Ce n'était qu'en voyageant que la toute jeune femme réalisait à quel point elle avait suffoqué, sur sa planète natale, durant toutes ces années, et qu'avec sa famille, elle aurait dû en partir bien avant. Mais pour aller où ? Devenir quoi ? Son père comme sa mère avaient été recherchés, l'un par l'Empire, l'autre par les Hutts, ils n'avaient nulle part où aller, où être en sécurité. Lyuba ferma les yeux, en pensant à eux, assise en tailleur par terre et pieds nus, sur une petite couverture. La pandémie les lui avait arraché et elle pensait à eux tous les jours. Comme à tous ceux qui avaient perdu la vie dans le combat contre la maladie. La douleur sourde dans la poitrine s'était estompée, au fil des semaines, mais pas la peine.

Cette douleur, et la culpabilité du survivant, se ressentait aussi particulièrement fort dans les derniers tableaux qu'elle avait produit et qu'elle exposait aujourd'hui dans une salle coupée en trois espaces distincts, selon la thématique abordée. la Famille, la Maladie et la Solitude. Après la mort de ses parents et avoir vu l'Espace Sauvage aussi dévasté, peindre avait été sa manière à elle d'exprimer ce qu'elle ressentait. La colère, l'injustice, la terreur, la peine... C'était une façon d'évacuer, ne pas devenir folle. Aujourd'hui, même si elle se sentait un peu mieux, dire qu'elle allait bien serait mentir. N'importe qui ayant traversé ça, et affirmant aller bien dès maintenant, mentirait aussi. Ce n'était simplement... Pas possible.

Tehar se trouvait dans les Régions Inconnues, une planète très neutre et tranquille, à laquelle personne ne s'intéressait, mais où de nombreux artistes avaient déjà débuté leur carrière. Lyuba n'avait pas de très grandes ambitions pour la sienne, c'était un moyen de s'exprimer, gagner sa vie, mais au fond, elle espérait surtout poursuivre son apprentissage de la Force. Pas pour combattre mais être guérisseuse. Se confirmer dans cette voie, en apprendre plus. Peu probable si elle n'avait pas de véritable mentor, elle ne pouvait qu'apprendre par elle-même comme elle le pouvait. Un bruit derrière elle la fit se retourner à moitié, elle apercevait une forme assez haute et flou, sur le pas de la porte.

"Tout est en place, ça va bientôt ouvrir. On vous attend."

"Je viens tout de suite, merci."

Il repartit, pendant qu'elle se levait et enfilait une paire de chaussures plates. Allant sur ses dix-neuf ans, elle avait maintenant une vraie silhouette de femme, et pas ce qui l'avait complexée tout un moment, et des cheveux très blancs et très longs, lui tombant au milieu du dos. Ils avaient blanchi la nuit suivant le décès brutal de ses parents, à cause de la maladie, sous le choc, lorsqu'elle avait réalisé que maintenant, c'était fini, elle était seul. Ses yeux étaient aussi d'un bleu très clair, laiteux et pâles, abîmés par le trop peu d'oxygène de son monde natal. Elle n'était pas aveugle... Enfin, elle voyait toujours des formes flous et les couleurs chaudes, très vives. La Force était sa véritable vision.

Sa vue s'était surtout détériorée après ses dix ans. Elle avait été très malade et épuisée, ses vaisseaux sanguins dans les yeux avaient éclaté et ses parents avaient craints qu'elle ne soit vraiment aveugle ensuite. Durant deux semaines, elle avait eu les deux yeux rouges écarlates, à cause du sang, avant qu'ils ne reviennent à la normale. Une fois prête, elle se rendit à l'exposition, contente en entendant pas mal de personnes, pour l'ouverture, et en percevant la présence de plusieurs autres qui arrivèrent après l'ouverture. Cette exposition n'était pas très joyeuse... et très personnelle. Un Hommage avoué à tous les disparus suite à la pandémie et à la douleur de ceux restés derrière.