Droit de passage

Voilà au moins un travail bien fait, qui avait pris du temps mais les résultats étaient satisfaisants. Et tant que l’Ascendance restait protégée le mieux possible, ils ne pouvaient qu’être contents. C’était toujours ainsi, dès lors qu’un problème survenait, tout le reste suivait en file indienne, comme s’il fallait attendre d’avoir un gros souci pour être submergés par dix autres d’un seul coup. Très bien, le cas des académies militaires était vu, celui de la Flotte de Défense aussi, il restait par contre à voir pour les frontières avant de passer à la suite. Voilà à peu près six bonnes heures que tous les Aristocras étaient occupés à travailler ensemble dans cette salle du Parlement, passant en revue les dossiers sensibles du moment.

Un autre dossier sensible était celui de la préparation de l’expédition, pour retrouver les survivants du Vol vers l’Infini. Maintenant, ils avaient non seulement les coordonnées mais aussi, grâce à Feesa, la certitude qu’il y avait des survivants au crash et qu’ils pouvaient être amenés sur un monde neutre ou bien rendus à la République, enfin l’Empire maintenant, retrouver leurs familles pour ceux qui en avaient encore à les attendre. Selon Feesa, il y avait au moins une cinquantaine de survivants, quoi que, sans doute un peu moins aujourd’hui car il y avait dû avoir des naissances, entre ce temps et celui que sa nièce avait connu. Admettons qu’ils soient entre trente et quarante, ils avaient dû s’installer en colonie non loin de l’épave, où ils pouvaient trouver des ressources.

Cette affaire arrivait alors qu’un nouveau venu, que personne n’attendait, était arrivé des failles… On pouvait dire qu’il tombait à point nommé, si la Force avait vraiment une sorte de conscience développée, elle avait donc un sens de l’humour très particulier. Il ne manquerait plus que le retour du Jedi Fou ! Entre lui et la jeune Jedi… Aucun d’entre eux n’avait été vraiment surpris de la demande de Jinzler à faire partie de l’expédition, et celle de Thrass n’était pas plus malvenue. C’était la question des autres participants à cette affaire qui soulevaient des questions. Formbi était d’accord sur le fait qu’il fallait clôturer cette affaire une bonne fois pour toute, cependant… Il tourna la tête vers son confrère de droite, Udoz, lorsqu’il reprit la parole, l’air impassible.

– La présence de votre nièce me semble en effet indispensable, Formbi. Elle a participé à l’expédition, d’où elle vient. En revanche, celle de son maître Jedi… A-t-il besoin de l’accompagner ? Elle peut sans doute se défendre et elle ne sera, de toute façon, pas en danger avec son propre peuple.

– Il ne faut pas non plus oublier le risque causé par ces failles, l’interrompit une autre consœur. Ce vaisseau est un bon terrain pour que cette Force y jette Jorus C’Baoth parmi nous. Chaf’ees’aklaio n’est pas encore assez entraînée, quant à la Jedi Jinzler, nous ignorons si elle pourra combattre celui qui l’a jadis formée. Par ailleurs, que Chaf’ees’aklaio ait son mentor près d’elle évitera les accidents liés à la Force. Il y a déjà assez de problèmes comme cela.

– Et pour Thrawn et Vanto ? ajouta le vieux Thrans. Je suis d’accord sur le fait qu’il faille au moins une personne appartenant au gouvernement Impérial dans le cas où certains survivants veulent regagner leurs mondes. Et sur le fait qu’il serait bon que tous les anciens ou nouveaux participants à cette affaire en terminent une bonne fois pour toute. Cela dit, Thrawn est exilé.

S’ils tombaient tous d’accord, ils pourraient éventuellement lui accorder le droit de passage… Formbi ferma un court instant les yeux, en se frottant lentement la tempe. Il était partagé entre l’envie qu’ils en terminent une bonne fois pour toute, son refus de voir l’amiral revenir dans les parages et une certaine culpabilité qu’il n’avouera jamais à qui que ce soit.

– Il est exilé, justement. Si nous commençons à faire un écart là-dessus, jusqu’où ira-t-on ensuite ?

Thrass était vraiment la dernière personne que Veeren aurait cru voir revenir à travers ces failles et elle n’était sûrement pas la seule à le penser. En ce qui concernait les Jedis, les Siths et tout ça, elle avait fini par s’habituer à l’idée, mais Thrass ? L’ancien Administrateur de la huitième famille, mort il y a presque trente ans, dont personne n’avait jamais soupçonné le plus petit lien avec la Force ? Et si lui l’était, était-il possible que son frère le soit aussi ? L’Aristocra avait cru comprendre que ce truc était héréditaire, pouvant toucher toute une famille. Cette histoire allait encore faire grincer des dents, ils n’étaient que très peu nombreux à accepter de considérer la Force d’un autre œil et faire l’effort de comprendre. D’autant plus que la Force avait l’air de toucher plus particulièrement les membres du Clan Nuruodo.

Veeren avait été assez outrée, lors des funérailles de Larin, devant la réaction de beaucoup, considérant que la disparition d’une sensitive, d’une Jedi plutôt, n’était pas si grave ou important, en soi. Non seulement ils crachaient sur la mémoire d’une femme s’étant battue pour les protéger au même titre que toutes les personnes mortes de la maladie, mais en plus de cela, ils dénigraient la douleur de ses parents et sa famille proche. Bien sûr, elle comprenait qu’on puisse ne pas comprendre la Force ou la détester, c’était ancré dans leur culture, ceci étant, elle n’acceptait pas qu’on crache sur la mémoire des défunts, ayant dévoués leurs vies à protéger les autres. Il était en tout cas bon que les parents de Larin aient pu récupérer le corps de leur fille, qu’elle soit inhumée parmi les siens plutôt que sur on ne sait quelle autre planète. Sur Csilla, personne ne perturbera son repos.

Honorer les morts et faire en sorte que l’Ascendance reprenne le cours normal de son existence avait pris du temps et n’était pas complètement achevé. Ils avaient une autre très vieille affaire dont l’Aristocra apprécierait beaucoup en finir. Si l’organisation en elle-même n’était pas si problématique, la question de qui devait y participer soulevait déjà plus de débats. Ils aimaient laver leur linge sale en famille, mais cette histoire ne concernait pas que l’Ascendance. Avant de quitter l’Espace Sauvage, Veeren avait brièvement rencontré Jinzler, cette dernière avait fait part de son souhait à participer à l’expédition. Une demande légitime, ce n’était pas elle qui posait problème mais la question des autres « invités ». Deux autres, surtout, Skywalker et Thrawn. Veeren doutait, de toute façon, que Skywalker meure d’envie de revenir dans les parages, s’il le fera, ce ne sera que pour son élève.

– Il ne faut pas non plus oublier le risque causé par ces failles. Ce vaisseau est un bon terrain pour que cette Force y jette Jorus C’Baoth parmi nous. Chaf’ees’aklaio n’est pas encore assez entraînée, quant à la Jedi Jinzler, nous ignorons si elle pourra combattre celui qui l’a jadis formée. Par ailleurs, que Chaf’ees’aklaio ait son mentor près d’elle évitera les accidents liés à la Force. Il y a déjà assez de problèmes comme cela.

– Et pour Thrawn et Vanto ? Je suis d’accord sur le fait qu’il faille au moins une personne appartenant au gouvernement Impérial dans le cas où certains survivants veulent regagner leurs mondes. Et sur le fait qu’il serait bon que tous les anciens ou nouveaux participants à cette affaire en terminent une bonne fois pour toute. Cela dit, Thrawn est exilé.

Amusant, la présence du jeune officier que Thrawn leur avait envoyé ne leur posait déjà plus de problèmes particuliers, il avait su faire bonne impression. Veeren souffla un peu sur son gobelet de café pour le refroidir, avant de boire, voyant du coin de l’œil la lassitude de Formbi. Toujours rancunier ? A sa place, elle culpabiliserait, plutôt, il était après tout l’un des responsables du dénouement malheureux de cette affaire. Thrawn avait sa part de tords, Formbi aussi, il serait trop simple de blâmer uniquement l’un ou l’autre. Et c’était d’ailleurs bien pour cela que Veeren pensait que l’un comme l’autre devaient participer à achever cette histoire.

– Il est exilé, justement. Si nous commençons à faire un écart là-dessus, jusqu’où ira-t-on ensuite ?

– C’est une affaire particulière, souligna Veeren.

Elle reposa son gobelet devant elle, assez loin de ses affaires pour ne pas tout renverser par accident, puis reporta un regard serein sur leur confrère. Ce qui était au moins agréable, avec lui et à force de le côtoyer, c’est qu’on apprenait la patience et à ne pas réagir à toutes ses piques agressives.

– Vous avez tous les deux une part de responsabilités dans cette affaire. Thrawn a payé plus fortement car il avait déjà un casier judiciaire bien rempli, c’était la goutte de trop. Aujourd’hui, vous avez l’opportunité de réparer le tord causé, en y mettant tous les efforts nécessaires, vous pourriez vous racheter. Tout comme Thrawn. Nous aimerions tous, ici, apposer un point final à cette histoire, elle ne traîne que depuis trop longtemps.

Certains visages affichèrent des airs approbateurs, autour de la table, au-delà des ces affaires de failles et d’on ne savait quoi, la volonté d’enfin oublier le Vol vers l’Infini était très tentante. Toutes leurs tentatives pour retrouver le vaisseau s’étaient soldées par des échecs, maintenant qu’ils avaient enfin une information fiable… La question de savoir qui participera ou non restait secondaire, aux yeux de Veeren, elle était plus pressée d’en terminer avec ça. Ils avaient bien autre chose à gérer et à penser.

– Souhaitez-vous vraiment réparer les tords causés dans le passé, Chaf’orm’bintrano ?

– C’est une affaire particulière.

Pas plus que tout le reste, pas plus que les failles et pas plus que les ennuis que les Siths avaient causés, surtout la pandémie ! Formbi haussa légèrement les épaules, ne voyant pas en quoi cette histoire était plus compliquée ou délicate que les autres. Il ne s’agissait de rien d’autre qu’une expédition de secours, ils en avaient déjà mené d’autre, même si aucune n’avait jamais été faite pour des humains. Et surtout, permettre à des exilés de revenir pour y participer ? Celle-là, il attendait bien de voir comment Veeren comptait le justifier ! Croisant les bras, il se laissa retomber appuyé contre le dossier de sa chaise, rendant son regard à leur consœur avec un léger sourire ironique. Allez donc, il était tout à son écoute ! Comme d’autres, d’ailleurs, il n’était pas le seul à tiquer sur l’idée de laisser Thrawn revenir dans les parages.

– Vous avez tous les deux une part de responsabilités dans cette affaire. Thrawn a payé plus fortement car il avait déjà un casier judiciaire bien rempli, c’était la goutte de trop. Aujourd’hui, vous avez l’opportunité de réparer le tord causé, en y mettant tous les efforts nécessaires, vous pourriez vous racheter. Tout comme Thrawn. Nous aimerions tous, ici, apposer un point final à cette histoire, elle ne traîne que depuis trop longtemps.

Mettre tous les efforts nécessaires incluait donc, pour elle, d’accepter le retour d’un exilé pour aider à retrouver le vaisseau puis les survivants ? Formbi s’était assez raidit, sentant la culpabilité lui ronger un peu plus le ventre, même s’il n’était pas question qu’il le dévoile. Il savait très bien qu’il n’aurait pas dû réagir de cette façon, mais tout de même ! De là à accepter de… Comme pour bien enfoncer le clou, ce qui était sûrement son but de toute façon, Veeren lui demanda s’il souhaiter vraiment réparer les tords du passé. Un petit silence était tombé, sur la salle, tandis qu’il croisait les bras en fixant sa consœur. Partagé entre cette envie d’en finir et le refus d’autoriser Thrawn à poser ne serait-ce qu’un orteil sur Csilla de nouveau.

Ce fut finalement la part bien cachée et enfouie de culpabilité qui finit par avoir le dernier mot, en plus d’une vieille conversation lui remontant en mémoire, avec sa petite sœur. Très bien, très bien… Il soupira très longuement puis donna finalement son accord, jetant ensuite un regard aux autres pour voir ce qu’ils en pensaient. Le silence dura encore un instant, visiblement, personne n’avait cru qu’il allait dire oui. Ça va, hein, on passe à la suite ! Le temps que tout le monde prenne la parole et qu’il en sorte une décision finale, il s’efforça de se décontracter, respirer profondément et se rasseoir correctement. Ce voyage s’annonçait… tout particulièrement éprouvant. La tête de nœud de Skywalker PLUS la tête épuisante de Thrawn, en même temps… ? Il ne savait même pas lequel des deux l’agaçait le plus…

– Donc, comment s’organise-t-on avec tout ce beau monde, avant le départ ? Je peux héberger les Jedis, en attendant. Thrawn et son frère ont une maison, ici, ils peuvent aussi garder Vanto avec eux.

Mais c’est qu’il savait être raisonnable, quand il voulait, bravo Formbi ! Comme elle était fière de lui, en cet instant, ça avait dû lui coûter un si gros effort que d’ouvrir la bouche pour prononcer une parole allant contre ses convictions les plus profondes. Veeren ne laissa pas transparaître son amusement, même si un membre de sa famille proche l’aurait lu sans peine dans son regard. Bien, on allait pouvoir avancer, la question de Thrawn n’était pas la seule dont ils devaient s’occuper. Chacun donna son avis sur le sujet, tour à tour, même les plus rétifs finirent par se ranger à l’avis qu’il valait mieux en finir, une bonne fois pour toutes, et que les anciens responsables ou participants de cette affaire devaient y mettre un effort. Ils auraient donc… Thrawn, Thrass, Formbi, peut-être Ewime si elle devait calmer le jeu avec son frère, elle-même, les Jedis, Feesa…

– Donc, comment s’organise-t-on avec tout ce beau monde, avant le départ ? Je peux héberger les Jedis, en attendant. Thrawn et son frère ont une maison, ici, ils peuvent aussi garder Vanto avec eux.

– Bonne idée.

Thrass devra sans doute promettre de garder un œil sur son frère, pour calmer les membres du Conseil encore très réticents à l’idée, mais mis à part cela… Ils avaient un peu de temps avant de faire venir tout le monde, Vanto était rendu on ne sait où, Lorana avait déclarée rester dans la Bordure Extérieure donc elle pourra être assez vite dans les Régions Inconnues, avec Feesa et Skywalker. Même s’ils venaient un moment à l’avance, ce ne sera pas gênant, ils pourront aussi en profiter pour discuter avec Skywalker, elle avait pu apprendre par Ewime qu’il était entré au conseil de son Ordre. Assez prévisible. Ils discutèrent un moment des détails purement pratiques, notamment sur les routes à leur faire emprunter puis les façons, ensuite, de garder un œil permanent sur eux. Le sujet en revint assez vite sur Thrass, cette affiliation à la Force qu’on venait de lui découvrir en gênait plus d’un.

Le rejet envers les sensitifs ne s’était pas calmé durant la pandémie, très loin de là, même avec deux, maintenant trois, des leurs dont ils savaient très bien qu’ils étaient sensitifs et qu’ils ne s’en cachaient pas. Les deux jeunes qui s’entraînaient avec l’Ordre Jedi, ça ne passait pas et Veeren le ressentait encore plus aujourd’hui. Elle écouta ses confrères en silence, dans un premier temps, gardant un petit regard en biais pour Formbi qui ne devait sûrement pas apprécier qu’on désigne sa nièce comme une sorte de future Sith folle en devenir, tant elle sera corrompue par la Force en s’entraînant. Mais auraient-ils vraiment pu l’empêcher de quitter l’Ascendance pour l’Ordre Jedi ? Beaucoup, dans le Conseil, revenaient sur leur volonté d’en apprendre un peu plus sur la Force, tant la pandémie et le cas de Darth Plagueis les avait inquiété et bouleversé.

Darth Plagueis, oui… Celui-là pourra se vanter d’avoir causé de très nombreux tords. Veeren avait été heureuse en voyant que les siens étaient prêts à au moins apprendre un peu plus ce qu’était la Force et ceux qui s’en servaient, et voilà qu’on en revenait brusquement au point de départ. Elle ne pouvait pas dire que ça la surprenait vraiment, c’était une conséquence attendue, en revanche, ça la lassait un peu. Faire un premier pas avait déjà été très compliqué, ce Sith avait gâché l’effort en un rien de temps. Eh plus de ces failles… peut-être que Thrass parviendra à apaiser les tensions, qui sait ? Il était très sérieux, diplomate, très attaché à l’Ascendance, sans doute pourra-t-il contribuer à changer cette vision extrêmement négative de la Force.

Lorsque la réunion se termina, Veeren retint un peu Formbi, au sortir de la salle. C’était difficile à croire mais il restait quand même, malgré son dégoût de la Force, l’un de ceux qui « l’acceptait » le mieux. Elle marcha plus tranquillement avec lui dans le couloir, son datapad entre les mains pendant qu’elle écrivait les instructions à remettre à la Flotte de Défense.

– Que pensez-vous vraiment de tout ça, de la Force ? Vous avez accepté que Feesa parte juste par crainte de la perdre ou il y a une autre raison ?

C’était bien le genre de journées parfait pour douter de tout, y compris de vos convictions les plus profondes et de l’éducation inculquée depuis la petite enfance. Et maintenant… Formbi ne savait plus vraiment quoi penser, quoi dire, quoi faire, il se tut donc largement durant l’heure suivante, ne prenant plus aucune part active aux débats. Alors que l’Ascendance débutait tout juste des signes un peu plus favorables envers l’Ordre Jedi, on assistait, depuis la pandémie ; à un recul tout à fait spectaculaire, tous les sensitifs étaient jetés dans le même sac, qu’ils soient Siths, Jedis ou n’appartenant à aucun Ordre. Autant pour le peu de relations qui avait commencé à se monter, avec une poignée de Jedis… L’Aristocra releva un peu la tête, puis la rebaissa, toujours sans rien dire, croisant très vite le regard de Veeren au passage.

Que sa propre nièce se révèle être une sensitive lui avait fait remettre pas mal de points en question. Comme ses pairs, il voyait la Force comme une impureté, comme eux, il n’était pas contre que les sensitifs soient contraints de cacher ce don, et s‘ils refusaient, qu’ils soient exilés ou tués. C’était arrivé régulièrement par le passé, le petit Nuru en était un exemple. Son lien avec la Force connu, Veeren avait fait en sorte de le décourager de revenir dans l’Ascendance, lorsqu’elle avait revu durant la Guerre des Clones, elle savait très bien à l’époque qu’il aurait très bien pu être tué « par accident », car il aurait été connu qu’il avait été entraîné par l’Ordre Jedi. Mais aujourd’hui… Formbi ne pouvait simplement pas rejeter ou détester les membres de sa propre Famille. C’était la fille de sa petite sœur, dont il était question ! Son unique enfant. De sa sœur malade… Et dont il se doutait qu’elle ne pourra pas vivre très âgée.

A l’heure actuelle, Formbi se foutait complètement de savoir qui pouvait bien être le père, ce n’était plus le problème principal. Le problème, c’était comment concilier ce rejet des sensitifs avec le fait que sa propre nièce soit membre de l’Ordre Jedi ? La majorité du Conseil clamait maintenant, depuis la pandémie, qu’ils devaient tous s’en tenir à leur ancienne vision, sur les sensitifs, ne plus jamais se mêler ce genre d’histoires et grader au loin ceux qui bafouaient quand même les traditions, à savoir Nuru et Feesa. Et Thrass n’était pas loin d’être jeté dans le même panier, il lui suffira de montrer un seul signe positif à l’égard de la Force ou des sensitifs pour que ce soit le cas. L’accueil allait être sacrément glacial… Formbi soupira légèrement, lorsque la réunion prit fin, le cœur lourd. Il ne pouvait pas protéger sa Famille sans bafouer lui-même règles et traditions…

En sortant de la salle, il ralentit un peu en voyant que Veeren voulait visiblement lui parler, assez à l’écart des autres. Il s’adapta à son pas, dans le couloir, pensif et soucieux. Dans le cas de Nuru, ce n’était pas réellement sa faute, s’il avait débuté son entraînement, il avait été élevé si loin de son peuple. Mais il était « condamné » tout de même. Feesa, elle, était clairement considérée comme coupable de rejeter les siens et leurs traditions. Quant à Thrass, ça restera à voir.

– Que pensez-vous vraiment de tout ça, de la Force ? Vous avez accepté que Feesa parte juste par crainte de la perdre ou il y a une autre raison ?

– Je me doutais que je n’aurai pas pu la faire changer d’avis. Et elle doit être capable de maîtriser toutes les cartes possibles, pour se défendre, étant donné les… problèmes actuels. Pour la Force, écoutez, je n’en sais rien ! C’est…

Il soupira encore longuement, avec un vague geste de la main qui ne l’engageait à rien. Ses deux convictions les plus profondes étaient actuellement en train de se heurter violemment ! Entre sa volonté préserver l’Ascendance et ses règles et la volonté si chère de protéger sa Famille. Jamais il n’aurait cru que les deux puissent entrer en opposition… Cette seule idée le rendait malade et il ne savait plus quoi faire, comment réagir. Que devait-il placer en priorité, son Devoir envers son peuple ou sa propre famille ? De par son poste actuel, il devait penser en priorité à l’Ascendance. Mais d’un point de vue plus personnel, il ne pouvait pas non plus tourner le dos aux siens.

– Je ne sais pas quoi faire, avoua-t-il finalement. Je ne veux pas perdre ma nièce… ni aller à l’encontre de nos traditions.

Enfin… Il commençait à songer, de plus en plus, que certaines traditions auraient du mérite à évoluer. Cette idée qui lui flottait déjà en tête depuis des années sonnait maintenant plus fort dans son esprit, après des mois et des mois à l’écarter, à l’oublier.

– Que va-t-il se passer pour Nuru et Feesa ? Si la majorité du Conseil l’emporte, ils ne pourront plus jamais revenir.

Ça devait bien être la première fois de toute son existence que Veeren sentait son confrère aussi perdu. D’ordinaire, il était plus d’un naturel très ferme, direct, sachant pertinemment ce qu’il voulait et comme s’y prendre pour l’obtenir. Le voir troublé était une première inédite, pour elle. Sur le moment, elle ne répondit rien, il n’aurait de toute manière pas écouté. Comprendre ce qui l’angoissait était très facile, il se retrouvait coincé entre deux situations tendues et n’avait pour le moment rien pour trancher définitivement en faveur de l’une ou l’autre. Elle-même ne saurait pas non plus comment réagir si un de ses enfants étaient directement concerné… Quoi que… Ascendance ou pas, règles ou pas, le premier essayant de toucher à un seul de leurs cheveux, elle l’éventrait de ses propres mains, ça au moins, c’était clair et net. Peu importe de tout perdre si ça lui permettait de protéger ses enfants.

– Je ne sais pas quoi faire, avoua-t-il finalement. Je ne veux pas perdre ma nièce… ni aller à l’encontre de nos traditions.

Mmmh… Vu le ton qu’il prenait et son air, Veeren était déjà presque entièrement sûre que c’était bien la protection des traditions qui allait passer à la trappe. La remarque lui chatouilla un instant les lèvres mais elle se retint de la lancer. Par contre, sa question suivant la fit un peu grimacer. Il était dans leurs lois de bannir à jamais les sensitifs qui ne faisaient rien pour masquer leurs pouvoirs ou qui s’en servaient en public, or, dans le cas présent, ni l’un ni l’autre n’avait la moindre excuse. La volonté de Feesa d’apprendre à manier la Force était on ne peut plus claire, Veeren trouvait même étonnant que le Conseil n’ait pas encore exigé à ce qu’elle ne puisse plus jamais remettre les pieds dans l’Ascendance, peut-être avaient-ils hésité parce qu’elle était issue d’une faille, à cause des soudains troubles avec l’Empire ou parce qu’elle était la nièce d’un Aristocra et qu’ils avaient espéré que Formbi la dissuade de poursuivre dans cette voie ?

Dans le cas de Nuru, banni ou non, il ne reviendra pas, à son avis. Veeren s’était déjà arrangée, il y a des années, pour lui ôter l’idée de la tête, jusqu’à lui faire croire aussi qu’elle était morte, car elle savait très bien qu’il n’arrivera jamais plus à s’intégrer dans l’Ascendance après avoir été élevé par des membres de l’Ordre Jedi et entraîné à manier la Force. Même aujourd’hui, il poursuivait la voie prise à la petite enfance, l’exiler ne changera rien à la situation. La question ne posait donc réellement que pour Chaf’ees’aklaio. Et pour le frère de Mitth’raw’nuruodo, maintenant. Veeren ne répondit pas immédiatement, plongée dans ses pensées, et imaginant déjà toutes les conséquences que cette sale affaire allait avoir sur les leurs. Si l’exil était le pire de leurs châtiments, il restait tout de même « moins cruel » dans le cas des sensitifs. C’était pour protéger Larin que ses parents l’avaient envoyée au loin.

– Le cas du Vol vers l’Infini va nous donner un sursis. Le Conseil reparlera sans doute de ça après que ce soit réglé. Les jeunes et Thrass risquent bien de finir exilés, tous les trois, oui. Ce n’est certainement plus maintenant que nous réussirons à faire évoluer les lois sur le sujet.

Peut-être, dans quelques temps… Quelques années ? Elle commençait à douter que ça puisse arriver de leur vivant, même si ça ne l’empêchera pas d’essayer. Tant que ça ne coûtait pas un prix trop élevé aux leurs, ils devaient tenter le coup.