Petit jeu de politique

Conseillers, membres importants et influents de la Famille, politiciens actifs, tout le monde s’était réuni dans la salle de réunion principale du parlement de Svarchi. La tension était plutôt lourde et ce n’était pas seulement dut à la situation globale de l’Ascendance. Formbi, comme à son habitude, faisait bonne figure, laissant de côté la tension et le stress. Pourtant, il ne se sentait pas vraiment bien. Les attaques incessantes contre son clan, les manœuvres politiques, les campagnes de dénigrement… Ils étaient affaiblis, ce n’était plus un secret pour personne et il ne manquait plus que peu de chose, pour qu’ils perdent leur statut au sein des maisons dirigeantes. Il s’en voulait, bien sûr, mais ignorait comment redresser la barre autant qu’il le faudrait, puisque les maintenir à flot était déjà une épreuve si compliquée. Jamais ils ne s’étaient retrouvés autant acculés, face aux autres Maisons. Pire encore, le changement prêt à s’opérer à la tête des Mitth allait encore les priver d’un allié précieux.

Ils s’étaient de nouveau réunis pour discuter des nouvelles lignes de conduite à appliquer. Si la situation était grave, Formbi était au moins ravi de constater que le Clan se serrait les coudes et était disposé à tout entreprendre, pour régler les soucis. Ils étaient passés par une période très compliquée et il avait été difficile de resserrer les rangs. Voir que ces efforts payaient enfin faisait du bien. En amont de cette réunion, ils avaient récolté le maximum d’idées possibles et surtout, les opinions de chacun des membres du clan. Ils en étaient à faire le point là-dessus, afin de présenter la situation d’une manière globale. Bien que les premiers efforts aient payés, ils n’en étaient pas tous sortis d’affaire pour autant, bien loin de là. Formbi écoutait attentivement le dernier rapport, l’air légèrement pincé. Certaines attaques lui restaient en travers de la gorge, bien que toutes n’aient pas eu d’emprise aussi forte sur les leurs que leurs ennemis l’avaient espéré.

« Qu’en est-il de l’examen de la plainte ? »

« Encore non examinée, » indiqua-t-il en faisant pour le moment fi de la volée de regards exaspérés ou déçus. « La réorganisation globale occupe toute l’attention, bien que les évacuations soient achevées. La commission d’examen fait passer en priorité le cas de Csilla. »

« Que comptent-ils faire dès à présent ? La fonte des glaces ne cesse de se poursuivre, étudier la planète n’est pas encore profitable. Cela ressemble de plus en plus à un prétexte, pour la commission, oseraient-ils utiliser cette catastrophe comme un rempart ? »

Un de ses conseillers adressa un léger signe de main, en signe d’apaisement. Ils ne pouvaient accélérer certaines procédures et il était vrai que les problèmes de Csilla attiraient une large partie de l’attention, tant ils étaient importants et soudain. Un tel cataclysme ne s’était plus observé depuis de nombreux siècles ! Beaucoup étaient d’accord, néanmoins, certains dossiers traînaient plus que de raison, malgré leurs conséquences et tout ce qui arrivait en ce moment. Mais ça n’avait rien d’étonnant…

« Passons plutôt aux demandes de nos concitoyens. Chaf'piw'rlar, vous aviez une demande issue d’un collectif à nous faire remonter, si je ne m’abuse ? »

Il espérait que ça ne soit pas une demande de refuser les réfugiés issus de certains clans. Étant donné le pedigree des fondateurs dudit collectif, ça ne l’étonnerait pas le moins du monde.

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Ambiance interne : 4

La situation était critique, plus personne ne pouvait le nier. Bien que le calme demeurât, chacun et chacune attendait – et exigeait – des changements on ne peut plus drastiques. Ils s’étaient tous réunis pour cela, échangeant sur les derniers rapports et prêts à prendre les mesures qui s’imposaient. Ils n’avaient que bien trop tardé et la situation s’était envenimée plus que de raison. Cpiwr patientait, écoutant les rapports des uns, les remarques des autres, prêtant une oreille plus attentive à celles et ceux envoyés récemment sur le terrain, à l’écoute des membres du Clan mais aussi à ceux s’étant aventurés sur des terrains plus minés. Dans une certaine mesure, ils avaient de la « chance », car les catastrophes s’enchaînant sur leurs mondes, Csilla en particulier, ralentissaient les attaques incessantes contre leur Famille. Ils devaient en profiter pour orchestrer les changements voulus. Et ce, le plus rapidement qui soit, ils n’avaient perdu que bien trop de temps.

« Passons plutôt aux demandes de nos concitoyens. Chaf'piw'rlar, vous aviez une demande issue d’un collectif à nous faire remonter, si je ne m’abuse ? »

« Effectivement, Aristocra Chaf’orm’bintrano. »

Plusieurs demandes, plusieurs… Le collectif en question avait pris une ampleur importante, ces derniers temps. Depuis le début de tous ces phénomènes brutaux frappant leur peuple. C’était là la goutte de trop. Dans cette salle même, plusieurs membres de leur assemblée politique attendaient également ce moment depuis le début de cette réunion.

« Étant donné la situation extrêmement dégradée de notre Famille, son influence actuelle ainsi que ses soutiens, de plus en plus réduits, nos concitoyens appellent à une série de mesures phares. Destinées, dans un premier temps, à protéger les nôtres et dans un second temps, recouvrer une position plus ferme et assurée, en tant que Maison Dirigeante. »

Hochements de tête approbateurs, autour de lui. Chaf'piw'rlar se faisait le relais de cette demande mais partageait aussi, personnellement, ces convictions. Car il jugeait tout à fait insupportable ce qui leur arrivait. Il s’agissait de retrouver leur lucidité et se montrer pragmatique, désormais. Si leur Chef actuel de Famille n’en était pas capable… Des mesures plus drastiques encore s’imposeront. Il avait déjà une certaine chance, en égard à ce qu’il avait accompli par le passé, le Clan était prêt à lui laisser cette ultime chance. Certes infime, mais une chance tout de même. A lui de la saisir immédiatement et avec force.

« Afin de recouvrer la confiance et restaurer notre place en tant que Clan fiable, plus particulièrement encore parmi les neuf Maisons régnantes, les premières mesures consistent à replacer le Clan sur une position raisonnable. Désavouer fermement les personnes se livrant à des pratiques douteuses, telles que l’usage de la Grande Présence, hors de tout cadre militaire contrôlé et sécurisé, qu’elles fassent ou non partie de notre Clan. Désavouer et rejeter toute personne civile désirant quitter l’Ascendance pour Nirauan. Trancher tout lien avec toute personne civile ou militaire ayant choisi de vivre sur ce monde. Enfin, refondre entièrement le conseil de famille, puis reprendre des relations diplomatiques raisonnables et raisonnés avec les autres Clans. »

Que la Flotte de Défense s’amuse comme elle l’entendait avec leurs voisins gênants était une chose, que des membres de leur clan le fasse en était une autre. Il releva les yeux vers l’Aristocra, après cette première énumération, l’air neutre.

« Nous demandons à ce que première série de mesure soit appliquée avec un effet immédiat. Toutes devant préserver notre Maison de son autodestruction affichée. Si tel n’est pas le cas, une motion de censure sera déposée, afin de procéder à des changements plus drastiques à la tête des Chaf. La protection de cette Famille doit passer avant toute considération ou émotion personnelle ou familiale. »

Une série de mesures phrases destinées à préserver leur Clan et lui permettre de retrouver sa position… Formbi sentit comme un gros nœud se former dans son estomac et grossir lentement… Il savait ce qui risquait d’arriver, ici et maintenant… Cela ne pouvait qu’arriver. D’autant plus de la part de Chaf'piw'rlar. Il était connu pour cette capacité à porter toutes les mauvaises annonces et celles d’importance dans le plus grand des calmes, qu’importe la situation. Et il avait certainement participé à ce collectif, bien qu’il mentionne être un simple porte-parole… Ce qui signifiait que malgré le calme régnant encore au sein du Clan, les débats avaient déjà été bon train. Mais il ne dit rien, devant à tout prix faire bonne figure et écouter les revendications de sa Famille. Qui débuta exactement comme il l’avait craint et accentuant encore le nœud dans son estomac. Mais demeurer de marbre, ne rien dire encore, patienter. Bien qu’au nœud s’ajouta bientôt une brûlure interne féroce.

Il existait depuis longtemps, dorénavant, un militantisme acéré, pour que toute relation avec les FID cesse et que les personnes civiles parties là-bas soient rappelées. Les Clans ne pouvaient contraindre les membres de la Flotte à le faire, cependant, seule la Flotte de Défense pourrait appuyer cette demande, et ce, seulement si l’accord était rompu. Les civils, dont sa sœur, pouvaient eux subir des pressions. Alors même que le Conseil, dans sa majorité, n’était pas contre cette alliance. Du moins, y trouvait assez d’intérêt pour ne pas désirer le rompre. Formbi restait toujours de marbre, bien qu’une très profonde agitation intérieure le travaillât. Il s’était attendu à ce que ce jour arrive, évidemment, mais si tôt, si brusquement… L’idée de perdre son poste ne le perturbait pas, cela faisait partie de la vie politique. Mais il ne pouvait se permettre de tout quitter en trahissant l’entièreté de son Clan au passage et le devoir qu’il menait auprès d’eux.

Tout comme il ne pouvait trahir sa propre sœur…

Son Devoir était de protéger l’Ascendance et son clan avant tout, comme Chaf'piw'rlar l’appuyait. Bien sûr, c’était vrai ! Mais Ewime… Un silence de mort était tombé sur la salle, attendant une réponse. Il réfléchissait, très vite, tellement tendu que son corps entier lui faisait mal, désormais. Déchiré entre deux devoirs. Il ne voulait pas impliquer sa sœur et la forcer à revenir et tout quitter… Mais il ne pouvait pas non plus abandonner son propre Clan, pas après tout ce qui s’était passé. Dans les deux cas, elle risquait d’en souffrir. Face à eux tous… Il devra… Il devra réfléchir à un autre moyen de mettre Ewime à l’abri. De… De pouvoir…. De lui donner des nouvelles et en prendre par d’autres biais, sans que ça ne se sache… Mais quoi qu’il fasse, ça sera… Un terrible sentiment de culpabilité vint s’ajouter à la brûlure, tandis qu’il regardait les siens. Complètement déchiré en deux avant de reprendre la parole.

« La protection de ce Clan est ma priorité et si tout ce qui a été mis en place jusqu’à présent ne suffit guère, alors j’accepte d’aller plus loin. Tous les membres de notre Famille peuvent être rassurés. Néanmoins, avant de retrouver des relations plus assurées avec les plus grands Clans, des accords de paix concrets devront être engagés. Ainsi que des réparations pour les préjudices et dommages subis. »

Il en était malade… Complètement malade… et terrorisé à l’idée de ce qu’il allait devoir dire à sa petite sœur. Qu’était-il en train de faire… Il ajouta d’un ton plus fort qu’avant de rencontrer de nouveau les Patriarches des autres Familles mises en cause, il demandait un dossier plus précis des dommages en question, ce à quoi ses conseillers et autres acceptèrent d’y plancher le plus rapidement possible. Formbi s’efforçait de se concentrer uniquement sur la réunion, pour ne pas dévoiler le malaise brutal.

La surprise et le soulagement furent les émotions principales, s’imprimant dans tous les regards. Lui aussi se détendit quelque peu, ayant sincèrement cru qu’ils allaient en arriver à l’une des plus grandes hontes de l’Histoire de leur Clan. Son regard croisa brièvement celui d’un confrère et il hocha très légèrement la tête. Bien sûr, cela ne réglait pas tous les problèmes, mais ils allaient enfin débuter leur avancée dans la bonne direction. Quelle tristesse de devoir en arriver là… Pour ce qui était la réparation des dommages, sans doute la procédure sera-t-elle facilitée, en prenant tout d’abord soin de rectifier la ligne de conduite de leur Famille. Du moins, il l’espérait, ce problème avait pris énormément d’ampleur. Des personnes furent désignées pour reprendre le travail sur ce dossier et faire un inventaire complet des dommages causés et des réparations qui seront exigées en conséquences. Fort bien.

« L’une des recommandations est d’interdire les installations temporaires ou définitives des membres des Clans incriminés sur Svarchi, tant que les préjudices subis n’auront pas été réglés en bonne et due forme. Je demande un vote. »

Dans la situation actuelle, une bonne partie des leurs pourrait songer que ce n’était pas le bon moment pour cela, car les réfugiés étaient nombreux. Néanmoins, après délibération et longs débats sur ce sujet, le vote fut effectivement en faveur d’une telle mesure. Des débats de plusieurs heures, certes, mais la journée était consacrée aux sujets graves et importants, de leur Famille, après tout. Chacun et chacune, dans cette pièce, tenait à enfin régler ces questions. La colère accumulée était suffisamment importante. Bien qu’une partie de l’assemblée s’abstienne, ils obtinrent une majorité suffisante pour faire appliquer cette mesure. Ils s’accordèrent ensuite une brève pause pour déjeuner, avant de reprendre place. Fpiwr se souciait bien peu des réactions outrées du Conseil qui suivront certainement ces décisions. Bien au contraire, cela les poussera enfin à agir plus vite et faire pression sur les Clans fautifs, pour leurs actions politiques vicieuses.

Le début d’après-midi fut, quant à lui, consacré aux débats sur les actions à entreprendre contre les personnes civiles décidant d’abandonner l’Ascendance, pour se livrer à des actes dissidents, au sein d’une faction étrangère, quoi qu’alliée. La crainte principale étant que ces individus ne révèlent des secrets de l’Ascendance ou de leur Clan. Des débats longs, une fois encore, car si tous étaient d’accord sur le principe, ils n’étaient pas en phase sur la sévérité des mesures à appliquer. Fpiwr aurait été d’avis de prononcer également des sanctions, que les personnes reviennent ou non. Temporaires en cas de retour volontaire, définitives si ces personnes refusaient d’obtempérer. Il était bien dommage qu’ils ne puissent rien faire également contre ceux appartenant à la Flotte, mais soit. Il existait d’autres moyens, certes plus fourbes, d’atteindre ces personnes, cela dit… D’une manière indirecte.

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Dés du vote : 5

« L’une des recommandations est d’interdire les installations temporaires ou définitives des membres des Clans incriminés sur Svarchi, tant que les préjudices subis n’auront pas été réglés en bonne et due forme. Je demande un vote. »

Si ça, c’était censé faire partie des critères d’apaisement… Formbi ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel, prenant aussitôt partie pour ceux contre cette mesure. Mais les débats allèrent bien vite dans le sens plus radical, malheureusement. Les prochaines semaines allaient être incroyablement sportives et délicates à gérer… Et ce n’était pas terminé. La journée fut entièrement consacrée à ces soucis en cascade, les mesures à prendre, souvent radicales, s’éternisant dans de longues discussions durant des heures. Tout ça pour en terminer sur un panel conséquent, autoritaire, très conservateur. Comme il y a quelques années… L’assemblée se dispersa alors qu’il était déjà très tard… Formbi ne quitta pas tout de suite le bâtiment administratif, rentrant d’abord dans son bureau. A peine la porte fut-elle refermée qu’il se laissa glisser contre elle, tombant assis par terre, la vision trouble. Abattu.

Il venait littéralement d’abandonner sa petite sœur au profit de son Clan. Il venait d’abandonner le projet d’école monté avec tant de soins et de volonté. Il venait de laisser tomber toute une partie de sa famille pour ne pas laisser tomber les siens. Il… C’était… Les larmes coulèrent doucement, lentement, dans un silence de mort, alors que l’obscurité s’était installée dans son bureau. C’est avec beaucoup de peine qu’il se releva et alla s’asseoir devant son écran, pour écrire un long message à sa jeune sœur. Lui dire ce qu’il s’était passé… Et ce qu’elle devait faire, le plus tôt possible, pour échapper aux représailles et se mettre à l’abri. Thrass pourra sans doute l’aider. Il fit de même pour le jeune couple, surtout pour ce qui concernait l’école. Et enfin, parvint à sortir, pour rentrer et parler avec sa femme. Tout lui dire, face à face, puisqu’il le pouvait…