[Couloir du Braxant] Touché-Coulé

Le Tenacious était sorti de vitesse-lumière une demi-heure plus tôt dans l’ombre de la grande géante gazeuse qui délimitait la lointaine périphérie du système planétaire et venait lancer de temps à autres astéroïdes et autres géocroiseurs vers son cœur. Ainsi masqué des senseurs, il avait obliqué pour prendre une trajectoire de rencontre avec le patrouilleur, avant de se laisser dériver telle une masse inerte jusqu’à lui, pour finalement s’insérer à proximité dans une trajectoire parallèle et synchrone à l’aide de ses seuls propulseurs de manœuvre. Le temps de trajet avait permis au capitaine Tellis d’effectuer les échanges d’usage avec l’équipage de l’autre navire impérial, et s’assurer qu’il n’y aurait pas le moindre incident lors de l’approche. Un échange musclé, auquel Shira avait assisté d’un air las depuis la passerelle, flanquée non loin par la nouvelle venue qu’ils avaient récupéré quelques heures plus tôt, pendant le voyage. Le ton avait changé au moment même où Tellis avait précisé la présence des deux majors à son bord, laissant penser que la hiérarchie n’avait pas pris soin d’indiquer leur arrivée ; Chose qui ne surprit pas vraiment la jeune espionne, qui voyait plusieurs raisons possibles à cela, parmi lesquelles la plus évidente : l’appareil étant au cœur d’une mission, tout échange à longue portée aurait pu compromettre sa position. La tâche allait cependant leur incomber, et cela ne lui plaisait pas du tout.

La navette TIE avait quitté le transporteur d’escorte impérial avec quelques minutes de retard sur l’horaire prévue pour effectuer le transbordement vers le patrouilleur de surveillance, qui orbitait lentement de concert avec le Tenacious autour d’une grosse comète à la forme trilobée dans les profondeurs du système G’wenee. Le temps, pour Shira de s’entretenir avec sa comparse sur la meilleure manière de gérer la situation au cas où l’équipe n’avait effectivement pas été informée de leur arrivée. Les ordres du Bureau des Opérations étaient clairs : la gestion de cette campagne devait leur être transféré, et le chef actuel remplacé. Les raisons d’un tel remplacement n’était pas évoqué, mais il suffisait de savoir lire entre les lignes pour comprendre que son absence de résultats en était la raison principale. Ou du moins, la raison la plus évidente. Shira, cependant, ne se sentait pas à l’aise à l’idée de laisser le Tenacious repartir avec le déchu, et avait suggéré à sa comparse de le garder avec elles s’il se montrait suffisant coopératif et de le transférer à bord de l’escorteur, en cellule s’il le fallait, si ce n’était pas le cas.

Le trajet entre les deux navires n’avait pas été long ; une ou deux minutes tout au plus. Le temps pour la navette de s’extraire du hangar transversal du Tenacious et de passer sous le profil anguleux, puis de piquer vers l’un des sas extérieurs du patrouilleur accroché à sa partie ventrale, à l’opposé de ses grandes antennes paraboliques et de son large radome de surveillance. Le tout dans une obscurité quasi-totale, la lumière du soleil de G’wenee, petite bille à peine brillante à si longue distance n’étant pas suffisante pour vraiment illuminer les deux bâtiments dont la plupart des éclairages extérieurs étaient également éteints. Amarrés, le sas pressurisé, elles avaient débarqué par l’échelle de service pour être accueillies par un enseigne qui leur indiqua que l’équipe était actuellement en train de suivre le dérouler d’une opération et attendait leur arrivée dans le centre de commandement et de contrôle.

Après avoir ajusté les plis de son uniforme noir, et attendu que les deux commandos qui les accompagnaient ne les rejoignent, elles avaient suivi leur guide à travers les entrailles du petit croiseur. Après plusieurs coursives et couloirs, elles avaient fini par rejoindre l’avant de l’appareil, où la passerelle de commandement avait été modifiée et passablement allongée pour accueillir plusieurs rangées d’ordinateurs, consoles et moniteurs, agencés en arcs de cercle face à eux, en direction de la poupe. Sur leur gauche se trouvait un écran géant adossé au mur, où s’affichait une représentation abstraite, simplifiée, du système de G’wenee et de ses alentours. De la planète en question s’étiraient deux lignes de pointeurs et de vecteurs qui s’éloignaient et s’approchaient, représentations des vaisseaux et autres cargos qui naviguaient en convois le long des routes commerciales depuis que la catastrophe avait touché tout le monde, dans la Galaxie. D’autres points, plus épars, semblaient aussi graviter dans les environs. Dans les coins, plusieurs oscillateurs restructuraient des communications qui étaient audibles par l’intermédiaire de hauts parleurs pour le commandement ainsi que dans les casques des opérateurs : il s’agissait principalement des instructions du trafic spatial, et des coms entre les différents cargos. En face, dans les travées, plusieurs techniciens et spécialistes tous vêtus de gris ou de blancs avaient levé la tête par curiosité, avant de replonger dans leurs données. Plusieurs superviseurs passaient derrière eux, pour étudier leur travail, et leurs analyses.

Il n’y avait, cependant, guère plus d’une vingtaine de personnes. Le BRI ne disposait pas des ressources du Bureau de la Sécurité Impériale, et pour chaque agent qu’il déployait sur le terrain, son homologue en alignait soixante-dix. Pourtant, ces dernières années, le BRI parvenait à de bien meilleurs résultats, sans doute grâce à une meilleure gestion, et beaucoup moins de bureaucratie.

L’enseigne qui les avait accompagnés s’était dirigé vers le capitaine Azal, commandant de l’opération en cours. Celui-là même dont elles allaient devoir se débarrasser, et prendre la place. Shira fit signe aux commandos de rester derrière, à l’abri des regards, pour ne pas générer d’inquiétude parmi les agents. Puis elle murmura au major Zalaman’k qu’elle allait prendre les choses en mains pour commencer, et qu’elle lui laisserait le soin de faire sortir le pariah avec les commandos jusqu’à la navette, comme elles en avaient convenu lors du court trajet.

« Major Zalaman’k, major Brie, bienvenue à bord, bien que nous n’attendions pas votre visite. » lança finalement Azal, après s’être approché d’elles et les avoir salué, sans parvenir à cacher sa contrariété.

Shira lui répondit simplement, sans faire de fioritures, avant de l’informer que leur présence n’était pas de pure courtoisie, mais parce que le commandement avait décidé de procéder à quelques changements dans la gestion de cette opération, et que cela impliquait son limogeage pur et simple. Comme attendu, le regard du capitaine s’était plus incisif, venant presque prendre de haut ses interlocutrices, et plus particulièrement la petite rousse qui lui semblait particulièrement jeune pour tenir un poste avec de telles responsabilités. Il tenta de se justifier, mais Shira resta particulièrement peu réceptive à ses arguments. Jusqu’à ce qu’il capitule.

« Je… Bien. Mais nous étions sur le point de débuter une nouvelle passe. Permettez-moi au moins de suivre cela avant d’être relevée, Madame. »

Mh. Soit, elle pouvait le concevoir. Cela ne leur coûtait pas grand-chose.

Sa patience avait des limites, cependant.


« Bien, puisque vous insistez... Profitez-en pour nous faire un petit topo, capitaine... Où est-ce que nous en sommes ? » finit par accepter l’espionne, d’un air las, comme pour laisser penser qu’elle laissait le bénéfice du doute à son subalterne.

La décision était, de toute façon, irrévocable. C’était une nécessité, tant pour cette opération au sens large, que pour la mission qui lui avait été assignée. Azal hocha du menton, avant de se reculer pour pouvoir pointer du doigt le grand écran auquel elles tournaient le dos. Shira pivota, les bras dans le dos.

« Nous suivons actuellement plusieurs navires qui ne participent pas aux convois au départ de ou en transit par G’wenee. La majorité sont indépendants, et seulement deux appartiennent à un coursier local. Ce sont ces convois qui sont généralement pris à partie, les pirates n’ayant clairement pas la puissance de feu nécessaire pour s’en prendre à nos forces. »

« Le prochain convoi part dans une dizaine de minutes. Généralement, les autres navires suivent peu après. » rajouta un officier sur sa gauche, un analyste qui devait être son adjoint.

Sa tête, en tout cas, lui disait quelque chose. Agent… Nigel.
Oui, Nigel. Ce devait être cela.

« Vous espérez qu’ils tomberont dans une embuscade, ce qui vous permettrait de remonter jusqu’aux instigateurs. »

Azal acquiesça, visiblement un peu plus appréciatif de voir que son plan de base était compris. C’est qu’il n’était pas très compliqué, de toute façon. Il s’empressa de poursuivre.

« C’est exact, madame. Nous alignons ensuite notre faisceau dans leurs directions pour augmenter notre portée de détection et les suivre dans l’hyperespace. »

Shira acquiesça doucement du chef, jetant un coup d’oeil vers sa comparse avant de venir poser son regard perçant sur l’officier, d’un air fermé.

« C’est ce que vous faites depuis deux mois, il me semble. » fit-elle alors, sur un ton bien plus arrogant et pédant, avant de se tourner d’un quart vers Zalaman’k. Le piège se refermait tout seul sur lui, désormais. « C’est bien ça, major ? »

Elle attendit d’avoir son approbation, elle devait elle aussi avoir lu en long, en large et en travers les dossiers que leur avait fourni le BRI sur cette opération. Puis elle reprit, sur le même ton, presque railleur : « Capitaine, pouvez-vous nous rappeler vos résultats, jusqu’à présent ? »

Douze vaisseaux. Ils avaient suivi douze vaisseaux. Tous retrouvés détruits, sans qu’ils ne soient parvenu à obtenir le moindre indice concernant leurs assaillants. Elle laissait le loisir à Zalaman’k de préciser ce gachis, si elle le souhaitait. Ce n’était pas ce que l’on pouvait appeler des résultats, bien que la méthode restât bonne. Elle était juste, à son avis, mal appliquée. Certains membres de l’équipe d’investigation avaient suggéré une autre approche, et ils avaient été ignorés. Mais là n’était pas le problème, pour le moment. Pas encore.

« C’est… ça prend du temps, madame. Et avec plus de moyen, nous aurions pu intervenir plus rapidement… » balbutia le militaire, après avoir péniblement dégluti, sans doute pour ravaler sa fierté.

Shira, elle, inclina la tête d’un air lasse vers sa comparse à sa gauche. Une invitation, pour qu’elle prenne les choses en mains, à sa manière. Il s’était enfoncé tout seul et cherchait des excuses, elle en avait assez entendu. Ce n’était jamais bon de venir remettre en cause le Bureau. Il n’était tout simplement pas digne du poste qu’il occupait.


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Pour info :
- Le Tenacious, transporteur d’escorte impérial.
- Le Faucon, patrouilleur de surveillance IGV-55.

Une nuit noire. On la sortait de sa stupeur de ses dossiers. Une communication cryptée lui annonçant la suspension de sa mission pour une autre. On lui transféra directement les coordonnées sur son vaisseau, sans même lui dire où elle devrait aller. La jeune femme posa son dossier, et fronça les sourcils. Que pouvait-il y avoir de si urgent pour qu'on la force à venir à cette heure-ci ? Le travail était le travail. Il faisait un peu froid... et terriblement nuit. Elle avait tout sauf envie de sortir, à cette heure-ci. Elle devrait revêtir de son costume. Elle pourra enfin porter ses gallons, tiens. Elle ne les avait plus mis depuis sa promotion.

L'enquêtrice se sentait un peu plus douce sans ce costume noir. Il lui était plus facile de jouer d'autres rôles lorsqu'elle avait le costume adéquat. Après avoir longuement soupiré en regardant le plafond, elle envoya une communication à son client du lendemain.

Bonjour,

J'annule notre rendez-vous. J'ai une affaire urgente.

Je reprends contact avec vous dès que possible.

Véga.

On ne pouvait faire mieux. Cette enquête sur ces contrebandiers allaient attendre un peu plus longtemps. Il irait surement voir un chasseur de primes, d'ici qu'elle revienne. On ne pouvait savoir combien de temps sa nouvelle mission prendrait. Peut-être même qu'elle abandonnerait le costume pour dix ans. C'étaient là tous les aléas du BRI. Mener des double vies sans avoir la sienne. Elle quitta son bureau après avoir mis le panneau indiquant une absence prolongée, et fila jusqu'à son vaisseau : le Cynique. Elle en prit le poste de commandement et vérifia que tout était bon. Il était pratiquement comme neuf. Elle avait la petite carte qu'elle pouvait emmener dans certaines stations où on lui changeait les pièces d'usure à l'œil. C'était son véhicule de fonction. Lorsque tous les systèmes furent go, elle prit son envol et, après un coup d'hyperespace, le vide intersidéral. Si plaisant.

La question à présent était de savoir si elle n'était pas suivie. Elle quitta le centre de commande et poursuivit la procédure actuelle : les détecteurs, fleurons de la technologie céleste impériale, qui iraient balayer les alentours sur tous les spectres imaginables pour traquer la moindre imperfection, le moindre artefact électromagnétique. Elle lança le scan et revint au poste de pilotage pour s'assoupir sur son fauteuil. Une alarme l'éveilla ensuite. Héliane ouvrit le rapport et balaya les résultats, pour chaque spectre analysé. Rien, rien, et re-rien. Il était temps de retourner dans l'hyperespace pour atteindre la destination voulue. Un autre petit vaisseau de transfert impérial sous couverture où amarrer son vaisseau. Il n'était pas question de rejoindre directement le Tenacious, au cas où son vaisseau avait un mouchard.

Le sas du Cynique s'ouvrit et une silhouette s'en détacha d'un pas décidé, se précisant alors que les gaz de décompression du vaisseau s'échappaient. Un officier et deux mécaniciens impériaux attendaient en bas. Les yeux mi-clos, un regard à la fois fatigué et agacé, Zalaman'k arrêta sa marche avant de plonger ses mains dans les poches. L'officier lui tendit un formulaire :

- Major Zalaman'k. Il faut que vous signiez ici...

Elle saisit le formulaire, le parcourut au cas où ils auraient changé les clauses, on sait jamais, puis signa. L'officier la laissa passer, pour que les mécanos viennent l'embêter. Elle fouilla sa poche et lui tendit sa carte d'accès.

- Il faut que vous vérifiiez le ressort vertanculaire, celui en position alpha, du transmodulaire protonique arrière. C'est pas censé grincer.

Il rit.

- Vous savez, vous pouvez pas juste coller des mots compliqués aléatoires pour prétendre que c'est une pièce de vaisseaux -

Avant de se prendre une claque derrière la tête par son collègue plus âgé. Il rit jaune, à côté, avant de lui prendre la carte d'accès, devant un regard hébété de la jeune femme.

- Pardonnez-le, il est encore en formation et il connaît pas encore tout...

Elle voulut dire quelque chose, avant de se souvenir que la seule interaction sociale qu'elle devrait avoir avec eux était le transfert de la carte d'accès pour qu'ils puissent aller faire un check-up complet. Alors, toujours avec son regard vide propre à elle-même, la jeune femme fixa le jeune, puis l'ancien du regard, avant de poursuivre son chemin sans rien ajouter de plus.

On la conduit alors dans sa chambre où ses effets l'attendaient-là. Il y avait sur son bureau un dossier classifié parlant de sa mission, sous scellé. L'officier l'ayant accompagnée à sa porte lui dit simplement que dans six heures, elle devrait être prête pour le transfert sur le Tenacious.

La première chose à faire serait donc de s'allonger sur le lit et dormir cinq heures. A son réveil, elle se prépara en vitesse. Cinq heures ne suffisaient pas, mais ça restait cependant trois heures de plus que son nécessaire pour être opérationnelle pour une journée de plus. Toutefois, c'était tout juste trois heures de moins qu'elle aurait besoin pour être de bonne humeur, gentille, sympathique, attendrissante... Héliane ne put cependant pas s'empêcher de s'observer dans le miroir. Ces cernes... pff.

Elle se posa au bureau et ouvrit le document pour lire le dossier. Elle travaillerait avec une autre Major, une autre collègue de son grade. Héliane s'appuya sur sa chaise. Major Brie... une femme bien plus jeune qu'elle. A ce grade ? Depuis plus longtemps qu'elle ? Comment c'était possible ?

Au final, elle se dit que dans ce monde... elle-même devait craindre des enfants. Des Jedi, par exemple. C'est pour ça qu'ils avaient du personnel pour les intercepter, neutraliser et les mettre en condition pour la questionnette. L'individu n'était rien face à la puissance infinie d'une planète. C'est pour ça qu'on avait eu l'étoile noire. L'empire fabriquait surement des super-soldats surdoués aux capacités surélevées. Peu importe.

Le voyage vers le Tenacious fut plutôt rapide. On la recueilla bien vite pour lui présenter le Major Brie. Puis, un autre vaisseau encore pour rejoindre le vaisseau de l'incapable. Sur le chemin, le Major Zalaman'k remit ses lunettes ambrées. Fondamentalement, ces lunettes avaient surtout la capacité d'améliorer les contrastes, ce qui permettait d'avoir de meilleures compétences de tir, tout en protégeant ses yeux délicats des rayons UV et du soleil en général grâce à l'obscurcissement. Et plus que tout... ils obscurcissaient son regard. Cela lui permettait sans toutefois vraiment cacher ses yeux, d'observer plus que ce qu'on pouvait imaginer qu'elle observe, tout en lissant ses expressions faciales. Bref, elle les adorait.

Cette fille. Major Brie... dégageait quelque chose de sinistre. Pour la première fois depuis son appel, Héliane ressentit... de la joie. Elle était aux côtés d'une personne qui avait l'air compétente. Malgré ses airs de poupées, cette femme dégageait une aura. Un port altier naturel, une posture adéquate, que ce soit dans sa façon de parler également. S'il y avait bien quelque chose d'universel dans ce monde, c'était que l'empire ne se trompait jamais en choisissant ses éléments, et Zalaman'k n'attendait que de la voir agir sur le terrain pour prendre exemple et progresser.

Sauf pour ce capitaine incompétent.

Quelque chose ne tournait pas rond dans ce vaisseau. Des traîtres ? Peut-être pas. Mais des gens qui ne prenaient pas leur travail au sérieux. Ou des traîtres... ?

- Deux mois, oui. lâcha-t-elle froidement.

Celui-ci ce confondait d'excuses ridicules. Le dossier, elle l'avait bien étudié.

- Quelque chose ne tourne pas rond.

Héliane s'approchait du capitaine, et reprit d'une voix calme, qui appuyait sur les mots importants.

- Plus de moyens, vous dites ? Dès vos premiers échecs nous nous sommes pliés en quatre pour vous envoyer des hommes plus expérimentés afin de remplacer vos plus jeunes, à tel point que ce vaisseau à lui seul monopolise la plupart des hommes capables du secteur.

Il baissa les yeux, balaya du regard les alentours, puis se mit à regarder bêtement son écran où il n'y avait rien de spécial d'ajouté.

- Regardez-moi quand je vous parle.

Le capitaine leva les yeux, pour croiser la moue agacée de la jeune femme. Elle marqua un silence, avant de poursuivre.

- Vous voulez plus de moyens ? Combien d'étoiles noires on devra reconstruire pour qu'un capitaine, six lieutenants, sans compter tous les sous-officiers parmi la crème de l'empire puissent arrêter un simple vaisseau pirate ? Dites-le moi, et je transférerai la demande directement à l'empereur.

Bon, ça c'était compris. Elle se tut un instant pour entendre de concert tous ces battements de cœur chaotiques qui raisonnaient dans la pièce, bien que le bruit ambiant des machines viennent ajouter d'autres instruments à cette douce mélodie. Elle soupira, prête à faire signe aux commandos d'aller le recueillir avec elle pour l'emmener au vaisseau de transfert.

- Vous avez encore quelque chose à dire pour votre défense... ?

Shira n’eut pas la moindre émotion pour le capitaine, ou pour les autres, lorsque sa comparse s’exprima à son tour, et garda un air fermé, sérieux et froid tout du long. Elle se garda en retrait, le regard perdu sur les rangées d’agents qui tentaient de lever la tête ou de tendre une oreille pour écouter et voir ce qui était en train de se dérouler sous leurs yeux, mais qui perdaient toute volonté en croisant les yeux émeraude de la militaire, et son attitude ferme. La rousse profitait de ce petit temps mort pour se reposer les yeux ouverts. La Force ne l’avait pas affecté aussi durement que d’autres mais elle se sentait encore faiblarde. Elle avait même dû raviver son teint, qui autrement serait apparu presque blafard. Elle n’avait rien contre le maquillage, mais il était rare qu’elle en applique autant dans ce genre d’occasion. L’espionne n’attendait que le moment où elle pourrait aller souffler, et profiter d’un peu de repos pour regagner des forces. Elle n’en était pas encore à lutter, mais plus la journée durerait, et plus elle allait devoir faire d’efforts pour paraître en état d’accomplir son travail.

Son attention revînt sur Zalaman’k et Azal, alors que le dernier semblait chercher une échappatoire au piège que les deux espionnes lui avaient tendu en lui offrant l’opportunité de se justifier en public, et de révéler par la même occasion son incompétence aux yeux de toute son équipe. Certains avaient d’ailleurs secoué la tête, dans le fond. Le capitaine semblait bien penaud, face aux remarques, et tenta bien d’ajouter que ses demandes de moyens n’avaient rien à voir avec tout ce que la major pouvait bien lui dire mais il réalisa bien vite que cela était bien vain. Il finit par secouer la tête, avant de dire qu’il n’avait plus rien à ajouter. Shira opina doucement du chef en retour.

Enfin, il était temps… Elle se décala d’un pas, les bras croisés dans le dos, pour venir s’adresser à Zalaman’k sur un ton plus faible.

« Contentez-vous de le remettre au caporal, dehors. Ils se chargeront du reste. »

Il était inutile qu’elle perde du temps à le raccompagner en personne à bord du Tenacious. Zalaman’k elle-même ne semblait pas l’avoir prévu plus que cela. La jeune espionne attendit qu’elle aille chercher les commandos et qu’Azal ait été exfiltré hors du centre des opérations avant de grimper sur la petite estrade qui se trouvait devant le grand écran et faisait face aux travées. Là, elle s’appuya de ses deux mains fermes sur la petite rambarde de métal qui faisait un petit arc-de-cercle devant elle, attendant soit que Zalaman’k la rejoigne, ou bien qu’elle se positionne non loin. C’était là un bon moyen de reposer ses jambes. Puis elle se racla la gorge pour attirer l’attention de leur nouvelle équipe.

« Bien… Je suis le major Brie, et voici le major Zalaman’k… Il a été décidé par la DO de reprendre en main cette opération, et, faute de résultats, d’évaluer si elle a toujours lieu d’être, ou s’il est nécessaire de remplacer l’intégralité du personnel qui y est affecté. » Le ton était ferme, mais distinct. L’espionne prenait le temps de parler pour bien se faire comprendre, avec la volonté d’en imposer la lourdeur sur les épaules de chaque personne présente. Elles étaient là pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’autres failles, et que chacun était assez compétent pour faire son travail correctement. « Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de vous rappeler ce qui attend chacun de vous s’il était décidé d’y mettre un terme… »

Elle faisait allusion à la suspension, et l’enquête qui en découlerait, et qui les verraient sans doute muté dans des coins encore plus reculés de la Bordure, où il serait attendu d’eux qu’ils fassent leurs preuves pour mériter un nouveau poste comme celui-ci. Ou bien une assignation sur Coruscant, dans l’enceinte du Bureau, à participer à l’analyse à la chaine de dossiers sur lesquels ils n’auraient pas la moindre influence. Il suffisait de voir les regards de chacun d’entre eux pour comprendre que le message était bien saisi, et le contenu parfaitement clair. Elles attendaient qu’ils fassent mieux, qu’ils se surpassent, ou bien elles veilleraient personnellement retarder l’évolution potentielle de leurs carrières. Du moins était-ce le cas pour Shira. Zalaman’k pouvait penser autrement, mais elle en doutait fortement.

« Veuillez continuer votre supervision pour le moment, et prévenez le major Zalaman’k ou l’Agent Nigel si quelque chose de suspect attire votre attention. »

Shira se redressa en poussant souplement sur la barre, avant de descendre de la petite estrade en se saisissant du petit pad de données attaché à sa ceinture, sur le flanc opposé de son holster de cuisse. Elle le déverrouilla, pour le laisser s’ouvrir sur la page du dossier qu’elle recherchait.

« Pendant ce temps… Agent Vatrus ! » demanda-t-elle fortement, le regard levé vers les travées à la recherche de l’intéressé.

L’individu, un jeune homme dans ses vingt-cinq ans, s’était relevé, permettant à la rouquine de poser son regard sur son visage quelque peu anguleux, ses yeux noisette et sa chevelure brune, coupée courte, réglementaire. Il semblait quelque peu gêné, mais aussi inquiet. Cela se lisait sur la commissure de ses lèvres, et les traits serrés sur son front. Il était clair qu’il ne savait pas à quoi s’attendre des deux espionnes dans leurs uniformes noirs, loin du gris et du blanc du reste de l’équipage. Shira, elle, le regarda droit dans les yeux après avoir consulté son pad, qu’elle ramena contre son flanc avec sa main tout relevant un peu le menton.

« Vous avez émis une hypothèse à votre supérieur qui pourrait expliquer pourquoi le Faucon n’est pas parvenu à suivre à la trace les responsables de ces attaques. Pourriez-vous l’exposer à tous, s’il vous plait ? »

Le pauvre homme essaya de ne pas paraître surpris, et se racla la gorge à plusieurs reprises tandis que plusieurs de ses collègues posèrent leurs regards sur lui. Shira, pour sa part, resta stoïque. Hormis peut-être une légère inclinaison de la tête. Il est vrai qu’il était de coutume de ne pas faire de vagues au sein des services, chacun se contentant de faire son travail et de remettre un rapport qui serait éventuellement étudié en privé. Ce n’était que de réunions formelles que certaines informations étaient divulguées aux autres parties. Qu’un officier supérieur vienne vous questionner de la sorte au milieu de votre travail était rarement bon signe. Le capitaine Azal venait lui-même d’en faire les frais.

« Je.. Hum, en effet, Madame. Je pense que ces attaques, ou du moins une partie d’entre-elles, sont montées de toutes pièces pour paraître comme, justement, des attaques contre des navires marchands. »

Shira laissa son regard glisser vers les autres analystes pour jauger leurs réactions, avant de l’inciter à détailler. Elle-même avait ses doutes, mais compte tenu de la mission que lui avait confié l’Empereur et les informations qu’elle possédait mais ne pouvait pas partager, l’idée de semblait plus aussi folle qu’elle n’en avait l’air.

« Poursuivez. »

« Nous n’avons pas réellement fait d’analyses poussées des navires que nous avons retrouvés détruits suites à ces attaques, mais la plupart des morceaux de coques de plus de la moitié des bâtiments pris pour cibles ne présentaient pas de traces d’impacts. Qui plus est, ces attaques ont principalement eu lieu dans des secteurs où aucun bâtiment impérial n’étaient en mesure d’intervenir, et presque systématiquement contre des navires appartenant à des affréteurs locaux, ou des compagnies commerciales locales possédant des contrats avec les gouvernements sous contrôle impérial. »

Cette fois, Shira haussa un sourcil. Ces informations n’étaient pas présentes dans le dossier qu’elle avait pu consulter. Son regard, lui, glissa vers Zalaman’k, pour voir sa réaction. Cela restait mince à ses yeux, et ne prouvait pas grand-chose, puisque des analyses n’avaient pas été menées pour s’assurer que les navires détruits l’avaient bien été au cours d’attaques, et non autre chose.

« Sous-entendez-vous que l’instigateur de ces actions est informé des mouvements impériaux le long du Couloir ? Qu’ils puissent s’agir de rebelles ? »

« Pas nécessairement, Madame. Avec ce qui se passe actuellement, presque tous nos bâtiments sont mobilisés pour escorter les convois de réfugiés et de denrées. Quand aux rebelles, je ne possède pas l’habilitation nécessaire pour répondre à votre question. »