le plus beau jour de sa vie

Syal était maintenant couchée sur le côté, le visage crispé, malgré la péridurale. Il lui tenait la main et l’encourageait le plus possible, un regard sur le monitoring. Les contractions étaient toujours très rapprochées et selon le médecin, en quelques heures, le col sera suffisamment ouvert pour laisser passer l’enfant. Sa femme était bien plus rassurée que lui, bizarrement, alors que c’était elle qui souffrait ! Ils étaient dans l’infirmerie, entourée par des rideaux disposés à la hâte. Il n’y avait pas de salle d’accouchement en tant que tel, après tout, il n’y en avait encore eu qu’un, à venir jusque-là… Le médecin qui avait fait le premier revenait régulièrement les voir, juger de l’état de son épouse et l’avancement du travail. Ils progressaient, petit à petit, mais ça faisait quand même plusieurs heures qu’ils étaient là !

"Tu veux de l’eau ?"

Elle ne pouvait pas boire pour de bon au cas où il y avait un problème et qu’elle devait subir une césarienne en urgence, par contre, il pouvait lui vaporiser de l’eau en bouche, puis sur elle pour la rafraîchir. C’était tellement stressant ! Et pourtant, dans sa vie, il en avait eu, des coups de stress, mais aucun combat, aucune mission sur le terrain ne lui en avait autant filé qu’aujourd’hui. Il tenta tout pour détendre Syal, plaisanter avec elle, l’encourager, l’heure qui suivit, encore et encore. Alors même que les conversations devenaient si fortes qu’elle en criait parfois, malgré le médicament passé. Le médecin revint en catastrophe, pour en remettre une dose, puis se mit à vérifier l’état du col. Puis il lui dit qu’ils allaient s’installer. Le tout dans une ambiance bizarre, alors qu’ils captaient des bouts de conversation des autres malades, dans la grande pièce.

"Appuyez-vous des deux pieds contre les étriers et tenez-vous bien," indiqua le médecin après avoir enfilé un masque chirurgical et une nouvelle paire de gants. "Vous pouvez lui tenir la main, capitaine, mais restez sur le côté. Là, remontez juste un peu contre l’oreiller… Très bien, parfait. A la prochaine contraction, poussez de toutes vos forces !"

Le stress monta d’un bloc et il glapit à moitié, avant de se reconcentrer et tenir la main de Syal. Il ne fallut que très peu de temps, avant la contraction, le médecin se mit à lui répéter de pousser, très vite, en boucle, alors que Syal gémissait légèrement, le regard crispé sous la douleur. Une brève pause, pour reprendre son souffle, puis ce fut reparti. Il encourageait sa femme en bafouillant à moitié, blême, alors que les minutes défilaient. A chaque pause, sa belle lâcha un bref râle de douleur, reprenait son souffle, puis ça recommençait. Dans le reste de la salle, un silence de mort était tombé, les autres patients ne lâchaient plus un seul mot et les médecins, qu’on voyait brièvement passer dans les interstices des rideaux, marchaient plus vite. Soontir restait penché, tenant la main de sa femme, l’autre derrière sa tête pour la soutenir et la surélever un peu.

"Allez, encore, encore !! Stop, respirez, madame, doucement, reprenez ! Je vois sa tête !"

Syal hurla malgré elle lorsque la tête passa, suivi du cri du médecin qui lui dit d’arrêter de pousser, tout en dégageant doucement les épaules, puis tout le reste du corps. Et enfin, le cri vif du bébé. Soontir manqua bien de tourner de l’œil, bouche bée, alors que le médecin déposait délicatement le bébé criant sur le ventre de sa mère. Le choc de la réalité fut trop grand, il ne réagit pas tout de suite, regardant avec ahurissement sa femme serrer leur fille contre elle, en larmes, tandis que le médecin s’efforçait déjà d’essuyer un maximum de sang et de placenta, avant de couper le cordon ombilical. Il posa doucement la main près du bébé, sans oser la toucher. Le placenta venait juste de sortir, presque sans forcer. Rapidement, comme dit le médecin d’un ton réjoui.

"Ne vous en faites pas pour le sang, madame, c’est le vôtre. Félicitations."

Le capitaine ne l’écoutait déjà plus, penché en avant et observant le bébé. Il lui glissa très doucement le bout du doigt sur la joue, alors que leur petite cessait à peine de crier. Elle était… magnifique… Il se mit à pleurer à son tour, ébahi… C’était… Elle était vraiment là… Il souriait, même en pleurant, incapable de détacher ses yeux de la scène… Leur petite Anya…