Dans les rues de Theed

Cette chambre d’hôtel était, sans aucun doute, la seule de tout le bâtiment, voire de la ville entière, où la chaîne « d’information » impériale était volontairement allumée depuis un peu plus de deux heures maintenant. Et l’homme qui la regardait, bras sous la tête en guise d’oreiller, allongé négligemment sur le lit, n’avait même aucune intention de l’éteindre dans l’immédiat. Voilà plus de trois jours que Roan n’avait pas quitté cette chambre, à présent rempli de documents d’archives, de journaux, de notes personnelles et de quelques hololivres, en plus de la chaîne diffusant son contenu presque en permanence. Bien sûr, il ne croyait presque rien de ce qui était vendu là-dedans, mais observait, écoutait, regroupait les données et les analysait. L’émission du moment était consacrée à il ne savait quelle fête pour une victoire militaire importante, qu’il n’avait pas retenu. Ce n’était pas ça qui captait son attention mais plutôt le vieillard qui arrivait pour parler à ses troupes, avec sa canne et sa robe noire, sa capuche lui couvrant la tête, un homme que jusqu’ici il n’avait vu qu’en images d’archives. Cet homme retenait toute son attention, il détaillait chacun de ses gestes, comme pour les percer avec le seul regard.

Les images défilaient, montrant aussi des soldats armés jusqu’aux dents, en blanc, la grandeur de Coruscant, des officiers ici et là, des notables et des lèches-bottes, comme il y en aura toujours. Roan regardait toujours les infos sans bouger, seul son regard trahissait un dégoût grandissant. Plus moyen de nier ou refuser la réalité, à présent, ni même de penser à une immense hallucination ou à un piège, comme il l’avait cru au départ. Quelques jours plus tôt, après avoir failli se noyer dans un lac où il avait été « jeté » par la Force, il avait mit du temps avant de comprendre où il était, ce qui s’y passait, puis finalement se réfugier dans un hôtel tranquille de la capitale pour faire le point. La question « Pourquoi la Force avait agi ainsi » ne lui avait que très brièvement traversé l’esprit avant de disparaître, remplacé par la question plus urgente « Comment revenir à son époque », puis par une question tout aussi importante « Comment agir dans celle-ci contre ce vieillard si par malheur il ne pouvait pas repartir aussi vite ». L’Alliance Rebelle était sur pieds, malmenée, peut-être, mais là n’était pas le problème. Roan savait très bien que même s’il ne restait plus qu’une petite poignée d’entre eux, ils avaient tout de même le pouvoir de mettre à bas l’Empire.

Ce qui l’inquiétait un peu plus était qu’il n’y avait, pour le moment, aucune preuve flagrante que l’Étoile de la Mort était de sortie, aucune planète n’avait subit d’attaque de si grande ampleur ou n’avaient été explosées, purement et simplement. La station orbitale était soit en cours de test, soit encore retirée, mais il ne doutait pas que sa construction soit achevée, en cette année, quand même bien même elle n’avait pas encore été utilisée. Mmh… Pourvu que la Rébellion ait toujours de bons pilotes… Roan ne s’inquiétait pas des pilotes Impériaux, peu étaient bien formés,a près tout, ce qui lui fit penser que son arrière-grand-père, Soontir Fel, devait être encore un jeune homme fougueux enfoncé dans les rangs des Impériaux, comme pilote. Formidable. Impossible que Jaged soit né, et encore moins son propre père. Question Impériaux, il devait encore y avoir Tarkin, Ysanne Isard, Thrawn et toute la clique, en plus de papy Sidious. De sacrés ennemis. Roan éteignit finalement la chaîne et se leva avec un soupir, remettant ses chaussures en pensant à tout ce beau monde dont la plupart allaient mourir très vite ou bien dans les trois prochaines années. Si l’histoire se déroulait comme il l’avait connue, du moins. Manquerait plus que Kol soit aussi dans cette époque, tiens.

Si on se mettait à ajouter les histoires de famille à cette perturbation de la force, la situation allait devenir intenable, il ne cherchera donc pas à rencontrer Soontir Fel, ni sa femme, si jamais il était déjà marié. Pas plus que sa famille à elle. Au moins, ses parents et sa fille n’étaient pas dans cette époque… Mais si lui avait été jeté ici, qui étaient les autres Jedis, et les Siths, qui y étaient aussi ? Préoccupé par cette question, il quitta sa chambre et se rendit dehors, où ils s’assit sur les marches menant à l’hôtel avec une tasse de café dans les mains. Brillant, comme situation ! L’Empereur légitime d’une galaxie mise à feu et à sang par l’envie de pouvoir d’un Sith taré et rongé par sa propre armure, jeté dans l’époque d’un autre Sith, Empereur auto-procalmé également, qui mettait aussi la galaxie à feu et à sang. Au moins pouvait-il se dire qu’ils n’étaient pas encore à la guerre contre les Vong… Maigre et unique consolation de ce merdier. Et si Soontir Fel était ici… Han Solo aussi, donc, à peu près du même âge, ils s’étaient connu à l’académie. Tss, si l’un et l’autre savaient qu’ils avaient des descendants en commun, ils s’étoufferaient.

Il ignorait où se rendre pour trouver les Rebelles et se joindre à eux, ne sachant pas si la base de Yavin était déjà installée ou non, peu sûr des dates pour cette époque. Il ne l’avait pas vraiment étudié, bien plus concentré sur la guerre qui avait suivi, contre les Vong, car bien plus importante et destructrice, et plus encore sur ses propres stratégies, mises en place pour son Empire et pour le combat contre Darth Krayt. Il finit son café puis se rendit un peu en ville, histoire de se faire une idée d’à quoi ressemblait Naboo, dans ce temps. Il déambulait sans but précis quand il tomba sur un petit attroupement, un homme, visiblement ivre, essayait de charmer grossièrement deux Twi’lek en pleine rue. Roan l’attrapa brusquement par le col pour le tirer en arrière et lui cogna la tête contre un poteau pour lui remettre les idées en place, en lui disant d’un ton glacial que ce n’était pas comme ça qu’on parlait à des femmes. Le type lâcha une injure puis partit en titubant, juste au moment où une patrouille Impériale arrivait pour défaire l’attroupement. L’une des deux femmes, à la peau d’un beau vert pomme, en profita pour se sauver, et il fit face à la troupe.

– Vous en avez mis du temps avant d’arriver, messieurs, dit-il de la voix autoritaire de celui ayant l’habitude de commander. Une ville aussi belle et calme devrait pourtant être gardée avec sérieux.

Il avait complètement oublié l’image de cette époque, sur les Twi’lek, un truc de plus à ajouter à la longue liste de toutes les aberrations dans ces années. Lorsque le calme revint, il se tourna vers la Twi’lek bluette qui restait.

– Pas de mal ?

– Merci beaucoup de votre aide, vous avez été plus rapide que moi.

– Question d’habitude. Il y a des périodes où les troupes Impériales ne brillent pas pour leur rapidité, dirait-on.

Plutôt pour leur immense faculté à tirer à côté ou ne pas être capable de viser une cible se trouvant à moins de trois mètres d’eux. Sans écouter le chef de la patrouille qui s’était mis à protester en affirmant qu’ils étaient là pour assurer la sécurité des citoyens, il se pencha pour ramasser les quelques affaires qu’il avait fait chuter d’un étalage en se débarrassant du type, puis les rendit au commerçant bousculé. Ensuite seulement, il se redressa et jeta un regard plus glacial au stormtrooper, en lui énonçant d’une voix plus froide que pour apprendre à ne pas répéter ses erreurs, il fallait tout d’abord commencer par les reconnaître et que ce petit incident n’avait certes pas prouvé leur efficacité en intervention. Un sourire ironique effleura ensuite ses lèvres lorsque son interlocuteur affirma qu’ils s’occupaient au mieux de cette ville, se retenant à très grande-peine de ne pas lever les yeux au ciel. Bah, après tout, ces mecs et leurs confrères avaient perdu la guerre, inutile de chercher des heures pourquoi, lorsqu’on assistait à ça. Heureusement qu’il y avait certains officiers pour relever le niveau.

– Il ne s’agit pas de faire « au mieux » mais de ne pas agir en débutant, rien de plus. Vous êtes un soldat, au service de l’Empire, vous avez le devoir d’être fort et ne pas commettre de fautes. C’est ainsi que les gouvernements tombent, sinon. Mais je suis convaincu que vous ne laisserez pas d’autres incidents de cette nature se produire.

Du moins, s’il se bougeait, un autre attroupement commençait à se former et d’autres ivrognes ou voleurs pourraient se tromper. Le capitaine dû s’en apercevoir aussi car il finit par faire demi-tour et repartit avec ses hommes. Roan secoua légèrement la tête, sentant bien toute la différence dans cette époque-ci. La doctrine « La paix sans la guerre » n’était qu’un mirage, dans ce temps, une vaste blague à laquelle personne ne pouvait encore croire. Désolant. Il jeta un regard en biais à la Twi’lek bleue avec un légèrement haussement d’épaules, alors que le monde autour retournait enfin à ses affaires.

– Soit, ça pourrait être pire. Vous connaissez des coins en ville agréables à visiter, dites-moi ? Je suis ici pour me détendre, je ne connais que peu cette planète.

– La vallée des lacs est un endroit vraiment sublime et des plus reposant en soit. Calme et sérénité entourent ses lieux. Si vous voulez d'un guide, ça ne me dérange pas de vous y conduire en échange de l'aide que vous m'avez apporté à mon amie et à moi.

– Pourquoi pas ? Je suis là pour visiter, après tout.

Enfin, officiellement. Il était surtout là pour faire le point, réfléchir à tout ça et préparer sa stratégie d'attaque, afin de ne pas foncer bille en tête dans le tas sans savoir que faire ni où aller. Mieux valait perdre un peu de temps au départ mais mieux s'en sortir à long terme que foncer dans le tas sans réfléchir et se retrouver piégé. En cela, il tranchait de manière plutôt vive avec sa fille, qui elle était bien plus du genre à courir d'abord et réfléchir ensuite, souvent lorsqu'il était trop tard, par ailleurs, il commençait à désespérer de lui faire comprendre au mieux les rouages politiques et surtout les rouages de la patience. Enfin. Il laissa la Twi'lek le guider, avec un signe pour qu'elle passe devant, menant le long du chemin une conversation polie, sur quelques banalités. Les dernières nouvelles, surtout, il les connaissait bien après s'être bercé de la chaîné impériale durant trois jours pour se faire une idée. Il s'agissait, par ailleurs, d'une époque étudiée en profondeur, car d'elle venaient bien des bases de leur Empire et même de l'Alliance Galactique.

Roan avait déjà vu quelques représentations de la vallée des lacs, de Naboo, il fallait bien reconnaître que toutes étaient en dessous de la réalité. Un endroit magnifique et apaisant, c'était bien vrai, restait à espérer qu'il ne soit pas détruit comme tant d'autres paysages du même calibre, ravagé par la guerre. Roan avança jusqu'au bord d'un très grand lac, s'accroupissant pour juger de la température de l'eau à cette saison puis s'assit un peu plus loin, sur un rocher en bordure, pour simplement contempler le paysage. Dans ce genre d'endroits, il était bien difficile d'accepter que la guerre ravageait actuellement la galaxie. Voyons voir... S'il s'en tenait à ses cours d'Histoire, les Rebelles avaient eu plusieurs QG, mais lequel était le bon, dans cette année, précisément ? L'étoile noire n'était pas encore d'actualité, Tarkin était vivant... Yavin, donc. Un sourire éclaira son visage, réfléchissant ensuite à son approche. Il ne comptait pas débarquer sur Yavin comme ça tel un bourrin non déclaré, ce serait les braquer directement. Il tourna la tête pour jeter un coup d'oeil à la bluette, un plus détendu à présent.

– Qu'est-ce que vous faites, dans la vie ? Ne me répondez pas danseuse, je ne vous croirai pas.

Le cliché de cette décennie avait donc été esquivé une fois de plus, ô joie. Enfin, « cliché », mettons que cette guerre y contribuait beaucoup, malheureusement, les mentalités étaient toujours très longues à changer. Il s’assit ensuite sur le sable, dos appuyé contre le rocher, pendant que la bluette marchait un peu dans l’eau froide du lac, au bord, sous un soleil maintenant plus perçant et chaud. Roan se redressa un peu en fronçant les sourcils, ayant cru apercevoir quelque chose plus loin, agiter les eaux calmes et replonger. Il ferma un instant les yeux, étendant ses sens, puis perçut par la Force la présence d’une bête plutôt imposante mais qui, par grâce, avait besoin aussi d’une certaine profondeur pour survivre. Sur les bords, ils étaient en sécurité, même si ce n’était pas vraiment là mais bien plus profondément qu’ils pourraient trouver les habitants aquatiques les plus vindicatifs, sur cette planète. Tous les beaux écrins cachaient des perles moins brillantes que d’autres. Et cela s’appliquait à tout, dans cette galaxie.

– Je suis plus à l'aise aux commandes d'un vaisseau, de toute façon, et pas assez féminine pour la danse comme dirait mon père...

Il ne fallait pas forcément l’être, dans le cas des danseuses, ce qui comptait surtout était l’aura dégagée. Roan réprima un long bâillement, la main devant sa bouche, puis referma les yeux en profitant juste du soleil. Depuis combien de temps n’avait-il pas pris un moment simplement pour se poser et ne rien faire de particulier ? Sa fille le lui avait déjà reproché pas mal de fois, insistant lourdement sur le fait qu’un dirigeant qui ne prenait jamais du temps pour le repos était un dirigeant qui s’affaiblissait lui-même et mettait donc en danger les siens. Il aura fallu qu’il change d’époque pour commencer enfin à le comprendre et l’appliquer, belle ironie du sort. Roan rouvrit les yeux, regardant le ciel très bleu et les quelques oiseaux qui y passaient, en ramenant ses jambes contre lui, à moitié allongé. Sa main glissa sur le côté, effleurant son sabre bien caché, puis il reprit sa posture initiale, à savoir mieux assit contre son rocher. Sa fille avait raison, on réfléchissait plus vite lorsqu’on avait l’esprit plus clair et Roan était bien conscient qu’il ne méditait pas assez.

– Il y bien bien longtemps que je n'étais plus revenue ici, cela m'avais manqué.

– Je n’y étais jamais venu, pour ma part, même si j’en ai beaucoup lu, sur cet endroit. J’ai surtout tâché de comprendre pourquoi la Confédération du Commerce s’en était prise à cette planète, il y a des années, ce que ça leur a apporté. Puis, de fil en aiguille, comment tout a dégénéré pour en arriver à la Guerre des Clones. Cette petite planète aura été une plaque tournante avant la fin de la République.

Un outil, rien de plus, le vieillard Sith avait très bien su manipuler la jeune et encore naïve reine Amidala pour la pousser à écarter l’ancien Chancelier et lui ouvrir la première porte du plus haut pouvoir. La Guerre des Clones, elle aussi, avait été un instrument supplémentaire, saboter les fondements de la République, en montrer les travers et les faiblesses, la gangrener et la rendre incapable de contrôler la situation, puis s’octroyer de ce fait de plus en plus en pouvoir. Et enfin, le bouquet final, le Complot ! Quoi que de mieux qu’un bon vieux Complot pour s’attirer la sympathie des foules et se débarrasser en même temps d’un ennemi gênant ? Donnez au peuple un ennemi commun à abattre, c’était la clé de l’affaire et le meilleur moyen de diriger l’attention commune où on le voulait. Et puis, à sa propre époque comme dans celle-ci, les Jedis étaient une cible relativement facile à pointer du doigt. Entourés d’une part de mystère, vivant dans des Temples entre eux, porteurs d’une « Force » que presque personne ne comprenait, les accuser de tout et n’importe quoi était ridiculement simple, ça ne pouvait que fonctionner à chaque coup.

– Vous semblez un peu jeune pour avoir participé à la Guerre des Clones, non ? Pas mal de pilotes y ont laissé des plumes, dans cette affaire. Et les usines d’armement en ont bien profité aussi.

– Non, je n'ai pas connu cette époque. Je n'ai même pas 30 ans, donc tout cela n'est que les histoires des livres, celles de mes aînés, mais c'est tout. Quand je fus en âge de comprendre la vie réellement, l'ancienne République n'était plus qu'un souvenir et l'Empire était bien plus que présent.

Woah, une de plus conditionnée dès le plus jeune âge, alors, il avait au moins gardé un petit espoir que quelqu’un lui ait réellement raconté comment l’ancien temps était, mais non, elle avait eu droit aux livres et sans doute peu de souvenirs racontés. Toujours aussi efficace, la propagande. Il eut un sourire en coin en songeant que temps que les archives n’auront pas été corrigées, de toute manière, l’Empire pourra fourrer ce que bon lui chante dans la tête de tous les mômes de la galaxie, qu’importe la planète, sauf ceux nés de parents rebelles ou sur des planètes pacifiques, neutres, indépendantes ou non encore prises dans la propagande. Bah, c’était l’époque, après tout, ça passera. Pour autre chose de plus dangereux. Un clou chasse l’autre, quelle que soit la pourriture de la planche. Pendant qu’elle s’allongeait complètement sur le sable, il lui lança un regard assez triste, profitant qu’elle ne puisse pas le remarquer, avant de reprendre son air habituel. C’était quand même malheureux, pour cette génération, d’être née sous les drapeaux d’un Empire Sith violent et méprisable… Ils ignoraient ce qu’était un régime politique digne de ce nom, qu’il soit démocratique ou impérial, puisque tant qu’un Sith sera aux commandes, il n’y aura pas de justice ni d’équité.

– Je me demande si un jour la guerre finira ou si elle fait partie intégrante de l'histoire de la galaxie quoi que l'on fasse ?

– Mettons que l’Histoire de la galaxie n’encourage pas spécialement à l’optimisme… Des périodes de paix, parfois très longues, ont existé et existeront encore, cette guerre-ci en finira, comme toutes les autres. Le problème ne vient pas de ça, ce qui déclenche les guerres, ce sont les soifs de pouvoir de certains dirigeants.

Et lorsque ce n’étaient pas les Siths qui s’amusaient à foutre le bordel, c’était vos propres alliés, vos prétendus conseillers ou soutiens qui complotaient dans votre dos, ou bien un groupe voulant conserver ses acquis et les renforcer, un tyran quelconque, ou même tout un peuple dont l’esprit étant tant conditionné par la guerre qu’il ne pouvait pas sortir du cycle de sang, où chaque bébé était biberonné par la violence et les combats. Il sourit avec un air amer, le regard perdu sur les eaux, maintenant très tranquilles, du lac.

– Ce que l’Histoire nous apprend surtout, c’est que même les plus petits groupes sans aucun moyen ou presque ont été capables de renverser des puissances bien installés. C’est bien pour cela que je ris pas mal en voyant beaucoup si sûrs que l’Empire actuel vaincra. Qui peut en être certain, après tout ? Je suis très curieux d’observer ça… L’Empire a plus de moyens techniques et militaires, mais les Rebelles ont bien plus de volonté. Ça va être intéressant.

Roan approuva d’un lent hochement de tête lorsque la pilote lança que la guerre n’était qu’une question de pouvoir et d’argent. Ça pouvait se résumer à ça, oui. Par contre, il trouvait désastreux qu’elle n’ait jamais rien connu d’autre que ça. Elle ignorait qu’on pouvait vivre sous une république ou un empire sans devoir y sacrifier les valeurs sûres de la démocratie au passage, sans devoir renoncer à la liberté ou à la sécurité, en bref, qu’on pouvait respirer librement sous un régime politique, peu importe sa forme, qui ne tourne pas à la dictature la plus complète. De vivre sans ressentir le danger permanent autour de soi. Des générations sacrifiées, comme il les appelait, quel gâchis. A moins que les failles ne puissent vraiment accélérer le dénouement de cette guerre… Non, mais non, bien sûr, il n’avait plus pensé aux Yuuzhan Vong. Qui sait à quel point en étaient ces horreurs, aujourd’hui même ? Peut-être pas encore prêtes, véritablement, à attaquer, mais ça ne saurait tarder. Ils étaient si proches de la bataille de Yavin, chronologiquement parlant. Être projeté dans une autre époque était une chose, mais l’être pour vivre la guerre contre cette race infecte en était une autre.

– Ce n'est semble-t-il pas la puissance qui fait tout, mais aussi la volonté de vouloir stopper les combats. Je pense que je verrais sûrement la vie autrement si je n'avais pas grandi dans un milieu conflictuel. Ma famille a été au service de l'ancienne République, avant de servir l'Empire, c'est ce qui a évité de finir esclave comme beaucoup de Twil'ek à l'heure actuelle, c'est l'argent de ma famille, et son dévouement militaire.

Et ce n’était pas terminé, ma grande, si elle survivait à cette guerre-ci, elle devra ensuite survivre à l’autre. Ensuite, seulement, viendra une période de paix. Il répugnait à y penser, son estomac se tordait d’horreur lorsqu’il repensait à cette guerre et au lot d’horreurs qu’elle allait apporter avec elle, ses mondes ravagés, la peur, le déchirement des populations. Quoi de pire que de savoir ça et ne pouvoir rien faire ? Ils pouvaient avertir, le futur était trop improbable, tout pouvait encore changer, et il ne fallait pas oublier le risque de précipiter un danger alors qu’ils cherchaient à l’éviter… Les Régions Inconnues étaient encore trop méconnues des différents peuples, les Chiss toujours enclavés alors qu’ils avaient pourtant des arguments solides pour se défendre, la Bordure Extérieure était encore une immense porte ouverte, prête à se faire envahir. A côté de cette guerre, le conflit actuel entre les partisans de la République et l’Empire de Sidious semblait bien maigre… Cela dit, l’Ordre Sith n’avait pas encore révélé toute sa puissance, ce conflit pouvait encore gagner en ampleur et violence. Les Rebelles n’étaient pas prêts à affronter ça. Et l’Ordre Jedi ? Il ignorait à quel point ils en étaient, qui était revenu et leurs forces actuelles. Lui-même n’en était pas un mais il maniait la Force, s’il fallait combattre les Siths, ce sera à leurs côtés. Et surtout, l’Ordre devait être un allié ferme de la Rébellion.

– Est-ce que vous avez connu l'ancienne République ?

Il hocha la tête, plongé dans ses pensées, en lançant un regard en biais à la pilote. Connue, oui, on pouvait dire cela, il avait étudié cette époque dans ses racines les plus profondes car il aimait comprendre d’où un conflit prenait ses racines, et surtout, les erreurs à ne pas répéter. Plus que jamais, il était convaincu qu’aucun régime ne pouvait être stable à partir du moment où une personne liée au Côté Obscur en était à sa tête. Les chevaliers impériaux sous ses ordres n’hésiteraient pas à le tuer, si lui-même dérivait, un ordre que Palpatine aurait bien fait de suivre.

– Elle avait des qualités et des défauts. Un long travail de corruption et de sape a été exercée sur elle pour la fragiliser et ainsi mieux la faire tomber, le moment venu. Je crois peu au soit-disant « complot Jedi » contre l’Empereur, les faits sont plus simples. Pour rassembler les peuples, il leur faut un ennemi commun. Et qui de mieux que l’Ordre Jedi pour tenir ce rôle ? C’est une stratégie très simple et efficace. Le problème principal de la République tenait à son manque d’autorité, des dirigeants corrompus ou faibles y étaient installés depuis trop longtemps, là où des leaders naturels et plus forts auraient pu mener le tout bien mieux que cela. Le problème est que ces leaders se révèlent, pour la plupart, durant les guerres.

Il émit un léger rire en se redressant, pensant surtout à des personnes comme Mon Mothma. Lorsqu’elle était encore sénatrice, elle avait tâché d’utiliser la négociation, des solutions pacifiques, des traités et encore d’autres solutions qui jamais n’aurait pu toucher un seigneur Sith comme Palpatine. Puis la guerre était venue, l’Ordre 66, et il avait été temps de passer à des mesures plus concrètes et frappantes. Elle était une excellente leader, rien à redire là-dessus, et par la suite, très attachée à restaurer certaines valeurs. Une personne qu’il avait appris à respecter, en apprenant tout ce qu’il avait pu sur elle, car elle était une politicienne habile, or, c’était de cela dont ils avaient eu besoin après la chute de l’Empereur. Coruscant aura eu bien plus que son lot de guerres, lorsqu’on y pense.

– Un système politique sans défauts n’existe pas. Par contre, des systèmes tâchant de ne pas utiliser la peur ou la violence comme arguments peuvent durer et conquérir les cœurs. Je suis convaincu qu’il est possible pour un régime d’être accepté et aimé par les peuples sans recourir à la violence.

Et pour cause, c’était ainsi que l’Empire Galactique s’était développé, depuis Jagged Fel, son grand-père, puis son père, et enfin lui. Et cela aurait poursuivit ensuite avec sa fille si un certain seigneur Sith à l’allure douteuse ne s’était pas mêlé de cette histoire.

– Il est navrant que la Doctrine Tarkin soit de mise, à présent, cela n’incite qu’à plus de Rébellion encore.

Un vieil adage disait « Plus c’est gros et mieux ça passe », celui qui avait sorti le premier avait entièrement raison. C’était le principe même de la manipulation, les beaux parleurs et les manipulateurs en savaient quelque chose. Ça plus un peu de terreur ambiante et on était parti pour une guerre civile qui n’en finissait plus. Il y avait presque de quoi être blasé, par tout ça, les idéaux étaient déjà dur à mettre en place, mais les conserver sur le long terme l’était encore plus. Au fond, Roan admirait profondément le courage de tous ces hommes et femmes, toutes races confondues, qui s’étaient levés pour faire face au tyran actuel, de cet Empire, et qui s’étaient battus pour le faire chuter. C’était grâce à eux que plus de liberté et de sécurité avaient pu revenir et que des régimes s’étaient remis en place sous l’impulsion des peuples. Roan appuya sa tête en arrière, contre le rocher, un léger sourire amer aux lèvres en pensant que pas mal de personnes, hélas, ne pourront jamais comprendre la mentalité « La paix durable et possible sans la guerre ». Les Siths n’étaient pas fichus de comprendre ça, tout le problème était là. S’ils se contentaient de mener leurs recherches ou se massacrer entre eux en oubliant les autres peuples, ce serait parfait ! Roan ne souhaitait pas que le Côté Obscur disparaisse, pour ne pas compromettre l’équilibre, en revanche, il voudrait faire en sorte que les Siths contrôlent leurs pulsions de meurtre et de domination de toute race vivante.

– A ce niveau là, je préfère ne pas me prononcer. En tout cas, il est très agréable de parler avec vous et d'en savoir un peu plus sur son histoire passée, parce que c'est pas dans les livres qu'on y trouvera de quoi faire.

– Tout dépend des endroits où on s’informe.

Ce n’était clairement pas en travaillant avec l’Empire, de près ou de loin, qu’on allait être bien instruit, encore moins en grandissant sur un monde sous domination Impériale. Cette époque était juste une accumulation sans fin de gâchis, rien de plus. Gâchis de vies, gâchis de ressources, gâchis de moyen, gâchis d’énergie. Il ne dit plus rien ensuite durant un long moment, se contentant de profiter de la chaleur et du soleil tout en continuant de réfléchir à son plan. D’ordinaire, il n’utilisait que peu la Force, plus centré sur ses activités politiques, mais aujourd’hui, il allait devoir en user de façon plus significative. Kol était-il dans cette époque ? Bien que ça ne soit pas formidable d’espérer ça, il se prit à le faire, il serait plus… Disons, soulagé et réconforté d’avoir une personne issue de la même époque que lui à qui parler et avec qui travailler. Et puis, c’était la famille, malgré leur éloignement. C’était par ça qu’il comptait commencer, ce sera plus simple que d’aller directement trouvé les Rebelles. Il restait de nombreuses questions auxquelles il voulait des réponses et devait aussi savoir qui étaient les Jedis revenus dans ce temps. Ainsi que les Siths. Si ces failles duraient depuis quelques années, ou même quelques mois, de nombreuses personnes devaient être présentes. Roan n’était pas membre de l’Ordre, par contre, s’il devait se battre, ça ne sera jamais au service du Côté Obscur.

– Soit, merci à vous de m’avoir montré cet endroit, j’y repasserai avant de quitter la planète. Le repos, c’est bien joli, mais ça ne peut durer qu’un temps.

Il se releva et secoua un peu ses vêtements pour en enlever le sable, lançant un autre long regard sur la surface paisible du lac. Il se rappellera cette image lors des moments de plus grande tension ou lorsqu’il sera plus fatigué.

– Passez une bonne journée.