Rencontre secrète dans le désert

Les opérations actuellement menées par le Grand Moff Tarkin dans la Bordure Extérieure rendait très ordinaire, dans de nombreux secteurs, la présence de bâtiments appartenant au BSI, ainsi qu’au BRI, dans une bien moindre mesure. Des régions, habituellement perturbées, qui se retrouvaient de plus en pus piégées dans le feu d’une tourmente sans merci. Si la plupart des mondes pliaient sagement la tête, trop conscients de ce qui était arrivé à la malheureuse Manaan, ce n’était pas le cas des puissantes organisations criminelles en tous genres ayant une forte mainmise sur ces immenses secteurs galactiques. Bien des officiers, dans les Mondes du Noyau, sous-estimaient la force des syndicats criminels et autres cartels, dans la Bordure Extérieure, et ne pensaient pas non plus à la taille incomparable de ce secteur. Son étendue faisait que la plupart des missions militaires étaient plus compliquées, d’autant plus avec la réduction très nette d’effectifs, depuis la pandémie. Un point sous-estimé, un point pourtant important et pris en compte par ceux et celles devant travailler ici. Tout comme l’Empereur le savait, lui aussi, cette région était difficilement gérable.

Bien des méthodes impériales étaient on ne peut plus discutables… Le Grand Moff agissait dans la Bordure Extérieure avec toute la finesse d’un bulldozer ! Le colonel en venait même à s’étonner qu’aucune autre planète n’ait encore été détruite sous les feux de l’Étoile Noire. La réputation de sa Flotte, déjà peu flatteuse, n’en finissait plus de s’assombrir, tout comme la réputation du Grand Moff elle-même. Yularen savait très bien ce qui était dit sur son compte. On le décrivait comme un homme profondément cruel et froid, sans aucuns scrupules ni compassion, ne laissant derrière lui que des ruines fumantes et des cadavres agonisants. Il possédait un talent certain pour se faire haïr, mépriser ou pour terroriser. Toute à l’image de sa Doctrine et ses méthodes, dont cette arme monstrueuse n’était que le miroir. Un pion utile et dévastateur, dont la façon de faire n’avait rien à envier à celle de certains seigneurs Siths. Peu étonnant que l’Empereur l’ait mis à ce poste et en commandement de l’Étoile Noire, seule une personne parfaitement impitoyable et insensible aux massacres gratuits pouvait commander pareille arme.

Le colonel, cependant, n’en était pas encore à réprouver l’Empire lui-même, malgré tout ce qu’il avait pu découvrir, car il savait que la République n’était pas à même de faire mieux. Au contraire, sur la plupart des sujets, elle faisait bien pire. Il leur fallait un régime fort, cependant, éliminer des personnalités comme l’avait été Plagueis, et comme l’étaient d’autres Siths ne rêvant que de chaos, était une urgence vitale. Ces êtres ne pouvaient que pourrir de l’intérieur un système, peu importe lequel, en le corrompant pour imposer leurs idées autodestructrices, avides de pouvoir ou de folie. Si la galaxie ne pouvait effectivement pas se débarrasser complètement de cette part du mal, ils ne pouvaient guère se permettre de la laisser dominer et contrôler les choses. Les derniers « bouleversements », qui n’en étaient pas vraiment, contribuaient à cette progression de ce mal insidieux. Ils avaient déjà pris du retard, néanmoins, la partie était encore loin d’être perdue. Le colonel n’avait rien à perdre, aucune famille ou amis, quant à sa propre vie, elle avait déjà été faite. Ses ennemis pouvaient la lui arracher, au moins aura-t-il accompli son Devoir, au maximum de ses capacités, avant de mourir.

La demeure où il venait d’entrer était modeste, isolée dans le désert, à l’abri de tous les regards indiscrets, sans un seul voisin ou une ferme proche. A moitié prise, de l’extérieur, par le sable, tout comme l’intérieur, visiblement déjà fouillé par des pillards locaux, sans doute. Les lieux étaient sens dessus dessous. Wullf en fit une dernière fois le tour, pour sa tranquillité d’esprit, avant de s’asseoir et d’attendre. Il ne s’écoula que peu de temps avant l’arrivée de son interlocuteur. Yularen se leva pour l’accueillir, content de le revoir, même s’ils étaient à présent dans deux camps opposés. Les lieux étaient sécurisés, ils étaient parfaitement tranquilles. L’avantage de ce poste était que le colonel pouvait très facilement justifier de nombreux points gênants. Il lui serra la main avec un petit sourire, comme on retrouve un vieil ami perdu de vue depuis bien longtemps, sans pour autant se lancer dans les effusions.

« – Content de vous revoir, maître Kenobi, malgré les circonstances. »

Cet homme, qui avait bien failli parvenir à assassiner l’Empereur alors qu’il était plus âgé que maintenant, depuis son retour des failles, était considéré en haut lieu comme une menace très importante. En signe d’apaisement, Yularen ne portait pas son blaster, il avait toujours une armée cachée, car il fallait rester prudent sur ce type de planète, mais cet entretien pouvait se dérouler en paix.

« – Nous sommes seuls et tranquilles, j’ai fait le nécessaire. Je tenais à vous rencontrer car les récents événements, concernant les actes des Siths, ont refroidi ma loyauté envers eux et envers leur maître. Je n’ai rien contre un système impérial, un régime fort sait résister aux chocs divers, mais je ne tolère pas les massacres tels que la pandémie. J’estime que l’Ordre Jedi doit reprendre sa place… Sous une autre forme. Le contrôle plus ou moins lourd exercé par la République était des plus vicieux, même avant l’arrivée de Palpatine. »

Obi-Wan avait demandé à Siri d’attendre près du vaisseau. Pas tant qu’il craignait une attaque soudaine mais il préférait que les modalités de la rencontre qu’il s’apprêtait à avoir se déroulent très exactement comme il l’était prévu, pour ne mettre personne mal à l’aise et débuter sur de bonnes bases. C’était aussi une façon de tester la confiance qu’on pouvait se permettre d’avoir, face au colonel. Le Jedi savait son interlocuteur très franc et honnête, néanmoins, la prudence restait malgré tout de mise. Il se rendit ainsi seul au lieu de rendez-vous, sa propre maison, l’ancienne maison, où il s’était installé après avoir déposé Luke chez sa famille adoptive. Au-dehors, tout était parfaitement calme… Il ne percevait pas de danger immédiat, ni de troubles, il n’y avait pas même d’hommes des sables prêts à surgir et leur tomber dessus. La première présence qu’il ressentit fut bel et bien celle du colonel, à l’intérieur de la maison. Il se leva lorsqu’Obi-Wan entra à son tour, son uniforme blanc tranchant avec netteté dans ce décor ensablé et poussiéreux. Il n’avait pas vraiment changé, malgré ses cheveux blancs et plus de rides.

Le maître Jedi lui rendit son salut, en lui serrant la main, avant de baisser la capuche lui recouvrant le visage. Lui aussi était plutôt contant de le revoir, il avait apprécié de travailler avec lui durant la Guerre des Clones et savait que ça avait été le cas de nombreux officiers. Contrairement à d’autres, Yularen possédait le très gros avantage d’être au-dessus de tout soupçon, aux yeux de l’Empereur et de son gouvernement. C’était incroyablement précieux, d’autant plus avec des temps si troublés, sans oublier la méfiance habituelle dont se gavaient les soldats et officiers impériaux. Obi-Wan se demandait cependant comment et pourquoi le colonel s’était mis à douter… Il avait toujours servi l’Empire avec le même zèle qu’il avait servi la République, d’où lui venait ce revirement ? Les quelques raisons possibles qui lui étaient venues nécessitaient tous un… Disons, un « appui » extérieur. Ou l’accès à des informations que l’Empereur ne s’amusait pas à diffuser. Il était donc très curieux d’apprendre ce qui, ou qui, avait provoqué le déclic. Ainsi que les conséquences. A un tel poste, le colonel ne ferait pas long feu, si cet entretien avait le malheur d’être découvert.

– Nous sommes seuls et tranquilles, j’ai fait le nécessaire. Je tenais à vous rencontrer car les récents événements, concernant les actes des Siths, ont refroidi ma loyauté envers eux et envers leur maître. Je n’ai rien contre un système impérial, un régime fort sait résister aux chocs divers, mais je ne tolère pas les massacres tels que la pandémie. J’estime que l’Ordre Jedi doit reprendre sa place… Sous une autre forme. Le contrôle plus ou moins lourd exercé par la République était des plus vicieux, même avant l’arrivée de Palpatine.

Bon. Plagueis avait décidément causé beaucoup de mal à l’Empire, et pas seulement au travers de la peur qu’il avait insinué ou les pertes durant la pandémie, si ses actions avaient même réussi à saper en partie la loyauté des plus fidèles soldats de l’ère impériale. Obi-Wan n’en était plus très loin de songer que, finalement, l’Empire payait, encore aujourd’hui, un tribut aussi lourd que celui de l’Espace Sauvage. Il s’assit dans un coin avant de répondre, un maigre sourire aux lèvres.

– L’Ordre s’était laissé aller, autant dans son fonctionnement global que dans ses relations avec la République. Il y avait une forme d’arrogance qui a contribué à la perte, en plus du reste. La nouvelle génération est consciente de ça et ne refera pas la même erreur.

Soit, la nouvelle génération était pour le moment bien maigre, ceci étant, Obi-Wan ne désespérait pas, ce n’était qu’une question de temps. A leur place, il n’aurait pas aimé non plus devoir tout rebâtir en repartant sur presque rien, c’était très différent d’être élevé dans un Ordre déjà solide et sûr.

– Seule la pandémie vous a poussé à remettre tout cela en question ou il y a-t-il autre chose ?

« – L’Ordre s’était laissé aller, autant dans son fonctionnement global que dans ses relations avec la République. Il y avait une forme d’arrogance qui a contribué à la perte, en plus du reste. La nouvelle génération est consciente de ça et ne refera pas la même erreur. »

Exact, c’était sur cette nouvelle génération que Yularen avait fondé beaucoup d’espoirs et il ne l’avait pas caché, lors de sa petite discussion avec le jeune Luke. Il comptait sur lui et sur ceux, déjà membres de l’Ordre ou non, qui étaient nés après la Guerre des Clones, qui étaient nés après que l’Ordre soit tombé, qui n’avaient jamais connu ou subi son influence, qui pouvaient donc posséder un regard neuf sur le sujet. Tout ce que les aînés pouvaient faire était d’avoir confiance, dorénavant. Tout en espérant que, cette fois-ci, certaines erreurs soient évitées… Comme l’avait d’ailleurs souligné son vieil et ancien ami, il était mauvais que l’Ordre Jedi se laisse aller. Aux yeux du colonel, il serait même nocif pour les Jedis d’avoir des relations trop étroites avec les Rebelles. Oh, ils pouvaient en être alliés, bien entendu, mais ils devaient aussi en rester indépendants, mener leurs affaires, sans tout partager ou dévoiler, au risque, une nouvelle fois, de se perdre dans le jeu empoisonné des alliances et relations. Il n’était sans doute pas mauvais que certains se méfient de Luke, entre autres, car cela participait à conserver la distance nécessaire, le temps que l’Ordre soit assez solide.

« – Seule la pandémie vous a poussé à remettre tout cela en question ou il y a-t-il autre chose ? »

« – En effet. Cette maladie a été le déclencheur de nombreux doutes et j’ai pu en apprendre plus par la suite, à travers mes propres recherches et une discussion très intéressante, avec une autre personne bien informée. J’en sais maintenant plus sur la véritable nature de la Guerre des Clones et de l’avènement de l’Empire. »

Inutile de s’attarder sur le sujet, le maître jedi en savait autant que lui là-dessus, peut-être même plus, et ce n’était pas le cœur de cette rencontre. Le passé était le passé, le colonel n’était pas ici pour se perdre dans d’innombrables regrets ou pour refaire l’Histoire. Il finit enfin par se rasseoir, à son tour, sur un vieux meuble renversé, rongé par la poussière et le sable. Étrangement, il se sentait sincèrement plus détendu en compagnie d’un homme recherché par tout l’Empire pour crime divers et tentative d’assassinat contre l’Empereur plutôt qu’en compagnie d’hommes et de femmes comme Pestage ou Isard. Kenobi n’était pas le genre d’hommes à vouloir vous frapper dans le dos ou fomenter un plan pour vous abattre, s’il voulait votre peau, il le fera en face. Peut-être même un peu trop ouvertement, dans certaines circonstances…

« – Je ne crois plus en une République depuis très longtemps. En revanche, je crois en un Empire démocratique, sans un Sith avec des volontés nihilistes à sa tête. Sans Siths tout court. Je ne lutterai pas contre le régime en place, vous devez déjà vous en douter, mais je lutterai contre ce genre d’individus. La nouvelle génération, celle née après la Guerre des Clones, est mon espoir, pour la refonte d’un Nouvel Ordre Jedi, pour que les Siths aient face à eux des remparts solides. Je souhaite les aider à le devenir. Et pour ça, j’ai besoin de vous. »

On abordait le moment délicat… Le colonel savait bien qu’il sera difficile de gagner la confiance de n’importe quel Jedi, même avec toute la bonne volonté du monde, alors qu’un tel passé les rongeait tous encore. Il prit une brève interruption, le temps de retenir un soupir et choisir les mots à employer. Ce jeu d’équilibriste allait être, quoi qu’il arrive, très délicat à gérer, d’autant plus maintenant que l’Empire évoluait peu à peu en Empire sith. Et encore, ils n’en étaient qu’aux débuts, aux prémices, le pire cap attendait encore d’être franchi. Wullf redoutait le jour où cela arrivera, il sera non seulement encore plus difficile de travailler contre, mais il iront aussi au-devant de nouvelles catastrophes d’ampleur. La maladie avait été une chose, qui sait ce que le prochain cinglé sera capable d’inventer ? Quelle arme, quelle nouvelle horreur ? Quel genre de monstre de la Force à libérer ? Après un désastre sanitaire à si grande échelle, on pouvait s’attendre à tout, particulièrement au pire.

« – Je n’utiliserai pas cette manière de faire, si je comptais tendre un piège. Il y a d’autres moyens bien plus simples… Ce que je suis venu vous proposer, c’est de l’aide, pour la création d’un nouvel Ordre. Je connais les rouages de l’Empire et comment les Siths les empoisonnent, peu à peu. Il faut stopper ça. Mais il nous faut rétablir une certaine confiance. »