Le temps de la moisson [Rosas]

Les jours, les semaines avaient passé depuis que sa route avait recroisé celle de la jeune Sky-Larek. Une nouvelle rencontre qu’il avait agrémenté de la visite de sa planète natale, Dathomir. Bien sûr, ils n’avaient pas parcouru toute la surface… simplement effleurer ce que cet endroit avait à offrir.

De ce qu’il avait compris, Il la savait en formation auprès d’une personne n’étant ni Jedi ni Sith mais entre deux. Tout comme elle désirait l’être : à cheval sur la Force, sans vraiment pencher d’un côté ou de l’autre. Outre le fait qu’il n’avait pas nécessairement envie de rencontrer ce « maître » car la discussion serait sans doute aussi inutile que brève, il avait tout de même fait en sorte de laisser quelques graines dans l’esprit de la jeune femme.

Des graines du Côté Obscur.

La visite qu’il avait faite au village des Sœurs de la Nuit, mais aussi des Frères de la Nuit et la « confrontation » avec le Rancor avaient tous fait partie de ce processus. Un processus lent, qui prenait son temps mais qui permet d’ancrer profondément les racines des ténèbres sans que la victime ne s’en aperçoive. Une attirance vers l’obscurité douce et rassurante… comme un réconfort dans la tempête.

Il avait laissé s’écouler suffisamment de temps, à présent. Les graines devaient avoir doucement mûri... et il était temps de le constater de ses propres yeux.

Utilisant un des vaisseaux de l’Aube Écarlate, Maul se rendit sur la planète dont elle lui avait vaguement parlé : Chandrila. Une planète qui allait radicalement le changer de Dathomir au vu de ses paysages rappelant un peu Alderaan, un savant mélange de nature et de technologie moderne. Usant d’un nom d’emprunt comme à son habitude ainsi que d’un transpondeur codé, il se rendit au spatioport le plus proche. Et ensuite ? Ensuite…

Il laissa faire la Force.

Le Zabrak utilisa un des speeders mis à disposition et s’enfonça rapidement parmi la ville puis les villages. Demander son chemin tout en conservant son visage masqué n’était pas très difficile et certains habitants agricoles semblaient connaître la femme dont il leur donnait la description… avant d’effacer leurs mémoires de sa présence. Aussi finit-il par trouver celle qu’il cherchait.

Laissant le speeder à l’entrée du village et conservant son capuchon sur la tête, il s’approcha de la silhouette féminine qu’il reconnut.

- Bonjour, Rosas.

- Ta compagnie me manque toujours, répondit-il sur le même ton avec un sourire amusé.

Le Zabrak s’avança vers elle pour la saluer d’un léger signe de tête.

Il remarqua les taches sombres de terre sur le bas de ses vêtements ainsi que l’odeur de l’herbe et de ce qui semblait être des légumes flotter dans l’air quand elle bougeait. De toutes évidences, elle devait arrondir ses fins de mois en travaillant en dehors de son métier de mercenaire pour pouvoir manger à sa guise ou subvenir à ses besoins de manière générale.

- Puis-je me joindre à toi ?

Il n’avait pas quitté sa planète uniquement pour faire du tourisme. Comme bon Sith qui se respectait, il ne faisait jamais les choses par hasard. D’autant qu’il désirait voir de lui-même où les « graines de corruption » en étaient… et y remédier au besoin.

Sans compter qu’accessoirement, cela lui permettrait peut-être de recruter parmi les locaux avides d’aventure et de sensations fortes.

Maul ne se fit pas prier et lui emboîta le pas. Il ne lui proposa pas non plus son aide, voyant qu’elle se débrouillait avec la Force pour l’aider dans sa tâche. La question ne le surprit pas plus que cela, il s’en était quelque peu douté et attendu.

- Je viens pour le plaisir de te voir, bien sûr.

Une réponse sur le ton de la taquinerie. Comme diraient certains : « À question stupide, réponse du même acabit. »

Certes, cela ne lui conviendrait probablement pas. Ce qui ne serait pas étonnant au vu de sa taquinerie actuelle. Aussi préféra-t-il préciser après avoir levé les yeux vers le ciel d’un bleu éclatant qui lui changeait radicalement de Dathomir et de son ciel sombre et parfois écarlate.

- Je me demandais à quoi pouvait bien ressembler un monde où un sensitif cherche son… équilibre de la Force.

Le dernier mot avait été prononcé avec une légère amertume, lui qui avait du mal à concevoir ce genre de chose mais qui ne crachait pas délibérément dessus non plus. S’il voulait voir les grainer germer, mieux valait y aller en douceur et sans la braquer.

Silencieux, il la suivit jusqu’à la cantina. L’endroit était bruyant – comme on s’y attend dans la plupart de ce genre d’établissement – mais avait aussi quelque chose de chaleureux qui le fit tiquer et légèrement grimacer. Il comprit rapidement pourquoi : dans un lieu aussi perdu dans la nature que celui-ci, tout le monde se connaissait et respirait la sympathie envers son prochain. Trop de courbettes et de sourires pour lui… il préférait les lieux comme ceux de Nar Shadaa.

Toutefois, il se garda bien de faire la moindre remarque. Légèrement en retrait, bras croisé et épaule appuyé contre le mur de la cantina, le Zabrak observa faire la jeune femme donner le résultat de sa cueillette au gérant de l’établissement avant d’offrir maints saluts à qui de droit et de rassurer les enfants.

Il se redressa seulement quand elle revint vers lui.

- Non, merci.

Rien que de voir ce genre de débordement d’émotions lui coupait quelque peu l’appétit. Lui qui était habitué à des milieux carcéraux ou à pire. Il n’attendit pas vraiment pour sortir de la cantina puisque le travail de livraison avait été effectué.

- Ton mode de vie actuelle a tout de celui d’un Jedi. Il ne te manque plus que de faire pousser tes propres légumes et vivre en autarcie en rendant seulement visite aux villages voisins pour avoir de l’eau ou leur apporter la guérison.

Ce n’était pas une critique – quoique – mais juste un simple constat. Certes, à cause de la Purge, les Jedis devaient se cacher et trouver un moyen de survivre… mais de ce qu’il avait vu chez Kenobi, cela ressemblait beaucoup à ce qu’elle faisait actuellement.

- Je n’ai pas très faim… je te l’ai dis : avec ma condition, je fais attention.

Pas toujours facile d’être mi-synthétique et mi-humain. Si certaines choses avaient leurs avantages, d’autres avaient certains inconvénients… comme subvenir à ses besoins de « nourriture » sous toutes ses formes.

Cette fois, il ne put s’empêcher d’avoir un début de rire qu’il finit par étouffer entre ses dents serrées. Ses épaules légèrement secouées témoignaient, en revanche, de son hilarité intérieure. Toutefois, il rattrapa bien vite d’une main ferme la pomme lancée grâce à la Force en direction de sa tête. Pomme qu’il lança un moment en l’air tout en parlant.

- Tu peux dire le contraire et me lancer autant de pommes que tu veux, c’est bien la vérité. Et pour reprendre tes mots… tu te « coinces » toi-même ici alors que la galaxie te tend ses bras.

Maul cessa de lancer sa pomme en l’air pour la regarder, son sourire n’étant plus qu’un souvenir.

- Les Jedis ne chercheront pas ouvertement à te recruter, ils se cachent. Les Siths sont… en conflit, d’après mes sources. Sans compter la pandémie qui a décimé bon nombre de vies, personne ne cherchera à te faire du tort. Alors pourquoi s’en priver ?

Le Zabrak l’écouta réfuter ses arguments. Ou plutôt, répondre à ses remarques. Il l’observa attentivement, jaugeant ses réactions de son regard incisif. Dans sa main, la pomme demeurait toujours de son rouge luisant bien qu’il l’avait complètement délaissée.

- Tu vis une paix éphémère.

Il savait Coruscant très proche. Après tout, ils étaient dans le monde du noyau. L’Empire ne détruirait pas cette planète parce que ses ressources étaient bien trop précieuses. Mais la revendiquer, placer des garnisons et faire venir des Inquisiteurs pour tenter de traquer des Jedis… il y avait des chances. Pour le moment, c’était un décor de rêve. Mais cela n’était probablement pas amené à durer.

Maul ne répondit pas à sa question. À la place, il en posa une autre :

- Tu es en colère ?

- Je ne juge pas, je fais un simple constat. Si je te jugeais, je dirai qu’une bonne douche ne te ferait pas de mal.

Taquinerie mêlée d’une pointe de sarcasme ? C’était possible. Un soupir lui échappa alors qu’il jetait la pomme qui alla rejoindre le bord du chemin où ils se trouvaient, bien vite récupéré par un animal sauvage qui prit aussitôt la poudre d’escampette avec son butin.

Le Zabrak reporta ensuite son attention sur la jeune femme.

- Viens avec moi.

Sa phrase avait été abrupte, sans qu’il ne cherche à y mettre les formes ou tenter de tourner autour du pot.

- Viens avec moi et je te ferai voir de quoi tu te prives en restant ici. Ce n’est pas le genre de chose que l’on peut expliquer par des mots. Il faut le vivre, le sentir… le ressentir et l’éprouver.

Ses yeux étaient brillants, presque brûlant et contrastaient avec le calme de sa voix.

- Un mois, peut-être deux… et ensuite, tu choisiras ce que bon te semble et tu n’entendras plus parler de moi.

Bien sûr qu’il s’attendait à un refus. Après tout, il lui demandait de quitter cette paix relative et cette terre où tout le monde se connaissait et vivait en parfaite cordialité.

Je sais que je devais prendre une bonne douche, ce n'était pas un luxe bien au contraire et je souris un peu à sa remarque

C'est ce que j'avais prévue de faire, si on ne s'était pas croisé

Partir ? Loin d'ici durant un moment sans pouvoir revenir pour découvrir le monde autrement ? Je ne voulais pas laisser Sarkiss, j'avais encore mon entraînement avec elle et je préférais essayer de lui en parler avant de me décider

Je ne sais pas, je ne peux pas partir comme ça en abandonnant tout pour allé je ne sais où, faire je ne sais quoi avec toi

Je soutenais son regard sans ciller et me rapprocha de lui

Tu veux que je vienne avec toi, un mois, ou deux, mais pourquoi je devrais choisir de te suivre toi et pas un autre ?

Cette fois, Maul avait abandonné toutes formes de taquinerie. Il était parfaitement sérieux. Il tiqua légèrement sur le mot « abandonner » qu’elle employa alors qu’il n’avait rien mentionné de tel. Pas pour le moment, en tout cas. Toutefois, il se garda bien de rebondir dessus.

Pourquoi, oui ? Voilà qui était une bonne question.

- Parce que, contrairement à un ou une autre, tu sais que je peux t’apporter beaucoup. D’un point de vue spirituel et physique.

Ne lui avait-il pas montré une infirme partie de son savoir en ce qui concernait la Force et tout ce qui en découlait ? En particulier la sorcellerie Sith, quand bien même il était davantage un guerrier, son sang était celui des Frères et Sœurs de la Nuit. Le sang des sorcières de Dathomir.

- Mais cela… c’est à toi qu’il incombe de choisir. Je ne désire pas te forcer la main, sois-en certaine.

Cela risquerait de briser ce qu’il avait planté en elle à son insu. Cela, il n’en était pas question.

- Je l’ai constaté, répondit-il à sa première remarque concernant le fait qu’elle se sentait très bien ici.

Il fallait être aveugle pour ne pas le voir, d’ailleurs. Ici, la jeune femme était aimée. Autant par les habitants du village voisin que par les enfants qui lui avaient réclamé des histoires. Cela se voyait comme les poils d’un Wookie.

Mais cela, de son point de vue, n’était pas une vie pour quelqu’un désireuse d’apprendre les secrets de la Force. Pour une personne voulant fonder une famille et s’isoler du reste du monde, en revanche, cette situation correspondait bien. Allait-elle s’en rendre compte par elle-même ? C’était tout l’intérêt de la chose.

- Je le sais, tu n’exercerais pas le métier annexe de mercenaire si ce n’était pas le cas, dit-il concernant son amour de l’indépendance.

Il haussa légèrement une arcade sourcilière à sa question, pensant avoir été suffisamment explicite concernant le plan physique :

- J’entendais par là la voie physique des sorcières. Tu croyais que je parlais d’autre chose de physique ?

Il inclina légèrement sa tête à l’affirmative, approuvant ses paroles. Ce n’était pas bien difficile de deviner à qui elle pouvait tenir… sans compter les personnes qui tenaient à elle. Une chose que le Sith ne comprenait pas et ne comprendrait sans doute jamais. Bien sûr qu’il connaissait la jalousie, la possession et l’attachement fort que l’on peut avoir envers des personnes. Mais depuis que l’Empereur avait tué Mère Talzin et son frère, tout était différent.

Lorsqu’elle l’éclaira sur ce qu’elle avait eu à l’esprit quand il avait fait mention de « physique », il oscilla légèrement sa tête.

- Charnel ?

Le Zabrak ne voyait pas ce dont elle pouvait faire al…

- Oh.

L’éclair de compréhension passa brièvement dans ses iris jaunes cerclé d’orange. Ce genre de « physique » là donc ? Maul ne put s’empêcher d’avoir un léger sourire amusé quoique légèrement crispé, avant de dire tout haut ce à quoi il songeait :

- Au risque de te décevoir, je ne peux plus faire preuve de relations charnelles de ce genre : la limite organique de mon corps s’arrête là où se trouvaient les os de mon bassin. Le reste… n’existe plus.

Il écarta un moment les pans de sa cape et du vêtement qu’il portait pour lui montrer plus clairement ce qu’il voulait dire.

La jonction entre le haut organique et le bas synthétique de son corps se faisait par ce qui ressemblait à une large et épaisse ceinture mêlée de cuir et de métal qui remontait jusqu’en bas de sa cage thoracique. De quoi soutenir le haut de son corps sur le support de métal sans le moindre problème.

Le Zabrak laissa retomber le tissu, ramenant à l’ombre ce qui était tellement étrange à la lumière.

Les yeux du Zabrak étincelèrent un instant quand elle pointa du doigt son manque d’imagination.

- Ne me sous-estime pas sur ce point. Nous avons tous des besoins et je ne fais pas exception, même dans mon état : j’ai appris à pallier à ce genre de désagrément. Et certains paliers impliquent l’utilisation de la Force que tu ne soupçonnerais même pas.

Il cilla.

Qu’elle lui serve de guide par la suite… Quand bien même il avait vu ce pour quoi il était venu sur cette planète, il ne tenait pas à tout briser. Aussi inclina-t-il légèrement sa tête à l’affirmative à sa proposition.

- Je te suis.

Et puis, cela le changerait des longues lignes de chiffres divers et variés ainsi que l’accumulation de données qui pouvaient défiler sur ses datapads et écrans à longueur de journée. Bien moindre maintenant que les choses étaient rentrées dans l’ordre, mais toujours aussi barbants.

Maul lui emboîta donc le pas pour la suivre jusqu’à la modeste demeure qu’elle habitait, et qui tranchait avec la modernité de la ville où se trouvait le spatioport. En fait, ce lieu était à l’image du petit village qu’ils avaient quitté.

Il entra dans ladite demeure, observa tout autour de lui. Le minimum syndical en guise de meuble, le reste était recouvert par divers objets. Le genre de chose qu’il s’attendait quelque peu à trouver chez une archéologue, comme c’était son cas. Il comprenait mieux pourquoi son vaisseau était peu encombré : tout allait ensuite ici.

Il n’avait pas véritablement besoin de s’installer, il n’avait aucun sac de voyage ou quoique ce soit d’autre. Ce qui était « important » était resté dans le vaisseau au spatioport et sous bonne garde. Le Zabrak resta donc debout pendant que la jeune femme allait se doucher et se changer.

Il était en pleine contemplation d’un holocron quand elle revint dans le salon.

- Qu’as-tu à me proposer ? dit-il en réponse à sa question. C’est toi qui connais le mieux cette planète de nous deux, c’est donc toi la plus à même de savoir ce qui pourrait m’intéresser.

Maul l’écouta silencieusement avancer ses arguments sans la reprendre. Pas plus qu’il ne chercha à répliquer quoique ce soit. À la place, il fut une chose qu’aucun de ceux qui ne l’avaient connu de son précédent vivant auraient pu penser cela capable venant d’un être comme lui.

- Je te présente mes excuses : je ne voulais pas de froisser ou insulter ton mode de vie.

Son attention se porta ensuite sur l’holo-projection de la carte de Chandrila. Il devait bien admettre que la représentation était assez spectaculaire, surtout pour du « fait-main » dans un endroit aussi reculé que celui-ci.

Le Zabrak passa un moment à observer attentivement la carte. Ses yeux se levèrent ensuite vers son interlocutrice.

- Montres-moi la… simplicité de ce monde dont tu me parlais. S'il-te-plaît.

Un effort de sa part ? Possible.