Intérêts des Chiss

Il était encore trop tôt pour bouger du lit et surtout beaucoup trop tôt pour simplement avoir la force d’ouvrir les yeux. La nuit avait été très agitée, parcourue de songes bizarres, lui laissant un goût bizarre en bouche et la sensation d’avoir échappé à un quelconque danger. Veeren remua juste un peu, la joue posée contre l’oreiller et la couverture descendue jusqu’à la taille, réalisant peu à peu qu’elle était blottie contre son mari, il avait passé les bras autour d’elle comme pour la protéger, à croire qu’elle avait crié cette nuit. Rouvrant les yeux, elle le regarda un moment dormir paisiblement, sans bouger d’un pouce. Il s‘écoula ainsi presque trente minutes avant qu’il ne rouvre les yeux et lui sourit en voyant qu’elle le fixait. Veeren se rapprocha pour l’embrasser, alors qu’il glissait aussi la main contre son ventre un peu arrondi, bien visible lorsqu’elle ne portait qu’une fine chemise de nuit.

– Tu es réveillée depuis longtemps ? Il est l’heure ?

– Non, pas encore.

Pour la première fois depuis quelques années, elle avait envie de traîner un petit peu au lit et de se faire un peu câliner. Son mari le comprit vite car il l’enlaça plus fermement puis recommença à l’embrasser. Las, il arriva bien un moment où il fallait se lever tout de même… Elle soupira un peu avant de quitter les draps et filer pieds nus dans la salle de bain, d’abord pour une douche puis s’habiller correctement. Ce matin-là, à nouveau au travail avec ses confrères au Parlement, ce genre de réunion était plutôt fréquente, ces derniers temps. D’ailleurs, Formbi, lui, n’avait sûrement pas le cœur à profiter des derniers temps tranquilles avant de retrouver tout le monde. Aller en réunion pour parler de l’exil de sa propre nièce, entre autres, ça devait tellement bien lui réchauffer l’âme.

Une heure plus tard, Veeren sortait de chez elle pour grimper dans la navette qui allait la conduire au Parlement. Pas d’uniforme, cette fois, mais une robe typique de son peuple, aux manches longues et col serré, avec les couleurs de son Clan, les cheveux remontés en un chignon strict. Jouer la carte de la tradition était aussi une façon d’arrondir un peu les angles et d’en adoucir certains. Cela passait par l’attitude et la tenue, donner une bonne impression restait primordial. Cette réunion la stressait un peu, elle savait très bien que les conditions étaient loin d’être réunies pour faire accepter certains points de vue… Elle parvint un peu en avance au Parlement, profitant pour profiter un peu de la large vue sur la ville si blanche. Un décor familier, rassurant. Une dose de réconfort avant de pénétrer dans le bâtiment et se préparer à une discussion âpre avec les siens.

Veeren savait néanmoins compter des « alliés », ou plutôt quelques confrères partageant tout ou une partie de ses points de vue. Formbi était devenu un de ses alliés, à sa très grande surprise, et ce depuis l’arrivée dans ce temps de sa nièce, ironie du sort. Elle pouvait aussi compter sur le soutien de Mitth'san'suazee. Le doyen du Conseil des Familles était l’un des plus ouverts d’esprit et il était aussi un des plus écoutés, son âge avancé et sa grande expérience jouaient beaucoup en sa faveur. Et enfin, sur le soutien de Nilat’ase’sabosen, qu’elle retrouva d’ailleurs au premier étage, le saluant avec respect. Quatre familles avec certaines idées contre cinq autres beaucoup plus conservatrices, cela débutait plutôt mal, mais peu importe, elle se devait de tout tenter. Son confrère n’était pas très optimiste non plus et le lui fit savoir, tandis qu’ils se rendaient à leur salle de réunion, au sommet du Parlement.

– Les Csapla sont tout particulièrement remontés, les Lugar aussi.

– Nous nous y attendions très bien.

– C’est vrai, mais la population les suit, pour la majorité.

Oh, pour ça, elle ne remettait pas sa parole en doute, son Clan était l’un des mieux placé pour savoir ce que pensait leur peuple. Elle gravit les derniers étages en silence, aux côtés de son confrère, répétant certains arguments mentalement. Ils ne partaient pas non plus perdants, à présent, tout était question de l’intérêt des leurs et de comment les préserver au maximum.

Il n’y avait aucun doute possible à avoir sur l’issu de ce Conseil et aucun doute à avoir sur le sort qui allait être réservé aux quelques sensitifs revenus des failles. Ni aucun doute à avoir sur les réactions de la plupart des membres du Conseil. Depuis leur retour du site du crash, Formbi avait passé son temps sur la planète Sarvchi, dans la demeure familiale des Chaf, se ressourçant un peu avant d’affronter ce qui se préparait. Se plonger dans tout le travail administratif qu’il trouvait, même si ce n’était pas le sien ou le plus passionnant, l’avait aidé à ne plus repenser au reste durant un moment. Sa jeune sœur était même revenue de Nirauan, en attendant le Conseil, avoir la présence d’un membre de sa famille près de soi était réconfortant. Puis était bien venu le moment où il avait fallu retourner sur Csilla, prendre part au Conseil des Familles, pour une séance qui s’annonçait très éprouvante.

La logique voudrait même qu’il ne prenne pas part au vote, étant donné sa proche implication avec une des personnes concernées, las, ce « petit détail » n’avait pas été pris en compte. Par ailleurs, mieux valait, au contraire, une voix de plus pour s’opposer à ce qui lui apparaissait aujourd’hui une injustice profonde. Il aura fallu attendre qu’un membre de sa famille soit concerné avant qu’il ne réalise enfin que oui, il s’agissait d’une injustice ! Un, ou plusieurs… Formbi soupira longuement, dans la navette, le coude calé dans un rebord de hublot et la main soutenant sa tête. Un ou plusieurs… Sérieusement… Il n’avait eu le cœur d’approfondir la discussion avec sa petite sœur, pas juste avant le Conseil, mais il commençait à avoir de sacrés soupçons. Et s’il voyait juste… Oh, bon sang, bon sang. Pourquoi la Providence choisissait-elle ce moment précis pour venir lui chier un peu plus au visage ?!

Tout le monde s’attendait à une discussion un peu âpre, cela se ressentait dès qu’on arrivait au Parlement. Néanmoins, Formbi eut un sacré temps d’arrêt, en arrivant vers ses confrères, de voir que Sev’eere’nuruodo avait pris la peine de s’habiller en respectant à la lettre le protocole, soit avec une longue robe descendant jusqu’à terre, des manches larges et longues, aux couleurs de son Clan, et coiffée élégamment. C’était bien la première fois, depuis une soirée de gala où elle avait participé il y a deux ans, qu’il la voyait porter une robe. Même durant leurs réunions, elle restait en uniforme ou dans des tenues civiles, en pantalon. La vision était franchement perturbante… Non pas que leur consœur ne s’habillait jamais en femme mais… En fait, si, c’était ça, elle ne s’habillait jamais en femme. Il s’assit à son tour, échangeant les habituels saluts et petites phrases diplomatiques servant à ouvrir le dialogue.

Beclu'doz'csapla entreprit, avec une certaine colère sous-entendue, d’aborder les sujets qui fâchent, et le premier d’entre tous était la nouvelle base sur Nirauan dirigée par l’amiral Thrawn. Ils auraient dû trancher de ça beaucoup plus tôt, malheureusement, la pandémie avait quelque peu contrariée leurs plans. Il y a encore un ou deux mois, Formbi aurait voté contre la coopération avec cette base sans aucune hésitation… Maintenant, sachant que sa sœur y était, sachant que sa propre nièce y avait grandie en partie, et surtout soupçonnant très fortement qui pouvait bien être le père de la petite, il ne pouvait simplement plus écarter cette coopération d’un revers de main, ne serait-ce que pour être sûr de la protection de sa jeune sœur. Une coopération renforcerait cette protection, là où l’isolement l’affaiblirait. Le regard légèrement plissé, il fixait le chef de famille des Csapla, en silence pour le moment.

– Notre peuple s’en est toujours très bien sorti sans avoir à se mêler des gouvernements et des organisations voisines. Pourquoi, d’un coup, changerions-nous cela pour coopérer avec une troupe dirigée par un renégat ? Ceux des nôtres ayant décidé de suivre ce projet n’ont plus aucun des réalités.

– Il en est une, de réalité, sur laquelle nous ne pouvons pas fermer les yeux, l’interrompit Mitth'san'suazee d’un ton paisible. Nous connaissons tous, ici, les peuples des Régions Inconnues menaçant à la fois notre peuple et la galaxie toute entière. L’Ascendance a toujours su résister, soit, mais rien ne nous prouve que ce sera éternellement le cas.

– Dans ce cas, la logique veut que nous renforcions notre propre armée, la Flotte de défense, la protection des frontières et celles des mondes habités. Et non pas que nous divisions nos forces en nous associant à des projets dirigés par des humains et des exilés.

Lugar’omi’sven choisit ce moment pour ajouter, avec une légère note de cynisme, que les récents soucis ayant touchés l’Ascendance n’étaient d’ailleurs pas dû aux peuples voisins de l’Ascendance mais bien à des étrangers, des êtres venus des mondes connus de la galaxie, et plus encore, des sensitifs. La pandémie était encore brûlante dans les esprits, ils savaient qui l’avaient causée et pourquoi, savaient surtout que d’autres comme ce type infects pullulaient à l’extérieur. Romis appuya lourdement sur ce fait, puis enchaîna avec « cet autre détail, qu’était le Vol vers l’infini », un problème lui aussi causé par des sensitifs, des Jedis cette fois-ci, pour en affirmer ensuite que peu importe leur affiliation, ceux maniant la Force ne causaient décidément que des troubles et des ennuis.

– Les Humains ont l’art et la manière pour laisser ce genre d’être pulluler, voire les encourager à se multiplier. Comment, dès lors, avoir la moindre confiance et collaborer avec eux ? Je rappelle que c’est avec une Humaine, et Jedi, que votre ancien Administrateur est parti, Sev’eere’nuruodo. Pire encore, il l’a mise enceinte ! Quel genre de bâtard va naître dans quelques mois ?

– Quel bébé va naître, cher confrère, s’agaça Formbi, d’un coup piqué au vif, sans aucune raison valable. Et les affaires de couple de Mitth’ras’safis et Lorana Jinzler ne regardent personne, autour de cette table. Si nous en revenions plutôt au sujet principal ? Il faut voir les choses en face, plusieurs des nôtres ont déjà décidé de soutenir le projet de Nirauan est une aide de plus, dans ces régions, ne pourra pas faire le moindre mal.

Les sensitifs étaient encore un autre problème, différent d’une base purement militaire implantée dans ce secteur, ne mélangeons pas tout. Personne ici ne pouvait nier que l’Ascendance risquait bel et bien de tomber s’ils n’augmentaient pas leurs défenses.

Sur le mur, les emblèmes des différentes familles étaient réunis, camaïeu de couleur bien assemblé pour former une union visuelle, une union qui n’était pas celle que l’on attendait entre eux. Des différences de points de vie et d’opinion, il y en avait toujours eu et il y en aura toujours, c’était ainsi, le monde ne fonctionnait que comme ça. Elle s’était attendu à ce que Lugar’omi’sven ouvre ne premier le bal des hostilités mais il n’en fit rien, à sa place, ce fut le chef de la puissante famille des Csapla qui prit d’abord la parole. Puissante car leur famille était la seconde plus grande, juste après les Nuruodo, et aussi parce qu’ils étaient maîtres de la capitale et du destin de tous les Chiss, dépendant de leurs façons de faire pour se ravitailler, vivre, prospérer. Au sein du Conseil des Familles, les Csapla avaient un fort poids politique et cela se ressentait.

Sa position était simple et commune pour plusieurs familles, ici. Ils s’en étaient toujours bien sortis, c’est vrai, donc pourquoi s’allier avec des étrangers, pourquoi collaborer avec des humains, pourquoi laisser les leurs s’allier dans des projets comme la base de Nirauan ? Veeren parcourut l’ensemble des personnes présentes du regard, voyant la plupart attentifs, en attente, d’autres un peu mitigés. Même s’il y avait souvent des problèmes, plus ou moins graves, aux frontières et parfois au sein de l’Ascendance, ils vivaient ainsi depuis plusieurs millénaires, ils avaient traversé de multiples crises sans jamais s’effondrer, ils avaient toujours vécu sans se soucier des autres mondes extérieurs et de ceux qui y vivaient. Dans le fond, c’était vrai, pourquoi modifier une position fiable et qui apportait la sécurité à l’Ascendance ?

Mitth'san'suazee, lorsqu’il indiqua que rien en prouvait que ce sera toujours le cas, que l’Ascendance ne sera peut-être pas toujours à l’abri, ne reçut pas les mêmes regards méprisants car il était très respecté, pour autant, son avis resta lettre morte. Beclu'doz'csapla insista sur le fait que c’était la Flotte de Défense et leurs structures internes qu’il fallait développer, pas leurs alliances avec d’autres peuples et communautés. Des peuples leur apportant des ennuis, comme le remarqua Lugar’omi’sven. Il était temps qu’il l’ouvre, celui-là… Cette famille était fermement rivale de la sienne, pour plusieurs raisons. D’abord, les mentalités, absolument tout les opposait, ensuite, pour de vieilles histoires dont la plupart n’étaient toujours pas réglé, enfin, les différences très marquées entre leurs points de vue sur l’avenir de l’Ascendance. Les Lugar étaient de la branche Traditionnaliste, là où les Nuruodo faisaient partis de celle Progressiste.

– Les Humains ont l’art et la manière pour laisser ce genre d’être pulluler, voire les encourager à se multiplier. Comment, dès lors, avoir la moindre confiance et collaborer avec eux ? Je rappelle que c’est avec une Humaine, et Jedi, que votre ancien Administrateur est parti, Sev’eere’nuruodo. Pire encore, il l’a mise enceinte ! Quel genre de bâtard va naître dans quelques mois ?

– Quel bébé va naître, cher confrère. Et les affaires de couple de Mitth’ras’safis et Lorana Jinzler ne regardent personne, autour de cette table. Si nous en revenions plutôt au sujet principal ? Il faut voir les choses en face, plusieurs des nôtres ont déjà décidé de soutenir le projet de Nirauan est une aide de plus, dans ces régions, ne pourra pas faire le moindre mal.

Formbi avait réagi plus vite qu’elle, et pour la même pensée, il n’était pas question, à l’ordre du jour, de savoir ce que fichait Thrass avec sa copine humaine. Tous deux pouvaient bien se marier, si ça leur chante, et avoir tous les gamins qu’ils voulaient, quelle importance ? En tout cas, pour elle, ça n’en avait aucune, puisqu’elle considérait que les histoires de couple des autres ne la concernaient pas. Hélas, lorsqu’on touche à ce genre d’affaires, même les relations intimes, sociales et familiales peuvent devenir des leviers, en faveur ou contre des personnes, ou un groupe de personne. On pouvait lancer que ça ne les regardait pas, il n’en restait pas moins que Thrass avait bien été Administrateur d’une des Familles les plus influentes de l’Ascendance, et qu’il était revenu d’entre les morts, sensitif, amoureux d’une jedi, futur père d’un enfant métis. Ça, plus son frère qui avait aussi une histoire particulière, faisait beaucoup. Et c’était bien ce genre de crispations qui mettait le feu aux poudres aujourd’hui.

– La base dont il est question n’est pas un repère de Jedi, de sensitifs ou je ne sais quoi, il s’agit d’une coopération entre notre peuple et les humains pour combattre les menaces dans ces secteurs. Vous savez tous que c’est resté le souhait de Thrawn, même après son exil. Il fera tout pour mener son projet, que l’on s’y associe ou pas. A partir de là, plutôt que persister à nous enfermer sur nous-mêmes, accepter une coopération, même infime, nous permettra de rester en bonne connaissance de ce qui arrive autour de nous et de nous préparer à y faire face.

– Cette base peut aussi bien aider l’Ascendance que la déséquilibrer, objecta Oler'ede'migan. Provoquer des clivages importants, entre ceux pouvant soutenir ce projet et les autres. Voyez donc, seulement entre nous, c’est déjà le cas ! Qu’en sera-t-il, pour tous les membres de notre peuple ? Pouvons-nous permettre de laisser le trouble et les dissensions s’installer chez les nôtres simplement pour ça ?

L’argument avait fait mouche, il était vrai que des tensions étaient déjà visibles ici et là, ils ne pouvaient simplement fermer les yeux dessus. Veeren retint un petit soupir agacé en voyant tout le monde hocher la tête, même Mitth'san'suazee affichait un regard plus troublé. Entre prendre un risque pour mieux assurer la sécurité de l’Ascendance dans l’avenir et ne rien bouger ici et maintenant pour garantir la stabilité de l’Ascendance, on dirait bien que le choix était déjà mené.

– C’est aussi un travail à faire avec les nôtres, si une coopération se met en place, pour s’assurer que tout se déroule bien, après tout, nous n’en sommes qu’aux prémices. Nous avons eu la preuve, avec l’affaire du Vol vers l’Infini, qu’une collaboration peut très bien se dérouler. Et même en ce moment, ceux qui sont déjà sur Nirauan peuvent témoigner de ça. Nous ne sommes que trois, ici, à nous êtres rendus là, Mitth'san'suazee, Chaf’orm’bintrano et moi-même. Pourquoi ne pas tous faire de même afin de vous rendre compte de vos propres yeux ? Il est difficile de bien juger sans voir.

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Les lancers de dés

– La base dont il est question n’est pas un repère de Jedi, de sensitifs ou je ne sais quoi, il s’agit d’une coopération entre notre peuple et les humains pour combattre les menaces dans ces secteurs. Vous savez tous que c’est resté le souhait de Thrawn, même après son exil. Il fera tout pour mener son projet, que l’on s’y associe ou pas. A partir de là, plutôt que persister à nous enfermer sur nous-mêmes, accepter une coopération, même infime, nous permettra de rester en bonne connaissance de ce qui arrive autour de nous et de nous préparer à y faire face.

Formbi retint un petit soupir, coudes sur la table et mains repliées l’une contre l’autre, près de la bouche. Et dire qu’il en était à défendre le projet de cet ***** de Thrawn alors qu’il ne pouvait pas le voir en peinture, cette galaxie devenait complètement cinglée. Qu’avait-il fait au ciel pour mériter ça ? Par bonheur, même si cette coopération était rejetée, ils avaient d’autres moyens de garder un œil sur ce qui se passait dans cette galaxie, quitte à le faire parfois dans le dos de l’ensemble de leurs collègues. Formbi reposa mains contre la table de réunion, songeant qu’au final, il n’était pas plus mal de, parfois, contourner une ou deux traditions, une ou deux lois. Parfois. Quelle que soit l’issue de ce Conseil et ce qui sera décidé, il y a certains faits qu’on ne pouvait plus nier ou écarter. Sa gorge était un peu sèche, tout à coup, tandis qu’il réalisait à quel point cette pente pouvait se révéler glissante.

– Cette base peut aussi bien aider l’Ascendance que la déséquilibrer, objecta Oler'ede'migan. Provoquer des clivages importants, entre ceux pouvant soutenir ce projet et les autres. Voyez donc, seulement entre nous, c’est déjà le cas ! Qu’en sera-t-il, pour tous les membres de notre peuple ? Pouvons-nous permettre de laisser le trouble et les dissensions s’installer chez les nôtres simplement pour ça ?

Le pire est qu’il n’avait pas tord, c’était un pari très risqué à prendre, à l’heure actuelle, après ce qui déjà passé au cours de la pandémie et en sus avec les récentes révélations. Formbi se crispa légèrement, déchiré entre son devoir envers sa Famille et son devoir envers l’Ascendance. Il devait protéger les Chiss, et donc écarter toute menace potentielle de leurs territoires, y compris celles pouvant apporter problèmes et déséquilibre. Mais il devait aussi, et avant tout, protéger sa famille. Ce Conseil, il l’avait redouté pour cela, car il se trouvait écartelé entre deux de ses convictions les plus profondes, entre deux de ses serments et qui ne s’étaient jamais affrontés, jusqu’ici, bien au contraire. La logique voudrait qu’il privilégie le plus grand nombre, donc l’Ascendance, mais son cœur le refusait fermement, car ce serait poignarder dans le dos sa famille. Mais il ne fallait pas réfléchir avec le cœur, il fallait réfléchir avec la tête.

Veeren avança ensuite d’autres arguments, ainsi que l’opération du Vol vers l’Infini qui avait prouvé qu’une coopération était faisable. Mais la demande que d’autres se rendent sur place ne séduit pas plus que le reste… Lugar’omi’sven était très remonté, de même que Beclu'doz'csapla, et la majorité des autres hésitaient encore. Et lorsqu’ils se décidèrent à voter pour cette question-là, Formbi sentir son estomac se tordre avec un très grand soin, de quoi lui donner envie de rendre ce qu’il avait avalé ce matin. Le résultat se joua à un cheveu, pourtant, cinq personne contre une coopération avec Nirauan, quatre pour. Pour la première fois de son existence toute entière, l’Aristocra en vint à se dire que ce repli sur soi-même était décidément l’un des pires travers possibles de l’Ascendance. Un mélange de colère et de dégoût l’envahissait, plus encore en voyant le large sourire satisfait affiché par la plupart de ses confrères.

– Il va sans dire que ceux qui voudront tout de même partir sur Nirauan ne pourront avoir de responsabilités au sein de l’Ascendance, glissa Inrokini’lia’nasem, séparons au mieux les deux parties, qu’il n’y ait aucune confusion. Il nous faudra entériner un texte de Loi pour ce sujet, suite à cette réunion, et voir tout cela avec le Parlement. Nous avons également le cas des sensitifs, à régler.

C’est qu’il avait même pris soin de préparer tout ça… Il afficha posément des images holographiques des personnes concernées. Thrass, tel qu’il était juste avant sa disparition, Feesa, habillée comme une Jedi, et même Nuru, qui n’avait pourtant jamais remis les pieds dans l’Ascendance depuis ses quatre ans et dont le monde ici savait qu’il ne le fera jamais.

– La présence de votre propre nièce est quelque peu troublante, Chaf’orm’bintrano. Votre sœur ou vous-même n’auriez pas quelque chose à cacher, vis-à-vis de la Force ? Comment expliquer la présence de cette fillette ?

– Une attaque aussi basse contre ma sœur ne m’étonne pas de vous, Inrokini’lia’nasem. Jamais elle n’a montré la moindre sensibilité à cela et vous devriez le savoir, tout comme vous devriez savoir que ses soucis plus personnels entrent également en considération. Personne n’explique la venue de cette enfant, toujours est-il qu’elle n’a pas grandi sur Csilla mais sur Nirauan, et n’a donc pas pu causer des troubles à notre peuple, d’où elle vient. Sa sensibilité à la Force ne peut venir que de son père. Vous n’avez aucun droit de l’accuser de causer des problèmes, ici ou ailleurs, bien au contraire.

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4 Pour, 5 Contre

Le résultat s’était joué à une voix de différence. Une seule. Le jeu de la démocratie pouvait parfois être terriblement frustrant. Elle n’en montra cependant rien extérieurement, restant impassible, comme à son habitude. C’était un résultat prévisible, depuis la pandémie, et il aurait été sans doute différent s’il s’était joué il y a quelques mois seulement, plutôt qu’après l’une des plus grandes catastrophes sanitaires de toute l’Histoire Galactique. Ou devrait-elle dire après l’une des plus grandes attaques sanitaires de toute l’Histoire Galactique, ce qui était beaucoup plus exact. Mais soit, c’était donc parti remise et cela n’empêchera pas la mise en place d’autres projets plus ou moins similaires par le futur, ils devaient rester patients. Le Parlement planchera ensuite sur les conséquences de cette décision, qui devrait impacté déjà un bon petit nombre des leurs. Maintenant que le Conseil avait tranché, elle aussi veillera à faire appliquer les lois, bien entendu, on ne jouait pas à trahir son propre peuple.

Passons maintenant à l’autre sujet qui fâche et Inrokini’lia’nasem l’avait visiblement attendu avec une certaine impatience… Il fit afficher devant eux, au centre de la table, les noms et visages holographiques des sensitifs concernés, arrachant un léger haussement de sourcils à Veeren en voyant également le visage du jeune Nuru. A quoi bon ? Il ne reviendra jamais dans l’Ascendance, ce devrait déjà être clair et net pour tous. Ils avaient beau avoir à grincer des dents en apprenant ça, à l’époque, ce qui était fait était fait, ils ne reviendront pas sur le passé et on pouvait considérer que cet enfant leur avait échappé pour de bon. Le cas des deux autres était un petit peu plus… compliqué. La nièce et assistante d’un leur propre membre du Conseil et un ancien Administrateur, soit un des postes les plus élevés dans la hiérarchie sociale Chiss. Tous deux sensitifs, une des « tares » la plus détestée dans l’Ascendance. Le scandale n’aurait pu être plus complet.

– La présence de votre propre nièce est quelque peu troublante, Chaf’orm’bintrano. Votre sœur ou vous-même n’auriez pas quelque chose à cacher, vis-à-vis de la Force ? Comment expliquer la présence de cette fillette ?

– Une attaque aussi basse contre ma sœur ne m’étonne pas de vous, Inrokini’lia’nasem. Jamais elle n’a montré la moindre sensibilité à cela et vous devriez le savoir, tout comme vous devriez savoir que ses soucis plus personnels entrent également en considération. Personne n’explique la venue de cette enfant, toujours est-il qu’elle n’a pas grandi sur Csilla mais sur Nirauan, et n’a donc pas pu causer des troubles à notre peuple, d’où elle vient. Sa sensibilité à la Force ne peut venir que de son père. Vous n’avez aucun droit de l’accuser de causer des problèmes, ici ou ailleurs, bien au contraire.

Evoquer le sujet du père en question n’était pas la meilleure tactique à adopter, Formbi, merci bien. Evidemment, c’était un sujet très sensible pour lui, et il devrait savoir qu’on allait forcément l’attaquer là-dessus, pas la peine de rentrer dans ce jeu. Nilat‘ase‘sabosen se racla légèrement la gorge en ajoutant d’un ton plus léger que savoir ou non qui étaient les parents n’avait, à l’heure actuelle, aucune importance, puisqu’il ne s’agissait de traiter leur cas mais celui de cette jeune fille. Veeren enchaîna ensuite en exposant un point qu’elle jugeait important, à savoir que ces trois-là pouvaient aussi servir de légers relais. Voyant l’air de Beclu'doz'csapla, sourcils froncés et prêt à lui couper la parole, la future mère haussa légèrement la voix avant qu’il ne se lance et ne la laisse pas terminer d’exposer ses arguments.

– Par relais, je veux dire qu’ils peuvent être des sources de ce qui se passe ailleurs dans la galaxie, ne serait-ce que pour signaler l’arrivée de nouveaux types comme ce Darth Plagueis. Il ne s’agit bien sûr pas de plus ou de s’impliquer dans les combats des autres, nous avons assez en faire, en revanche, il faut nous tenir informés, d’une façon ou d’une autre. Plus la Flotte de Défense en saura, plus elle sera efficace à nos frontières.

– Ce peut aussi être l’inverse, que ce soit eux qui nous trahissent, marmonna Nelv'isi'argo.

Sérieusement, enfin, l’un de ces trois-là ? Alors que Thrass avait été Administrateur durant des années ? Quant à Feesa et Nuru, elle doutait que l’un ou l’autre aient réellement envie de raconter quoi que ce soit, Nuru ne le pourrait même pas, d’ailleurs, sa seule Histoire l’en empêchait.

– On ne parle pas de les impliquer dans quoi que ce soit qui concerne l’Ascendance, aucun des trois. Simplement de ne pas claquer la porte à des relations futures, qui pourraient nous servir à protéger notre peuple.

Il y avait vraiment des jours où des baffes se perdaient, quelle tristesse. S’en prendre à Ewime, l’accuser d’être elle-même sensitive pour la discréditer et essayer ensuite de la garder loin des siens… Il supportait très mal ça. Autant Feesa avait décidé toute seule de filer, contre leurs avis, autant sa jeune sœur, elle, n’avait aucune intention de quitter son peuple. Il ne laissera personne essayer de la rejeter… Par bonheur, Nilat‘ase‘sabosen écarta de la conversation le sujet « parents », pour en revenir au sujet principal, pas forcément plus drôle, cela dit. Il pinça un peu les lèvres quand Veeren commença à évoquer ce dont ils avaient parlé plus tôt, faire en sorte que ces trois-là, ou au moins deux d’entre eux, servent en quelque sorte de relais d’informations, pour l’Ascendance. Comme on pouvait s’y attendre, on en voyait déjà certains prêts à grincer des dents.

– Par relais, je veux dire qu’ils peuvent être des sources de ce qui se passe ailleurs dans la galaxie, ne serait-ce que pour signaler l’arrivée de nouveaux types comme ce Darth Plagueis. Il ne s’agit bien sûr pas de plus ou de s’impliquer dans les combats des autres, nous avons assez en faire, en revanche, il faut nous tenir informés, d’une façon ou d’une autre. Plus la Flotte de Défense en saura, plus elle sera efficace à nos frontières.

– Ce peut aussi être l’inverse, que ce soit eux qui nous trahissent, marmonna Nelv'isi'argo.

Comment pouvait-il seulement penser ça … ? Feesa avait travaillé pour les siens et la protection de l’Ascendance, dès qu’elle avait été en âge, elle avait elle-même été le jouet personnel d’un Sith et était sur la liste des ennemis de l’Empire, jamais, donc, elle ne se retournera contre eux en faveur des personnes souhaitant sa mort ou sa disparition ! Soyons un peu réalistes, merci. Quant à Thrass, il avait aussi eu un parcours où il avait passé sa vie entière, jusqu’à se mort, à tout faire pour protéger les siens et son Clan, comment imaginer, une fois encore, qu’il puisse d’un seul coup décider de leur tourner le dos et trahir ? Et pour le cas de Nuru, enfin, c’était encore plus simple à réfuter, puisqu’il ignorait tout simplement tout des leurs. Ce n’était même pas certain, pour dire, qu’il se souvienne encore de sa propre langue natale. Pourquoi encore chercher des doutes et problèmes là il n’y en avait aucun, c’était déjà assez compliqué.

– On ne parle pas de les impliquer dans quoi que ce soit qui concerne l’Ascendance, aucun des trois. Simplement de ne pas claquer la porte à des relations futures, qui pourraient nous servir à protéger notre peuple.

– Vous connaissez déjà Mitth’ras’safis, souffla leur doyen. S’il y en a bien un qui ne trahira pas, c’est lui. Il a toujours servir les siens, il est mort pour eux. Quant à l’enfant, il ne sait, pour ainsi dire, rien du tout, il a été perdu bien trop jeune.

Formbi le sentait venir… Il sentait venir que certains de ses confrères allaient aussitôt rétorquer que la seule dont on ne pouvait être sûr de rien était Feesa et qu’ils allaient attaquer là-dessus… Et ça se produisit, bien évidemment. Bizarrement, il ne s’en agaça même pas, jetant juste un regard incroyablement blasé à Beclu’doz’csapla lorsqu’il disserta sur le fait que rien ne prouvait ce qu’avait pu raconter sa nièce sur le temps d’où elle venait, que rien ne prouvait qu’elle ait vraiment grandie en partie sur Nirauan, que rien ne prouvait le peu qu’elle avait dit y avoir vécu, travaillé ou combattu. Ils ne possédaient que sa seule parole, rien de plus, à partir de là, comment la croire et savoir si elle mentait ou non ? Pouvaient-ils vraiment ? Respire profondément… Il ne s’énervera pas, il avait promis à sa sœur de faire un effort.

Par chance, le Conseil ne semblait cette fois pas suivre l’avis de leur confrère, même si certains avaient tendance à hocher la tête, cette crainte-ci n’était pas suivie. Il respira déjà un peu plus librement, son cœur battant à un rythme beaucoup plus élevé que la normale. Mais le répit ne dura pas, bien évidemment, leurs lois furent aussitôt rappelées, les sensitifs se refusant à se fondre dans le moule et ne reniant pas ce don chaotique devaient être chassés, avant de préserver la stabilité de l’Ascendance toute entière. Décidément, leur collègue en voulait aux sensitifs. Mais l’argument de Veeren avait aussi touché, pourquoi ne pas faire une exception ou changer un minimum, pour une fois ? Une fois encore, ils en passèrent finalement aux votes, mais cette fois, seuls Beclu’doz’csapla et Lugar’omi’sven votèrent pour l’exil.

Un sourire soulagé lui échappa, tandis qu’un immense poids s’ôtait enfin de sa poitrine. C’était bon, c’était bon, tout allait bien… Il n’allait pas devoir choisir entre la protection de sa Famille et la protection de l’Ascendance. Le soulagement était tel qu’il faillit bien craquer et se mettre à pleurer, ne se retenant qu’à très grande peine. Ah, bon sang… Il inspira avec un peu de peine, écoutant à peine l’exclamation indignée de Lugar’omi’sven. La majorité l’avait emportée, c’était au moins une victoire. Et surtout, un énorme pas de fait… La première fois depuis très longtemps que des sensitifs n’étaient pas rejetés, exilés, purement et simplement. Feesa pourra revenir comme bon lui semble. Thrass aussi, avec sa femme, enfin, sa copine, s’il le voulait bien. Il avait hâte de retrouver sa sœur pour lui annoncer ça.

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Les dés