[Flash-Back] débuts en politique

La moitié de la maison n’était pas encore rangée, ils n’étaient pas arrivés depuis très longtemps et tout s’était un peu précipitée, de toute manière. Thrass s’était levé très tôt ce matin, à vrai dire, il n’avait qu’à peine dormi. Depuis leur retour dans cette maison, trouver le sommeil était difficile, même s’il faisait tout pour donner le change. Il y avait tellement à faire… dans le salon, il relisait pour la énième fois la liste des documents, cochée, raturée et griffonnée à en devenir presque illisible, pour être sûr qu’il n’avait rien oublier. Il y a à peine quatre jours que Thrawn avait repris l’école. Et pour son dossier administratif, il avait manqué certaines choses. Le directeur avait été très mécontent que Thrass ne lui apporte pas tout le soir même du premier jour et lui rappelait sans cesse depuis qu’il attendait ces documents. Normalement, tout y était. Il avait dû fouiller dans les affaires de leurs parents pour tout retrouver. Son frère n’aura plus qu’à emmener ça à l’école ce matin.

Il se frotta le visage avec un très long soupir, profitant d’être encore seul, dans le salon, au calme. Toute à l’heure, il faudra réveiller son frère, le faire manger avant qu’il ne parte à l’école puis lui-même partira à son travail. En allant mettre le dossier dans le sac d’école de son frère, il s’arrêta un moment pour regarder une photos de leurs parents, sur un coin de la commode. Voilà deux ans qu’ils étaient décédés… Thrass n’avait que quinze ans, son frère à peine sept. Aujourd’hui, il avait l’impression qu’il s’était déjà écoulé dix longues années, alors que seules deux petites étaient à peine passées. C’était… Revenir ici accentuait cette impression très étrange, il se demandait encore s’il faisait vraiment ce qu’il fallait. Pour ne rien arranger, Thraws était un peu renfermé, enfin, plus que d’habitude, depuis leur retour ici. Il allait falloir… un temps d’adaptation, disons-le comme ça. Il laissa la photo, pour aller plutôt réveiller son frère… Qui dormait roulé en position fœtale et enroulé très serré dans sa couverture.

"C’est l’heure de se lever," murmura-t-il en s’agenouillant à côté du lit et en chatouillant la joue de son petit frère pour le réveiller.

Un bref moment puis son frère disparu cette fois en entier sous la couverture. Oh, allez. Thrass secoua la tête et tira sur le bout de la couette, la soulevant pour regarder là-dessous. Il savait qu’il n’aimait pas cette école mais c’était important ! Thraws marmonna quelque chose d’intelligible et son grand frère dû presque le tirer pour le pousser à se lever. Un petit peu d’enthousiasme ! Ou qu’il fasse semblant, au moins. Il dû encore batailler quelques minutes avant que son frère ne se résigne à s’habiller et se coiffer, qu’il vienne manger quelque chose avant de partir à l’école. De son côté, il s’efforçait de rester souriant et encourageant, car il était hors de question de faire la tête devant son cadet et encore moins de le laisser comprendre qu’il était fatigué. Il avait juré de s’occuper de lui et être prévenant, donc hors de question de flancher. Ils déjeunèrent ensemble ensuite, au son des nouvelles du matin.

"J’ai mis le dossier dans ton sac, tu auras juste à le donner à tes professeurs. N’oublie pas de prendre les clés de la maison, je risque de rentrer tard, ce soir. Tu pourras manger sans moi, si tu veux, j’ai préparé ce qu’il faut."

Il ne devait être pas encore très bien réveillé car il lui répondit juste par une drôle de moue. Bon… Un temps d’accoutumance nécessaire, il avait dit… Après le petit-déjeuner et avoir fermé la maison, il l’accompagna jusque dans la rue de l’école et l’y laissa, pour aller prendre un transport, devant l’emmener au Parlement. Ac’siel était finalement très proche de la capitale, quelques minutes à peine suffisait pour s’y rendre, des navettes faisaient régulièrement le trajet entre les deux. Pour ses débuts comme assistant, auprès de Mitth’san’suazee, Thrass devait aussi se faire au rythme de la capitale, ses règles et ses codes. Ce qui n’était pas une mince affaire. Il venait d’une famille très modeste et n’était pas encore à l’aise dans le milieu où il travaillait maintenant. Cela viendra avec le temps, de toute façon. En entrant dans le grand bâtiment, très officiel et surtout pompeux, il fit un petit « ménage mental », pour ne plus penser à la vie quotidienne et se concentrer uniquement sur le travail. Il s’agissait de ne pas se manquer…

Assistant Elkun, de la Famille Mitth

Trois dossiers urgents venaient de passer avant les autres, deux attendaient encore sur la pile, cinq étaient en cours de traitement, un autre venait d’être renvoyé pour cause de signatures manquantes, trois étaient partis vers la table des négociations avec les différentes chambres des représentants et un nouveau venait d’arriver tôt ce matin.Journée tout à fait ordinaire… Elkun termina de trier ce qui était urgent et ce qui ne l’était pas, dans les messages arrivés ce jour, tout en buvant tranquillement un café allongé. Le bureau, qu’il partageait avec deux autres assistants, était encore très calme et devrait normalement le rester un temps. Sa collègue était actuellement en congé maternité et ne reviendra pas avant encore deux bons mois, quant au nouvel assistant, il ne parlait pas beaucoup. Timidité ou manque de confiance, Elkun l’ignorait encore, il devait mieux le cerner. Dans les deux cas, ce n’était que sa première semaine de travail ici, il lui laissait un peu de temps pour s’y faire, ils n’étaient pas des sauvages.

Son jeune et fraîchement arrivé collègue arriva dans le bureau où moment où le vieil assistant achevait son classement. Un rapide regarde à son écran lui confirma qu’il était parfaitement ponctuel. Très bien, mon garçon, ça faisait bien entendu partie des critères importants. Il lui laissa le temps de poser ses affaires puis débuta par un résumé, comme chaque matin, des ordres du jour ainsi que des priorités ou urgences à traiter. Un nouvel assistant ne recevait pas forcément des tâches très intéressantes, à ses débuts, il était plutôt de coutume de lui donner les missions plus fastidieuses ou bien celles dont les plus anciens ne voulaient plus s’occuper. A la fois pour leur faire la main que pour tester leur patience et leur rigueur. Pour être tout à fait, Elkun donnait sans vergogne des tâches qui n’étaient normalement pas destinées aux assistants à peine employés… Il s’étonnait toujours que ce garçon ait pu arriver ici pour un tout premier emploi et le testait donc bien plus qu’il ne le ferait avec n’importe quel autre jeune arrivé.

Dans ce milieu, les relations sociales et politiques possédaient une importance crucial. L’assistant d’un Aristocra travaillait en étroite collaboration avec lui et son administrateur. Ces postes étaient confiées à des personnes possédant une certaine expérience, de la maturité, de la rigueur, un grand sens de l’organisation et de l’écoute, mais aussi des personnes ayant déjà certaines relations et connaissances du milieu. Ce jeune homme venait d’une famille si modeste que Elkun avait peiné à comprendre qui ils étaient, il ne possédait pas de relation sociale intéressante, il sortait tout juste de ses études et pour couronner le tout, il se racontait qu’il s’occupait seul de son jeune frère, plutôt que l’avoir confié à un autre membre de leur famille, plus apte à s’en occuper. Pour ces raisons, le vieil assistant ne se privait pas de confier une charge de travail conséquente à la nouvelle recrue, afin de voir ce qu’il avait réellement dans le ventre. Et combien de temps il allait tenir dans ce bureau…

Tu vas te charger en priorité du dossier Henz. Déterminer s’il y a eu ou non malversation et récupérer les informations financières et administratives dont nous avons besoin, déclara-t-il en lui transférant le dossier en question. Nous avons besoin de preuves solides avant d’attaquer l’entreprise en justice pour fraude. Notre Clan attend de la transparence, sur ce dossier, tu pourras prendre compte des nombreuses plaintes des membres de la Famille.

Par famille, il entendait, bien sûr, les Mitth. Les affaires commerciales ou économiques douteuses arrivaient de temps à autre, les assistants s’en chargeaient lorsqu’une partie de cet argent était versé par le Clan, comme emprunt ou comme aide. Il s’agissait de ne pas gaspiller de l’argent public. En temps normal, jamais un tel dossier n’aurait été refourgué entre les mains d’une nouvelle recrue sans expérience, cela dit, c’était une belle occasion de tester ladite recrue. Il adressa un regard aigu au jeune homme, mains croisées contre son bureau.

il va sans dire que ce dossier doit être traité avec le plus de diligence possible. Ton travail ne devra pas ternir la réputation de notre Clan.

A son arrivée dans le bureau, Elkun était déjà en poste, bien entendu, occupé à l’habituel travail de classement du matin. Thrass le salua avec les usages puis alla rapidement poser ses affaires et s’installer à son propre bureau. Il régnait ici, malgré la riche ambiante, un ordre implacable et c’était bien ce qu’il avait tout de suite trouvé très rassurant dans ce métier. Il avait eu un foyer aimant mais très peu stable, car la maladie remplissait chaque journée de doutes, de peurs et de nouvelles questions. Depuis, il essayait de redonner à la maison plus de cette stabilité, plus de sécurité morale, sans qu’il ne sache encore si il y avait vraiment réussi. Au moins, au travail, il n’avait pas besoin de s’en soucier. Tout était toujours très cadré, très rigoureux, les protocoles et procédures devaient être suivis à la virgule près, il n’y avait pas de place pour l’improvisation et encore moins pour les méthodes non approuvées ou atypiques.

Ils firent tous les deux un point sur les affaires en cours. Une somme non négligeable d’informations, qu’il s’efforçait d’assimiler au plus vite, pour ne pas être complètement perdu. Cette semaine, le soir, il travaillait sur les premières tâches confiées à la maison aussi, pendant que Thraws faisait ses devoirs d’école. Une nécessité, pour ne pas se retrouver débordé avant même la fin de la première semaine. Enfin, c’était de sa faute, il devait apprendre n urgence à mieux gérer son temps et travailler plus vite. Il pensait s’en sortir une fois mieux habitué. De toute façon, il n’avait pas le choix, maintenant qu’il était lancé dans cette branche, il n’était plus question d’en sortir. Encore moins de décevoir sa famille. A la fin de bilan quotidien, Elkun lui annonça alors qu’il lui confiait un nouveau dossier. Le nom de l’entreprise en question, Henz, sonna aussitôt une alarme dans son esprit.

Son confrère lui transféra le dossier en question, un dossier qu’il ouvrit sur son ordinateur en essayant de ne pas trahir ses ressentis. C’était une affaire dont ils entendaient beaucoup parler en ce moment, au sein du Clan, les rumeurs commençaient même à se répandre dans la presse de toute l’Ascendance. Un nid de frelons, dont il ne s’était pas du tout attendu à ce qu’il atterrisse ce matin sur son bureau… Plutôt à ce qu’il soit pris en charge par une équipe complète et confirmée de plusieurs assistants ! C’était… Enfin, c’était normal qu’on lui confie ça à lui ? Surtout que Elkun laissait entendre qu’il n’aura pas d’aide à attendre. Voyant le regard qu’il lui lançait, Thrass retint de justesse une grimace. Si Elkun tenait « juste » à le tester, il y allait très fort. Un peu trop fort, même. Rater son coup dans ce genre d’affaires reviendra à…

"Il va sans dire que ce dossier doit être traité avec le plus de diligence possible. Ton travail ne devra pas ternir la réputation de notre Clan."

Voilà, exactement ce qu’il pensait à la même seconde. Une journée qui avait pourtant débuté si normalement.

"Je comprends. Je m’y mets immédiatement."

Peut-être Elkun avait-il quelque chose à lui reprocher ou bien avait-il simplement une idée des tests un peu trop radicale. Dans les deux cas, il ne pouvait pas, tout simplement, rendre le dossier en disant que ça dépassait ses compétences. Soit il était capable de le mener et donc méritait sa place ici, soit il en était incapable et devra trouver un travail ailleurs, même si ça restait dans le même secteur. Le fait était surtout qu’il n’avait pas envie d’imposer encore un nouveau déménagement à son petit frère. A son âge, en plus… La meilleure solution restait de gérer ça. Elkun était retourné à son propre travail. Thrass, de son côté, commença par se plonger dans la lecture du dossier. Une première étape assez fastidieuse mais essentielle. Les minutes s’écoulaient, dans un silence quasiment parfait. Tout en lisant, il prenait des notes, pour les données importantes ou les noms à retenir. Dont certains aux sonorités déjà familières.

Certains points du dossier le laissaient perplexe. Il comprenait néanmoins l’ensemble et sentait que le chemin allait être long, avant de dénouer un tel sac de nœud. Surtout, il manquait quelques éléments d’informations… Une fois plus familier avec ça, il quittera le Parlement pour partir à la rencontre des premières personnes pouvant, potentiellement, l’éclairer sur tout ça.

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Première partie : 11

Assistant Elkun, de la Famille Mitth

La matinée s'était passée sans aucun soucis particulier. Tout le monde travaillait dans son bureau et Eikun avait pu traiter les dossiers qu'il avait prévu de faire sans être interrompu. Il n'avait pas été dérangé par le jeune assistant, ce qui était déjà un bon signe : il semblait capable de s'imprégner d'un dossier complexe sans avoir à demander des explications ou conseils à son supérieur, ce alors qu'il était loin d'avoir toutes connaissances nécessaires à la compréhension du dossier.. Les chiss appréciaient cette valeur d'initiative mais aussi d'obéissance. Que ce soit dans l'armée, la politique, le commerce, obéir et remplir la tâche confiée était important pour un peuple qui avait su survivre malgré des conditions difficiles et qui désirait se débrouiller sans aide extérieure.

Toutefois, peu avant la pause de midi, il reprit le travail quand il reçu un appel. N'en attendant pas, il fronça les sourcils et y répondit. La discussion fut brève mais agaçante. Hélas, le jeu politique fait qu'il est obligé d'accepter la demande. Il se leva et gagna le burau du jeune mitth'ras'safis.

"Le conseiller Inrokini'vano'mutr va se présenter dans quatre heures, afin de nous interroger sur le dossier Henz. Veuillez m'établir la liste précise des accusations pouvant être portée contre eux, ainsi que les preuves existantes. Je souhaite les avoir au plus tard une demi-heure avant la réunion, à laquelle vous assisterez, bien sur."

Il salua le jeune homme en regagnant son propre bureau, se demandant comment le jeune chiss saura se comporter face à la pression. Si le rôle de conseiller n'est pas aussi prestigieux que celui d'aristocra, il n'en demeure pas moins important car il traite toutes les affaires de sa famille sur une planète, et sa venue souligne donc que le clan Inrokini a de intérêts avec l'entreprise Henz. Lesquels, lui ne le savait pas mais la façon dont l'entretien se déroulera permettra de mettre cela en lumière. Si son jeune assistant se montre à la hauteur de la confiance de ceux l'ayant placé à ce poste.

Le gros du dossier portait sur les documents comptables et les bilans de la société. En se plongeant dedans, Thrass se dit une fois de plus qu’un tel dossier aurait être dû pris en charge par une équipe complète, avec chacun sa spécialité. Mais soit. Il s’efforça de mettre de côté tout ce qu’il avait déjà entendu comme rumeurs à droite et à gauche, sans oublier ce qui s’était dit dans les informations, pour ne se focaliser que sur les faits. Il commença par lister les documents suspects, avant de classer l’ordre dans lequel il devait les étudier. Pour ensuite lister les éléments suspects, ceux illégaux, ceux demandant une enquête plus poussée et ceux pour lesquels il devra interroger soit des experts, soit des personnes mises en accusation dans cette affaire de fraude. Poser cette première méthode l’aida beaucoup à se concentrer et chasser la crainte de ne pas s’en sortir. Le silence était retombé sur le bureau, seulement rompu par le bruit de frappe contre les claviers ou les bruissements de dossiers.

Les heures suivantes se déroulèrent dans une concentration quasiment parfaite, sans appels ou rien qui ne puisse déranger. Plongé dans le dossier, il faisait au mieux pour ne pas traîner, bien conscient des enjeux et du fait qu’il devra travailler plus pour tenir le même rythme qu’une équipe le ferait en temps normal. Tout en assurant les obligations plus personnelles à côté. Enfin, par bonheur, son frère n’était plus un bébé, il pouvait se débrouiller seul à la maison le soir s’il le fallait. Ce qui l’inquiétait plus, en fait, c’était son état mental. Enfin, pas dans le sens où il risquait de devenir fou mais plutôt comme s’assurer qu’il reprenne des forces et se sente bien, pas trop seul, ce genre de choses. C’est qu’il avait un peu de mal à se faire des amis, à l’école. Pourvu que ça change, une fois un peu plus grand, ça ne lui fera aucun mal. En attendant, Thrass espérait pouvoir lui remonter le moral.

La première interruption de la matinée fut finalement celle d’Elkun. Pour lui annoncer une mauvaise nouvelle. L’ancien conseiller repartit presque aussitôt, sans rien dire de plus, laissant Thrass avec une boule au ventre. Quatre heures pour établir une liste complète d’accusations avec les preuves… ? Formidable, il en avait rêvé. Son regard vola sur ce qu’il avait établi ce matin, songeant que même s’il y avait effectivement des éléments compromettants, c’était encore bien loin de pouvoir tenir la route, si on parlait de chefs d’accusation avec preuves à l’appui. Sans oublier que l’affaire allait devenir d’autant plus « marrante » si des politiciens venaient s’y mêler. Il décida de sortir rapidement pour prendre quelque chose à manger dans son bureau, pour midi, puis de retourner à son travail.

Les dernières heures furent particulièrement sportives et assez stressantes, mais au moins, il put tirer un premier dossier suffisamment solide pour ne pas être écarté aussitôt d’un geste de la main. Il transmit le tout comme convenu au conseille Elkun, tout en espérant que ça soit assez bien, pour lui aussi. La confiance en soit n’était pas encore là, autant l’avouer… Il n’était ici que depuis une semaine à peine, même moins, alors se retrouver avec ça directement sur les bras… Il se prépara ensuite pour la réunion, préparant mentalement ce qu’il y aura à dire. Il retrouva Elkun un peu plus tard, avant l’arrivée du conseiller Inrokini'vano'mutr. Thrass avait simplement pris quelques minutes pour avaler un café avant, la tête encore remplie par les documents qu’il avait dû étudier. Tout de même un peu agacé, au fond, que Elkun ne juge toujours pas bon d’intégrer une équipe plus large et compétente pour un travail de cette importance.

"J’imagine qu’une commission sera créée spécifiquement, en cas de découverte sur un conflit d’intérêts ?"

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Avancement du dossier : 3

Assistant Elkun, de la Famille Mitth

Eikun avait laissé son jeune assistant travailler sans le déranger. Ce qu'il avait à faire était assez pointu comme cela, nul besoin de le surveiller en plus, surtout que lui-même avait ses propres dossiers, autrement plus complexes, à étudier. La société chiss, en prime, privilégiait l'esprit d'initiative, tant que cela restait dans le cadre des instructions bien sur, et encourageait donc une certaine forme d'autonomie. En clair, on apprenait très jeune à se débrouiller et les meilleurs montaient plus rapidement dans la hiérarchie sociale que les autres. Même des individus d'origine modeste, comme Mitth'ras'safis, pouvaient finir avec une place importante au sein d'une des Familles Régnantes.

Le jeune chiss lui apporta, d'ailleurs, le dossier au moment demandé, pile comme Eikun rangeait celui qu'il venait de terminer. Sachant qu'il avait pris son repas tout en travaillant, il le laissa prendre un café pendant qu'il étudiait le dossier.

"Une commission ? Oh, non. Si jamais, cela se passe surement ainsi au sein de peuples plus primitifs mais pas chez nous. Si nous avons des preuves, elles seront transmises au conseil des Familles par notre aristocra, et le conseil décidera des mesures à adopter. On ne peut perdre du temps en procédure pour régler un soucis aussi grave et permettre qu'un conflit d'intérêt évident se prolonge."

Eikun fronça les sourcils comme son communicateur sonna. Il n'aimait pas qu'on l'appelle à l'improviste, surtout pas cinq minutes avant qu'il n'ait une entrevue importante. Il décrocha aussitôt.

"Assistant Eikun, que puis-je pour vous ?"

"Ici le directeur San'urio'aspri. J'aimerais communiquer avec monsieur Mitth'ras'safis, s'il vous plaît."

Eikun haussa l'autre sourcil, se demandant un instant pourquoi un directeur d'école voulait parler à son jeune assistant trop jeune pour avoir un enfant, avant de se rappeler l'existence du frère du jeune chiss.

"Il est dans mon bureau mais nous avons incessamment un entretien avec une personne importante, veillez être bref, s'il vous plaît."

"Oui, bien sur, excusez moi, assistant Eikun. Monsieur Mitth'ras'safis, pourriez-vous me contacter après cet entretien ? Il y a eu un léger incident impliquant votre frère dont j'aimerais vous parler. Merci d'avance."

Le directeur de l'école coupa la communication, nullement désireux d'embêter une personne aussi haut placé dans la société chiss.

"Hum, j'espère que ce n'est rien de grave. Bref, excellent rapport, au passage, bien mieux que ce que j'aurais attendu de quelqu'un d'aussi jeune. Peut-être que je devrais vous laisser l'expliquer au conseiller Inrokini'vano'mutr vous-même ? Non, je plaisante. Installez-vous ici pendant l'entretien."

Il indiquait une chaise située sur le côté de son bureau. Eikun se demandait un peu quel genre d'incident avait pu survenir car, en règle générale, on ne dérangeait pas une personne sur son lieu de travail pour un soucis bénin. Mais, au final, cela ne regardait que Mitth'ras'safis, sauf si, bien sur, cela mettait en péril la réputation du clan. L'accueil signala l'arrivée du conseiller du clan Inrokini et Eikun laissa cela de côté.

Il accueilli le conseiller avec le respect dû à son rang, présentant son jeune assistant à cette auguste personne, accompagné lui-même de trois assistants aux visages sérieux et compétents. Eikun sentait que la discussion allait être plus longue qu'attendu, tant il avait le sentiment que le conseiller était venu pour ergoter sur chaque mot ou virgule du rapport que Thrass avait écrit. Heureusement que le jeune chiss était là pour l'aider car il n'avait guère eu le temps d'apprendre tout ce qu'il avait pu remarquer. Sans son aide, jamais il ne pourra faire passer ce rapport !

"Une commission ? Oh, non. Si jamais, cela se passe surement ainsi au sein de peuples plus primitifs mais pas chez nous. Si nous avons des preuves, elles seront transmises au conseil des Familles par notre aristocra, et le conseil décidera des mesures à adopter. On ne peut perdre du temps en procédure pour régler un souci aussi grave et permettre qu'un conflit d'intérêt évident se prolonge."

Très bien… Thrass hocha rapidement la tête, termina son café en deux gorgées, puis s’apprêtait à poser une autre question lorsqu’ils furent interrompus par un appel. S’écartant un peu, pour ne pas déranger par sa seule présence durant ce temps, il alla passer la tasse sous l’eau, la mit à sécher, puis revint près de son collègue. Juste au moment où il entendit son propre nom. Que… Qui appelait, au juste ? Il reconnut après, par la voix, qui contactait, sentant son cœur se serrer en entendant le motif. Que s’était-il passé ? Si Thraws avait été blessé… Mais non, le directeur de l’école ne l’aurait pas appelé de cette façon, ce serait plutôt l’infirmier de l’école ou un médecin du centre médical de la ville. La communication fut coupée avant qu’il n’ait eu le temps de demander plus de détails et donc de s’empêcher d’imaginer le pire. Son petit frère n’était pourtant pas du genre à aller se jeter volontairement dans les ennuis à l’école…

"Hum, j'espère que ce n'est rien de grave. Bref, excellent rapport, au passage, bien mieux que ce que j'aurais attendu de quelqu'un d'aussi jeune. Peut-être que je devrais vous laisser l'expliquer au conseiller Inrokini'vano'mutr vous-même ? Non, je plaisante. Installez-vous ici pendant l'entretien."

Il n’eut pas le cœur de répondre, désormais très inquiet pour son frère. Il ne cessait de se demander ce qui avait pu se produire pour que ce soit le directeur de l’école en personne qui se charge d’appeler, au lieu de son enseignant principal, par exemple, ou encore d’un des éducateurs. Mais si c’était vraiment très grave, le directeur lui aurait demandé malgré tout de venir aussitôt… Non ? Avant qu’il ne puisse avoir le temps de cogiter plus encore, le conseiller fut annoncé par l’accueil puis se présenta avec ses propres assistants. Thrass s’efforça de se concentrer sur le moment présent, repoussant l’envie d’aller courir maintenant à Ac’siel, comprendre enfin ce qui s’était passé. Il fallait que ça tombe aujourd’hui… Et dire qu’ils n’étaient revenus que depuis une petite semaine à peine, que son frère était littéralement inscrit dans cette école depuis quatre jours…

Une fois tout le monde installé, les présentations d’usage et formules de politesse passées, le plus dur débuta presque aussitôt. Dès le début de cet entretien, Thrass comprit que ça n’allait pas être une partie bien simple, malheureusement. Les premières piques, attaques et autres furent lancés avant même que le conseiller Inrokini n’ait terminé de lire les trois premières lignes du rapport. Thrass prit sur lui pour demeurer parfaitement serein, répondre lorsqu’il le fallait, soutenir son propre supérieur pour défendre ce travail. Au fond de lui, même s’il était toujours assez agacé d’avoir eu aussi peu de temps pour ce travail, il essayait de mettre ça de côté. Voilà pourquoi il aurait fallu plus de temps et plus de personnes. La conversation, de plus, s’engagea bien vite sur un terrain plus hargneux, où soufflait des rivalités entre clans, au lieu de se focaliser uniquement sur l’affaire de corruption.

A un moment, Thrass se demanda très sincèrement ce qu’il foutait, au juste, dans ce genre d’arène politique. Avant de se souvenir que s’il était là, ce n’était pas non plus un accident et qu’il ferait mieux de plus se concentrer. Mais une part de son esprit restait happée par son inquiétude pour son petit frère. Surtout en voyant l’heure tourner…

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Déroulé de l’entretien : 20

Bureau de l'Assistant Elkun, de la Famille Mitth, discussion avec le conseiller Inrokini'vano'mutr

La discussion se prolonge longuement. Bien que les accusations que cite le conseiller Eikun soit d'une grande pertinence, ce dont il remercie en pensée son jeune assistant qui a fait un excellent travail là-dessus, le conseiller Inrokini'vano'mutr n'a de cesse de tout remettre en cause, revenant même sur des données précédemment citées pour tenter de jeter le trouble dans le réquisitoire de l'assistant, qui ne peut que laisser faire à son agacement bien caché. C'est ainsi que le conseiller du clan Inrokini n'accepte de jeter l'éponge que peu avant vingt et une heure, même s'il promet de continuer à surveiller cette affaire bien sur.

"C'était du bon travail, Mitth'ras'safis. Je vais m'assurer de ranger les documents, vous pouvez y aller. Votre frère doit vous attendre."

Eikun est satisfait de cette joute avec le clan Inrokini et a décidé de remercier son assistant en lui épargnant les tâches habituelles de fin de service. De plus, il n'a pas oublié le fait que le frère du jeune chiss se trouve à l'école, où il doit encore attendre son grand frère, ni l'appel du directeur.

D'ailleurs, Mitth'raw'safis est en train d'attendre seul, sur son banc, à côté de la porte de l'école, lisant un livre d'école dans la pénombre due à la baisse des éclairages pour signaler le début de la nuit.

Les débats enragés de la politique, polis en surface, on ne peut plus animés si on lisait entre les lignes. Le conseiller était vraiment venu pour buter sur chaque virgule du rapport, soutenu par ses assistants. L’heure défilait et plus le temps passait, plus l’inquiétude de Thrass allait croissante. C’est en fin d’après-midi qu’il fut encore plus inquiet et blasé car l’école fermait… Quelqu’un allait-il attendre là-bas ? Ou bien son frère allait-il devoir rentrer seul ? Seul à cet âge-là, dans les rues, l’idée ne lui plaisait pas… En plus, il n’était encore jamais rentré seul de l’école ! Tout petit, leur père avait pu l’accompagner, puis leur mère et enfin, lui-même, lorsque leur père avait été trop malade et qu’il ne pouvait plus rester seul à la maison. Non, il allait sûrement l’attendre, mais combien de temps… Lorsque, enfin, ce débat toucha à sa fin, il était plus de vingt-et-une heure. Thrass en était malade, même s’il essayait de le dissimuler autant que possible.

Le calme retomba un peu, une fois le conseiller et ses assistants partis. Le Parlement devait être bien vidé, à cette heure… Sur les nerfs, il eut cependant un petit temps d’arrêt lorsque son supérieur lui lança que c’était du bon travail et qu’il pouvait y aller, qu’il se chargera de ce qu’il restait à faire au bureau. Thrass eut un bref murmure de remerciement, avant de le saluer, bien vite récupéré sa veste, son sac en bandoulière, ses clés et partir à grands pas. Dehors, les rues s’étaient déjà vidées mais il restait des navettes entre les villes, il y avait même des lignes de métro restant actives la nuit. Pressé, il prit la première disponible pour retourner à Ac’siel. Une fois arrivé, après vingt bonnes minutes de trajet, il courut jusqu’à l’école. Pour y trouver son petit frère, seul, sur un banc, occupé à lire un de ses livres de classe. Le directeur l’avait laissé seul comme ça… ? Cet… Thrass ravala la floppée d’insultes qui lui venait en tête et se pressa de rejoindre son petit frère.

"Tu vas bien ? Je suis désolé, je n’ai pas pu partir avant… La rencontre s’est éternisée. Je sais qu’il est très tard, désolé. Tu dois être fatigué."

Il était complètement ulcéré qu’on l’ait laissé comme ça dehors, à une heure pareille, sans absolument personne, mais pas question de le montrer. Même si son frère lui affirma que le directeur était resté au moins une heure à attendre avec lui. Thrass lui prit ses affaires puis la main, pour qu’ils rentrent à la maison. Quelques minutes de marche suffirent, cette fois, par bonheur. Dès qu’ils furent rentrés, Thrass déposa leurs affaires en vrac dans un coin puis s’occupa de faire réchauffer un petit repas. Priorité, faire manger son petit frère, qu’il se réchauffe… Et dire que ce n’était que le quatrième jour d’école… Et le quatrième jour de travail, dans son cas… Il profita d’être seul dans la cuisine pour laisser échapper un moment sa lassitude. Dans ces moments-là, il avait l’impression que tout le dépassait. Qu’il ne savait même plus rien faire. La minuterie le rappela tout à coup à l’ordre et il se bougea, pour servir le dîner. Pour le moment, manger, simplement.

Après le repas et la douche, il alla enfin se poser un peu. S’asseyant au bord du lit de son petit frère, en pyjama maintenant, puis l’attirant contre lui pour le prendre dans ses bras. Digérer ce coup, ce soir-là, allait lui prendre un sacré moment… Même si, honnêtement, il n’avait pas risqué grand-chose, Thrass était tout de même ulcéré qu’on laisse un enfant de cet âge aussi abandonné. Surtout un enfant à peine revenu dans cette école et encore en plein deuil ! Il aurait pu lui arriver n’importe quoi ! Il finit enfin par lui demander ce qui s’était passé à l’école, voulant avoir son point de vue avant toute chose. Et il s’était attendu à un peu sauf à cela… Bon… Très bien… Même si de son point de vue, il n’y avait pas de quoi en hurler durant des heures et des heures, il sentait bien que l’école, de son côté, n’allait pas du tout voir les choses de la même manière. Surtout qu’il connaissait le petit garçon en question, c’était le fils d’un collègue… Un conseiller très influent… Rah là là…

"Je comprends ton point de vue mais tu sais qu’il vaut mieux ne rien dire, dans ces cas-là, suivre simplement le mouvement. Ce n’était qu’un cours… Risquer des ennuis pour ça n’en vaut pas la peine. Tu pourras te soucier de ce genre de chose le jour où tu auras à diriger une équipe. En attendant, il faut suivre les ordres, tu le sais bien. Tu dois faire attention, aussi, aux ressentis de ceux qui t’entourent, c’est comme ça qu’on les comprend mieux et qu’on gagne leur respect. A terme, c’est aussi comme ça qu’on arrive à mieux se faire écouter. Si tu te braques, tu vas braquer les autres et il n’y aura plus de dialogue. Tu comprends ?"

Il ne savait pas trop si le message passait… Ce qu’il espérait, c’était que son frère comprenne qu’il y avait des méthodes qui ne passaient juste pas. Oui, discuter longtemps pouvait être pénible et il y avait des fois où mieux valait ne pas le faire du tout. Mais ce n’était qu’un cours, après tout. Thrass soupira légèrement puis le fit bien s’installer dans son lit, avant de remonter la couverture.

"On verra ça demain matin, j’irai parler à ton directeur d’école. Dors bien."

Il l’embrassa sur le front puis le borda un peu, avant de quitter la petite chambre. De retour dans la sienne, il eut un peu de mal à trouver le sommeil. La nuit fut assez courte, quelque peu agitée, le réveil difficile. Enfin, il fallait bien y aller. Durant le petit-déjeuner, il prévint Elkun qu’il passait d’abord à l’école primaire de son frère pour y régler le problème. Autant s’en occuper dès ce matin, d’autant plus que le directeur risquait bien d’être de mauvaise humeur, lui aussi. Aller s’occuper d’un problème à l’école avant même d’avoir ses propres enfants, ça aussi, c’était une première. Il en parla encore un peu avec son frère le long du trajet, histoire de bien comprendre, puis il le laissa dans la cour avec les autres enfants, le temps d’aller à l’accueil et demander à rencontrer le directeur. Un directeur qui ne tarda de toute façon pas à se montrer. Thrass eut la curieuse impression que cette discussion-là risquait fort d’être encore plus houleuse que celle de la veille.

"Bonjour. Je suis venu pour vous parler du souci arrivé en cours hier. Pour commencer, navré de n’avoir pu venir plus tôt. Il y avait une affaire de corruption assez grave à régler au travail et je ne pouvais pas partir comme cela."

Ça, au moins, cet homme pourra le comprendre assez facilement, n’est-ce pas ? Normalement… Du haut de ses dix-sept ans, il s’efforçait d’apparaître parfaitement calme et serein. En se répétant que ça ne pouvait pas être pire qu’un conseiller haut placé, dans l’Ascendance, désireux de minimiser une vaste affaire de corruption et de perte de fonds publics… On parlait d’une querelle à l’école primaire, tout de même ! Ce n’est pas comme si son frère avait causé un grave dommage à leur peuple tout entier.

Il attendait cette discussion avec importance, ne serait-ce que pour satisfaire une certaine personne qui l'avait contacté la veille, chez lui, pour lui signifier ce qu'il pensait de la façon dont on gérait l'encadrement des cours et l'humiliation que devait subir certain enfant, le sien sans être nommé. Entendre d'une personne influente qu'il envisageait de changer son enfant d'école n'était pas rien, surtout quand on était un directeur venu d'une petite famille, quoi que rattachée à une autre siégeant au conseil des Familles. Mabd'eni'slof avait donc attendu le frère de Mitth'raw'safis la veille, pendant une longue heure, avant de rentrer pour s'occuper de ses propres devoirs parentaux, vu que c'était à lui de s'occuper de la cuisine. Son épouse étant une artiste très douée et se produisant sur scène les soirs, au côté de la célèbre Chaf'anai'bintrano ! C'était un honneur dont il était fier mais qui, ce soir là, l'obligeait à rentrer nourrir leur enfant. Enfin, ce n'était pas comme si Mitth'raw'safis risquait quoi que ce soit, après tout. Quel chiss oserait faire du mal à un enfant ? Et puis, le coupable était d'abord Mitth'ras'safis qui ne venait pas chercher son jeune frère à l'heure, comme il se devait comme tuteur légal.

Ce matin, au moins, il eut la satisfaction de voir le jeune adulte se présenter à son bureau peu après l'ouverture administrative. Quel dommage qu'il n'ait pas voulu que son frère assiste à ce qui allait se passer. Après les salutations d'usage, il laissa le jeune chiss débuter leur conversation.[/i]

"Bonjour. Je suis venu pour vous parler du souci arrivé en cours hier. Pour commencer, navré de n’avoir pu venir plus tôt. Il y avait une affaire de corruption assez grave à régler au travail et je ne pouvais pas partir comme cela."

Hum, il semblait donc se couvrir auprès de son supérieur Eikun. Il ne voyait pas trop comment un chiss si jeune pouvait servir un conseiller si haut placé mais il allait devoir faire comme si tout cela était vrai, histoire de ne pas se froisser avec un second conseiller du clan Mitth. Mitth'urf'ianico était suffisant et sera plus simple à calmer s'il arrive à éviter que cela se transforme en guerre politique, avec l'aristocra actuel qui vienne s'en mêler, et punisse le pauvre directeur qu'il est.

"Je comprend parfaitement les obligations professionnelles, monsieur Mitth'ras'safis, surtout pour une affaire visiblement très importante. Cela étant, je me dois de vous dire que cela ne vous dégage pas pour autant de vos devoirs envers votre frère. Je suis certain que vous auriez pu prendre un instant pour nous prévenir de votre retard ou demander à un de vos voisins de venir chercher Mitth'raw'safis, plutôt que de le faire attendre, seul, aussi tard." Il savait l'heure scandaleuse à laquelle il était passé le prendre, grâce au système de surveillance de l'école. "J'espère qu'il n'y aura pas de seconde fois sur ce sujet là, sinon je serais contraint d'en appeler au service d'adoption. Bien, votre frère vous a-t-il expliqué l''incident ?"

Voilà un soucis de régler. Un bon sermon devrait suffire à rappeler sa place à ce jeune chiss, dont l'égo était surement trop élevé à cause de sa position sociale, élevée pour un chiss encore adolescent. C'était, après tout, le rôle d'un directeur que de remettre à leur place les jeunes et leur rappeler que l'individu travaille pour la société et non l'inverse, n'est-ce pas ? Ce n'était là que son simple devoir ! Il attendit la confirmation que son interlocuteur était au courant du problème avant de continuer.

"L'attitude de votre frère lors de cet incident était très insultant pour Mitth'opi'ianico et a gravement touché son autorité et leurs camarades."

C'était, en tout cas, ce qu'il avait soutenu auprès de Mitth'urf'ianico pour donner une excuse auprès de son fils quand à la défaite de leur équipe, lors de cette séance de sport collectif. La "trahison" et "l'insubordination" du jeune Mitth'raw'safis envers son capitaine était la raison de leur défaite, et nullement une quelconque incompétence du jeune Mitth'opi'ianico ! C'était évident ! Rien à voir avec les explications de Mitth'raw'safis qui estimait, allez savoir pourquoi, que leur équipe ne pouvait que perdre avec la stratégie proposée par leur capitaine, désigné par le professeur qui plus est. C'était donc aussi insultant pour le professeur, qui avait eu raison de renvoyer le jeune perturbateur après un premier avertissement, qui ne semblait pas capable de sélectionner un capitaine compétente. Comme sile fils de Mitth'urf'ianico n'était pas un leader né !

"Cela étant, je peux prendre en compte le fait que votre frère vient tout juste d'arriver dans notre école et en soit ainsi perturbé, et peut-être vexé de n'avoir pas été choisi pour diriger une équipe. A moins qu'il ne cherche à se faire remarquer. J'espère que vous l'avez sermonner comme il se doit, monsieur, déjà. Il ne lui reste plus qu'à présenter ses excuses publiques auprès de son professeur et de son camarade."

Voilà qui devrait suffire comme sanction, pour cette fois. Cela calmera le père de la "victime" et évitera que le jeune Mitth'ras'safis ne fasse intervenir son protecteur Eikun ! Enfin, Mabd'eni'slof l'espérait. Il n'avait pas envie de se retrouver entre deux conseillers Mitth, l'un voulant protéger son fils et l'autre un jeune assistant potentiellement prometteur !

Cela commençait comme il s’y était attendu, bien sûr, que pouvait-on espérer d’autre ? Certains avaient du mal à comprendre qu’il était parfois impossible de se dégager même « deux minutes » de certaines entrevues ou d’un travail particulier. Tout simplement car personne, dans l’Ascendance, n’admettrait qu’il se dégage comme ça d’un travail important pour la société entière au profit d’un problème familial très personnel. Et pourtant, c’était tout de même avec ça que régulièrement, on le menaçait de retirer son petit frère de sa garde pour le placer. Une excuse idéale, ce travail, somme toute, pour affirmer qu’il n’avait ni le temps ni les moyens de s’en sortir. Et aussi, pour certains, une façon de « régler » la situation, car déjà, quand leurs parents étaient encore là, quelques langues affirmaient que laisser des enfants à un couple « dans cet état » n’était pas très bon pour le développement. Leur mère avait toujours fait front face à ça et aujourd’hui, c’était à lui de le faire.

Ce qui ne l’empêchait pas, bien évidemment, d’être profondément agacé, même s’il veillait à ne pas le montrer, histoire de ne pas aggraver les choses. Pour le moment, mieux valait simplement écouter ce qu’il avait à dire, comprendre en quoi un simple incident, aussi mineur, dans une école primaire était considéré si gravement et de quoi avait peur ce directeur, plus exactement. Des disputes entre enfants ou même des problèmes ponctuels avec les professeurs, cela arrivait tous les jours et partout. On parlait là d’enfants, encore bien jeunes, quoi de plus naturel ? Ils n’avaient pas encore appris tout ce qu’il fallait pour des relations sociales plus apaisées, ce genre de chose prenait du temps. Thrass espérait encore que la politique ne vienne pas se mêler à tout ça, quoi qu’il craignît que ce ne soit déjà le cas… Mitth'urf'ianico ne s’amuserait tout de même pas à en user pour une simple affaire d’école, n’est-ce pas ? Il avait bien mieux à faire et plus urgent que cela.

"L'attitude de votre frère lors de cet incident était très insultante pour Mitth'opi'ianico et a gravement touché son autorité et leurs camarades. Cela étant, je peux prendre en compte le fait que votre frère vient tout juste d'arriver dans notre école et en soit ainsi perturbé, et peut-être vexé de n'avoir pas été choisi pour diriger une équipe. A moins qu'il ne cherche à se faire remarquer. J'espère que vous l'avez sermonné comme il se doit, monsieur, déjà. Il ne lui reste plus qu'à présenter ses excuses publiques auprès de son professeur et de son camarade."

"Ne vous en faites pas, je lui ai expliqué que dans une école, des précisions prises à la hâte durant un jeu ou durant le sport, ce n’était guère important si cela menait à la défaite d’une équipe. Je lui ai également expliqué qu’il fallait faire avec et obéir aux ordres malgré tout, car ce genre de chose n’implique aucune conséquence grave et que cela peut, au contraire, lui apprendre à mieux comprendre comment pensent et réagissent les autres personnes. Il apprend tout cela, c’est un enfant, après tout, comme son camarade. Je suis désolé que le jeune Mitth'opi'ianico ait été vexé. Mais je suis sûr aussi que son père a pris le temps de lui expliquer que l’école ait est faite pour repérer quels talents sont les plus forts, chez les enfants, et donc que cette même école saura le mettre sur la voie qui lui correspond le mieux. Pour le bien de toute l’Ascendance, que ce soit comme chef d’équipe ou dans un autre domaine. Je n’ai aucun doute sur le fait que le Conseiller Mitth'urf'ianico a rassuré son fils sur cela. Lui et Thraws sont jeunes mais ils trouveront leurs voies, il est normal qu’ils aient encore des difficultés à bien s’entendre ou exposer leurs raisons avec diplomatie, ce sont encore des enfants."

Thrass était tout à fait convaincu qu’aucun des deux enfants n’avait su faire preuve de la moindre diplomatie à ce moment-là et c’était bien normal. A neuf ans, on dit ce qu’on pense et sans filtres, c’était parfaitement logique. En revanche, il était plus surpris que leur professeur n’ait pas su, pour sa part, calmer d’emblée la situation et faire parler les deux garçons, calmement, pour qu’ils s’écoutent l’un et l’autre, avant de rappeler les règles et expliquer pourquoi il était important de les suivre. Enseigner ne devrait pas se résumer à dire de la fermer et suivre les ordres… Il avait toujours pensé que si une personne savait pourquoi elle devait obéir à telle chose et pourquoi c’était légitime, elle ne le fera que mieux.

"Faire parler ces deux enfants entre eux pour apaiser les choses et qu’ils apprennent comment se comprendre, c’est une très bonne idée, monsieur le directeur. Leur professeur doit, de plus, être très habitué à ce genre d’exercice et savoir comment leur enseigner un peu de diplomatie au passage."

Il écouta le jeune chiss expliquer avoir fait la leçon à son frère, et il espéra que c'était vrai. Lui savait que, malheureusement, il y avait des familles qui n'aimaient guère faire cela, et préféraient soutenir leur enfant même s'il était fautif. Ainsi, si Mitth'urf'ianico avait été à la place de Mitth'ras'safis, Mabd'eni'slof savait que le conseiller n'aurait pas réprimandé son enfant. Les chiss de sang ont une grande tendance à l'arrogance et à se considérer comme supérieur. Ils l'étaient, d'ailleurs, d'une certaine façon. Ne connaissant pas Mitth'ras'safis, le directeur décida de lui accorder le pragmatique bénéfice du doute. Peut-être avait-il bien sermonné Mitth'raw'safis et que la prochaine fois, ce jeune enfant saura se tenir au rôle attribué. Il s'assurera avec les professeurs de le mettre à l'épreuve pour en être sur.

Toutefois, la dernière phrase émise par son interlocuteur l'agaça énormément. Il sentait comme un sous-entendu dedans, comme si le jeune chiss tentait de lui faire une leçon de morale et lui rappeler le rôle d'un enseignant. C'était un brin hallucinant venant de la part d'un chiss encore jeune ! Lui n'aurait jamais osé faire ce genre de remarque à son âge.

"Soyez assuré que le-dit professeur saura faire ce qu'il faut, monsieur. Cela étant dit, je vous recommande une fois encore de dire à votre frère de présenter ses excuses à son camarade et à son enseignant au plus tôt. Comme vous l'avez dit, ce sont des enfants et ils doivent apprendre à corriger leurs erreurs le plus vite possible, n'est-ce pas ?

En attendant, Mitth'raw'safis aura une légère retenue d'une heure, aujourd'hui, durant laquelle un professeur lui donnera quelques cours personnels sur l'art de la diplomatie. Il terminera donc aujourd'hui à dix-huit heure dix. J'espère que nous nous reverrons à ce moment-là, monsieur Mitth'ras'safis."

Il s'exprima d'un ton aussi égal qu'avant mais ne pu s'empêcher de lui faire cette petite pique quand à la ponctualité du jeune fonctionnaire. Il en profita pour clore cette discussion là-dessus, n'ayant plus rien à dire à son interlocuteur et ayant, comme lui, du travail qui l'attendait. Mabd'eni'slof n'allait tout de même pas laisser ce jeune chiss se servir de lui pour arriver en retard à son lieu de travail, quand même !

"Soyez assuré que le-dit professeur saura faire ce qu'il faut, monsieur. Cela étant dit, je vous recommande une fois encore de dire à votre frère de présenter ses excuses à son camarade et à son enseignant au plus tôt. Comme vous l'avez dit, ce sont des enfants et ils doivent apprendre à corriger leurs erreurs le plus vite possible, n'est-ce pas ? En attendant, Mitth'raw'safis aura une légère retenue d'une heure, aujourd'hui, durant laquelle un professeur lui donnera quelques cours personnels sur l'art de la diplomatie. Il terminera donc aujourd'hui à dix-huit heure dix. J'espère que nous nous reverrons à ce moment-là, monsieur Mitth'ras'safis."

Pour sa part, Thrass espérait surtout récupérer son petit frère ce soir sans qu’il ne se soit passé d’histoire supplémentaire, pour qu’il passe un weekend tranquille, sans avoir de nouvelle crise sur les bras. Il salua le directeur sans faire de commentaires supplémentaires, très simplement, puis quitta les lieux. Juste avant de partir, il prit quand même son frère à part pour un rapide résumé de la conversation, le rassurer, lui dire ce qu’il en était puis lui répéter ce qu’il avait déjà dit hier soir. Le tout calmement, en priant que cette fois soit la dernière. Ce n’est qu’après cela qu’il le laissa aller à ses cours et qu’il prit la navette pour se rendre à la capitale. En chemin, il repensa à Mitth'urf'ianico, se demandant si le conseiller allait vraiment faire toute une histoire pour une banale dispute d’écoliers. Il le saura bien vite, de toute manière. Ce qu’il aimerait juste éviter, c’est que ça n’ait des répercussions sur le travail, mais il ne pensait pas que ça irait jusque-là. Son confrère n’allait pas gêner le travail du clan pour une frustration personnelle, tout de même.

A son arrivée au bureau, il salua Elkun du ton le plus neutre possible, même s’il sentait son regard un peu lourd. C’est bon, tout allait très bien. Thrass déposa ses affaires, en disant simplement, à la question posée du bout des lèvres, que c’était réglé. Il ne mentionna évidemment pas le nom de Mitth'urf'ianico dans l’affaire, parlant simplement d’un problème entre enfants à l’école, mais il sentait bien que Elkun n’était pas dupe et avait compris qu’il y avait autre chose derrière. Pour changer de sujet, Thrass parla plutôt du dossier de la veille, voulant savoir s’il y avait déjà eu des réactions. Même s’il était tôt, il n’avait aucun doute sur le fait que certains allaient très vite contre-attaquer, dans cette affaire. Même si ce n’était pas le seul dossier du moment, il aspirait déjà pas mal d’attention. Cela dit, c’était aussi assez rare qu’une affaire de cette ampleur arrive. Les histoires de corruption ou de conflits d’intérêts, c’était régulier, par contre, lorsque ça impliquait autant de personnes… Ils avaient plus l’habitude de découvrir des arrangements financiers douteux impliquant moins d’une dizaine de personnes.

Après ce premier débriefing, il retourna dans son bureau, pour travailler sur la suite de ce dossier et certains autres. Retrouver ce qui allait être une routine rassurait quelque peu et lui permettait de ne pas trop penser aux affaires privées. De toute façon, ça devrait bien se dérouler, non ? Son petit frère n’était pas idiot, il était capable d’écouter et de comprendre, il n’y avait pas de raison qu’un nouveau problème se déclenche. Peu de chance qu’il arrive à se réconcilier avec son camarade, par contre, mais ça… C’était dommage mais pas un drame. Il finira bien par se faire des amis, comme tout le monde. Il l’espérait… Avec un léger soupir, il s’efforça de ne plus y penser pour le moment et plutôt se plonger dans son propre travail. Charmante première semaine, dans tous les cas, il avait l’impression de ne plus avoir dormi depuis leur retour. Les débuts allaient être… Un peu pénibles… mais ça devrait aller.