Destin cruel

Elle avait pu récupérer le fameux vaisseau. Un petit bijou en soit, il fallait bien l’admettre. Les hommes de Soyoku avaient fait un parfait travail pour le rendre disponible dans les plus brefs délais, sans compter son optimisation. La jeune femme avait fait une minutieuse tournée d’inspection, usant de la Force pour détecter tout objet qui n’avait pas lieu d’être : tout était en règle.

Elle avait conservé les affaires du précédent propriétaire chasseur de primes. Dans l’avenir, elle ferait un tri à ce sujet en fonction de ce qui pourrait lui être utile ou non. Le versement suivant le premier acompte avait été effectué pour l’achat total du vaisseau.

Darth Ekath était à présent libre d’aller où bon lui semblait dans un appareil qu’était le Simiyar.

Toutefois, il y avait quelques petits détails de dernière minute à régler. Comme lui donner un nom et la peinture. C’était ce dernier détail qu’elle comptait régler au plus tôt. Aussi se trouvait-elle encore sur Coruscant alors qu’une entreprise différente de celle où elle s’était rendue pour l’achat se chargeait de ce point crucial : une peinture mate dans les tons chromés, ce qui tranchait avec les habituels vaisseaux noirs de l’Empire.

Dans l’attente de recevoir un message indiquant qu’elle pouvait revenir chercher son bien pour voler de ses propres ailes, Ekath était donc dans le quartier commerçant de Coruscant. Les étals s’étendaient à perte de vue, les odeurs diverses et variées venaient chatouiller ses narines. Elle se trouvait devant un marchand vendant fruits et légumes originaires de Ryloth quand elle perçut une signature connue à travers la Force. Faible, bien loin d’être un Jedi ou un Inquisiteur, mais connue. Elle se retourna au moment-même où un des deux soldats qui l’avaient accompagné à son arrivée sur la cité-planète allait poser une main sur son épaule.

« Ma Dame. » salua le soldat en se mettant aussitôt au garde-à-vous. « Heureux de vous revoir. »
« Repos, soldat. » ordonna-t-elle en détaillant l’individu en question qui n’était plus du tout le même sans son armure, restant bien bâti avec une coupe en brosse à la militaire et des vêtements de civils. « Vous êtes en permission ? »
« Oui, ma Dame. Je rendais visite au capitaine Calista : elle est ici, sur Coruscant. »
« Voyez-vous ça. » sourit la dame noire. « En quel honneur ? »
« De vous à moi, elle a été convoquée par le BRI. » répondit le soldat après un moment d’hésitation.

Comme la galaxie était petite ! Le cours des choses semblait s’enchaîner de manière étrange. Mais tout cela était loin de lui déplaire.

« Permettez que je vous accompagne, très cher. » déclara-t-elle en glissant son bras sous celui du soldat dont elle perçut la rougeur qui se diffusait sur ses joues burinées, ne lui laissant donc pas le choix que de faire avec.

Sans discuter, l’homme entraîna la jeune femme avec lui vers le lieu où se trouvait le capitaine Twi’lek.

Visiblement, le soldat semblait savoir où son chef logeait. Bien, cela lui faisait une chose de moins à penser. Tout en marchant, la dame noire observant minutieusement le lieu où elle se trouvait et se rendait : une cantina qui faisait aussi hôtel, à quatre étages en-dessous de la place du noyau. Pas l’endroit le plus clinquant mais pas non plus le plus malfamé. Un juste milieu, en quelque sorte. Si l’on aimait la semi-ombre permanente.

Ils entrèrent dans la petite cantina et se dirigèrent vers le fond de la salle où se trouvait la Twi’lek à la peau bleue. Étrangement, le reste des clients semblaient ne pas vouloir l’approcher. La xénophobie de l’Empire n’était plus à démontrer, mais c’était toujours quelque chose que de le voir dans le cœur même de la planète.

La Twi’lek leva les yeux vers eux et les salua. Ekath lui rendit son salut d’un léger signe de la tête, relâchant le bras du soldat – Ethan donc – pour prendre place, dos au mur et la Twi’lek à sa gauche tandis qu’Ethan prenait place à sa droite et dos à la clientèle.

« Nous sommes sur Coruscant, ma chère : aucun trou n’est perdu. »

Elle commanda une simple boisson au droïde serveur qui venait de rouler vers eux, laissa le soldat faire de même et le droïde s’éloigner avant de reprendre la parole.

« J’ai ouïe dire que vous aviez été convoquée par le BRI, capitaine. Puis-je vous demander pour quelles raisons ? » questionna-t-elle avec un sourire au soldat qui se racla la gorge et esquiva son regard afin d’éviter de laisser sous-entendre qu’il avait vendu la mèche.

Les yeux de la jeune femme se posèrent un moment sur le livre fermé. Dire que ces ouvrages coûtaient à présent le salaire de dizaines d'ouvriers... c'était un miracle que cette Twi'lek puisse se payer une telle rareté. Les datapads étaient privilégiés depuis des millénaires, le papier a proprement parlé était d'une rareté peu commune. Enfin, là n'était pas le sujet.

Ses yeux émeraudes se posèrent sur le soldat qui baissa la tête lorsque la supérieure le rabroua quelque peu. Elle ne s'en formalisa nullement, ce n'était pas son problème. En revanche, elle porta une attention toute particulière aux propos de la Twi'lek.

« Vous avez donc fait plus ample connaissance avec le lieutenant Lancot, je me trompe ? Un homme charmant. Vous parliez d'une sanction... concernant le fait que vous êtes passés outre la chaîne de commandement, c'est cela ? »

Ekath se tut un instant tandis que le droïde revenait avec leurs commandes sur un plateau. Commandes qu'il déposa devant les personnes respectives avant de s'éloigner aussitôt pour s'occuper d'autres clients.

« Je suis curieuse : qui était cette Jedi et que s'est-il passé exactement avec elle ? »

La dame noire jeta un bref coup d’œil au soldat silencieux qui ne semblait pas tellement à son aise dans cette discussion autour d’un verre. Peut-être avait-il imaginé autrement sa journée de permission ? Allez savoir.

Ainsi donc le capitaine et ses hommes s’étaient retrouvés mêlés à une sale histoire impliquant une Jedi. Elle tiqua au nom de cette dernière, ce qui la ramena des années – millénaires ! – en arrière. Jade Nerys… encore elle. À l’époque, elle mettait déjà des bâtons dans les roues de l’Empereur Vitiate sur bien des planètes où elle se rendait. Mais elle se garda bien d’approfondir le sujet auprès de ces deux-là. Quoique… elle pourrait très certaine cuisiner un peu ce soldat – Ethan – au corps en s’y prenant correctement.

Les yeux émeraudes se reportèrent sur la Twi’lek tandis qu’elle arquait un sourcil. Pour de tels propos envers l’Empire, beaucoup aurait été ravie de la passer en cours martial ! Mais visiblement, cela ne semblait nullement l’inquiéter. Au contraire. Auquel cas, elle ne se serait probablement pas trouvée dans une cantina à lire un livre probablement hors de prix à la vue de tous.

« Je vois. Je connais le lieutenant. Peut-être pourrais-je lui glisser quelques mots à l’oreille à votre sujet ? » proposa-t-elle avec un sourire. « Concernant votre sanction. »

Le soldat qui l’avait accompagné leva brusquement la tête vers la dame noire, les yeux brillant de… de quoi ? De l’espoir ? La possibilité de savoir sa supérieure être écartée de toutes sanctions parce qu’une Sith avait murmuré dans les bonnes oreilles semblaient le réjoui. Le soldat reporta son attention vers son capitaine, semblant muettement lui dire d’accepter la proposition de la dame.

Assumer ses actes était tout à son honneur.

Cette époque était bien différente de celle qu’elle avait quitté et à laquelle elle appartenait. Notamment au niveau de la hiérarchie concernant les Sith et l’armée impériale – cela, elle l’avait appris à ses dépens – mais la façon de fonctionner de l’armée impériale de cette époque était quelque peu… paradoxale, à ses yeux. Cependant, il était inutile qu’elle ressasse encore et toujours ce genre de pensées. Elle aurait bien d’autres occasions de s’y plonger plus tard.

« Je vois. »

La dame noire arqua un sourcil à la mention du directeur de l’académie. Parlait-elle de l’académie de Korriban ? Ou bien celle de Coruscant ? Elle ne put retenir une légère grimace concernant le premier cas. L’impression que lui avait faite ledit directeur de l’académie de Korriban n’avait pas été très bonne. Trop… placide. Comme embourbé et n’ayant aucune envie d’en sortir, sauf cas de force majeur.

« Je ne comprends pas, capitaine. En quoi cela aurait-il été surprenant pour le lieutenant si vous aviez été amenée à travailler avec le directeur de l’académie ? »

Cette fois, ce fut le soldat Ethan qui commença à répondre :

« Il me semble que le capitaine avait convenu de travailler main dans la main avec le directeur afin que les futurs Sith lui soit amené. Une manière de prouver l’investissement du directeur et des siens dans les projets de l’Empereur, il me semble ? » ajouta le soldat en jetant un coup d’œil à la Twi’lek.

Ekath regarda pensivement la Twi'lek. Un sourire amusé étira ses lèvres lorsqu'elle mentionna le fait que tous les Siths n'étaient pas sans coeur. Peut-être... peut-être pas, qui sait ? Elle-même pouvait en avoir un dans certaines conditions. Parfois.

« Un beau projet avorté trop tôt, si je comprends bien. »

Elle tapota doucement sa lèvre inférieure de sa main gantée d'un geste pensif. Son regard émeraude se perdit un instant sur les murs de la cantina tandis qu'elle était tout à ses pensées. Finalement, la dame noire revint à la réalité pour reporter son attention sur la Twi'lek et le soldat.

« Vous pouvez toujours considérer cela comme une permission, non ? Oh, à propos de permissions... »

Elle sortit un datapad qu'elle avait gardé avec elle. Le même que Calista lui avait laissé avec des ouvrages et autres informations relatant de l'époque dans laquelle elle avait mis les pieds par le bon vouloir de la Force.

« Je vous le rends. Cela m'a été très utile. »

Maintenant qu’elle avait fait ce pour quoi elle s’était déplacée – rendre le datapad et ces données à sa propriétaire, entre autre – Ekath se leva tout en déposant quelques crédits sur la table de la cantina. La question de la Twi’lek concernant les Sith et l’Empire lui fit arquer un sourcil. Elle l’observa de ses iris émeraude avec une certaine intensité avant de lui répondre.

« Hélas, j’en doute. Pas dans l’état actuel des choses. Il y a trop de différences liées aux mœurs de chacun, vous l’avez parfaitement bien vu avec d’autres ainsi qu’avec moi : il est très difficile de changer des habitudes qui ont plus de trois milles ans. Bien sûr, on peut toujours trouver des compris et des arrangements. » ajouta-t-elle avec un léger sourire amusé.

Son regard coula en direction du soldat qui leva les yeux vers elle, croisa le regard de la dame noire qui lui souriait.

« Vous me raccompagnez, Ethan ? »

L’homme rougit, son teint basané prenant une légère couleur rosée par endroit. Il tourna son attention vers la Twi’lek, comme attendant muettement ses ordres malgré le fait qu’il était en permission donc libre d’agir comme il l’entendait.