Gambit [PV Maul]

Canto Bight. La ville de tous les vices et le nouveau paradis des contrebandiers. Bien que Nar Shadda demeurait la plateforme tournante de tous les trafics inimaginables, il fallait reconnaître que la loi des Hutts n’étaient jamais la plus agréable pour quiconque désireux de faire correctement prospérer son business occulte. La planète de Cantonica était une étoile montante dans le domaine, peut-être même qu’elle finirait par surpasser la lune des contrebandiers dont les jours de gloire arrivaient peu à peu à leur crépuscule.

C’était justement pour le business que Maul se trouvait sur cette planète. Un de ces contacts du marché noir qu’il croyait disparu depuis longtemps – probablement mort au détour d’une ruelle sombre des basfonds de Coruscant – s’était de nouveau manifesté dans les jours précédents. Après avoir vérifié par divers procédés qu’il s’agissait bel et bien de la même personne et non pas d’un usurpateur d’identité, il avait été convenu d’un rendez-vous à Canto Bight concernant un contrat et diverses informations sur la cité-planète, notamment concernant les failles temporelles qui ramenaient les morts à la vie. Comment était-il au courant ? Cela faisait parti des raisons pour lesquelles le Zabrak avait tenu à venir en personne sans user de marionnettes.

Il se trouvait donc à la cantina du coin et observait scrupuleusement chaque personne présente aussi bien par ses propres yeux qu’à travers la Force. Là un devanorien qui tentait de vendre quelques épices de synthèses à deux Twi’lek. Ici un Rodien qui essayait de convaincre les siens de lui prêter quelques crédits qu’il avait encore perdu au Sabbac… en somme, il y avait de tout.

Ses pensées s’interrompirent toutefois lorsqu’une ombre passa devant ses yeux :  un Togruta prit place face à lui et commanda la même boisson. Son fameux contact semblait avoir bonne mine si on omettait le fait qu’une de ses cornes étaient tranchées en deux et donnait une certaine asymétrie à son apparence, renforcé par les tatouages blancs sur sa peau bleue. Il ne fit aucun préambule et entra directement dans le vif du sujet. Très vite, la conversation s’orienta sur ces fameuses failles temporelles. L’Empire essayait de retourner l’information d’une autre manière mais les rumeurs allaient bon train, certains parlaient même de Jedis qui reviendraient les hanter pour avoir laissé faire la Purge. Si ces rumeurs pouvaient faire peur aux enfants et rire les adultes terres à terre, Maul ne riait pas.

À travers la Force, il avait soudainement perçu un afflux soudain comme une violente tempête. Était-ce cela que les sensitifs ressentaient lorsqu’ils se trouvaient à proximité d’un « voyageur du temps » ? Son regard orangé passa longuement sur les personnes présentes qui ne semblaient rien avoir remarquer, sauf… sauf lorsqu’un parfait étranger traversa la cantina et se dirigea vers le mur du fond d’un pas décidé. Des regards curieux le suivirent, d’autres interloqués. Le Zabrak analysa brièvement l’individu à travers les effluves de la Force, et fit un geste au Togruta qui s’étai interrompu et lui jetait un œil interrogatif.

« On reprendra cette discussion une autre fois, l’ami. Je te contacterai. »

Son interlocuteur ne chercha pas à discuter et se leva pour prendre congé. Il fit de même mais, à défaut de sortir de l’endroit, ses jambes cybernétiques dissimulées par ses vêtements prirent la direction de ce parfait inconnu. Il sentit la fureur, la colère, la rage… des sentiments qui palpitaient comme un cœur gorgé de sang mais incapable de tout relâcher correctement. Cela le fit sourire et l’amusa grandement. Après tout, il avait connu ce même genre de ressentis durant ses périodes d’entraînement sous le joug de Sidious.

« Je te conseille de continuer sur cette lancée. » dit-il en sentant que l’humanoïde tentait de prendre sur lui. « Ce serait stupide de te faire cribler de balles pour si peu. »

Mieux valait ne pas brusquer son interlocuteur qui semblait déjà bien à cran. Dans un autre contexte, un duel aurait sans doute suffi à faire disparaître cette colère. Mais dans la situation actuelle, c’était la dernière des idées à avoir. D’un geste de la canne qui dissimulait son sabre-laser à double lames, Maul tapota la table vide juste à côté de lui pour indiquer à son vis-à-vis de prendre place.

« Assieds-toi, voyageur. Nous avons à parler. »

Son interlocuteur consentait à lui obéir. Bien. C’était déjà un bon début. Maul attendit que l’inconnu prenne place avant de faire de même.

Derrière ce masque qui faisait penser à celui de l’âme damnée de l’Empereur – le seigneur Vador – difficile de déchiffrer la moindre expression qui pouvait passer sur le visage de l’étranger. Une bonne chose pour ce dernier, il fallait bien l’avouer. Néanmoins, sa propre perception de la Force lui offrait un certain atout. Après tout, qui d’autre qu’un sensitif pouvait percevoir les fluctuations liées aux émotions et ressentis chez un être vivant ? Qui plus est lorsque celui-ci semblait avoir un lien particulier avec la Force.

Le Zabrak n’avait pas de masque pour dissimuler les traits de son visage, seulement le capuchon de son ample manteau qui le faisait passer pour un vagabond ou contrebandier de la bordure extérieure. Capuchon qu’il souleva légèrement du pouce pour fixer son vis-à-vis de ses yeux orangés pendant quelques brèves secondes, son autre main conserva sa prise sur sa canne.

« Ta tenue ou ton lien avec la Force, pour être plus exact. » dit-il de but en blanc en mettant volontairement les pieds dans le plat et pas qu’un peu, d’ailleurs.

De simples mots dans lesquels résultaient de nombreuses vérités. Après tout, il était aisé d’en dire peu mais d’en sous-entendre beaucoup. À croire que les enseignements de Sidious avaient fini par déteindre sur lui de manières bien plus prononcées qu’il aurait pu le penser ; lui qui était un guerrier avant tout, voilà qu’il se mettait à manier le verbe autant que la lame de son sabre-laser.

« Il y a un maelstrom tout autour de toi, voyageur. » ajouta-t-il avec un sourire on ne peut plus amusé. Sourire qui disparut bien rapidement dans l’ombre de son capuchon. « Un maelstrom que tu ferais mieux de contenir et de faire taire, si tu ne veux pas que des individus un peu moins… aimable que moi viennent te dénicher pour t'interroger. Dans le meilleur des scénarios, bien sûr. »

Voilà bien une chose dont il peinait à suivre les mouvements : les Inquisiteurs. Même ses hommes ne parvenaient pas à avoir un chemin concret de leur trajet. Bien qu’il doutât fortement que certains viennent se perdre sur Cantonica, mieux valait prévenir que guérir et il n’était pas à l’abri du doute. Maul faisait en sorte de dissimuler au maximum sa présence dans la Force quand il quittait Dathomir, la rendant aussi proche de celle d’un individu lambda.

Les yeux orangés du Zabrak dévisagèrent un moment son vis-à-vis, laissant ses mots passer la barrière de ce masque pour trouver un chemin dans son esprit. La Force avait changé autour de lui, la colère et la rage s’étaient atténuées pour laisser place à autre chose.

« Je suis de bonne humeur donc propice à répondre aux questions. Après tout, nous sommes semblables : deux voyageurs. » déclara-t-il tandis que son attention se portait un instant sur les écrans d’holo-vidéo qui rediffusaient le discours de Palpatine durant le Jour de l’Empire qui avait eu lieu. « Et par "voyageurs", je sous-entends beaucoup de choses… »

Les yeux orangés du Zabrak se désintéressèrent de l’holovidéo pour se reporter sur son vis-à-vis.  Pour quelqu’un n’ayant qu’une seule question, ladite question semblait prendre bien plus de phrases et d’interrogations qu’elle ne le laissait présager. Un sourire quelque peu amusé étira brièvement ses lèvres dans un rictus torve.

Pourquoi, en effet ? La bonté d’âme n’était pas la principale caractéristique de sa personne. Loin de là même, il fallait bien le reconnaître. Cependant, il s’agissait d’une chose à laquelle il avait longuement médité depuis son propre retour parmi les vivants et – plus exactement – sa rencontre avec le seigneur Scourge. Ce dernier n’avait rien demandé non plus en retour pour ses connaissances ou son « enseignement » comme le disait si bien son interlocuteur. Comme s’il s’agissait d’une mission que seuls ceux ayant connu le grand voyage pouvait transmettre. Ce qui, en soit, n’était pas entièrement faux… après tout, il n’y avait que pour comprendre ce par quoi les nouveaux venus pouvaient passer.

« Je te dirai ce que je sais. Ensuite, je partirai et tu seras libre de faire ce que bon te semble en toutes connaissances de cause. »

Ses coudes s’appuyèrent sur la table tandis qu’il se penchait légèrement en avant. Il se tut un moment et ce afin de laisser le droïde apporter la boisson qu’il avait commandé plus tôt. Ce ne fut une fois qu’il fut certain que personne ne pourrait les entendre qu’il reprit sur un ton plus bas.

« Comme toi, je suis arrivé ici en ayant perdu bons nombres de mes repères. »

Bien sûr, il ne s’agissait pas de cette même planète et de ce même endroit où il avait repris conscience mais l’image était suffisante pour ne pas entrer dans les détails.

« La colère, la fureur… et le manque de réponses ont fait que je me suis rendu sur une planète voisine pour en trouver. Là-bas, j’ai rencontré des fantômes du passé. Des légendes… faites de chair et de sang, aussi tangibles et réels que toi ou moi. Ce seigneur Sith était aussi un voyageur comme nous, mais venait d’une époque depuis longtemps révolue. Plus de trois milles ans et des poussières en arrière, pour être exact. »

Maul prit une gorgée de sa boisson tout en laissant le début de ses explications se frayer un chemin dans l’esprit de son interlocuteur. D’expérience, il savait que ce genre de nouvelles étaient des plus dures à avaler. Après tout, qui irait croire que des êtres sensibles à la Force avaient « voyagé » jusqu’à cette époque actuelle à travers le temps et l’espace ?

« Moi-même, je viens d’une époque plus récente. Une époque où je suis mort et j’aurai dû le rester. Mais la Force en a décidé autrement et m’a ramené pour une raison que j’ignore totalement. Je ne suis pas le seul. » ajouta-t-il en fixant intensément l’humanoïde sous son capuchon, sous-entendant qu’il percevait très bien que lui aussi venait d’un autre temps. « Si tu ne me crois pas et je ne pourrais t’en blâmer, regardes autour de toi. Pas par tes yeux, mais pas la Force…. Et demande la date de l’année où nous sommes. »

Prenant enfin sa boisson en considération, Maul sirota lentement son verre tout en observant son interlocuteur. Interlocuteur dont il ignorait toujours l’identité, d’ailleurs… mais passons.

Ses paroles semblaient avoir trouvé leur chemin à travers ce masque puis dans la tête de l’inconnu. Bonne ou mauvaise chose ? Cela dépendant du point de vue. Ce genre de nouvelle faisait souvent l’effet d’une douche froide et l’on pouvait s’estimer heureux de ne pas devenir fou face à la réalité des faits. Qui sait ? Peut-être que certains voyageurs avaient, effectivement, perdu la raison et s’était perdu psychologiquement dans ce monde étranger pour eux.

Lorsque son vis-à-vis se leva soudainement, il ne broncha pas. Il fut même assez surpris de ne pas le voir partir et ne plus revenir. Mais le maelstrom qui l’entourait paraissait progressivement se calmer au fur et à mesure qu’il faisait la part des choses. Un sourire germa sur les lèvres du Zabrak derrière son verre. Bien, très bien : c’était là la meilleure attitude à adopter. Considérer que l’on se voyait offrir une seconde chance dans ce monde.

« Je comprends. » déclara-t-il simplement face à la remarque de son vis-à-vis concernant son départ immédiat. « Juste une chose… puisque tu semblais faire grand cas du fait que rien n’était gratuit dans cette galaxie, donnes-moi simplement ton nom avant de partir. Ton vrai nom. » ajouta-t-il avec un sourire amusé et un regard appuyé sous son capuchon élimé.

Après tout, beaucoup pouvaient offrir une fausse identité. À juste titre, d’ailleurs. Lui-même n’était pas une exception à cette règle puisqu’une partie de son travail l’exigeait pour que ses actions continuent d‘elles-mêmes dans l’ombre.

« Aussi, si tu veux te mêler à la populace, je te conseille de retirer ce masque. Si tu avais été un Mandalorien, cela aurait été naturel mais cela n’étant pas ton cas, il va te falloir faire profil bas pendant un moment… et retirer ce masque est un bon début. » conseilla-t-il en reposant son verre à moitié vide dans un léger claquement sur la table.