Après un trou noir

Un trou noir. Un immense trou noir où il se sentit chuter, de plus en plus vite, de plus en plus brutalement. Fehlaaur atterrit sur le dos, brusquement, relâchant son souffle avec un léger cri de surprise et de douleur. Sonné, il rouvrit les yeux avec lenteur, voyant d’abord un soleil assez aveuglant au-dessus de sa tête, un grand ciel rougeoyant sans nuages, rien qui n’aille avec le paysage froid et la tombée de la nuit d’il y a une minute. Qu’est-ce que c’était que ce… Clignant des yeux quatre fois de suite, il pensa s’être fait assommer ou blesser par ses ennemis Jedis, se réveillant maintenant ici pour… sûrement une raison. Il se remit assit avec une légère difficulté, voyant autour de lui un paysage de rocs assez désolé, sous un soleil brûlant. Rien à voir avec le champ de bataille précédent.

Il ne parvenait pas à se souvenir, seule la bataille spatiale lui restait en mémoire, plus l’escarmouche violente à terre, rien d’autre. Se levant enfin, il secoua la poussière rouge de son uniforme puis fit quelques pas, plissant les yeux face aux vastes canyons qu’il voyait en contrebas, puis à ces étendues desséchées. Des paysages pourtant familiers… Oui, c’est cela, Ryloth, la planète natale des Twi'lek, il était déjà venu ici en mission il y a un peu plus de quinze ans. Bien, maintenant qu’il savait où il se trouvait, restait à comprendre comment il avait bien pu arriver là, ce qui était arrivé aux autres et comment les rejoindre, surtout. Selon l’endroit de la planète où il était, il devait y avoir des villes ou des villages… Très bien, rester ici ne servira à rien, en route. Pour le moment, rien d’autre que des canyons et montagnes n’étaient en vue, le soleil avait comme brûlé le paysage tout entier. Pas un monde bien agréable.

Après plus de deux heures à marcher, il aperçut enfin au loin des signes de vie. Quelques rares vaisseaux, une petite ville, de l’activité, c’était bien tout ce qu’il lui fallait pour le moment. Et un marcheur isolé ne passe que rarement inaperçu, en approchant ainsi d’un bourg. Assez vite, il vit deux Twi’lek en moto-jet venir à sa rencontre, et leur sourire amical disparu très vite au profit d’une grimace de stupeur, en s’arrêtant face à lui. Quoi ? C’était les yeux rouges qui les gênaient ? Ils ne lui feront pas croire qu’ils n’avaient jamais vu aucun membre de son peuple ! Voilà plus d’un siècle que leur isolationnisme de fer s’était un petit peu brisé et ils étaient déjà venu sur cette planète. Le Moff Chiss les salua en écartant le reste, il avait peut-être affaire à des reclus, et leur signifia qu’il cherchait simplement à rejoindre les siens, suite à une avarie de vaisseau. Inutile de rentrer dans les détails.

Toujours poli, son Basic était très fluide et sans un poil d’accent, cela aidait pour communiquer. Et tant qu’il ignorait ce qui était arrivé, il restait prudent. L’un des deux tiquait surtout sur son uniforme, demandant ce que l’emblème signifiait. Une question qui plongea le Chiss dans un abîme de perplexité, même s’il n’en montra rien extérieurement. Qui, dans cette galaxie, pouvait ne pas reconnaître l’emblème impérial ?

"Ceci est le signe de mon employeur, simplement."

Une réponse qui parut satisfaire le Twi’lek, l’invitant alors à les suivre. Fehlaaur préféra encore ne pas réagir ni poser de questions, de son côté, se contentant de suivre. Ces deux-là, et leurs familles, n’avaient plus dû quitter leur village depuis, au bas mot, un bon siècle, voire plus. En arrivant au village lui-même, à son entrée, un des rares vaisseaux était posé, avec un groupe plus atypique. Un Lasat, une autre Twi’lek, quelques humains… Dont deux portant des sabres lasers. Le Moff conserva son calme par habitude, mais au fond, il était effaré. Des Jedis, ici ! Mais aucun ne le pointa directement en criant à l’ennemi, ce qui le perturba bien plus. Seul le jeune garçon avait l’air en colère ou agacé, sans toutefois se mettre en posture d’attaque.

"Je ne nomme Fehlaaur," se présenta-t-il en se contentant, comme toujours, de donner que le début de son nom. "Il y a eu un problème avec notre vaisseau et je me suis retrouvé ici… Il me faut un moyen de rejoindre les miens. Vous-même, vous êtes ?"

Hera poussa un bref juron en étudiant de plus près le moteur, sous le sourire sarcastique de Kanan. Ce vaisseau, c’était comme son bébé,elle en faisait parfois un peu trop. Ezra s’assit sur un petit rocher à côté de Sabine et de Chopper, grignotant un biscuit en regardant leurs amis, assistés par Zeb, s’occuper du vaisseau. La halte sur cette planète n’avait pas forcément été prévue, de base, et même si la présence impériale s’y était beaucoup amoindrie, ça n’en restait pas moins un endroit où il ne fallait pas s’attarder. Sabine était occupée à dessiner sur son carnet, mordillant parfois son crayon en réfléchissant à haute voix à sa prochaine création. Ezra, lui, somnolait un peu, écoutant vaguement ce que leurs amis se racontaient. Ils étaient en route pour rejoindre un autre groupe, dans la Bordure Extérieure, quand ils avaient dû se poser ici. Dans le pire des cas, ils allaient passer la nuit ici puis repartir tranquilles, c’était un petit village, l’Empire n’était même pas dans le coin. Au moins un effet positif de la pandémie, tiens, leur présence s’était réduite dans beaucoup d’endroits.

Le jeune homme bailla longuement, se réveillant un peu quand Imotnuzi prit ses jumelles en lançant qu’un type approchait de là, à pieds. Ici, perdu en pleine cambrousse ? D’où il venait, son vaisseau s’était écrasé dans un coin ou quoi ? Les deux Twi’lek partirent à sa rencontre en moto-jet, pendant que Sabine lançait qu’il avait dû se perdre après un crash ou autre chose. Ça devait être un contrebandier. Ils attendirent que leurs amis reviennent avec l’inconnu, sans trop bouger de place. Ils étaient juste en bordure du village, un coin on ne peut plus tranquille de Ryloth, loin des villes les plus importantes et de la capitale. Lorsque leurs amis revinrent, Ezra eut un petit sursaut, écarquillant légèrement les yeux et aussitôt rempli de méfiance. Ce type, c’était un Chiss ! Qu’est-ce qu’il foutait là ?! Les siens étaient pas censés rester bien entre eux, sans jamais venir dans la galaxie connue, à part l’autre amiral, là ? Et c’était quoi, cet uniforme ? Ezra se releva avec lenteur, saluant l’inconnu du bout des lèvres. Ses amis étaient beaucoup plus polis, ils se méfiaient moins de ce peuple. Ezra, lui, ne pouvait pas, depuis qu’il avait croisé l’amiral. C’était peut-être l’effet « regard en sang ».

"Je ne nomme Fehlaaur. Il y a eu un problème avec notre vaisseau et je me suis retrouvé ici… Il me faut un moyen de rejoindre les miens. Vous-même, vous êtes ?"

Et qu’est-ce qu’un vaisseau Chiss pouvait bien foutre dans la Bordure Extérieure, on pouvait savoir ? Personne en s’inquiétait de ce détail ? Après tout, ils avaient aidé durant la pandémie, mais rien ne garantissait s’ils n’allaient pas filer un petit coup de main à l’Empire après ! Hera n’avait pas l’air de s’en soucier, en tout cas, présentant leur petit groupe d’un ton calme et tranquille. C’est vrai que ce peuple était censé être neutre, mais bon… On ne pouvait pas être sûr, loin de là. En tout cas, lui n’avait pas confiance. En revanche, il ne souciait pas que son vrai nom soit donné, étant déjà recherché, ça ne changera rien à l’affaire. Quant à l’uniforme que portait cet homme, il ne ressemblait pas non plus à ceux qu’il avait vu, pour les Chiss, dans la station médicale commune. Les leurs étaient noirs, parfois avec des couleurs associées, et n’avaient pas non plus le même emblème.

"Et quel problème avez-vous, avec votre vaisseau, au juste ? Vous ne savez pas où sont les autres ? Comment avez-vous atterri sur cette planète ?"

La Twi’lek à la peau verte claire fut la première à se lancer, se présentant avec un sourire poli. Capitaine Hera Syndulla… Jamais entendu parler. Pas plus que du premier Jedi qui se tenait avec elle, d’une façon proche, sa posture insinuant qu’il y avait quelque chose de particulier entre eux deux. Aucun des noms des autres membres de ce petit groupe ne lui parlait plus. Intérieurement, il restait très surpris que des Jedis s’exposent ainsi en plein jour sans même cacher leurs armes, c’était tout sauf un comportement habituel, quand bien même ils n’étaient pas recherchés ! Le Moff n’avait vu passer ces visages-là sur aucun des avis, il fallait bien dire aussi que la recherche du jeune Skywalker avait capté une bonne partie de son attention. Le seigneur Krayt voulait ce garçon, ardemment, seul dans cette galaxie capable de le soigner. Tous les efforts étaient concentrés vers ce but.

Après cette courte phase de présentation, le Chiss ne pouvait déterminer si ses interlocuteurs étaient des contrebandiers, des pirates, ou un groupe de républicains perdus se promenant avec des Jedis en tâchant d’esquiver les ennuis. Tant qu’il n’en savait pas plus, autant rester prudent… C’était déjà une chance qu’ils ne le reconnaissent pas comme l’un des Moffs du Conseil. Entraîné ou non, il ne possédait pas l’avantage du nombre, pas d’effet de surprise, et il ne sous-estimait pas les Jedis, dans un combat rapproché. Autant dire que la situation était plutôt critique. Seul le plus jeune du groupe affichait clairement sa méfiance. Un jeune qui finit par se relever, tout en portant un long regard à l’uniforme que le Chiss portait. Comment aucun d’entre eux pouvait-il encore ne faire aucune remarque là-dessus ? Cet uniforme l’identifiait clairement comme membre de l’Empire !

"Et quel problème avez-vous, avec votre vaisseau, au juste ? Vous ne savez pas où sont les autres ? Comment avez-vous atterri sur cette planète ?"

"Nous avons été attaqués. Notre vaisseau a sans doute été réduit en miettes, j’ai pu m’en sortir grâce à une capsule de sauvetage, avant d’atterrir sur cette planète. J’ignore où sont les miens, s’ils ont également survécu."

Dans le doute, toujours se cantonner à ce qui restait le plus simple à expliquer. Les affaires de destruction de vaisseaux étaient toujours fréquente, que ce soit à cause de pirates ou bien dans un contexte de guerre, et ce peu importe le secteur de la galaxie où on se trouvait. Par ailleurs, l’Ascendance menait quand même des affaires diplomatiques avec bon nombre de communautés, dans l’Espace Sauvage ou la bordure Extérieure, croiser un des leurs n’était pas si étonnant. Et pourtant, Fehlaaur avait de plus en plus l’impression que ce petit groupe trouvait sa présence ici, dans ce secteur, aberrante, impossible. Son regard tomba ensuite sur les blasters que les deux « gardes » en moto-jet portaient, ainsi que ceux du groupe. Des… antiquités ? Depuis quand des personnes s’armaient-elles avec des blasters d’un genre aussi ancien ? Des armes dépassées depuis plus d’un siècle !

"Je n’ai besoin que d’un moyen de prendre contact avec eux. Dans le pire des cas, me rendre à un de nos points de rendez-vous, en cas de problème. Si vous ne pouvez pas y aider, inutile que je reste ici plus longuement."

"Nous avons été attaqués. Notre vaisseau a sans doute été réduit en miettes, j’ai pu m’en sortir grâce à une capsule de sauvetage, avant d’atterrir sur cette planète. J’ignore où sont les miens, s’ils ont également survécu."

En orbite de Ryloth ? Ils n’avaient reçu aucune alerte ! Ni même capté quoi que ce soit avec les senseurs du vaisseau, donc qu’est-ce que ça voulait dire ? Il échangea un regard avec sabine, qui avait dû songer la même chose car elle sauta souplement du rocher pour aller vérifier ça sur le Ghost. S’ils avaient un problème avec le vaisseau, autant le checker tout de suite, ça pourrait leur causer des ennuis assez graves. Et qui aurait pu les attaquer, l’Empire ? Il n’était pas censé y avoir une sorte de neutralité, entre les deux ? Quoi que, c’était peut-être des pirates ou des contrebandiers, difficile de juger. Mais c’était quand même… Zeb ajouta à haute voix ce que chacun pensait, qu’ils n’avaient rien remarqué du tout, l’attaque avait dû être très rapide. Kanan non plus n’avait rien ressenti de particulier, à part une sorte de perturbation dans la Force, il y a une heure ou deux. Ils en avaient parlé, par contre, ils n’avaient pas songé que ça puisse venir d’une attaque. Plutôt comme… Comme si la Force avait été malade, tout à coup, qu’elle s’était déchirée, une impression bizarre et vite passée.

"Je n’ai besoin que d’un moyen de prendre contact avec eux. Dans le pire des cas, me rendre à un de nos points de rendez-vous, en cas de problème. Si vous ne pouvez pas y aider, inutile que je reste ici plus longuement."

Riche idée, ça ! Il ouvrait déjà la bouche pour approuver lorsque Hera le prit de court et annonça qu’ils pouvaient l’aider, il n’y avait pas de problème. Humph… Ezra préféra encore se taire et rejoindre Sabine pour participer à la vérification générale du vaisseau. Leur pilote reprit aussi ses travaux, elle non plus n’avait pas le moindre envie de s’attarder trop longtemps. En s’y mettant tous, au moins, ça allait être rapide. Après cette étape, ils rentrèrent leur matériel et les vivres achetées, avec le carburant. Leur nouveau passager n’était pas très bavard et le jeune homme évitait de l’approcher, il s’en méfiait lourdement. Même si tous les Chiss ne devaient pas être comme Thrawn, c’était plus fort que lui. Lors du décollage, il se tint prêt à réagir si on les attaquait, mais en orbite, il n’y avait rien, pas même l’ombre d’un petit croiseur impérial. Et ce qui gêna encore plus Ezra, pas l’ombre non plus d’un vaisseau à moitié détruit. Ils quittèrent Ryloth sans aucun problème, et pour une fois, le jeune homme aurait préféré en avoir, ça l’aurait rassuré. Une fois la barre de l’hyperespace passée, il redescendit dans le petit salon pour rejoindre les autres, gardant à l’œil leur passager.

S’asseyant auprès de Kanan, il reparla avec lui de ce que pouvait bien être la perturbation ressentie sur Ryloth. Il n’avait pas encore été confronté à ça, ou n’y avait pas fait autant attention, c’était vraiment bizarre. Tout allait bien, et puis, d’un coup, ce trouble, cette… déchirure. La Force avait sursauté, été déchirée, c’est qu’il avait ressenti. Ils n’avaient même pas eu le temps d’en apprendre plus ou aller voir ce qui se passait, tout était revenu à la normale. De quoi ça pouvait bien venir ? D’autres Jedis avaient peut-être déjà ressenti ça aussi, mais bon, comment dire… On ne pouvait pas dire qu’il en avait fréquenté, à part Kanan et un peu Luke, mais ça s’arrêtait là. Son maître et ami finit par émettre l’idée que ça pouvait venir d’une de ces failles, ramenant Siths et Jedis d’autres temps. Il n’avait pas pensé à ça, pensant que ça s’était calmé… Et puis, comment savoir si celui ou celle ramené était un ami ou un ennemi ? Personnellement, il n’avait pas envie de tomber sur un Sith de plus. Ils interrompirent leur discussion quand Hera revint et annonça qu’ils allaient devoir faire quelques détours, pour éviter les convois impériaux et les secteurs plus bouclés.

"Où faut-il vous laisser, Fehlaaur ? Vous allez rejoindre vos semblables facilement ? Si c’est bien l’Empire, qui vous a attaqué, il y a pas mal de planètes à éviter, ils sont partout, même dans l’Espace Sauvage maintenant."

"Là-bas aussi ?" s’étonna Ezra en redressant la tête.

"Si tu étais un peu plus attentif aux débriefings, tu n’aurais pas manqué cette info-là, Ezra. L’ancienne station médicale commune a été investie par la Flotte de l’amiral Thrawn presque aussitôt le départ de tout le monde, à la fin de la pandémie. D’autres mondes sont déjà sous une présence impériale forte. Mais il reste quand même de nombreux mondes qui sont des soutiens de la Rébellion. On va s’y rendre pour rejoindre ceux qui nous aideront dans le problème de Lothal. Vous y trouverez aussi de l’aide pour rejoindre les vôtres, Fehlaaur."

Pff, l’Empire s’étendait à la fin d’une araignée obèse tissant sa toile aux quatre coins de la galaxie ! Ezra leva légèrement les yeux au ciel, agacé par cette nouvelle donnée. Que venait foutre en plus les impériaux dans l’Espace Sauvage, ils n’en avaient pas déjà assez, avec les autres secteurs galactiques ? Ces rats se multipliaient partout où ils le pouvaient…

La pilote ne se méfiait décidément pas assez, acceptant de l’aider sans poser plus de question. Trop aimable… Lui-même restait sur ses gardes et très méfiant, il était conscient de pouvoir foncer droit dans un piège, que ces types fassent semblant de ne pas reconnaître son uniforme, mais il n’avait pas le choix. Isolé, en sous-nombre, il devait suivre la marche et se tenir prêt. Ils ne l’avaient même pas fouillé ou demandé ses armes, autre détail curieux… Lui,e n tout cas, était toujours choqué intérieurement par les leurs. A quoi bon tenir à combattre avec des blasters aussi vieux et sûrement extrêmement peu efficaces ? Il voulait bien croire que certains aimaient ce qui était ancien mais il y avait quand même des limites à ne pas dépasser, si on tenait à sa vie. Leur vaisseau, à lui seul, était d’un style dépassé depuis quelques dizaines d’années. Une impression encore renforcée lorsqu’il entra dedans.

Debout dans un coin de ce qui devait être leur salon de détente et de rassemblement, il ne lâcha plus un mot durant le décollage et pendant qu’ils quittaient l’orbite de la planète. En apparence, il ne prêtait aucune attention aux autres, écoutant sans en donner l’air la conversation entre les deux Jedis, visiblement un maître et son apprenti. Ils discutaient d’une sorte de déchirure dans la Force, ressentie quelques heures plus tôt. Un fait dont lui-même n’avait jamais entendu parler non plus, il connaissait pourtant les pouvoirs possibles de la Force. La vraie question était plutôt la suivante : cette déchirure avait-elle un rapport avec son arrivée incompréhensible sur cette planète ? Et si c’était le cas, qu’est-ce que cela signifiait ? Il n’avait jamais entendu non plus parlé des « failles de Force » que le Jedi aveugle évoqua ensuite, rien de ce qu’il avait étudié ne ressemblait à ça.

La pilote revint rejoindre le groupe un peu plus tard, pour annoncer qu’ils allaient emprunter des chemins détournés afin d’échapper à l’Empire. Il avait donc bel et bien affaire à des républicains, voilà qui était charmant. Mais il était prêt.

"Où faut-il vous laisser, Fehlaaur ? Vous allez rejoindre vos semblables facilement ? Si c’est bien l’Empire, qui vous a attaqué, il y a pas mal de planètes à éviter, ils sont partout, même dans l’Espace Sauvage maintenant."

"Là-bas aussi ?"

"Si tu étais un peu plus attentif aux débriefings, tu n’aurais pas manqué cette info-là, Ezra. L’ancienne station médicale commune a été investie par la Flotte de l’amiral Thrawn presque aussitôt le départ de tout le monde, à la fin de la pandémie. D’autres mondes sont déjà sous une présence impériale forte. Mais il reste quand même de nombreux mondes qui sont des soutiens de la Rébellion. On va s’y rendre pour rejoindre ceux qui nous aideront dans le problème de Lothal. Vous y trouverez aussi de l’aide pour rejoindre les vôtres, Fehlaaur."

Cette fois-ci, le Moff ne parvint pas à cacher sa perplexité, les regardant tous tour à tour, sans répondre immédiatement. De quoi parlaient-ils enfin ? Quelle pandémie ? Et pourquoi évoquer la « Flotte de Thrawn », il était mort depuis plus d’une centaine d’années ! Et il n’existait pas non plus de « Rébellion » officielle, juste des groupuscules ici et là contre Darth Krayt, rien de plus, beaucoup avaient plutôt rejoint le gouvernement en exil de Roan Fel, d’autres les Jedis, mais il n’y avait pas résistance en tant que telle. S’il lui fallait encore une confirmation de plus qu’il avait décidément raté une information importante, la voici, il ne comprenait plus du tout la situation. Il se contenta donc, simplement, de hocher la tête et répondre que toute aide sera la bienvenue et les remercia. Il resta ensuite à nouveau silencieux pendant qu’ils échangeaient entre eux sur des troubles dans le secteur, plongé dans ses pensées.

Ce fut le Lasat qui fit signe à tout le monde de venir, en indiquant qu’un nouveau message officiel de l’Empire était diffusé sur les réseaux informatifs et l’Holonet. A l’arrière, en retrait, Fehlaaur entrouvrit légèrement la bouche de stupeur en voyant l’homme affiché en hologramme, incapable d’y croire. Il était mort et enterré depuis… Que se passait-il ?! Ces types qui ne le connaissaient pas malgré son uniforme. L’emblème impérial lui aussi inconnu. Une rébellion invoqué. Des morts de longue date dont on parlait au présent. Un Empire… qui n’était pas celui qu’il servait ? Il repensa à ses derniers souvenirs, le « trou noir » dans lequel il avait chuté, son arrivée ici, l’incompréhension, puis se remémora cette faille de force que le Jedi aveugle avait évoqué. Non, non, non, la seule « explication » lui venant était beaucoup trop invraisemblable. Il s’approcha un peu, voyant la date dudit discours enregistré. Ce n’était pas possible.

"Que va faire l’Empire dans l’Espace Sauvage ?" finit-il par demander.

Il devait tâcher d’en apprendre plus, autant que possible, pour être certain qu’il ne délirait pas, que tout était bien réel. C’était de la folie pure… De la folie, rien de plus. La petite aux cheveux teintés en blond, violet et bleu indiqua que l’Empire comptait aussi annexer les secteurs de l’Espace Sauvage pour renforcer leur contrôle sur la galaxie, simplement, et que ça avait commencé depuis un petit moment, à présent. Il secoua la tête lorsqu’elle lui demanda s’il en avait entendu parler, répondant que l’Ascendance Chiss ne se préoccupait pas des affaires de ses voisins, encore moins des guerres qu’ils pouvaient y mener, ayant assez à faire dans les Régions Inconnues. Cette explication-là, au moins, était réelle, son peuple natal ne voulait pas être mêlé aux guerres des autres.

Le Moff ne tenta pas plus de pousser la discussion avec l’équipage par la suite. Il resta isolé, le plus souvent, au cours du voyage, réfléchissant à la situation. C’était une affaire de folie et son esprit logique refusait catégoriquement d’accorder à un seul crédit à la théorie « voyage dans le temps », seule qui, jusqu’ici, pouvait fournir un semblant de sens à ce qui se passait. A un moment, appuyé contre la rambarde de la passerelle, au-dessus du petit hangar, il sentit de nouveau un regard sur lui, tournant la tête et soupirant un peu en voyant le jeune Jedi.

"Que t’arrive-t-il donc ? Tu n’as jamais vu de Chiss de ta vie ?"

L’Empire aussi avait subi des pertes sévères durant la pandémie et plusieurs mondes n’étaient plus sous blocus, ou très peu, c’était le moment où jamais d’en profiter ! Qu’attendaient-ils, ils s’étaient bien débrouiller en petit comité, jusqu’ici, pas vrai ? Alors… Il referma la bouche quand Kanan lui posa une main sur l’épaule en lui disant d’être patient, on ne pouvait pas régler tous les problèmes aussi facilement et en fonçant dans le tas. Ce n’était même pas foncer dans le tas, là, ils avaient un plan, il ne comprenait juste pas pourquoi Hera insistait tant pour qu’ils aillent chercher plus de renforts. Selon leurs informations, la présence militaire en orbite de Lothal était fortement réduite ! Passer n’était plus autant un problème, et sur place, ils pouvaient aussi compter sur le soutien de la population. Aller jusque dans l’Espace Sauvage pour rencontrer d’autres groupes Rebelles et des alliés possibles, c’était perdre du temps. Ils avaient promis aux gens de Lothal de revenir pour les aider mais les mois défilaient et ils n’avaient toujours rien entreprit. Ils avaient des amis et des alliés, là-bas, ils ne pouvaient pas les abandonner comme ça.

Zeb interrompit le débat en leur disant que le vieux schnock d’Empereur donnait une allocution. Plutôt un truc pré-enregistré, mais bon, voyons ça. Encore de la propagande visant à rassurer les populations qui voyaient des forces impériales en plus grand nombre dans leurs secteurs, ça lui donnait envie de vomir. Pourquoi plus de gens ne soulevaient-ils pas contre les envahisseurs ? Derrière eux, le Chiss s’avança en demandant pourquoi l’Empire se rendait jusque dans ces régions, à présent. Une quête de pouvoir, toujours plus de pouvoir, ça ne durera pas éternellement. Le discours était quand même assez long, juste ce qu’il fallait pour piquer les nerfs d’Ezra à vif. Ce vieillard allait avoir son compte, tôt ou tard, rester patient, comme le lui répétait Kanan, était incroyablement dur. Se détournant du discours, il suivit plutôt son mentor pour aller s’entraîner et méditer. Leur voyage allait durer plusieurs jours mais ce n’était pas une raison pour ne rien faire ou se reposer, ils avaient toujours du travail. Même s’il lui fallait parfois un peu de temps, il se calmait complètement avait l’esprit clair, en méditant aux côtés de son ami et mentor.

Le temps du voyage, il partagea son temps entre ses entraînements avec Kana et garder un œil sur ce passager qui ne lui inspirait pas la moindre confiance. Ce dernier ne disait rien à personne, la majorité du coin, il restait dans un coin, plongé dans ses pensées, rien de plus. Au bout de quatre jours, le jeune homme fila de nouveau l’observer en catimini, mais il ne dû cette fois pas être si discret, car il se fit remarquer très vite. Ils étaient dans le hangar, sur la passerelle, près de l’échelle. Comme il s’était fait voir, Ezra approcha d’un pas ou deux, lèvres légèrement pincées.

"Que t’arrive-t-il donc ? Tu n’as jamais vu de Chiss de ta vie ?"

"Un seul de près, à savoir Thrawn. Votre peuple ne quitte jamais les Régions Inconnues, comment voulez-vous que je puisse en rencontrer d’autres ?"

A vrai dire, c’était cet uniforme, qui l’intriguait toujours. Ça ressemblait vaguement à l’emblème de Palpatine, mais en moins… En moins agressif, on allait dire ça. Il n’y connaissait pas grand-chose en art, ce n’était pas une matière qui le fascinait comme Sabine.

"J’ai du mal à croire à votre histoire," lâcha-t-il franchement. "Pour moi, vous pouvez juste être un espion à la solde de Thrawn."

"Un seul de près, à savoir Thrawn. Votre peuple ne quitte jamais les Régions Inconnues, comment voulez-vous que je puisse en rencontrer d’autres ?"

Le Moff se retint de hausser les épaules, gardant le regard fixé sur le petit hangar en contrebas. Thrawn était mort depuis un siècle et demi, environ… A moins que la théorie stupide et impossible ne soit vraie… Ces armes dépassées, parler des morts comme s’il étaient bien vivants, une Rébellion qui n’existait plus depuis de nombreuses années, ce qu’il avait vu sur l’Holonet durant ces derniers jours de voyage… Tout semblait évident, tout lui sautait aux yeux, et pourtant, il restait incapable de croire à une pareille aberration. Un voyage temporel, rien que ça ! Des dizaines d’années de recul, pour… Et il n’y avait pourtant aucune autre explication, mis à part celle « Tu es devenu complètement cinglé ». Il avait essayé de contacter les siens ou l’Empire, plus aucun des codes n’était reconnu ou identifié, pas un seul ! De tous ceux vers qui il avait essayé de se tourner, même des « collègues » peu appréciés, aucun n’avait répondu.

"J’ai du mal à croire à votre histoire. Pour moi, vous pouvez juste être un espion à la solde de Thrawn."

Au moins, ce gosse était très sincère. Ça devait être un trait commun à pas mal de Jedis, mis à part Kol et une poignée d’autres, Fehlaaur n’en avait que très peu rencontré sachant manier la diplomatie. Sans quitter sa place, il retourna son regard rouge sang vers le petit jeune, en se demandant ce qu’avait bien pu lui faire l’amiral pour qu’il lui en veuille à ce point.

"Je ne l’ai jamais rencontré. Tu peux ne pas me croire, si tu le souhaites, ce sera la seule réponse que je te donnerai."

Thrawn était l’un des noms ayant émaillé cette époque, parmi tant d’autres, et il ne les avait jamais vu autre part que dans les archives et dans la bouche de ceux évoquant ce temps, ou plutôt, évoquant les faits Historiques s’y étant passé et ayant encore des influences sur leur propre époque. Les noms de ceux qui avaient forgé des idéologies ou qui les avaient porté, les noms de ceux qui, après la guerre, étaient devenus des nouveaux piliers sur lesquels s’appuyer pour poursuivre. Palpatine, Thrawn et d’autres pour l’Empire, la princesse Organa ou la sénatrice Mon Mothma pour la Rébellion, des pilotes célèbres comme Antilles ou Fel, le Jedi Skywalker pour le Nouvel Ordre, et il en passait. Tous ceux-là, il les « connaissait » par ce qu’il avait lu, entendu ou étudié, rien de plus.

"Votre Rébellion ne m’intéresse pas, j’ai autre chose à me soucier. Tu me parais bien tendu ou agressif, pour un Jedi, on ne t’a jamais appris à contrôler tes émotions ?"

Ça, c’était aussi un truc sur lequel beaucoup de personnes se méprenaient. Il ne s’agissait pas de ne pas avoir de colère ou de peine, mais de ne pas se laisser submerger ou déborder, pour en perdre son sang-froid ou la capacité à raisonner. Les sentiments étaient naturels, plusieurs des Jedis qu’il avait rencontré étaient mariés, par exemple. Mais s’il était vraiment dans le temps de « transition », avant la naissance du Nouvel Ordre, ça ne devrait pas être le même son de cloche.

"Je ne l’ai jamais rencontré. Tu peux ne pas me croire, si tu le souhaites, ce sera la seule réponse que je te donnerai."

Ezra soutint le regard rouge sang sans ciller, fronçant les sourcils et serrant un peu la main autour du garde-fou, à côté de lui, tout près de l’échelle. Et dire que les autres ne voyaient vraiment rien d’anormal là-dedans ! D’accord, les Chiss avaient aussi aidé pendant la pandémie, mais tout de même ! Ou bien était-il un peu trop influencé ? Peut-être… Ezra ferma les yeux une micro-seconde à cette pensée, inspirant doucement par le nez en desserrant un peu son emprise sur la barrière. Ils auraient déjà attaqué par l’Empire, durant ces quelques jours, si ce type avait été un traître… A moins qu’il ne se contente d’attendre qu’ils ne soient arrivés à leur destination finale ? Ce n’était même pas une base et il le savait déjà, par ailleurs, la présence de l’Empire y était très réduite. Une simple étape de transition, si on pouvait dire ça, avant d’en arriver aux affaires plus sérieuses. Le jeune homme était plutôt pressé de s’organiser, avec tout le monde, puis de partir en expédition sur Lothal. Il y avait là-bas une personne très « chère » à son coeur qui devait les attendre avec beaucoup d’impatience.

"Votre Rébellion ne m’intéresse pas, j’ai autre chose à me soucier. Tu me parais bien tendu ou agressif, pour un Jedi, on ne t’a jamais appris à contrôler tes émotions ?"

"Qu’est-ce que vous pouvez bien en savoir, de la façon dont doit se comporter un Jedi ? Ça m’étonnerait que vous en ayez croisé tant que ça."

Cela dit, il l’avait assez piqué au vif, c’était plus que vrai qu’il devait mieux apprendre à se tempérer. Tournant les talons, Ezra leva légèrement les yeux au ciel et repartit à grands pas, en le laissant là. Cet homme, peu importe ce qu’on lui en dira, il le trouvait louche, point final. Et il continuera à le surveiller jusqu’à leur arrivée à leur point de chute ! En espérant qu’ensuite, il disparaisse pour de bon vers les Régions Inconnues et qu’on en revoie plus jamais cette tête-là dans les parages…