Nouvelle affectation

Biberon le matin, nourriture solide ensuite, plus petit biberon le soir… Solian était allongé sur son lit, adossé contre un oreille, jambes croisées, avec le bébé dans ses bras, qui le fixait, tout en étant son biberon. La Dame le lui avait confié la vieille au soir, comme ça, soudainement, avant de partir pour « régler une urgence politique ». Il n’avait pas compris, mais de toute façon, pas le temps de demander plus d’explications. Elle était partie quasiment aussitôt, avec deux autres personnes, en lui laissant des affaires pour qu’il s’occupe de son fils en attendant. Le soir venu, lorsqu’il avait posé tout ça près de son lit, le bébé dans les bras, les trois autres hommes de la chambre avaient pas mal tiqué. Même ce matin, ils le regardaient du coin de l’œil, tout en se préparant. Pas de remarques, merci bien… Il reposa le biberon sur le côté, une fois fini, puis redressa l’enfant pour qu’il puisse faire un rot. A tout juste neuf mois, il commençait déjà à faire son poids. A présent, se préparer lui aussi… Et surveiller, s’il posait Feoda sur le lit en attendant, qu’il ne s’approche pas du bord.

« Tu veux que je le surveille ? » proposa un de ses collègues, sur le pas de la porte, hésitant. « Le temps que tu te prépares aussi ? »

« Merci, ça ira. Ne te mets pas en retard. »

Il pouvait « coincer » le petit sur le lit, en sécurité, avec la couverture. Un parc improvisé, juste le temps que Solian s’habille, se rase et fasse une toilette rapide. Une fois prêt, il plaça l’enfant dans sa poussette et sortit. Il ne mangea qu’à peine, stressé, avant d’aller avec l’enfant dans un petit espace, en travaux. La future crèche de la base, tout juste débutée. Quelques couples se formaient et les premières naissances arrivaient lentement… Sans compter ceux enfin parvenus à récupérer leurs familles auprès d’eux et ayant des enfants en bas âge. Même si c’était encore rare, ça arrivait. Ces derniers temps, il avait passé beaucoup de temps ici, à faire des travaux. Cela l’occupait et l’aidait beaucoup, surtout pour faire oublier les inquiétudes. Il avait passé de nouvelles évaluations récemment et les résultats n’étaient pas très encourageants. Il devait admettre qu’il ne retrouvera pas son ancienne vie et se sentait mal à cause de cela. Il cherchait une nouvelle façon de redonner du sens à son existence, ne pas se sentir un simple poids mort, dans cet endroit.

C’était justement l’objet du rendez-vous, qui devait avoir lieu avec le colonel Yularen, ce matin. Un entretien qui angoissait beaucoup Solian, surtout après ces résultats. Toujours convaincu qu’il allait se faire virer de Nirauan, purement et simplement. Il en avait très mal dormi. A l’heure convenu, il se dirigea vers le bureau du colonel, avec le petit, puis frappa. L’estomac au bord des lèvres. Pour lui, c’était aussi une véritable honte. Tous ces efforts et malgré tout…

« Bonjour, colonel Yularen. Et, hum, désolé pour le petit, je le garde depuis hier soir, sa mère a dû partir en urgence. »

Un bébé qui n’avait de toute façon pas l’air se soucier de ce qui se passait autour de lui. Bien trop occupé à tenter de mâcher les petits jouets en plastique, accrochés au rebord de la poussette, que Solian lui avait mis pour qu’il s’occupe, le temps de cet entretien. Il plaça la poussette près de sa chaise, face au bureau du colonel, de manière à pouvoir conserver un œil sur lui. La ceinture retenant le petit était bien mise, ça allait, il ne risquait pas d’avoir mal. Ni de tomber. Il se déplaçait bien à quatre pattes et commençait doucement à vouloir imiter ceux qu’il voyait, en voulant être debout. Las, ses petites jambes n’étaient pas encore assez solides pour cela. Il reporta ensuite le regard sur son interlocuteur, tout en essayant de dissimuler l’angoisse.

« Vous vouliez me voir pour discuter du dernier rapport ? »

Il était tout de même content de pouvoir parler sans devoir marquer de longues pauses, chercher ses mots et ses idées, sans avoir non plus de blancs, repris par une image violente s’imposant à lui. Les petites victoires comme celles-ci valaient beaucoup, à ses yeux.

Colonel Yularen, des FID

Bien assis contre le dossier de son fauteuil, l’ancien colonel du BSI se grattait négligemment le coin de la moustache, son regard songeur posé sur les derniers rapports remontés par le groupe de travail qu’il avait assemblé pour trier la masse d’information, raisonnable, qui leur venait des secteurs les plus septentrionaux de l’Espace Sauvage. Avec les affaires récentes, il s’y provoquait de nombreux changements qu’il était important de monitorer avec la plus grande clarté. Certains peuples n’hésitaient plus à s’entraider, là où la simple discussion, des mois plus tôt, aurait été impossible. D‘autres, possédant une longue histoire de collaboration, surtout commerciales, se regardaient désormais en chiens faïence, les couteaux tirés, prêts à en découdre. Il était important d’analyser tout cela, de savoir lesquels étaient enclins à la collaboration, à accepter la présence de leurs forces, ou au contraire s’opposaient désormais fermement à toute ingérence qu’il ne pourrait facilement contrôler. Tout ceci n’était qu’une distraction malheureuse, indésirable, qui les détournaient du véritable objectif, du véritable danger, bien qu’il ait toute confiance dans la vision, et les analyses de Thrawn.

Ce dernier était d’ailleurs reparti dans les Régions Inconnues, pour se charger d’une affaire qui lui paraissait bien lointaine, compte tenu des menaces plus concrètes, à leur porte. Palpatine était peut-être affecté par ce qui se passait avec la Force, mais il n’était pas hors-jeu pour autant. Il ne croyait pas vraiment aux rumeurs concernant son état de santé. Dire qu’il pourrait profiter de ce flottement généralisé pour frapper n’était pas non plus très crédible. Il avait fort à faire avec les menaces intérieures, et le fait que la Bordure Extérieure semblait lui échapper, peu à peu. Ils n’étaient, cependant, pas totalement à l’abri d’une surprise pour autant, et la situation restait plutôt tendue, là-dehors. C’était son travail de rappeler que des dangers existaient, ci et là. D’évaluer les risques, bien sûr, mais de le rappeler tout de même. Il ne ferait pas bien son travail, s’il n’exposait pas tous les possibles, en précisant tout de même leur ordre de crédibilité.

Wulff eut le réflexe maladif de verrouiller son bloc de données lorsque l’on frappa à sa porte. Un bref coup d’œil devant lui, avant que son regard ne glisse sur la chronomontre, seul véritable objet posé en évidence sur son bureau en dehors de son ordinateur.

Mh. C’est vrai, il y avait ça aussi à régler… Perdu dans ses pensées, il l’avait presque oublié.

D’une voix forte, il invita le commandant Simoor à entrer, tout en glissant le bloc de données dans un tiroir. Puis le colonel releva le regard vers l’officier, et se figea un bref instant en découvrant la poussette et le petit être qui bougeait en son creux. Curieux. Il avait bien reçu la nouvelle hier soir, ce genre de choses ne sauraient échapper à son oreille, mais c’était encore différent de le constater lui-même, en personne. Dame Fewimea avait ses raisons, bien sûr, pour partir aussi vite. Evidemment, il avait fallu que ça arrive quand le Grand Amiral était absent. Décidément…

« Bonjour, colonel Yularen. Et, hum, désolé pour le petit, je le garde depuis hier soir, sa mère a dû partir en urgence. »

« Commandant Simoor. » rétorqua-t-il, s’étant levé pour lui serrer la main, après lui avoir fait comprendre d’un signe de la main qu’il pouvait simplement s’asseoir. « Ce n’est pas grave. Asseyez-vous. »

Le commandant était tendu, il ne fallait pas être expert du renseignement pour s’en rendre compte. Sa posture était typique… Yularen se demanda même s’il n’allait pas se mettre à se ronger les ongles face à lui. Il n’osait imaginer ce qu’il avait dû endurer là-bas, et encore moins ce qu’il avait dû affronter ici, pour remonter la pente. Et tout cela pour se rendre compte que ça ne suffisait pas.

« Vous vouliez me voir pour discuter du dernier rapport ? »

Droit au but, sans réelle surprise là encore, vu son état actuel. Yularen avait prévu de lui demander comment il allait, pour commencer. Soit, il ne pouvait pas lui dire que ça pouvait attendre, maintenant. Il croisa les mains devant lui, son regard glissant un instant sur l’écran de son ordinateur pour consulter les résultats des derniers tests médicaux, une nouvelle fois. Cela ne lui plaisait pas, d’annoncer cela, mais c’était pour le mieux. Pour lui, d’abord, mais aussi pour eux tous. Le risque serait bien trop grand de le laisser reprendre son ancien poste dans ces conditions. Encore plus alors que le commandant en était parfaitement conscient.

« Vous avez consulté vos résultats, vous savez ce qu’il est en est. Dans ces conditions, il m’est impossible de vous autoriser à vous restituer un commandement similaire à celui qui était le vôtre. Je ne peux aller contre un avis médical, et ce malgré tous les efforts que vous avez fournis, et les progrès que vous avez effectué depuis votre retour parmi-nous. »

Wulff prit une légère inspiration. Le plus dur avait été dit, le commandant devait déjà s’en douter, vu son état de stress. Au moins, le petit dans son landau y restait insensible, à jouer.

« Cependant, » reprit-il en se penchant légèrement en avant, en appui sur ses mains, croisées.« il ne m’est pas interdit de vous trouver une autre activité ici, en lieu et place de vos anciennes fonctions. D’autant que l’on vous a déjà confié une tâche importante il y a peu. »

Comme pour appuyer son propos, son regard dévia un bref instant vers la poussette.

« Y avez-vous déjà songé ? »

« Vous avez consulté vos résultats, vous savez ce qu’il est en est. Dans ces conditions, il m’est impossible de vous autoriser à vous restituer un commandement similaire à celui qui était le vôtre. Je ne peux aller contre un avis médical, et ce malgré tous les efforts que vous avez fournis, et les progrès que vous avez effectué depuis votre retour parmi-nous. »

Solian hocha légèrement la tête, tout en s’efforçant de contrôler la nervosité. Un constat d’échec amer… Il s’en voulait de ne pas parvenir à passer au-dessus des problèmes restants et des difficultés persistantes. Dans le même temps, il comprenait très bien que certaines choses n’étaient plus possibles et qu’il devait se faire une raison. Unique consolation, il n’était plus au sein de l’Empire, où cette fin carrière aurait pu être plus brutale, sans compter qu’il n’aurait reçu aucun soutien, le temps de se soigner. Encore plus si aucune réussite n’était garantie. Au mieux, il serait retourné dans sa famille. Enfin… Peut-être. Il avait un frère mais ils n’avaient plus de contacts depuis bien longtemps. En tant « qu’homme d’affaires très occupé », son aîné ne prenait quasiment plus la peine de venir, ou une fois sur trois, aux peu de rendez-vous qu’ils avaient pu caler, au fil des années. L’ex-militaire n’était même pas certain que son frère ait su qu’il avait déserté, pour rejoindre les FID. Il ignorait où son aîné pouvait bien se trouver aujourd’hui.

« Cependant, il ne m’est pas interdit de vous trouver une autre activité ici, en lieu et place de vos anciennes fonctions. D’autant que l’on vous a déjà confié une tâche importante il y a peu. Y avez-vous déjà songé ? »

Ici… ? Il aurait le droit de poursuivre ici même en étant devenu un… Il faillit poser la question et ne se retint que d’extrême justesse, serrant un peu les lèvres. Puis il hocha la tête. Y réfléchir, bien sûr, il en avait eu le temps. Étant donné que même pour du travail administratif, il ne pouvait faire autant d’heures que tout un chacun, pour le moment.

« Eh bien, » commença-t-il en s’efforçant de conserver ton parfaitement normal, « je voudrai poursuivre le travail entamé, dans le professorat, en ce qui concerne les langues. »

Il avait déjà démontré être en mesure de le faire et tant qu’il s’agissait de cours théoriques, ne demandant pas de combat, d’énorme stress ou encore de gestion d’événements dramatiques, il en était capable. Transmettre un savoir, il aimait cela et était content d’avoir découvert, peu peu, ce métier. Il y avait un côté gratifiant à enseigner, on pouvait enfin se sentir utile, même si c’était très éloigné de son précédent poste.

« Je souhaite également, si cela est possible, poursuivre le travail engagé, pour la crèche, pour en terminer l’aménagement, et plus tard, y travailler également. Les enfants vont devenir, doucement, plus nombreux et leurs parents pourront avoir besoin de les confier de temps à autre. Afin que l’une des deux parents ne soit pas contraint d’abandonner sa carrière. »

Certains membres de la base parlaient de ça, de temps en temps, rechignant à l’idée de fonder une famille car cela forcerait l’un des parents à laisser tomber sa carrière militaire pour s’occuper de leur petit. Il était impossible d’emmener un bébé sur de longues périodes, sur un vaisseau de guerre. L’amener dessus tout court, plutôt. Il restait à voir si le colonel allait accepter cela ou finalement changer d’avis et lui demander de quitter la base, purement et simplement. Mais pouvoir réellement changer et retrouver du sens à son existence, ce serait… Un tel poids en moins. Se battre sans cesse était épuisant, sans compter qu’il ne parvenait pas à tout régler.

Colonel Yularen, des FID

Le colonel haussa à peine un sourcil, malgré la surprise affichée par le commandant Simoor. Il n’y avait pas vraiment de quoi l’être. Pour diverses raisons, qu’il ait encore sa place ou non en ces murs, il ne pouvait simplement pas se permettre de le laisser partir. Pour aller où, par ailleurs ? Se réfugier dans un monde non-sûr des Régions Inconnues ? Allons, mon garçon, ce n’était pas une fatalité. Il existait bien d’autres tâches moins stressantes à accomplir ici, loin du danger. Bien que celui-ci pouvait toujours se présenter à leur porte un jour ou l’autre, mais certainement pas dans un avenir proche. Yularen avait déjà plusieurs idées en tête, mais aucune qu’il n’ait envie de lui imposer. Ce qu’il accomplissait, malgré les circonstances, représentait déjà beaucoup compte tenu de ce qu’il avait vécu, et l’état dans lequel il avait été récupéré. Il ne pouvait bien sûr pas abattre la même quantité de travail que certains de ses collègues, mais personne n’était venu lui soulever un quelconque problème à ce sujet. Les autres officiers étaient parfaitement au courant de ce qu’il avait enduré, ils étaient compréhensifs. Et personnellement, il ne sentait pas la structure pressée par le temps, ni par une charge de travail insurmontable.

« Eh bien, je voudrai poursuivre le travail entamé, dans le professorat, en ce qui concerne les langues. Je souhaite également, si cela est possible, poursuivre le travail engagé, pour la crèche, pour en terminer l’aménagement, et plus tard, y travailler également. Les enfants vont devenir, doucement, plus nombreux et leurs parents pourront avoir besoin de les confier de temps à autre. Afin que l’une des deux parents ne soit pas contraint d’abandonner sa carrière. »

Yularen laissa glisser son regard un très bref instant sur l’être qui s’agitait toujours dans la poussette. Mh, ceci devait expliquer cela, pensa-t-il, avant de recentrer sur attention sur le commandant. Il n’avait pas pensé à ce genre d’activité, mais il n’y voyait, à priori, aucun point bloquant qui l’empêcherait de le laisser faire cela. C’était le genre d’activité que peu de personnes évoquaient dans ce milieu, que certaines trouvaient même parfois superflues, une perte de temps et de moyens qui auraient pu être dispensés sur des tâches beaucoup plus importantes, et utiles. Lui aussi avait longtemps partagé ce schéma de pensées, mais les choses étaient différentes, maintenant. Malgré les forces assemblées par le Grand Amiral Thrawn, ils restaient une petite structure à l’échelle du titan galactique que représentait l’Empire. Ce genre de situation avait tendance à faire ressurgir ce genre de cohésion qui se retrouvait facilement noyée dans l’Empire. Il ne se faisait d’ailleurs pas vraiment d’illusions : si Thrawn réussissait à accomplir ce qu’il avait promis à ces gens, il serait nécessaire de réfléchir à la cohérence de toutes ces petites choses qui rendaient le quotidien plus convivial. Plus humain.

« Je vois, » reprit-il, en avant sa salive, avant de consulter, un très bref instant, les remarques qu’il avait annoté sur les rapports concernant Simoor. « Il est vrai que vous avez fait preuve de ressources pour vous adapter, et que vos collègues n’ont rien à redire à votre travail, aujourd’hui. Vous me semblez déjà avoir longuement réfléchit à cela, et je n’ai personnellement pas d’objections à vous donner. »

Ces régions exigeaient de parler autre chose que le Basic, qui n’y était clairement pas très répandu. A l’inverse, ceux qui voulaient rejoindre leurs rangs et ne parlaient pas la langue commune se devaient de le faire, pour faciliter l’intégration, et booster l’efficacité de la structure. Et en ce qui concernaient les enfants, hélas, il ne pouvait qu’aller dans son sens. Bien qu’il ait toujours réprouvé l’idée de leur présence au cœur d’un bâtiment, ou d’une installation militaire, et Nirauan dans son ensemble pouvait être vue comme cela, il admettait tout à fait qu’ils n’avaient de toute façon pas d’autres choix. Pour les raisons évoquées par le commandant Simoor, entre autres, mais pas pas que.

« Soit, si c’est ce que vous voulez, je vais faire le nécessaire pour faciliter cela. Je verrais avec le Grand Amiral à son retour s’il estime nécessaire de vous radier ou non de la liste des effectifs militaires. Je n’en vois personnellement pas le besoin, la porte vous sera toujours ouverte, commandant. »

Le colonel se laissa tranquillement retomber contre le dossier de son fauteuil, toujours avec son air scrutateur qui ne le quittait jamais.

« Y-a-t-il autre chose que je puisse faire pour vous ? »

Un poids non négligeable coula doucement des épaules tendues de l’ancien soldat, lorsque le colonel accepta cette demande. Il respirait aussi un peu plus librement, quoi que cette tension habituelle demeurait toujours coincée en lui. S’il était incapable de faire passer entièrement pression et nervosité, comme habité par un parasite, il était en tout cas un peu plus heureux de trouver une voie où il se sentira utile. Il était reconnaissant envers la Dame d’avoir montré que ces nouvelles voies étaient possibles et aussi à colonel d’accepter officiellement qu’il le fasse.Il lui faudra néanmoins un peu de temps… Disons, de temps avant de faire passer la culpabilité d’abandonner sa carrière militaire. La réalité était toujours dure à accepter, d’autant lorsque vous la preniez dans le nez avec une telle violence.

« Soit, si c’est ce que vous voulez, je vais faire le nécessaire pour faciliter cela. Je verrais avec le Grand Amiral à son retour s’il estime nécessaire de vous radier ou non de la liste des effectifs militaires. Je n’en vois personnellement pas le besoin, la porte vous sera toujours ouverte, commandant. Y-a-t-il autre chose que je puisse faire pour vous ? »

« Non, colonel. Merci de votre aide. »

Il réalisa un peu mieux le niveau de tension phénoménal au moment de se lever et d’avoir mal partout, tant il s’était contracté. Mais enfin, le plus dur était passé ! Il salua son interlocuteur, puis récupéra le petit dans sa poussette, toujours occupé à jouer. Le colonel le raccompagna jusqu’à la porte puis Solian le salua poliment, avant de repartir dans les couloirs. Ce n’est que là, plusieurs mètres après, qu’il s’arrêta, lâcha un très gros soupir de soulagement, puis s’accroupit un instant près de la poussette. Le petit bonhomme mordillait un des jouets accrochés à la poussette et le regardait avec ses grands yeux. Solian lui sourit puis lui chatouilla la joue du bout du doigt. A cet âge, ils étaient si innocents… et dire que ce petit garçon aurait pu avoir beaucoup de mal, dans le ventre de sa mère… Voire pire… Il chassa vite cette pensée morbide de sa tête, en se disant qu’au moins, il était bien né et en bonne santé.

« Ça va bien se passer, mon bonhomme. Maman va bientôt rentrer. Ou papa en premier, je ne sais pas. »

Le garçonnet gazouilla, puis recommença à se faire les dents sur son jouet en plastique. Pourvu que cette poussée ne lui fasse pas trop mal, d’ailleurs, il savait que c’était une période compliquée pour les bébés. Il se releva puis repartir avec le petit vers la crèche en travaux. Un coin avait été terminé, entièrement, en premier lieu, afin qu’il puisse y laisser jouer le petit, le temps qu’il travaillait. Un collègue l’avait aidé à construire une barrière, pour former un parc de jeu et empêcher le garçonnet de partir à quatre pattes hors de surveillance. Et se blesser sur des outils, au passage. Une fois cet endroit terminé, ce sera déjà un bon pas. Madame Fel allait bientôt accoucher à son tour et il avait entendu que deux autres femmes, dont une militaire, attendaient à leur tour un enfant. Sans compter madame Asu qui en attendait trois… Le petit Feoda allait bientôt côtoyer toute une fratrie, du jour au lendemain.

Il se remit au travail une fois le petit en sécurité, installé à l’abri avec des jeux d’éveil. Songeant qu’il se formait, les deux prochaines années à venir, il pourra sans doute également donner des cours au enfants. La lecture, les mathématiques, l’Histoire… Ils auront tout à apprendre. C’était une manière sereine d’envisager l’avenir.