner de son propre peuple ? Car même si de rares Chiss étaient ici, la base était surtout remplie par des humains…

Elle ne savait pas non plus à quoi s’attendre, face à Chaf’ewime’asu, et sa première impression fut qu’elle lui semblait plutôt mature. Elles avaient une bonne différence d’âge, mais la jeune diplomate semblait à la fois… Mature et anxieuse. On pourrait qualifier la situation comme ça, oui, d’un côté, elle était à l’aise, souriante, détendue, d’un autre côté, Namia lisait une certaine tension l’habitant, dans le regard et la posture du corps. Pour quelqu’un habitué à lire ces signes, c’était assez frappant. Elle vivait seule ? Au milieu d’une base militaire ? Jamais sa propre famille n’aurait accepté cela, surtout de la part d’une femme, et dans ce milieu. D’autant plus sur une base qui était très particulière, en elle-même. Formbi avait pour réputation d’être dur et très à cheval sur les traditions, pourtant, son comportement vis à vis de sa famille prouvait qu’il était beaucoup plus ouvert d’esprit que certains Aristocras.

Une double-facette aussi perturbante qu’amusante, aux yeux de Namia, et qui rendait le psyché de l’Aristocra plus complexe qu’on ne l’imaginait au premier abord. D’un côté, il défendait ardemment les valeurs les plus fortes de l’Ascendance, de l’autre côté, il savait être assez souple pour laisser vivre sa petite sœur comme elle l’entendait, sur cette base, et même si ça ne lui plaisait pas du tout. Elle appréciait cette dualité, qui la changeait des autres hommes qu’elle avait pu rencontrer auparavant. Ils s’installèrent dans le petit salon, autour d’un verre, pour commencer, avec un léger rayon de soleil venu les réchauffer. Une scène presque étrange lorsqu’on habitué à vivre loin sous terre.

"Je tenais beaucoup à vous présenter, toutes les deux. Pour te donner l’histoire, Ewime, nous nous sommes rencontrés après que j’ai commencé à entreprendre quelques recherches pour enfin me marier. C’est la famille de Namia qui a fait en sorte que nous nous rencontrions."

A la réaction de la jeune femme, Namia comprit très vite que son grand frère ne lui en avait absolument pas parlé avant aujourd’hui. La surprise et le choc lui envahirent le visage avant qu’elle ne se reprenne et lui tende son verre en lui souhaitant bienvenue dans la famille. C’était donc si surprenant que ça, pour l’Ascendance entière, y compris au sein de la propre famille de l’Aristocra…. ? D’autant plus que ça semblait être une histoire de famille, car Chaf’ewime’asu elle-même n’était pas encore mariée alors qu’elle le devrait, étant donné son âge. Chez les Chiss, le mariage venait entre trente et quarante ans, en moyenne. Certains y passaient un peu plus tard ou un plus tôt, suivant les cas, mais ce n’était pas le genre de projet qu’on faisait traîner. Après tout, pour fonder un foyer solide et être en mesure de bien accompagner ses enfants jusqu’à l’âge d’indépendance, s’y prendre tôt restait un plus.

"Et donc, vous… Vous vous êtes rencontrés il y a longtemps ? Pour quand prévoyez-vous le mariage ?"

"Vraiment longtemps, non, tout cela s’est passé assez vite, en réalité."

Comme Formbi l’avait souligné plus tôt, ses parents avaient organisé leur première rencontre, et les suivantes, toutes à l’exception de celle-ci, dans des endroits divers, avec l’espoir à peine dissimulé que ça fonctionne. Namia ne le dit pas à sa future belle-sœur, néanmoins, la gêne la tenaillait, sur ce sujet. Elle lui parla, par contre, un peu de cette fameuse première rencontre, en espérant ne pas trop en dévoiler, garder pour elle à quel point le stress, l’inquiétude et les doutes avaient été grands, tout d’abord. Quant au mariage, eh bien, cela se profilait, ils n’avaient pas encore de date bien fixe en tête, la préparation pouvait prendre un peu de temps. D’autant plus que Formbi espérait aussi que sa nièce puisse être là, malheureusement, il n’avait plus de nouvelles depuis longtemps. Ce silence et éloignement devaient aussi beaucoup inquiéter sa mère.

"Vous-même, vous vivez seule, ici ?"

Décidément, tout le monde semblait surpris, même sa propre sœur… Sur le coup, Formbi faillit bien laisser échapper un petit gémissement, ne se retenant qu’à la toute dernière seconde. Bon sang, c’était vraiment si bizarre que ça ?! Bon… Peut-être un tout petit peu… Mais tout de même ! Il prit le verre qu’il lui tendit avec une certaine raideur, hésitant entre être blasé ou agacé, par ce genre de réactions. Oui, il se décidait très tard, le cheminement avait simplement été plus long à mener, dans son cas. Peut-être même n’y aurait-il jamais songé sans l’arrivée brusque d’une certaine fillette… D’ailleurs, un autre problème se dessinait à l’horizon. Se marier, c’était une chose, réunir, dans les circonstances actuelles, toute sa famille pour la cérémonie, s’en était une autre. La décision du Conseil de ne pas exiler les sensitifs pour de bon n’avait pas fait des émules, pas plus que le sujet « Nirauan ».

Formbi savait sa famille particulièrement visée, ces derniers temps, ses discussions avec Namia ne lui avaient que fait prendre conscience de la réelle ampleur du phénomène. Ils n’étaient pas les seuls, Thrass aussi était dans le collimateur, son lien récent avec une jeune Humaine n’avait pas arrangé la sauce, d’autant plus qu’il avait autrefois occupé un poste important. Si on mélangeait le tout, ces failles, des membres de la famille touchés, sa propre sœur qui décidait de rester ici plutôt que sur Csilla, et il en passait, ça faisait trop. Ça pourrait ne pas bien se passer, pour Ewime, si elle venait assister à un mariage sur Csilla. Il ne pensait pas qu’on l’agresse physiquement, bien sûr, mais il existait différentes formes d’agression. Peut-être que sur Sarvchi, les choses seraient plus apaisées… Restait la famille de Namia, qui elle tiendra peut-être à ce que la cérémonie soit menée sur Csilla.

– Et donc, vous… Vous vous êtes rencontrés il y a longtemps ? Pour quand prévoyez-vous le mariage ?

– Vraiment longtemps, non, tout cela s’est passé assez vite, en réalité.

L’Aristocra n’écouta qu’à moitié la discussion qui suivit entre les deux femmes, plongé dans ses pensées. Il n’y avait que sa petite sœur, sa jeune nièce aussi pourrait avoir des ennuis ou souffrir de revenir sur Csilla. Même s’il imaginait difficilement qu’elle puisse ne pas être là, il n’avait pas non plus envie qu’elle réalise qu’une large partie de son propre peuple la rejetait complètement, à cause de ce qu’elle était. Il y avait en elle une part d’innocence qu’il souhaitait qu’elle conserve encore un peu. Au moins quelques années, le temps de finir de grandir, de passer vraiment dans l’âge adulte.

– Vous-même, vous vivez seule, ici ?

Le petit frisson familier agita Formbi à cette question, tandis qu’il se demandait combien de temps encore il allait tenir avant de poser très franchement la question qui le hantait à sa petite sœur. C’était plus que des doutes, là, ça devenait une véritable angoisse ! Elle voulait le ménager et il le savait, oui, mais, mais, mais… Bon, respire, mon vieux, respire, il s’était juré de faire un effort et ne pas gâcher le bonheur que sa sœur réussissait à trouver. Ça passait bien avant ses propres ressentis. Pinçant le nez, il but une grande gorgée de son verre, puis prit une grande inspiration. Il devait le savoir, sinon, ça allait encore le suivre comme une ombre durant trop longtemps.

– Petite sœur, dis-moi juste… Très franchement… Est-ce que toi et Thrawn avez déjà… Enfin. Êtes-vous ensemble, oui ou non, avez-vous déjà… Tous les deux ?

Il n’osa pas finir sa phrase, le sous-entendu était déjà assez équivoque. Désolé, il devait le savoir, qu’il cesse enfin de vivre avec doute permanent.

La révélation du jour bien surprenante, même choquante, quand on y réfléchissait bien. La jeune femme s’était reprise, néanmoins, souriant à sa future belle-sœur tout en discutant. Après tout, c’était… Bine, non ? Il y aura une personne pour se soucier de lui, il ne vieillira pas seul, peut-être même aura-t-il un enfant. Tout en parlant, elle s’était peu mieux assise dans le fond du fauteuil, son verre à la main, essayant de bien visualiser dans quelles circonstances ils s’étaient rencontré. Les rumeurs avaient dû aller bon train, ce n’était pas Formbi qu’on imaginait facilement au bras d’une femme ! Elle rit un peu en entendant décrire la première rencontre lors de l’exposition, les pauvres, vraiment, elle n’aurait pas du tout aimé se retrouver à leur place. Être la cible des regards et des ragots, non merci, sa seule envie aurait été de fuir sur le champ dans un endroit plus tranquille et sécurisé. Au moins, ici, personne ne pouvait rien lui dire, sur les sujets privés ou la façon de se comporter, c’était beaucoup plus agréable, elle se sentait plus libre que sur Csilla.

« Vous-même, vous vivez seule, ici ? »

« Oui, je vivais déjà seule avant, sur Csilla. C’est une base militaire, mais la vie est tout de même plus calme, dans un certain sens, et j’ai de quoi m’occuper l’esprit. Il n’y a pas que des soldats. »

La base était encore en construction, c’était ce qui donnait le plus d’activité. Ewime aimait bien suivre ça au fur et à mesure des jours, voir le tout s’installer et la vie s’y organiser. Et puis, voir des personnes différentes, c’était meilleur pour les échanges, ça lui changeait de ce qu’elle avait toujours connu. Par contre, son frère faisait une tête bizarre, on aurait dit qu’il était sur le point de vomir. Ça n’allait pas ? Elle poussa une petite boîte de mouchoirs vers lui, au cas où, puis récapitula mentalement ce qu’elle avait utilisé pour les jus de fruit maison. Rien qui pourrait le rendre allergique, à sa connaissance. Il n’était pas très difficile, d’habitude, mangeant et buvant de tout sans jamais s’en plaindre. Fronçant un peu le nez, elle regarda un instant son propre verre, puis se redressa, prête à aller plutôt chercher de l’eau.

« Petite sœur, dis-moi juste… Très franchement… Est-ce que toi et Thrawn avez déjà… Enfin. Êtes-vous ensemble, oui ou non, avez-vous déjà… Tous les deux ? »

Ewime écarquilla légèrement les yeux, la bouche entrouverte, incapable de dire quoi qu ce soit sur le moment. Il était en train de lui demander s’ils avaient déjà couché ensemble ou elle rêvait ?! Sa première impulsion fut l’envie extrême de lui jeter le contenu de son verre à la figure en lui rétorquant que ça ne le regardait pas et qu’il ferait mieux de s’occuper de ses propres fesses plutôt que des siennes ! Cependant, elle n’était pas du genre à céder à ses impulsions et se retint donc de signifier à son cher frère aîné qu’il pouvait bien rentrer chez lui tout de suite au lieu de ramener ce sujet. Elle préféra reposer son verre sur la petite table du salon, dans l’optique d’éviter tout geste malencontreux. Il aurait abordé le sujet d’une autre façon, là, d’accord, ils auraient peut-être pu en parler, mais pas comme ça ! De quoi je me… Hum. Il s’agissait de sa vie, elle avait le droit de la mener comme elle l’entendait, d’autant plus qu’elle savait très bien qu’elle n’avait que des chances très infimes de franchir la barre des soixante ans.

« Rien ne m’empêche de mener ma vie comme je l’entend, Formbi, et tu le sais très bien. C’est parfaitement déplacé, comme question, je n’imaginais pas ça de ta part. De toute façon, tu dois déjà te douter de certaines choses, Feesa est censée naître bientôt, si on se réfère à ce qu’elle nous a dit. Et je ne suis pas encore enceinte. »

C’était sa vie privée, peu importe ce que tout le monde en pensait, peu importe ce que son propre frère pouvait en penser, elle aussi avait droit à un peu de bonheur avant de quitter ce monde, même si c’était loin de Csilla. Vexée, elle se leva d’un bond et alla plutôt voir où en était le repas, à mijoter dans la cuisine, se donnant aussi du temps pour souffler un peu.

PNJ Wren’ami’adelle

"Oui, je vivais déjà seule avant, sur Csilla. C’est une base militaire, mais la vie est tout de même plus calme, dans un certain sens, et j’ai de quoi m’occuper l’esprit. Il n’y a pas que des soldats."

Honnêtement, Namia avait du mal à trouver quels autres métiers on pouvait dénicher sur ce genre de base, elle devait être trop habituée à la vie civile pour imaginer ce qu’il pouvait y avoir besoin dans ces endroits. Des ouvriers du bâtiment, sans doute, des mécaniciens, et… Elle ne voyait pas vraiment, sinon. C’était un choix, si elle se plaisait ici, personne ne pouvait la juger. Namia n’aimait guère certaines rumeurs ou remarques courant sur ceux et celles ayant décidé de venir ici, c’était très déplacé et grossier. Leur peuple n’aimait guère ceux qui sortaient ainsi des sentiers battus, malheureusement, car cela signifiait aussi un risque de chaos et déstabilisation. Dans tous les cas, un peu de changement, même infime, ne pouvait pas faire de mal, n’est-ce pas ? Elle sourit doucement à sa future belle-sœur, puis faillit recracher ce qu’elle venait juste d’avaler en entendant ce qu’osa sortir l’Aristocra.

"Formbi, enfin !" chuchota-t-elle très bas.

On ne demandait pas ça ! Même à sa petite sœur ! Et la réaction de cette dernière fut équivoque, elle n’appréciait pas du tout non plus et Namia n’aurait pas été étonnée qu’elle leur demande de partir immédiatement. Elle n’en fit rien, cependant, se levant puis allant surveiller sa cuisine. Namia en profita aussitôt pour murmurer à Formbi que c’était effectivement très déplacé et qu’il n’aurait jamais dû demander ça, voyons ! Il comptait se fâcher avec sa sœur ? Car même s’il n’aimait pas l’amiral, si lui et Ewime étaient en couple, ça ne le regardait pas. Enfin… Si, ça le regardait un peu, mais pas de cette façon-là.

"On ne demande pas cela à une femme et surtout pas de cette façon," murmura-t-elle rapidement. "C’est un sujet qui peut être sensible. Tu ne veux pas te fâcher avec elle, n’est-ce pas ?"

Namia était prête à ajouter autre chose, puis stoppa net en réalisant qu’elle l’avait tutoyé, pour la première fois, sans faire attention. Une légère gêne la repris, qu’elle mit cependant de côté, ils en discuteront plus tard s’il le voulait. En attendant, il devait s’excuser. Elle le poussa un peu du coude en lui indiquant sa sœur d’un signe de tête, allez ! Elle n’écoutera pas leur conversation, il pouvait être tranquille.

– Formbi, enfin !

Oui, quoi ? Il tourna rapidement le regard, vers Namia qui avait chuchoté d’un ton indigné, puis vers sa sœur qui affichait un regard tout aussi outré. Il s’attendit à ce qu’elle lui jette tout à coup le contenu de son verre au visage en lui lançant de partir d’ici, mais elle se contint, son côté diplomate dû reprendre le dessus. Désolé, c’est qu’il ne… Ewime ? Un silence assez lourd s’installa, l’espace d’un instant, Formbi regrettait déjà profondément de lui avoir posé la question. Il chercha comment se rattraper, étudiant chacun des gestes de sa sœur. Gêné, il préférait encore ne plus rien dire pour le moment, autant pour éviter de s’enfoncer que parce qu’il sentait que sa petite sœur avait déjà du mal à rester calme et ne pas le jeter dehors aussitôt. Voilà qui commençait très bien, ça avait été plus fort que lui, il s’inquiétait et était encore révulsé à ce que cette idée devienne une réalité.

– Rien ne m’empêche de mener ma vie comme je l’entend, Formbi, et tu le sais très bien. C’est parfaitement déplacé, comme question, je n’imaginais pas ça de ta part. De toute façon, tu dois déjà te douter de certaines choses, Feesa est censée naître bientôt, si on se réfère à ce qu’elle nous a dit. Et je ne suis pas encore enceinte.

Pas encore. Sa sœur se leva d’un bond et repartir vers la cuisine, tandis que sa fiancée lui donnait un léger coup de coude en murmurant que c’était très déplacé et qu jamais il n’aurait lui dû lui demander ça. C’est… vrai, mais… Il y avait pourtant tant d’hommes qui pourraient mieux lui convenir, était-ce déjà trop tard ? Il n’aurait sans doute pas dû lui demander, non, il ne voulait pas se fâcher avec elle non plus, c’était simplement, très… hum… Bref. Sur le moment, il ne se formalisa pas du tout du tutoiement, partagé entre l’envie de s’excuser et celle de l’inciter à voir un autre homme que celui-là. Et puis, ce n’était pas fait dans les règles ! Ce n’est pas ainsi qu’un couple devait se former, ni ainsi que les choses devaient se dérouler, on ne touchait pas une femme avant d’être marié avec elle. Or, il avait le sentiment que c’était pourtant exactement ce qui s’était passé.

Il se leva tout de même pour aller trouver sa sœur, toujours partagé entre ses deux sentiments. D’un côté, c’est vrai, c’était sa vie, il savait qu’elle sera déjà sans doute assez courte et elle pouvait tâcher de la mener comme elle l’entendait, aimer qui elle le voulait. D’un autre côté, c’était si contraire à toutes leurs traditions et façons de vivre, c’était irrespectueux pour un homme de toucher ainsi une femme qu’il n’avait pas l’intention d’épouser, c’était… Ils n’avaient pas été éduqués de cette façon, les traditions avaient un rôle important et maintenaient la cohésion sociale. Lorsque le Conseil avait reproché ça à Thrass, il ne l’avait défendu que parce que Lorana était Humaine, c’était différent. Si elle avait été des leurs, il n’aurait pas eu le même point de vue. Posant une main sur l’épaule de sa petite sœur, il l’incita à se retourner vers lui, assez gêné.

– Je suis désolé, je ne voulais pas te faire de la peine ou te vexer, c’est vrai qu c’était très déplacé. Je m’inquiète juste pour toi.

Et pour sa réputation. Ce qui se dira d’elle si elle restait ici et y tombait enceinte, sans être mariée et loin des siens. Mais ça, il préféra encore ne pas l’ajouter de suite, préférant la laisser continuer à s’occuper de ce qu’elle cuisinait, le temps pour lui de se ressaisir quelque peu.

Évidemment, toute cette histoire devait susciter pas mal de ragots, de rumeurs et elle ne savait quoi encore, à Csaplar, voire également dans d’autres villes, ce n’était pas dans les normes et ce genre de choses allait très vite. Il est vrai aussi que beaucoup désapprouvaient fortement qu’on puisse toucher une femme sans être marié avec elle. Ewime n’ignorait aucune de ces conventions sociales et savait très bien que ça devait aussi beaucoup gêner son frère, cependant, elle… Et bien… N’étant plus sur Csilla, ou assez peu suivant les moments, elle se sentait moins visée et concernée par les ragots et n’avait pas non plus envie que ce soit ces conventions qui lui dictent sa manière de vivre. Parce qu’elle était arrivée à une période où elle réalisait qu’il ne lui restait peut-être plus beaucoup de temps et qu’elle ne voulait rien gâcher à cause des traditions ou elle ne savait quoi encore. C’était comme ça, c’est tout, navrée pour son frère s’il le vivait mal, il n’était pas question qu’elle s’oblige à rentrer dans un moule qui ne lui convenait pas. Son aîné devra bien l’accepter, s’il souhaitait continuer à la voir, et ce seul argument devrait le convaincre de le faire.

D’ici là, elle avait un peu de mal à avaler la question qu’il lui avait posé et se calmait en s’occupant de la cuisine. Elle lava les fruits prévus pour le dessert, puis se mit à les couper avec un petit couteau, sa colère se calmant vite. Étant donné qu’elle n’était pas d’un naturel emporté, de base, il ne lui arrivait presque jamais de rester agacée longuement. Au contraire, elle préférait de très loin les discussions sereines, les échanges, pour conserver de bonnes relations avec son entourage, et plus important encore, ne pas créer de conflits avec ceux qu’elle rencontrait. Cela dit, cette fois, son frère fit le premier pas, en venant la rejoindre dans la cuisine. Elle se demandait si sa future belle-sœur n’y était pas pour quelque chose… Ewime posa ce qu’elle était en train de faire lorsqu’il posa une main sur son épaule, puis s’essuya les mains avant de se retourner vers lui.

« Je suis désolé, je ne voulais pas te faire de la peine ou te vexer, c’est vrai que c’était très déplacé. Je m’inquiète juste pour toi. »

Au moins, il s’excusait… Elle hocha la tête et répondit de ne plus reparler de ça, pour le moment, ne voulant pas enclencher de disputes alors qu’il devenait plus rare qu’ils puissent se voir. A la place, elle termina les salades qu’elle avait commencé, puis lui demanda de l’aider à porter les premiers plats à table. Histoire de changer de sujet, une fois tout le monde installé et attablé, elle rembraya sur le mariage prévu, pour son frère et Namia, leur demandant à quoi ils avaient déjà pensé, ce qu’ils prévoyaient. Le tout se passera sur Csilla, n’est-ce pas ? Elle dû cacher un léger mouvement de surprise en apprenant que sa future belle-sœur était affilée aux Csapla… Sachant que cette Famille était une de celles ayant voulu exiler tous les sensitifs… La situation était plutôt ironique et laissait déjà prévoir une cérémonie encore plus formelle et serrée qu’elle ne pouvait l’être d’ordinaire, et ce afin d’être certains de ne commettre aucune erreur ou impairs. Pour lieu exact de la cérémonie, la tradition pour les gros mariages était le parc Menkôme, à voir ensuite ce que son frère en pensait. Elle savait qu’il n’aimait pas ce qui était trop officiel ou à collet monté, pour autant, étant donné son poste, il n’avait pas le choix.

« Combien de personnes vont être invitées ? Et pour la suite, vous comptez prendre quelques jours de vacances, ensemble ? »

PNJ Wren’ami’adelle

Il était assez maladroit, tout de même… Peu à l’aise dans certains sujets, malgré son poste, lorsque cela touchait à sa famille. Namia était attendrie, malgré tout, en le voyant au loin aller parler à sa petite sœur, comprenant son inquiétude pour elle mais aussi convaincue qu’il y a des sujets qu’on ne pouvait pas aborder de cette façon. Ils installèrent ensuite la table, pour déjeuner, au soleil, ce qui était très agréable. Chaf’ewime’asu avait repris le sujet du mariage, sans doute pour ne plus donner une occasion de discuter de ses propres affaires de couple. Pour l’organisation, c’était un peu complexe, car assez grand. Beaucoup de personnes à inviter, sans oublier la cérémonie officielle à suivre et qu’il ne fallait pas prendre à la légère… C’était un ensemble très conséquent, et sans l’organisateur choisi pour assurer le tout, Namia serait déjà perdue.

Elle n’avait pas anticipé la grandeur du mariage, en épousant un Aristocra, et encore moins le nombre de personnes qu’il fallait inviter. Ce ne sera pas une fête mais un mariage politique, très clairement, et cela, la fiancée qu’elle était devenue le découvrait chaque jour un peu plus. D’autant plus que sa Famille, les Csapla, n’était pas la plus proche de la Famille Chaf, c’était connu et cela laissait entendre que le protocole à suivre sera encore plus serré que d’ordinaire. Elle avait envisagé une cérémonie plus petite, plus intime… En oubliant le statut de l’homme social de l’homme qu’elle allait donc épouser. Résultat des courses, le mariage devenait une perspective stressante plutôt que l’attente d’un jour heureux et d’amusement. Même la façon de s’habiller et se coiffer, le jour du mariage pour la femme d’un Aristocra, était soumise à un protocole strict, ce qu’elle avait ignoré jusqu’ici.

"Combien de personnes vont être invitées ? Et pour la suite, vous comptez prendre quelques jours de vacances, ensemble ?"

Le nombre exact, elle serait incapable de le préciser… Beaucoup, dans les tous les cas, beaucoup de personnes… Quant aux vacances, et bien, ils n’en avaient pas encore parlé, tout dépendra du travail que Formbi aura à faire. Pour sa part, elle apprécierait effectivement qu’ils puissent prendre du temps simplement pour eux deux, sans personne d’autre. Tout en mangeant, elle discuta avec sa future belle-sœur de ce qui avait déjà été préparé et ce qu’il restait à faire. Namia devait encore faire des séances d’essai avec un tailleur, épreuve qu’elle appréhendait légèrement tant les conditions pour la tenue étaient très précises. Depuis la coupe, aux mesures, aux couleurs et à la finesse des détails… Elle se laissait entièrement guider par l’organisateur, qui avait déjà préparé le mariage de quelques-uns des autres Aristocras. Tant de détails qui lui rappelaient que ce n’était pas sa place…

Un détail qui ne paraissait en tout cas pas gêner ni Formbi, ni sa sœur, ce qui l’étonnait toujours. Namia avait toujours le sentiment qu’elle fera honte à cette famille et à Formbi, car elle n’était pas issue du même milieu social et n’en connaissait pas tous les codes. Une gêne dont elle avait parlé à mots couverts, mais Formbi n’y avait jamais réagi, comme si lui se moquait bien de son statut social, qu’importe qu’il soit plus faible, égal ou plus élevé. Ewime non plus, à aucun moment du repas, ne parut gênée par ça. C’était… normal ? Très curieux, dans tous les cas. On verra bien ce qu’en pensera aussi la fille de sa future belle-sœur, voire son mari le jour où elle en aura un. Le principal était de ne pas faire honte.