Explique-moi tout

C’était la première fois depuis une bonne semaine qu’elle avait enfin pu se lever et faire quelques pas, sans peur de tomber. Une sensation presque bizarre, néanmoins très fatigante, et après s’être passée de l’eau sur le visage, elle était retournée s’asseoir dans le petit canapé pour reprendre son souffle. Le docteur lui avait fait prendre un calmant, à son arrivée sur le Chimaera, et elle avait dormi des heures… Au réveil, se sentant un peu mieux, elle avait pu manger un peu, prendre une longue douche, dont elle sortait à peine, puis enfin prendre le temps de se poser, retrouver tous ses esprits. A présent en peignoir et les cheveux détachés, assise en tailleur sur le canapé, pieds nus, son seul projet était d’oublier ce qui s’était passé sur cette lune, retrouver le cours normal de sa vie, comme si rien ne s’était passé… Elle sentait son enfant bouger, pour une fois, et cette sensation suffit à elle seule à lui rendre son sourire. Après avoir eu si peur de perdre son fils… Mais il était bien là, blotti au chaud, en sécurité, maintenant, il ne risquait plus rien. Qui aurait cru qu’elle l’avait mis en danger à cause d’un simple voyage pour le travail… Qui aurait pu penser que ça se passerait ainsi ?

Des tas de questions restaient sans réponses. Comment avait-ils pu être attaqués ainsi, comment les avaient-on retrouvé, comment se faisait-il que Thrawn avait pu passer dans le territoire de l’Ascendance… Pourquoi son frère n’avait pas répondu aux quatre messages qu’elle lui avait laissé depuis toute à l’heure… Peut-être qu’il dormait déjà… Quelle heure était-il, au juste ? Ce silence avait le don de la stresser ! Bon, soit, elle s’inquiétait sans doute pour rien, et ne devrait pas, ce n’était pas bon pour le bébé. Il devait être avec Namia, sorti dîner avec elle quelque part, voilà tout, ou bien il était toujours au travail, en réunion avec quelqu’un. Il faudra aussi qu’il lui explique ce qu’il faisait sur un champ de bataille, mais bon. Entendant un peu de bruit, à côté, elle ne bougea pas, attendant juste d’être sûre que c’était bien son compagnon qui était rentré et qu’il était bien seul, avant de bouger. Ici, plus qu’ailleurs, elle devait faire très attention à ce qu’on ne les surprenne pas, même si elle savait très bien que ceux et celles travaillant sur Nirauan se doutaient déjà de quelque chose.

Dès qu’il passa le pas de la porte, elle se leva avec une légère difficulté puis trottina pieds nus jusqu’à lui pour aussitôt se blottir dans ses bras. Enfin… Le visage fourré contre lui, elle relâcha un long soupir un peu angoissé, encore, même si elle essayait de ne pas trop le montrer. Tout ira bien, maintenant… Tout ira bien… Ce n’était qu’une mauvaise période, tout ira bien à partir de maintenant, ils allaient retrouver le cours normal de leurs vies. En attendant, elle voulait juste qu’il la serre dans ses bras très fort. Ne pleure pas, surtout. Un petit mouvement nerveux la secoua alors qu’elle s’obligeait à ne lâcher aucune larme, estimant avoir bien assez pleuré comme ça depuis une semaine, puis elle prit une grande inspiration.

« Ils n’ont pas eu le temps de faire du mal à notre bébé. Le docteur m’a dit qu’il va bien, qu’il respire bien, que son cœur bat bien et qu’il continue de grandir en moi. »

Elle ne lâchait toujours pas Thrawn, comme par peur qu’il disparaisse, même si elle fatiguait à rester debout, ce n’était pas grave, car elle n’avait pas envie de bouger ou quitter ses bras. Ou bien, si elle devait s’asseoir, il devait venir avec elle. Oui, c’était un pur caprice, et très assumé. Sentant que ça n’allait pas aller durant des heures, de toute façon, elle se décida enfin à bouger et le tirer avec vers le canapé. Une fois là, elle grimpa alors souplement sur ses genoux, pour pouvoir repasser ses bras autour de son cou et y nicher la tête. Beaucoup mieux. Maintenant, la question qui la choquait le plus…

« Comment se fait-il que tu ai pu rentrer sur le territoire de l’Ascendance… ? C’est Ar’alani qui t’a fait passer en douce, c’est ça ? Elle risque d’avoir des ennuis. Mais je suis heureuse que tu sois venu. »

Elle redressa la tête le temps de l’embrasser, réellement soulagée de se retrouver dans ses bras, maintenant, après avoir pensé qu’elle ne pourra pas le revoir avant des jours, voire des semaines.

Une semaine s'était écoulée depuis la bataille contre les Grysks et depuis que le Chimaera avait pris le chemin pour revenir à Nirauan, que le destroyer atteindra dans trois jours maintenant. Le voyage ne fut pas sans repos, toutefois. Outre qu'il y a eu plusieurs passages en subluminique, pendant lesquels Thrawn faisait organiser quelques patrouilles dans les systèmes traversés à des navettes. De plus, il fallait étudier les débris récupérés, même s'il y avait peu, il y avait toujours moyens d'en retirer certaines informations. Le médecin de bord fut celui qui eut le plus de travail, devant s'occuper de tous les survivants du harpon, tant au niveau physique que psychologique, ce dont les membres d'équipage de la corvette auront le plus besoin.

Le-dit médecin sortait de l'appartement où la soeur de l'aristocra chiss avait été logée, vu qu'elle n'était pas blessée, juste affaiblie par l'épreuve et l'absence de son traitement contre sa maladie, sans parler d'un manque de nourriture alors qu'elle était enceinte. Thrawn, en même temps, quitta la passerelle alors que le destroyer sautait en hyperespace. Le grand amiral emprunta des couloirs peu fréquenté mais sans montrer la moindre hésitation, sachant parfaitement où aller et ne croisant personne, même au moment où il s'arrêta devant un porte, utilisant la commande pour ouvrir la porte et entrer, se doutant que la personne occupant les lieux ne serait pas vexée qu'il ne sonne pas. Le fait qu'elle se jette dans ses bras sans rien dire le prouva, d'ailleurs, et il lui rendit son étreinte, fermement mais doucement, pour la rassurer.

« Ils n’ont pas eu le temps de faire du mal à notre bébé. Le docteur m’a dit qu’il va bien, qu’il respire bien, que son cœur bat bien et qu’il continue de grandir en moi. »

Bien sur, Thrawn était déjà au courant, ayant donné instruction au médecin de lui faire un compte rendu de l'état de tous les survivants du Harpon, y compris de Chaf'ewime'asu. Il sourit doucement, remettant un cheveu de la demoiselle en place. Il l'accompagna jusqu'au canapé, quand elle se senti mieux, acceptant qu'elle se blottisse contre lui.

« Comment se fait-il que tu ai pu rentrer sur le territoire de l’Ascendance… ? C’est Ar’alani qui t’a fait passer en douce, c’est ça ? Elle risque d’avoir des ennuis. Mais je suis heureuse que tu sois venu. »

"Et bien, j'aurais fini par faire accepter au Conseil ma présence au sein de l'Ascendance pour enquêter sur l'attaque du Harpon mais ton frère en a décidé autrement. Il a, visiblement, fait pression pour que je puisse revenir, le temps de régler tout cela. Il est même venu jusqu'à l'épave du Harpon à bord de son vaisseau, et laissé l'administrateur Chaf'arth'aklaio pour le représenter, et s'assurer que tu ailles bien." Il évita de lui parler de ce qui est survenu dans la baie, une semaine plus tôt, même s'il est possible qu'elle ait pu entendre quelque chose. "Mais tu pourras en parler bientôt avec ton frère : il m'a demandé de contacter Thrass et Lorana et d'organiser une réunion entre lui et eux sur Nirauan."

Thrawn n'avait aucune certitude sur la raison d'une telle demande même s'il estimait en avoir une petite idée. Cela dit, il n'avait pas estimé nécessaire d'en discuter avec l'aristocra, surtout qu'il saura tout après cette réunion. Parfois, la patience et l'inaction sont les meilleurs atouts pour obtenir les réponses à ses questions.

"On m'a dit que c'est le jeune Nuru qui t'a trouvé. As-tu pensé à le remercier, Ewime ?"

Son frère avait fait pression pour que lui puisse revenir… ? Mais… Comment avait-il réussi à… Et à quel prix ? Elle se redressa avec un peu de lenteur, les membres toujours lourds, mais l’esprit bien plus alerte tout à coup. Une minute, une minute… Thrawn ne réalisait peut-être pas toutes les conséquences possibles de cette affaire, il n’y connaissait pas grand-chose en politique, mais elle, si. Même si ce n’était pas son propre métier, elle baignait dans ce milieu depuis la petite enfance, leurs parents y avaient travaillé, Formbi y était plongé jusqu’au cou. Et connaissant en plus ce qui se passait, en plus ou moins résumé, au Parlement en ce moment, les relations entre les Familles régnantes et les relations plus personnelles, elle en tirait un très mauvais pressentiment. Et lorsque Thrawn mentionna que son frère voulait voir Thrass et Lorana, son mauvais pressentiment se confirma aussi sec. Il s’était passé quelque chose. Qu’on ne lui disait pas. Et que son frère ne voudra peut-être pas lui dire non plus, elle le connaissait. Sauf si elle lui forçait la main.

« On m'a dit que c'est le jeune Nuru qui t'a trouvé. As-tu pensé à le remercier, Ewime ? »

« En coup de vent, pour le moment, ça été dur ces derniers jours. »

Elle pourra néanmoins le faire plus sereinement une fois de retour sur Nirauan, puisque le petit faisait apparemment partie des FID, maintenant. D’ici là, elle avait d’autres questions pressantes. Que son frère ait fait pression, bon, soit, d’accord, il pouvait faire énormément dès lors qu’elle était en danger et le savait bien, ce n’était un secret pour personne dans l’Ascendance. Mais il n’aurait pas dû, ça, elle en était certaine. Elle s’appuya sur Thrawn pour se redresser correctement, avec un petit marmonnement d’excuse, puis tira un peu sur les pans de sa robe pour bien se couvrir.

« Alors… Depuis plusieurs années, une dizaine environ, il y a des tensions assez vives entre la plupart des Familles régnantes, l’équilibre global est assez fragilisé. Formbi a longtemps été assez isolé, ça ne lui a jamais posé le moindre problème, et il ne s’entend finalement bien qu’avec les chefs de Clan Nuruodo et Mitth. Mais il est en froid avec d’autres Familles importantes, comme les Csapla, entre autres. Namia vient de leur clan, c’est une parente éloignée de leur chef de famille, je crois. Cela dit, ce n’est pas ça qui a apaisé les tensions. »

Petite entrée en matière très simple et posée, afin qu’il ait un aperçu global de la situation politique actuelle de l’Empire Chiss. Pour le moment, elle parvenait plus ou moins à cacher ses doutes, la peur qui montait peu à peu. Elle ne lui demandait pas de tout savoir, tout comprendre, ou intégrer les détails, les différentes alliances officieuses ou quoi que ce soit. D’une part, ça ne lui servirait à rien, d’autre part, elle savait que ce n’était pas un domaine qu’il aimait profondément.

« Le problème, c’est que Formbi fait son travail sans jamais se soucier des conventions culturelles ou sociales qui vont avec. Tu me suis ? Il mène son affaire, mais ne suit pas les codes traditionnelles, il agit pour le bine global de l’Ascendance, mais n’hésite jamais à briser une règle ou une tradition au passage si ça lui permet d’atteindre son but. Et à cause de ça, il en fait grincer plus d’un, au sein du Conseil. Donc, maintenant… Avec ce qu’il a fait avec toi, faire en sorte que tu puisses passer, ça ne pourra jamais être complètement accepté. Et tu me dis en plus qu’il veut voir ton frère et Lorana… Alors que s’est-il passé ? Il y a eu un problème grave ? »

Comment arrivait-il à sourire, dans des circonstances pareilles… Elle lâcha une petite moue mais ne dit rien, se contentant de reposer un peu la tête, tandis qu’il répondait. Elle songea, un instant, qu’il était peut-être content que Formbi puisse avoir des problèmes, étant donné leur passif… Peut-être. Ou non. Elle ne croyait pas que Thrawn puisse être cynique à ce point, ou aussi rancunier, plutôt. En tout cas, il ne lavait jamais montré, au contraire de Formbi. Le cachait-il juste très bien ou n’avait-il simplement pas spécialement de rancune ? Assez perplexe, elle choisit néanmoins, pour le moment, de garder cette réflexion pour elle. S’il avait accepté que Formbi voit le jeune couple sur Nirauan, c’est qu’il ne devait pas lui conserver une forte rancune. Par contre, ça soulevait une forte inquiétude supplémentaire. Pour que Formbi ait demandé un service comme ça à Thrawn… Rien que ça suffisait à prouver qu’il s’était passé quelque chose de très grave ! Jamais il ne l’aurait fait sans ça. Il avait déjà accueilli des Jedis chez lui, sur Csilla, alors pourquoi, d’un coup, vouloir en rencontrer sur une planète tenue par un homme qu’il détestait ?

« J'ignore tous des plans de ton frère et je ne saurais dire s'il y a un problème. Peut-être désire-t-il simplement discuter ? Après tout, l'Ascendance avait passé un accord avec l'Ordre jedi et Lorana et Thrass sont les mieux placés pour représenter les jedi auprès de notre peuple. »

« Mmh… »

Pas convaincue et elle ne se donna pas la peine de prétendre le contraire. Simplement discuter. Avec un couple de Jedis. Comprenant le frère de celui qu’il détestait et une jeune femme humaine qu’il avait vu à peine deux ou trois fois et jamais en privé. Sur Nirauan. Sans passer par les moyens de communication officiels de l’Ascendance. Moyens justement, qui plus est, conçus pour des communications discrètes avec l’Ordre Jedi. Croyait-il vraiment à ce qu’il lui disait ou ne cherchait-il qu’un moyen de la rassurer un peu… ? Elle secoua un peu la tête, légèrement désabusée, puis reposa cette dernière contre l’épaule de son compagnon, les yeux à demi-fermé. Ce n’était pas la première fois que son grand frère faisait des trucs dont la logique lui échappait complètement, cependant, c’était la première fois où elle sentait que le fond de l’affaire était grave. Une sorte de mauvais pressentiment.

« Tu en sauras sûrement plus avant moi, de toute façon. Ton frère rencontrera Thrass et Lorana ici. Cela nous permettra de faire connaissance avec Edelweiss. »

Oh, oui, c’est vrai, la bonne nouvelle, au milieu de tout cela ! Le couple n’allait pas laisser leur bébé derrière eux. Elle sourit, attendrie simplement en repensant aux photos qu’ils avaient reçu de la petite. Une le jour de la naissance, dans les bras de sa maman, puis deux autres prises un peu plus tard. Elle avait hâte de la voir en vrai et de la câliner, lui dire bienvenue dans ce monde, et la couvrir de bisous.

« Tu avais pris le temps de regarder les photos qu’ils nous ont envoyé ? Elle a l’air si fragile, toute petite, et en même temps, assez solide, je ne sais pas comment expliquer ça. C’est un beau bébé, en tout cas. Je ne sais pas encore vraiment comment l’accouchement s’est passé, je voudrai lui demander. En parler avec Lorana, je veux dire, savoir si ça fait vraiment si mal ou… Enfin, tu comprends. »

Ou… non. Thrawn était un homme, il ne saura jamais réellement ce qu’une femme ressentait en ayant des contractions. Et elle non plus n’était pas pressée de le découvrir. Sentant son enfant bouger un peu, tout à coup, elle attrapa la main de Thrawn pour la lui faire poser contre son ventre, qu’il puisse sentir le mouvement, lui aussi. C’était encore très rare, qu’elle le sente remuer… Après tout, il était encore tout petit. Un moment, en silence, elle profita juste de cet instant, jusqu’à ne plus ressentir de mouvement. Mais elle laissa sa main contre celle de Thrawn, sur son ventre, dans l’espoir que leur bébé puisse sentir que son papa aussi était là.

« Il va bien, par bonheur. Après l’attaque du vaisseau, le commandant a été enfermé presque tout le temps avec moi et m’a beaucoup aidée. Je lui demandais souvent d’essayer de voir si notre bébé allait bien. Puis les Grysks lui ont… Je ne sais pas trop ce qu’ils lui ont fait subir, mais il était très mal à son tour. Tu penses qu’il va bien s’en remettre ? Je crois qu’il s’en veut beaucoup, de ne pas avoir pu empêcher la capture. »

Elle s’inquiétait pour le commandant, car elle avait du respect pour lui, il avait accompli son travail avec zèle, sur Csilla, et l’avait beaucoup aidée, lorsqu’ils avaient été faits prisonniers. C’est pour ça qu’elle fut un peu rassurée en écoutant Thrawn, soulagée que l’humain ne soit pas renvoyé au combat ou sur un autre poste trop tôt. En tout cas, pas tant qu’il avait quelques… difficultés. Elle espérait que les Grysks ne lui avaient pas fait perdre complètement la raison et qu’il allait pouvoir s’en remettre, au fil des jours, avec bonheur. Il était apparemment le seul ayant subi des outrages mentaux. Les autres prisonniers avaient été blessés physiquement, pour certains d’entre eux, mais personne ne semblait en ressortir avec un souci mental, à part le commandant. Difficile, par contre, de savoir ce qui lui était arrivé exactement. Enfin, les médecins sur Nirauan seront sûrement assez compétents pour prendre ça en charge et l’aider.

Son frère lui disant souvent qu’elle s’inquiétait toujours trop pour les autres et pas assez pour elle-même. Une petite moue lui vint, en y repensant, car elle avait finalement toutes les raisons du monde de s’inquiéter pour eux ! Thrawn était un soldat, il risquait sa vie à la guerre tous les jours. Et maintenant, Formbi risquait gros… Bien qu’elle ne sache pas encore de quoi il retournait exactement, mais ça, elle comptait bien l’apprendre, il ne pourra pas le lui cacher. La tête reposée contre l’épaule de son compagnon, elle ferma à nouveau les yeux, envahie par la lassitude physique et aussi, un peu, mentale. Tout retombait… La pression, la peur, le stress, les angoisses, elle avait l’impression d’être complètement vidée de ses forces. Assez pour retomber à la renverse si on lui soufflait dessus. Mais c’était bien d’avoir quelqu’un près de soi, autant pour se réconforter que pour faire office d’oreiller.

« Et tous les surveillants du Harpon seront aussi soignés comme il le faut. Ils ne méritent rien de moins. Et te concernant, j'espère que tu n'auras rien contre le fait de te faire suivre aussi. »

Ewime marmonna à voix basse, entre ses dents, qu’elle allait parfaitement bien, maintenant. Ce qui ne l’empêcha pas de se blottir un peu plus contre Thrawn, en repliant les jambes sous elle, presque en position fœtale. C’est vrai, en plus, et même si elle faisait des cauchemars, ça passera avec le temps, puisque, c’est bon, c’était passé, c’était bon… Elle était juste fatiguée… En plus, ce n’était pas elle le plus important, c’était leur fils, c’était lui qui devait aller bien. Lorsqu’elle avait été soignée, à son arrivée, elle avait demandé six fois de suite au docteur qui s’était occupée d’elle de lui faire entendre les battements de cœur de son bébé, avant d’être enfin rassurée. Elle l’avait beaucoup agacé, d’ailleurs, mais tant pis. Si ça avait été une femme, peut-être que la compréhension aurait été plus facile.

« En attendant, je pense qu'un petit pique-nique, une fois arrivé sur Nirauan, te fera du bien. »

Prête à répondre que ses hommes risquaient de les voir, et que ça pourrait être gênant pour lui, elle s’interrompit en se souvenant que la rumeur courrait déjà, de toute façon. Et que les hommes présents dans la base devaient déjà être convaincus que c’était plus qu’une rumeur. Même le commandant le savait, comme son frère n’avait pas pris la peine de parler de ça dans leur langue maternelle, au restaurant. Ce n’est qu’après coup qu’Ewime avait comprit pourquoi il s’était à moitié étouffé, puis avait passé tout le reste du repas en mode « Oubliez-moi, je ne veux rien entendre de plus, merci ». Le pauvre… Un petit sourire amusé lui échappa malgré elle, bien que ce ne soit pas très gentil de se moquer. Sourire qu’elle perdit très vite en repensant à la suite des événements. Un frisson lui échappa, avec un long tremblement, et il lui fallut toute la volonté du monde pour se remettre.

« Oui, ce sera bien. Mais ne t’en fais pas trop, je vais bien, maintenant. »

Elle se hissa un instant pour l’embrasser sur le bout du nez, puis reprit ensuite sa position, blottie contre lui. C’était convaincant, au moins ? Sans doute pas des masses…

« Pour ce qui a été fait au parlement, avant que… Enfin, avant tout ça, je t’écrirai un compte-rendu en revenant. Le commandant avait pris pas mal de notes et autres, mais je pense que tout a dû être perdu dans l’attaque. »

Elle ne savait pas si quoi que ce soit avait pu être récupéré. De toute manière, elle pouvait déjà donner, elle, tout ce dont elle se rappelait, et s’il le fallait, elle contactera son frère pour qu’il l’aide à compléter le reste, il avait été présent lui aussi. Ou même Veeren. Ça lui semblait s’être passé il y a une éternité alors que ça ne datait qu’il y a une semaine à peine.

« Dis-moi… Je pensais, pour notre enfant, à comment nous arranger. Lorsqu’il sera un peu plus grand, je veux dire. Je ne veux pas le mettre à l’école sur Csilla, c’est trop élitiste, et d’après ce qu’avait dit Feesa, ça va vitre être gênant, vis à vis de nous deux. Qu’il ne puisse pas parler de ses racines, je veux dire. J’avais pensé à Svarchi, mais maintenant, j’ai la crainte qu’il n’y ait quelques problèmes, là-bas. A l’avenir. Et sur Nirauan, c’est une base militaire, pas une ville, il n’y a pas d’école. Tu penses que ce serait mieux de lui faire suivre une éducation entièrement de la même façon que nous deux ou essayer de faire en sorte qu’il soit ouvert aussi à autre chose ? D’autres langues, par exemple, dès la petite enfance ? Qu’est-ce qui sera le mieux, pour son avenir ? »

Elle avait le droit de s’inquiéter, lorsqu’il s’agissait du futur bien-être de son bébé, de son éducation, de sa santé, de son bonheur, de son avenir… Elle avait aussi le droit de s’inquiéter pour Thrawn quand il était loin, à la guerre, pour Formbi, à cause de son travail et des ennemis qu’il ne cessait de se faire au passage, de s’inquiéter pour ses amis, ses proches, sa belle-sœur, leur enfant, pour ceux avec qui elle travaillait. Liste non exhaustive, bien évidemment. Elle se contenta donc de faire une petite moue en se retenant très fort de lui détailler toute la liste des raisons parfaitement légitimes de s’inquiéter.Ce n’était pas non plus un signe pour prétendre qu’elle allait mal ! Même pour lui, il avait son frère et Eli pour s’inquiéter pour lui, alors elle avait largement de place pour le faire aussi. Non mais… Il ne pouvait pas non plus lui reprocher de s’angoisser pour leur enfant à naître ! Elle y pensait du matin au soir et en rêvait la nuit, ce serait inconcevable « d’oublier » jusqu’au jour de l’accouchement.

« Je pense que notre système d'éducation n'est pas parfait mais qu'il a de bons côtés, comme le fait d'enseigner la responsabilisation très jeune. J'ai constaté combien cela manquait à beaucoup d'espèces, notamment chez les humains. Cela étant, l'ouverture d'esprit est important et oui, il sera important qu'il puisse découvrir de lui-même d'autres espèces autre que les chiss. Mais nous avons quelques années pour y songer, ma chère. Tu peux donc te détendre, Ewime. Je t'assure que nous ferons au mieux pour lui, tous les deux. »

« Je suis très détendue. Regarde, la preuve ! »

Elle tendit une main à plat devant elle pour bien lui montrer qu’elle ne tremblait plus du tout. Enfin, plus autant. Pas beaucoup. Pas autant. Ou peut-être juste un peu. Hum, bref, pas une très bonne idée, finalement, elle ramena donc très vite sa main contre elle la minute suivante. Tiens, ça lui rappelait, quand elle était petite, que lorsqu’elle disait à son frère qu’il s’énervait vite, il faisait toujours ça pour lui montrer que non, il était parfaitement maître de lui. Aujourd’hui, elle se demandait s’il ne s‘était pas un peu payé sa tête. Bon, bref, sinon, elle connaissait un autre moyen de se détendre, qui détendait tout le monde, tous ceux qui avaient la chance d’être en couple, en tout cas. Même si c’était moins évident avec un gros ventre. Elle se redressa comme elle peut, pour se remettre à la bonne hauteur et pouvoir l’embrasser. Le côté pratique de l’affaire, étant donné qu’elle se trouvait déjà sur ses genoux, était la courte distance à balayer avant ce geste.

« Merci encore d’être venu nous chercher… »

Un restant de fierté l’empêchait encore et toujours d’admettre à quel point elle avait été terrorisée. Et s’était sentie complètement inutile et impuissante. Au fond, elle s’en voulait d’être… Plus fragile, de pleurer, de… De ne pas être plus solide que ça, plus capable de protéger son enfant et se protéger elle-même. Elle continuait d’embrasser Thrawn quand une autre idée la vint, la poussant à s’écarter un petit peu.

« Pourrais-tu m’apprendre à me battre ? Et à me défendre correctement ? Mon fère m’a déjà appris à donner des coups de poings aux agresseurs, quand j’étais petite, mais je voudrai bien être capable de faire mieux. De ne pas toujours devoir attendre que d’autres me protègent. Tu dois être un bon prof, après tout, tu es un soldat. »

Thrawn sourit, amusé par la façon enfantine d'Ewime pour "prouver" qu'elle est détendue. C'était mignon, mais ne prouvait rien. Ce test servait plus pour démontrer que l'on n'était pas ivre plus qu'autre chose. Il répondit doucement au baiser, qui était une bien meilleure manière de démontrer qu'elle se sentait bien. Cela ne faisait, bien sur, pas oublier au militaire de s'assurer que le psychologue de la base passe voir la jeune chiss mais ce n'était pas nécessaire qu'il le lui dise. Elle risquerait de vouloir jouer au chat et à la souris avec lui sinon. Donc autant retourner la diversion pour faire diversion et lui rendre ses baisers, surtout qu'il appréciait ce genre de gestes de sa part. Il la serra doucement dans ses bras, li souriant tendrement en l'écoutant.

« Pourrais-tu m’apprendre à me battre ? Et à me défendre correctement ? Mon frère m’a déjà appris à donner des coups de poings aux agresseurs, quand j’étais petite, mais je voudrai bien être capable de faire mieux. De ne pas toujours devoir attendre que d’autres me protègent. Tu dois être un bon prof, après tout, tu es un soldat. »

"Je le suis, certes, et j'aimerais pouvoir m'en occuper personnellement mais il sera difficile de trouver du temps, surtout que je serais débordé une fois de retour sur Nirauan. Bien que l'on m'ait fait savoir que tu avais une très bonne droite déjà." Il la taquinait un peu, à peine, sur le fait qu'elle ait cassé le nez d'un des chiss servant les Grysks. "Mais je suis sur qu'on peut s'organiser avec le chef instructeur Lewis. Enfin, dans un premier temps, il ne pourra te donner de cours de combat mais, si tu le souhaites, il pourra t'enseigner à manier un pistolet blaster."

Thrawn ignorait ce que penserait le frère de la demoiselle de cela et, au final, ne s'en souciait pas. Il n'était pas contre le fait que des civils responsables sachent se défendre, et appréciait que l'Ascendance pratique un service militaire, même si basé sur un volontariat et pratiqué au sein de chaque Famille pour laisser uniquement des professionnels au sein de la Flotte de Défense. C'était le rôle des militaires de protéger les civils mais c'était aussi rassurant de savoir qu'au besoin, des civils pouvaient se défendre seuls, surtout quand on était proche de cette civile là.

"Mais je pourrais déjà te donner un avant-goût ici, sur le Chimaera, avant que l'on arrive si tu le souhaites."

« Je le suis, certes, et j'aimerais pouvoir m'en occuper personnellement mais il sera difficile de trouver du temps, surtout que je serais débordé une fois de retour sur Nirauan. Bien que l'on m'ait fait savoir que tu avais une très bonne droite déjà. Mais je suis sûr qu'on peut s'organiser avec le chef instructeur Lewis. Enfin, dans un premier temps, il ne pourra te donner de cours de combat mais, si tu le souhaites, il pourra t'enseigner à manier un pistolet blaster. »

« C’est déjà un début, et puis, je ne vais pas combattre au corps à corps dans mon état. »

Pas encore assez cinglée pour ça, à moins de se retrouver de nouveau dans une situation d’urgence, où elle n’avait tout simplement plus le choix. Dans cette cellule, si le type n’avait pas reculé ou si l’autre s’en était mêlé, elle aurait tenté d’en faire plus, même si elle ne tenait déjà plus debout, pour défendre son bébé. Elle se redressa un peu pour hocher la tête quand il lui proposa de déjà lui montrer une ou deux petites choses avant qu’ils n’arrivent à destination. Ça lui plairait, mais pas immédiatement, en revanche, dans… quelques heures, demain, même après-demain, plutôt, si c’était possible pour lui. Pour l’instant, elle avait juste besoin de se reposer. Même si elle ne voulait pas l’admettre, elle était bel et bien épuisée, encore, sortant à peine de l’infirmerie, trop s’agiter maintenant ne serait bon ni pour elle ni pour leur bébé. Après quelques minutes de discussion, elle finit même par s’endormir contre l’épaule de Thrawn, sans en avoir une réelle conscience…

Le reste du voyage eut beau être court, il fut plus délicat qu’initialement prévu. Ewime faisait tout pour garder bonne figure et bien se porter, pour son enfant, mais le contre-coup était bien là. Elle s’efforçait de bouger assez, de se remettre, de faire des efforts, mais le soir venu, au moment de dormir, toutes les angoisses revenaient d’un seul bloc. Elle se sentait mal, chaque nuit, et peinait à s’endormir. Quand elle y parvenait, le même cauchemar revenait en boucle, réminiscences de son emprisonnement. Bien évidemment, elle essaya de ne pas le montrer, ça marcha, environ… une heure. Avant de finir en larmes à l’infirmerie devant le médecin, et finalement accepter d’en parler avec lui. Sa fierté en prit un coup au passage, elle avait pensé que ça irait, qu’elle n’était pas si faible que ça, et ne voulait plus pleurer. Au sortir de ce premier rendez-vous, par contre, force était d’admettre qu’en parler plus en détails lui avait fait déjà du bien. Restait à admettre qu’elle avait effectivement bien besoin d’un suivi durant un temps.

Retrouver Nirauan, et donc un environnement familier, fut aussi un soulagement. Pour l’heure, plus question de se retrouver sur un vaisseau militaire avant un long moment… Juste le temps que les souvenirs passent et tout. Une fois chez elle, elle en profita pour écrire un long message à son frère, ils avaient plusieurs sujets à discuter et elle avait aussi besoin de réponses. Une fois fait, elle prit le temps d’encore se reposer un peu, se doucher et enfiler une tenue qui lui serrait moins au ventre. Une robe assez classique, comme toujours, et comme elle avait l’habitude d’en porter à la capitale. Assez pour se tenir chaud et convenable, somme toute. C’est en s’habillant qu’elle se souvint de la mine boudeuse et réticente de Feesa dès lors qu’il fallait enfiler une robe. Ah là là, c’était pourtant si ordinaire et logique, pour une femme. Même pour ça, son oncle ne l’avait pas poussée à respecter les traditions.

Une fois prête, elle prit le sac préparé plus tôt et ressortir, pour rejoindre Thrawn. Il devait avoir terminé sa réunion, normalement… Elle emprunta un petit chemin détourné, plus rapide, et s’assura d’abord qu’il n’y avait plus de mouvement dans le secteur, avant d’avancer, afin d’être sûre de ne pas déranger. En arrivant près de son bureau, elle s’assura une nouvelle fois qu’elle ne risquait pas d’interrompre quelque chose, avant d’annoncer sa venue puis entrer. Après l’avoir embrassé pour lui dire bonjour, elle posa le sac de pique-nique sur une chaise puis en sortit un petit dossier avant toute chose.

« Regarde d’abord. »

Elle ouvrit le dossier pour lui montrer ses dernières images d’échographie, faites le matin-même, avant qu’elle ne passe un moment à envoyer un message à son frère. Cette fois, ils pouvaient bien voir leur bébé. On voyait même qu’il suçait son petite pouce. Elle leva les clichés vers la lumière, pour qu’il voit mieux, montrant la tête, les petits pieds repliés contre lui de leur enfant, ses toutes petites mains. Il ressemblait vraiment à un bébé, maintenant ! C’était stupide de le dire, mais avant, il ne ressemblait pas à grand-chose, sur les précédents clichés.

« On peut même voir son petit nez, là, regarde. Tu vois bien ? Il est tellement petit. Le docteur confirme que c’est bien un garçon. »

Elle baissa le dossier avec un large sourire béat, face aux clichés.

« Es-tu prêt pour déjeuner ? »

« Bien sûr. En tout cas, c'est surprenant. Je me demande comment aurait réagit Feesa en apprenant que ce n'est pas elle que nous attendons. »

« Je suis sûre qu’elle aurait été émue. »

Elle lui rendit son baiser puis rangea le dossier dans le petit sac qu’elle avait emmené. Surtout, elle veilla à ne pas froisser ou plier les échographies, pendant que Thrawn s’occupait de disposer le pique-nique sur la couverture au sol. Lorsque ce petite bout sera plus âgé, elle pourra lui montrer ces clichés et lui dire à quel point il était attendu, lorsqu’il se trouvait encore blotti au chaud dans son ventre. Avant de s’asseoir d’une manière plus convenable, elle replia un peu les pans de sa robe pour ne pas être gênée dans ses mouvements, tout en se disant qu’elle aurait peut-être dû porter une jupe à la place, avec un haut ayant des manches moins larges. Il ne lui vint pas un instant à l’idée qu’elle aurait pu tout simplement porter un pantalon à la place. Une fois installée, elle sortit aussi de son sac des serviettes et de l’eau, tout était prêt depuis ce matin. Cuisiner ou faire des gâteaux l’avait toujours beaucoup aidée à se changer les idées.

« J'imagine qu'elle aurait été surprise, vu qu'elle devait s'attendre à ce que ce soit elle. As-tu décidé de la façon dont il s'appellera ? »

« Oui et non. J’ai regardé quelques prénoms sur des listes en ligne, il y en a des mignons. Edo ou Uqi, par exemple. Ce sont des vieux prénoms, j’ai lu qu’il s’agissait d’anciennes appellations données à des étoiles. Leurs noms ont changé depuis que des missions d’exploration ont en plus appris sur elles, mais je trouve que c’est une belle façon de nommer un enfant. Il y a aussi les prénoms plus classiques, comme Egy ou Avy. J’ai une préférence pour les deux premiers, je dois l’avouer. Qu’est-ce que tu en dis ? »

Il avait peut-être pensé à tout autre chose ? Pour sa part, lorsqu’il avait été question de réfléchir à ça, elle s’était aussitôt dit qu’il serait bien de nommer son enfant avec le nom d’une étoile. Car elle espérait secrètement qu’il ne reste pas toute sa vie dans l’Ascendance et ait envie d’en découvrir plus, de voir d’autres mondes, de voir l’univers comme son père l’avait fait. Même s’il ne sera pas exilé, bien évidemment, elle voulait juste qu’il garde l’esprit ouvert et voit plus que l’Ascendance, au cours de sa vie. Tout en parlant, elle leur avait servi à chacun une part du premier plat préparé, à savoir tout d’abord une entrée de légumes froids, avec une sauce maison. D’habitude, elle adorait surtout les plats plus corsés, pimentés, mais hélas, avait dû arrêter d’en manger après être tombée enceinte, les médecins lui avaient déconseillé. Dommage. Plus c’était pimenté, plus elle adorait ça.

« Je voudrai qu’il puisse découvrir, comme toi, d’autres peuples et horizons, que ça lui élargisse l’esprit. Pas simplement en les étudiant à la bibliothèque. Enfin, pas exactement dans les mêmes circonstances, mais tu comprends. Hein, mon bébé, tu veux ressembler à papa aussi ? »

Elle devait sans doute être un peu ridicule à parler comme ça à son ventre, tête penchée en avant, comme si son fils était en mesure de lui répondre. Ce qui ne l’empêchait pas de le faire souvent. Les docteurs disaient que c’était bien aussi, de parler ainsi aux bébés, qu’ils pouvaient entendre la voix de leurs parents et la reconnaître. Elle trouvait ça absolument magique.

« Tu veux lui parler ? Il va peut-être bouger, en reconnaissant ta voix. »

C’était mieux de se rapprocher, elle avait toujours vu les jeunes pères se mettre assez près pour tenter de parler à leur future bébé, lorsqu’il était encore dans le ventre de sa mère. Même une fois nés, les bébés avaient une vision encore assez restreinte, c’est pour ça que c’était bien mieux de les garder tout près de soi. Mais peut-être qu’il n’osait pas, simplement, ou qu’il pensait que ce n’était pas encore possible que son fils l’entende ? Elle faillit fondre sur place en pensant à la première solution, trouvant ça terriblement mignon et touchant, même s’il lui fallut pas mal d’efforts pour ne pas trop le montrer. Il était adorable. Elle avait très hâte qu’ils puissent enfin avoir leur fils et avec eux, et en même temps, craignait beaucoup l’étape de l’accouchement. Tout le monde lui affirmait que ça faisait très mal. Avant de pouvoir obtenir l’anesthésie, le col devait être assez ouvert. S’imaginer à souffrir à cause des contractions sur un lit ne l’enchantait pas particulièrement. Encore moins la perspective de se plier en deux en tentant de supporter la douleur.

« Mais pour ma part, je ne suis pas le meilleur exemple. Tu sais bien que j'ai commis des actes répréhensibles, et qui m'ont valu cet exil. Je ne les regrette pas car j'avais de bonnes raisons de les faire, de ne pas respecter nos règles pour protéger notre peuple. Tout ce que je souhaite, c'est que notre enfant, c'est que toi, mon garçon, devienne une personne qui nous rende fière, tout comme je suis fier d'être le père de Feesa. »

Répréhensibles, peut-être, mais ce n’est pas ça qui l’empêchait de l’aimer. Formbi avait lâché une fois en marmonnant que c’était sans doute parce qu’ils étaient tous les deux atypiques, un commentaire qu’il n’avait sans doute pas voulu qu’elle entende. Peut-être, peut-être pas, elle n’y avait pas vraiment réfléchi. Tant qu’elle se sentait bien, tout comme lui, après tout. Plus important, que leur bébé vive bien quand même ! Oui, c’était vrai, il était exilé, ce n’étaient pas les conditions idéales, leur enfant, plus tard, pourrait potentiellement en souffrir… Et c’était sans doute pour cette raison que Feesa n’avait pas su la vérité avant longtemps. Pour son développement, pour qu’elle se sente bien, ce n’était pas le genre de chose à exprimer trop vite. Déjà que leur petite lui avait paru, sur certains sujets du moins, manquer de confiance en elle… Ewime fit une petite moue, tout en mangeant, en se rappelant ça. Dire que leur fille avait osé croire qu’ils pourraient ne pas l’aimer.

« Mais déjà, il pourra étudier en parti ici, sur Nirauan, au contact d'autres cultures, en plus de pouvoir étudier au sein de l'Ascendance. Il n'y a certes que des humains et des chiss, ici, pour l'heure mais cela changera. Cet endroit n'a pas vocation à rester secret toute son existence et elle s'ouvrira quand il sera possible d'avoir une défense suffisante. Cela l'aidera à ne pas avoir la vision... limitée... de notre peuple. »

Comment arrivait-il à sourire en parlant de ça ? Elle tenta de lui rendre mais ce fut tout de même un peu triste. Au fond, si la jeune femme avait un regret, c’était celui de ne jamais avoir pu vraiment voyager, hors des Régions Inconnues, découvrir ce qui existait au-delà. Lire ou regarder des reportages n’était pas pareil que tout observer de ses propres yeux. Pourtant, elle savait qu’elle ne pourra pas le faire. La galaxie était dangereuse, sa santé était fragile, elle ne mettra pas non plus son enfant en danger.

« Si ça change, je doute que ça arrive avant des années malgré tout. Du peu que Feesa a raconté, elle n’a tout de même connu que des Humains et des Chiss, sur cette planète. Par contre, j’ai su qu’elle avait pu voyager hors de l’Ascendance, avec mon frère, il la quittait assez régulièrement pour rendre visite à des amis. »

Une révélation qui avait bien manqué de la faire s’étouffer sur place, au passage. Déjà, son frère, aujourd’hui, n’avait qu’un seul ami, son Administrateur. Donc entendre qu’il en avait plusieurs et qu’en plus, ils n’étaient pas de leur peuple, ça avait de quoi surprendre.

« Qu’espères-tu, pour cette planète ou cette base ? Si par la suite, l’Empire tombe et des régimes plus démocratiques sont mis en place, la plupart risquent de voir les FID au mieux comme une organisation militaire à surveiller, au pire comme une menace. J’ai assez peur que d’autres batailles suivent à cause de ça. »

« Je n'avais pas cette préoccupation en la construisant. A la base, j'avais décidé de cette installation pour qu'elle soit le centre de la protection de l'Empire contre les menaces se trouvant dans l'espace Sauvage, et le fer de lance de la neutralisation de ces menaces. Les circonstances ont fait que je dois rajouter davantage de pression sur Nirauan que je l'escomptais. »

Même si elle n’était pas d’un naturel à penser aussitôt au pire, la future mère avait tout de même du mal à penser à un avenir serein pour cet endroit, la base, la planète, tout lui semblait assez incertain. Alors oui, les Régions Inconnues et l’Espace Sauvage en eux-mêmes n’étaient pas des régions galactiques très sûres, elle le savait bien… Par contre, si on disposait d’une armée solide, c’était vivable. Il faudra encore du temps avant que cette planète ne soit réellement à l’écart de n’importe quel danger. Même les plus importants. Enfin, tout ça la dépassait un peu. Elle sourit faiblement lorsqu’il ajouta que ça pourrait être un point d’union avec leur peuple, peu convaincue que ce dernier soit près à s’ouvrir plus. D’ici un siècle ou deux, pourquoi pas, ils ne savaient pas de quoi l’avenir était fait, mais certainement pas d’ici quelques mois ou années à peine. A moins d’un très gros changement ou coup de pression important sur l’Ascendance.

L’idée d’un Empire sans sensitifs à sa tête pourra, elle, peut-être se faire, ici ou ailleurs… Difficile de le savoir… Tout dépendait aussi du sensitif en question. Cela posé, les Jedis ne s’intéressaient pas tant que ça au pouvoir, pour une bonne partie d’entre eux, d’après ce qu’elle avait pu observer ou entendre. A partir de là, comme sensitifs, les candidats restant restaient les hommes comme Palpatine. Pas très encourageant. Elle retint une grimace en sentant tout à coup un coup de pied dans son ventre, une main posée contre, l’autre prenant le verre que Thrawn venait de remplir. Ce genre de démonstration, par contre, ce n’était pas bien, mon bébé, fais attention à maman aussi. Même la nuit, parfois, elle commençait à ressentir ces petits coups. Dire qu’elle avait naïvement cru que ce sera seulement après la naissance que son fils l’empêchera de dormir. Heureusement, ça ne dura pas, elle put reprendre le cours de son repas plus tranquillement.

« Mais je pense que je vais faire agrandir la base, ou installer une annexe dans un autre endroit de la planète, afin que chacun de mes hommes puisse installer sa famille dans un lieu sûr. »

« Plus loin dans une annexe, ce serait bien mieux. Pour que les enfants ne puissent pas ressentir qu’ils vivent dans un environnement militarisé. C’est beaucoup mieux pour eux et ça leur évitera une certaine pression. Même pour leurs parents, ils seront plus rassurés. »

Il pensait d’abord lieu sûr, elle pensait avant tout environnement sain qui n’ait aucune chance d’effrayer les petits bouts. Ne serait-ce que pour leur permettre de pouvoir courir et jouer un peu partout sans devoir fait attention à telle zone. Et faire en sorte que les adultes non plus n’aient pas à toujours refermer avec soin toutes les portes pour éviter la oindre intrusion accidentelle par un enfant. Sans oublier la sécurité ! Un coup perdu, ça pouvait vite arriver, à certains endroits. Au milieu de tout ça, il fallait aussi penser que les écoles devaient être dans les lieux calmes, où ne pouvait entendre aucun coup de blaster à cause d’un champ d’entraînement juste à côté. Pas plus que les petits n’avaient besoin d’entendre ce genre de choses la nuit, ça leur donnerait des cauchemars.

« Il doit y avoir aussi des possibilités d’organiser, secrètement d’abord, un certain commerce avec des mondes de l’Espace Sauvage. Beaucoup sont éloignés de l’Empire et certains ne doivent même pas être connus des impériaux. Ce peut être un commerce avec des ressources naturelles de Nirauan, par exemple, contre autre chose. Plus tard sur une base d’élevage si c’est développé. L’artisanat aussi, il y a pas mal à faire, si des familles et civils viennent en plus sur ce monde. Ce Nightswan saura plus facilement te dire quels sont les mondes plus à même d’accepter des échanges. »

Bien sûr, il faudra du temps, et plus de monde, pour mettre en place des échanges importants. Mais il fallait bien un début à tout, n’est-ce pas ? Les projets d’artisanat étaient certainement les plus aisés à lancer et ceux s’échangeant bien.

« Par contre, plus tout ça se développera, plus la question politique va se poser, ne serait-ce que pour rassurer les premiers mondes prêts à échanger. Tu es le chef militaire mais te sens-tu prêt à assumer la partie politique, au cas où, pour Nirauan ? Tu n’as jamais vraiment aimé ça. »

« Ma chérie, ce n'est pas pour rien que je mène toutes ces négociations avec l'Ascendance, tu sais. Je connais notre peuple et mes démarches sont de les amener pas à pas à s'ouvrir toujours plus à nous, et au reste de la galaxie, tout en préservant leur envie d'autonomie. Par contre, si j'ai choisi ce monde, ce n'est pas un hasard. Ce monde est connu de la Flotte d'Expansion et ne recèle aucune ressource particulière en soi. C'est même tout l'intérêt d'y installer une base militaire secrète : personne ne viendra ici par hasard, ce qui réduit les risques de se faire repérer. »

Ewime essayait de ne pas être trop pessimiste, aussi choisit-elle de ne rien répondre à cela. Bien qu’intérieurement, elle continuait de douter très fort des capacités des leurs à s’ouvrir pas à pas vers ce monde. Pour des alliances avec d’autres, par contre, ça sonnait bien plus crédible, d’autant plus qu’elle avait entendu parler, dans la base, des mouvements dans l’Espace Sauvage. Même si tout ça paraissait loin, pour elle, elle aimerait en apprendre un peu plus et comprendre comment tout s’emboîtait. Pas vraiment la partie militaire, elle avait toujours eu du mal avec et ça ne l’intéressait pas non plus beaucoup. Par contre, elle aimait comprendre les rouages de la politique et s’amusait à en décrypter les liens unissant tous les protagonistes, ainsi que les jeux d’influence. Il fallait dire aussi qu’elle avait été beaucoup influencée sur ce terrain en écoutant son frère parler de sa formation puis des différents postes qu’il avait occupés, avant de devenir Aristocra. Elle dû se retenir de soupirer, en pensant au passage aux ennuis que ça pouvait aussi apporter. Surtout lorsque certaines personnes sautaient dedans à pieds joints, sans même une petite once d’instinct de survie.

« Quant à devenir un dirigeant politique, j'espère pouvoir éviter cela. Si je comprends la diplomatie et les besoins que peut demander cet art, je n'éprouve que mépris pour l'hypocrisie politique. Ces gens ne pensent, pour la plupart, qu'à leurs intérêts personnels, qu'au pouvoir qu'ils détiennent, sans jamais se préoccuper du bien-être de ceux sur qui ils doivent veiller. »

« Il y a aussi des politiciens qui prennent leur métier à cœur. »

Tout de même ! En plus, son propre frère avait travaillé dans la politique. A moins qu’il ne parle pas de lui, bien sûr. Elle secoua un peu la tête puis continua plutôt à manger. Mine de rien, se poser à l’air libre lui faisait beaucoup de bien, elle devrait y penser un peu plus souvent.

« De toute façon, c'est un sujet qui ne se résoudra pas avant des mois, voire des années. Les FID viennent juste de se créer, et nous allons sûrement voir d'autres soldats nous rejoindre, d'autres militaires qui en auront assez de voir cet ordre sith utiliser l'empire dans leur unique intérêt, ou dégoûté par les atrocités commises sans raisons militaires. Nous restons une organisation militaire, et nous n'aurons besoin d'un gouvernement que le jour où nous dépasserons cela. »

C’est vrai… De toute manière, créer un gouvernement stable prenait du temps et débutait autour de la figure d’une personne capable de fédérer, du moins, le plus souvent. Ce qui était amusant, c’est que les personnes débutant ces projets étaient souvent celles qui ne voulaient pas diriger, justement. Elle jugeait ça meilleur pour la suite, car ça écartait d’office les personnes pouvant prendre un peu trop le goût du pouvoir et donc perdre de vue les objectifs initiaux. Sans oublier qu’il valait mieux faire confiance à une personne qui pensait d’abord aux autres avant de penser à son influence personnelle. Il pourrait aussi y avoir un autre problème, que ça soit des personnes issues de ces fameuses failles qui prennent le pouvoir. Heureusement, elle n’avait pas entendu que ça puisse être le cas.

« L’idéal serait qu’un jour, plusieurs types de gouvernements, plus petits, puissent cohabiter ensemble. Que chacun y trouve son compte. »

Elle avait dit ça d’un ton assez rêveur, avec un faible sourire. Ce n’était pas près d’arriver… Et même si cela survenait un jour, elle ne pensait pas être toujours en vie à ce moment-là pour l’observer, hélas. Enfin, de toute façon, elle ne quittait pas l’Ascendance pour voyager, ça n’avait donc pas une très grande importance dans son cas.

« On a pu savoir grâce à notre petit descendant, Thrass l’avait rapporté, qu’il y a, dans une époque future, une sorte de mini-faction ou maison de sensitifs, dans l’Ascendance. Enfin, plutôt un groupe, disons, accepté tant qu’il ne cause pas de problème particulier. Je n’ai aucune idée de comment ça à bien partir à l’origine… Et surtout comment ça n’a pas été étouffé dans l’œuf. Ça me donne juste de l’espoir que ça arrive vraiment même avec les changements de notre temps. Parmi tes hommes, tu sais si certains sont sensibles à la Force ou ont envie d’en apprendre un peu plus ? Puisque les Siths recommencent à se multiplier, je trouverais utile qu’il y ait d’autres personnes que simplement les Jedis ayant appris à se défendre, et défendre les autres, contre eux. L’Ordre ne peut pas être partout. »

Ewime se demandait si de pareils temps allaient revenir un jour et dans quelles circonstances. Si cela allait apporter un peu plus de paix ou si c’était utopique, peu importe le contexte dans lequel évoluera la galaxie. Des questions trop complexes et qui la dépassaient, elle ne pouvait pas imaginer à quoi ressemblait vraiment cet avenir, même avec les quelques récits obtenus. Trop lapidaires et parsemés, trop vagues… Que ce soit pour leur peuple ou pour toute la galaxie. Elle aimerait surtout savoir le pourquoi de ces failles, s’il y avait un but à tout cela, une raison, ou si ce n’était qu’un pur accident. Un problème qui allait être réglé, par quelqu’un, quelque part… Très souvent, elle se demandait si leur fille avait gardé le moindre souvenir de son passage ici, lorsqu’elle était repartie, et si oui, si cela avait eu une influence positive sur sa vie ou si, au contraire, ça lui avait apporté des ennuis. D’un autre côté, si jamais elle avait tout oublié… Elle vivra sans rien savoir d’eux ou presque, à nouveau. Avec son oncle et ses parents adoptifs pour seuls appuis. Cette idée lui était douloureuse.

« Je pense que ton frère jouera un rôle là-dedans, et l'école qu'il font avec l'aide de Lorana aidera à cela. Qui sait, peut-être que notre fils pourra y apprendre certaines choses, s'il se révèle être doué du même talent que Feesa. »

« Peut-être, même s’il faudra du temps. Après, je t’avoue que je serai plus rassurée qu’il ne soit pas concerné par tout cela, en y réfléchissant bien. On ne sait jamais, ça pourrait lui causer des soucis. C’est parce que Feesa est sensitive qu’elle est tombée entre les mains de ce fou dès son arrivée. Je n’ai pas envie de me dire que notre fils pourrait lui aussi tomber sur ce genre de personnes à l’avenir. »

Bien que ça soit peu probable… Enfin, on ne pouvait pas être sûr. S’il quittait l’Ascendance un jour, qu’il voyageait, qu’il partait dans on ne sait quelle mission et dans quel but… Elle espérait une vie normale, pour lui, une vie calme où il ne sera pas en danger mortel, une vie où il ne se sentira ni différent ni exclu. Baissant le regard un instant sur son ventre, elle y posa un moment la main en espérant que leur bébé ressente qu’il était encore bien en sécurité, au chaud, protégé et surveillé. Au fond, elle ressentait toujours de la culpabilité de ne pas avoir pu protéger Feesa lorsqu’il le fallait, au plus, même si les choses s’étaient arrangées lorsque son père l’avait ramenée. Elle se redressa ensuite et termina le contenu de son assiette, en essayant de ne plus trop penser aux ennemis potentiels pouvant menacer sa famille. Pas maintenant. Et puis, ceux restant sur leurs mondes ne risquaient pas de croiser la route des Siths. Il y avait d’autres problèmes, bien sûr, son frère en était un bel exemple du moment… Mais il faisait très attention. Du moins, il avait franchement intérêt à faire attention ! Pas seulement pour lui-même mais pour sa femme et leur futur enfant.

Elle passa ensuite sur des sujets un peu plus joyeux, autant pour se changer les idées que parce qu’elle n’avait pas envie d’alourdir l’ambiance. Parlant aussi à Thrawn des exercices d’accouchement, pour la respiration, la posture censée aider à gérer la douleur, etc. Des exercices devant se faire en couple, si on le pouvait, mais elle comprenait bien qu’il ne puisse pas venir avec elle suivre le tout. Elle suivait tout cela avec un des assistants du médecin en chef de la base, car il avait appris le tout avec sa propre épouse il y a moins d‘un an. Ewime ne savait pas trop si ces exercices étaient vraiment efficaces, enfin, elle le découvrira une fois le grand jour arrivé, sans doute. Elle avait confiance en le médecin, simplement, l’accouchement l’effrayait toujours. Tout le monde lui avait dit que ça faisait très mal. De manière plus, disons, pratique, elle voyait mal comment un bébé de plus de deux kilos allait réussir à passer par un si petit passage. Alors oui, c’était comme ça depuis des milliers d’années, mais tout de même, ça lui faisait peur.

A la fin du pique-nique, plus détendue, elle rangea tranquillement avec son compagnon couverts et plats, avant de se lever avec un peu de maladresse. Gênée dans tous les mouvements, même les plus simples. Qu’est-ce que sera en arrivant au dernier mois…