On aurait dit que tout brillait de milles feux, c’était si beau ! Miri ne pouvait pas s’empêcher de sautiller, derrière Vanapoe qui n’en pouvait déjà plus et soupirait, en levant les yeux au ciel. La jeune fille était si heureuse, elle avait travaillé très dur pour ses examens et était fière d’avoir passé les dernières sélections et entrer en apprentissage. Elle avait toujours voulu travailler dans l’hôtellerie et cette place comme apprentie suivante au palais royal était une opportunité à ne surtout pas rater. Son enthousiasme, cependant, exaspérait de plus en plus sa tutrice, qui finit par lui dire d’un ton sec de se calmer, marcher normalement et cesser de regarder partout. Miri fit une petite moue, remettant les mains gentiment contre elle tout en filant dans les couloirs, derrière son aînée. Du haut de ses seize ans, elle avait du mal à contenir sa joie. Et du haut de ses cinquante ans passés, Vanapoe avait visiblement du mal à contenir son impatience.

« Une suivante doit être calme, discrète, rapide et efficace, » poursuit sa tutrice, froidement. « Toute son attention et son soin du détail doit être dirigée vers son travail et non pas vers de vulgaires distractions frivoles. Personne ne doit remarquer sa présence mais elle doit être présente dès que le besoin se fait ressentir. On ne doit pas vous voir ni vous entendre, compris ?! »

« Oui, madame. »

Elle l’emmena dans les sous-sols du Palais, là où se trouvaient toutes les pièces « utiles », allant des cuisines aux vestiaires, en passant par la chaufferie, les réserves pour la nourriture, les boissons et les pièces d’utilité, les dressings, et ainsi de suite. C’est là que Miri dû s’habiller, selon les standards du palais. En tant que novice, elle avait une tenue plus simple que celles des suivantes officielles et des talons plats. En revanche, elle devait tout de même porter un maquillage léger, une première, pour elle. La nervosité était bien là mais ça ne supplantait pas sa joie de pouvoir débuter son apprentissage. Les suivantes royales étaient réputées sur tout Alderaan pour leur savoir-faire et leur sens du devoir, c’était un immense honneur, à ses yeux, d’intégrer leur corps comme apprentie. Travailler au palais, ce n’était pas rien !

« Pressons, jeune fille, vous êtes trop lente ! »

Oui, oui, désolée, elle avait juste un peu de mal à se maquiller correctement, encore… Elle termina aussi vite que possible mais ce n’était sûrement pas parfait… Vanapoe la poussa presque hors des vestiaires, toujours agacée, puis l’emmena d’un pas rapide dans les étages. Rappelant de ne pas parler et de se faire la plus discrète possible. Le matin, elle travaillera dans les étages et apprendra tout ce qui concernait les tâches « ordinaires » d’une suivante. Arranger les appartements royaux, suivant les désirs et besoins de leurs majestés, s’occuper d’une partie du travail administratif, répondre aux demandes spéciales lorsqu’il y en avait, etc. L’après-midi, elle devra s’entraîner physiquement et apprendre, au passage, à manier des armes. Un programme chargé. Sa tutrice n’aidait pas, d’ailleurs, en lui répétant qu’elle devra d’abord s’occuper de nombreuses tâches de moindre importance et ingrate, avant de pouvoir faire autre chose.

« Aucune erreur n’est tolérée, seule la perfection est acceptable. Même si vous n’êtes qu’une simple apprentie, toute faute coûtera cher. »

« Mais si jamais je fais une faute car je connais pas encore très bien le travail à accomp… »

« Aucune tolérance. Êtes-vous sourde ?! »

Cette fois, la pression gagnait du terrain sur la fierté et la joie. Gloups. Vanapoe lui donna les premières tâches à effectuer, à savoir du ménage, pour commencer, dans un salon des appartements royaux, servant visiblement de salle de jeux pour la nouvelle et jeune princesse. Sans doute à l’école, à cette heure-ci. Puis la laissa. Très bien. Miri inspira un grand coup, puis se mit au travail, avec la volonté de faire au mieux.

Beaucoup de choses restaient à travailler, mais il y avait tout de même du progrès. Les membres de la garde avaient fini par comprendre qu’approcher un sensitif au corps à corps, fusse-t-il Jedi ou Sith, n’était pas très porteur d’avenir. Tout comme le fait de rester grouper en un seul paquet au même endroit. Les entrainements qu’elle avait finis par leur imposer se déclinaient souvent en deux grandes phases : la première étant de jauger leurs réactions face à un adversaire de sa trempe, pour les forcer à réfléchir à la manière de l’approcher. En général, la dispersion restait la meilleure des stratégies, cela ils l’avaient bien compris. Ils avaient encore du mal, néanmoins, à ne pas se conformer à un plan précis, ou réfléchis à l’avance, qu’il était facile de ressentir, et de contrer. Elle ne leur avait pas dit, bien sûr, que le meilleur moyen de surprendre un sensitif n’était de rien avoir prévu du tout… La seconde phase, en revanche, visait à les entrainer à se battre en sa présence. A profiter de sa protection, et des ouvertures qu’un sensitif pouvait fournir, au besoin. Accepter de se laisser guider. C’étaient là qu’ils progressaient le plus... Et, sans le savoir, qu’ils ouvraient aussi le plus leurs esprits au sien…

Takara n’était guère conciliante, et ne faisait preuve que de peu de ménagement. Elle faisait simplement attention à ne pas blesser, ou tuer. Cela tombait sous le sens. Mais ils devaient se préparer au mieux, et cela demandait certains efforts. En général, Lisbeth ou Isobel l’attendaient à la fin de ces séances, pour pouvoir la préparer après une longue douche ou un court bain, à poursuivre ses activités quotidiennes avec la préséance qui était la sienne. Pour des raisons d’agendas, cette dernière étape devait se faire ailleurs, et la reine-consort s’était clipsé après s’être lavée et changée, par les coursives et escaliers généralement réservés à cet usage, et à travers les quelques salles du rez-de-chaussée et des étages généralement vides à cette heure de la journée. Il lui fallait encore qu’on la maquille à nouveau, puis ajuste sa tenue en vue du dîner prévu en fin de journée avec les représentants du Moff chargé des activités militaires dans les secteurs dont Alderaan faisait partie. Ces gens-là, hélas, devaient être caressés dans le bon sens du poil si Leia et elles souhaitaient qu’ils leur soient utiles à l’avenir…  

Elle ne croisa pratiquement personne. Quelques serviteurs ci et là, qui ne semblèrent même pas s’être rendu compte de son passage. Elle en fit de même, sans faire mine de vraiment prêter attention à leur présence. Ses petits talons commencèrent à claquer qu’en arrivant dans les salles juxtaposant les appartements royaux, ainsi que ceux des suivantes. Elle poussa la porte d’un des salons, et s’arrêta net en voyant une petite silhouette vêtue d’une robe couleur crème, rompue aux extrémités par de fins liserés blancs, occupées à quatre pattes à ranger les affaires laissées là par sa fille quelques heures plus tôt. Elle la regarda faire en silence, interloquée, tout en venant machinalement ramener sa chevelure longue et décoiffée en un chignon. Temporaire, mais qui devrait faire l’affaire. Elle refit un pas ou deux, prête à faire comme si elle n’avait rien vu, mais s’arrêta à nouveau lorsque sa position lui offrit une vue parfaite sur le visage, et la coiffure rousse de la jeune femme, certaine de ne l’avoir jamais vu.

Ce n’est lorsque la jeune femme releva la tête dans sa direction, sans doute après l’avoir vu, que Takara laissa échapper, très brièvement, son étonnement face aux traits similaires, bien que plus jeunes, de son visage, avant d’aviser d’un air tout de suite plus critique -et naturel-, la posture peu envieuse de cette dernière. Elle lutta, aussi, contre cette impulsion de son esprit en constatant le peu de sérieux de son maquillage qui n’était pas parfait, après avoir réalisé qu’il s’agissait d’une apprentie, et non pas d’une suivante qui aurait subitement fait son apparition parmi le personnel du palais. Serait-ce par ailleurs celle dont on lui avait vaguement parlé… ? Oui, la ressemblance… Ce serait logique, après tout. Mais tout ceci, tout ceci n’était pas parfait. La perfection était essentielle, quitte à oublier un instant qu’elle-même, en cet instant, était loin de l’être. Pas de maquillage, les cheveux rapidement noués, sans bijoux, avec pour seule tenue une robe blanche et ses talons bas… Quelques mois plus tôt Isobel en aurait fait une syncope… D’un autre côté, Lisbeth était sensée l’attendre dans la pièce d’à côté. Quant à cette jeune femme…

« Qui-êtes-vous ? Ne m’avez-vous donc pas entendu arriver ? » lâcha-t-elle fermement à son égard, tout en lui faisant signe de se redresser, d’un geste vif. « Que faites-vous ici seule ? Où est votre tutrice ? »

Oui, où était-elle ? Pourquoi l’avoir laissé seule, et aussi peu présentable ? Qui pouvait faire preuve d’aussi peu de sérieux ? De perfection ?

Elle tâchait de se remémorer ses cours, suivis l’année dernière, dans l’école hotellière. D’abord, ranger le plus encombrant. Puis secouer les tissus, enlever le linge sale, aérer la pièce, dépoussiérer, s’occuper des sols, des vitres, vider les poubelles et les changer, mettre des fleurs fraîches, et ainsi de suite. Le tout sans traîner, bien entendu. Comme ils ne pouvaient pas ouvrir les fenêtres en ce moment, elle activa un des aérateurs d’air supplémentaire, puis se mit au travail. Il n’y avait qu’une seule corbeille, dans la pièce, rapide à vider. Puis un plateau, resté là, contenant des restes de goûter. Elle emmena le tout dans le coin cuisine, caché derrière une petite porte, comme souvent, pour laver et ranger les bols et la petite assiette. Légèrement décontenancée face aux multiples placards, peu sûre de savoir où mettre la vaisselle. On ne lui avait rien expliqué ! Et pourquoi, d’ailleurs, il y avait-il autant de produits différents pour laver le tout ? Il y avait une sorte de protocole à respecter ? Vanapoe aurait pu le lui dire…

Une fois fait, comme possible, elle retourna dans la pièce principale. Récupérer les jeux éparpillés, les ranger… Dans… Un instant perplexe, elle observa les coffres présents dans la pièce, peu à l’aise. Est-ce qu’elle avait le droit de les ouvrir pour vérifier ce qui était dedans ? Et si elle ne le faisait pas, comment savoir où tout ranger ? Après un moment d’hésitation, elle s’avança pour timidement les ouvrir. Un était rempli de peluches, le second contenait des jouets en bois et le troisième, on aurait dit des sortes de jouets électroniques. Bon, très bien. Elle commença par ça, un peu anxieuse à l’idée de casser par accident un des jouets de la petite princesse. L’un d’eux avait l’air cassé, d’ailleurs. Ou plutôt démonté ? Elle s’agenouilla sur le tapis, pour récupérer toutes les petites pièces métalliques coincées dedans. Ça risquait de se perdre, si elle les remontait dans le coffre, simplement comme ça, c’était si petit… Et elle ne saurait pas remontrer ce truc ! Il n’y avait pas un sachet, une poche, quelque chose, où elle pourrait mettre l’ensemble ?

Elles avaient des sachets en tissu, pour ramasser les pétales de fleurs séchées et les redonner au jardinier, elle pourrait s’en servir, tiens… Elle faisait glisser les petites pièces dedans avec précaution lorsqu’un mouvement soudain, du coin de l’œil, attira son attention. Ah, ça devait être Vanapoe et… Elle tourna la tête, lâchant instantanément le sachet sur le tapis et blêmissant à vu d’œil, en reconnaissant la reine consort. Mais elle n’était pas censée la croiser ! Elle n’en avait pas le droit ! Pas tout de suite !! Tout à coup, elle vit trouble, se voyant déjà virée dès les premières heures de son apprentissage. Elle se releva d’un bon, voyant à peine le geste lui intimant de le faire, serrant contre elle par réflexe ses deux mains, comme si elle était sur le point de se faire arrêter. Ce qu’elle s’imaginait, avec ça, y voyant une faute assez grave pour qu’on la renvoie en la frappant.

« Qui-êtes-vous ? Ne m’avez-vous donc pas entendu arriver ? Que faites-vous ici seule ? Où est votre tutrice ? »

« Jem’apelleMiriAssiah,jesuisapprentiedanscepalaisdepuisaujourd’huiet... jesuisvraimentdésoléedenepasvousavoirvuouentenduarriver,votremajesté... jedoisjustetravaillerdanscettepiècepourlarendrepropreretnepasmefaireremarquer » débita-t-elle à toute vitesse en bafouillant à moitié, de plus en plus blanche.

Terrorisée, elle s’imaginait déjà des gardes surgir de tous les côtés pour la jeter dehors, son apprentissage s’envolant en fumée, la honte s’abattant sur toute sa famille, l’impossibilité de retrouver du travail ensuite et tous ses rêves et espoirs partir brutalement en fumée. Elle arriva juste à ne pas s’étouffer sur place ou s’évanouir, en pensant à la seconde moitié de la question.

« Je, je, je, je ne sais pas où est ma tutrice, désolée, ne me faites pas de mal, s’il vous plaît. »

Takara referma doucement sa senestre autour de sa dextre, devant elle, en découvrant la stupeur qui venait tout à coup de se saisir tout entier du corps de la jeune apprentie devant elle, tétanisée par sa seule présence, comme si le plus perfide des crimes venait d’être commis sous ses yeux. Une part de la sith se serait contenté pleinement de cet effroi, pour l’exploiter à son escient. Cette même part l’incitait justement à le faire… mais à quoi bon ? Il était clair que cette jeune fille n’était encore qu’une adolescente, et en tant qu’apprentie, ne pouvait pas tout accomplir parfaitement. Sa terreur, aussi, alors qu’elle bafouillait une réponse à peine intelligible pour quiconque ne se concentrerait pas suffisamment pour en saisir le sens. Incapable de bouger, les jambes comme fondue dans de l’acier. Le visage soudainement si pâle, que le maquillage mal appliqué lui donnait une apparence plus mortifère encore. La reine-consort pensa même un instant que la jeune femme allait s’évanouir sous ses yeux, face au choc que constituait sa présence. Que lui avait-on dit, pour réagir de façon aussi extrême ? Elle avait peut-être été un peu ferme dans ses propos, mais elle ne l’avait pas non plus menacée de mort…

[color:358d= #A9D0F5]« Je, je, je, je ne sais pas où est ma tutrice, désolée, ne me faites pas de mal, s’il vous plaît. »

« Vous faire du mal ? » rétorqua-t-elle, non sans surprise, à croire que la jeune Miria ? Miriassiah ? l’avait malgré tout bien compris comme cela… Mh, non, ça n’allait pas, il fallait rattraper cela. « Allons, allons, Miss, nous ne pratiquons pas cela en ces lieux. Ce serait une disgrâce. »

Qui pouvait bien lui avoir fait croire qu’elle pouvait lever la main comme ça sur elle, pour si peu ? Elle était si stressée, si apeurée… Cela ne pouvait pas convenir, dans ce palais. Les suivantes se devaient d’être maitresses d’elle-même en toute circonstance. D’être la perfection incarnée. Elle l’avait elle-même appris à ses dépends en arrivant avec Leia, à ses débuts. C’était difficile, certes, mais si gratifiant que l’on ne pouvait que se donner corps et âmes pour ce travail. Du moins, c’était la vision qu’elle voulait laisser de ce travail essentiel, pour Leia comme pour elle. Takara s’efforça donc de lui sourire, avant de relâcher ce regard inquisiteur qu’elle lui avait adressé jusque-là. Sa tutrice n’avait vraiment pas fait correctement son travail, pour la laisser travailler ici sans supervision, et sans s’être assurée au préalable qu’elle était présentable au cas où des rencontres improbables mais possibles comme celles-ci devaient se produire. Surtout lorsqu’il s’agissait, à priori, de son premier jour. Ce qui était tout à fait possible, la reine-consort n’ayant pas encore été informée officiellement de son recrutement. Rien qu’en la regardant, elle comprenait néanmoins pourquoi elle avait été choisie. C’était une évidence, il y avait des ressemblances.

« Détendez-vous, vous n’avez rien fait de mal, » reprit-elle en s’approchant d’un pas ou deux, sans plus, avant de lever une main comme pour évoquer l’environnement autour d’elle. « Vous vous êtes même plutôt bien débrouillée, pour un premier jour... Quel âge avez-vous ? »

La pauvre devait être mise en confiance, ou elle resterait soudée au parquet jusqu’à tomber de fatigue. Elle ne pouvait logiquement pas avoir fait un travail satisfaisant au regard du niveau que possédait les suivantes correctement formées et naviguant au palais depuis des années. C’était impossible. Leur rapidité et leur efficacité était sans pareille, mais un petit mensonge de la sorte aujourd’hui ne pourrait pas faire de mal à l’avenir. Elle se mit à s’approcher un peu plus, doucement, pas à pas, jusqu’à se tenir pratiquement devant elle. A portée de bras

« Pouvez-vous me donner le nom de votre tutrice, Miss Assiah ? » demanda-t-elle d’une voix plus douce, tout en l’examinant de plus près, avant de calmement relever une main sous son menton, sans la toucher, comme pour l’inciter à lever la tête. « Il est évident qu’elle n’a pas bien fait son travail avec vous, aujourd’hui. C’est indigne de sa part de vous avoir laissé seule ici sans repères, et sans avoir pris soin de s’assurer que vous soyez présentable. »

Elle retira sa main, tout comme elle fit un pas en arrière, en lui offrant un sourire sincère. Elle pensait vraiment, au fond, qu’elle n’était pas coupable. Elle appuya d’ailleurs son propos en répandant une impression de confiance, de compréhension à travers la Force. Que ce n’était pas un reproche, mais le constat de l’échec de sa tutrice à accomplir le travail le plus important qui soit. Celui de former l’avenir au sein de ce palais. Si elle avait été une sith les choses auraient été différentes. Et encore, elle avait bien conseillé Isobel, avant de la mettre à l’épreuve. Cette jeune fille n’entrait pas dans cette catégorie. Si elle avait été sélectionnée pour la raison qu’elle pensait, elle devait au contraire être accompagnée pendant quelque temps avant d’être lâchée dans les dédales du Palais.

« Les suivantes sont tout autant des représentantes d’Alderaan que nous. Leur apparence reflète notre monde. Nous allons corriger cela ensemble. Mais vous devriez avant tout finir la tâche qui vous a été donné par votre tutrice, d’accord ? »

Oui, il allait falloir corriger ça, mais elle devait avant tout finir ce qu’elle avait commencé. Sa tutrice la jugerait aussi sur cela, avant que la reine-consort ne s’occupe personnellement de son cas. Certes, Takara n’aurait sans doute pas dû passer par ici. Ce n’était pas prévu. Mais il s’agissait des appartements royaux, elle aurait dû l’envisager malgré tout. Elle se recula un peu, pour l’observer finir de ranger les jouets laissés là par Aylin. Cela l’aiderait peut-être à se détendre, de se concentrer sur la fin de ce travail manuel.

« Vous avez dû réussir brillamment aux examens pour être sélectionnée. Le Palais est-il à l’image que vous vous en faisiez ? »

« Vous faire du mal ? Allons, allons, Miss, nous ne pratiquons pas cela en ces lieux. Ce serait une disgrâce. »

Ça voulait dire qu’ailleurs, ils le pratiquaient ?? Oui ? Non ? Non ? Elle resta complètement figée sur place, terrifiée, alors que la reine-consort souriait. Elle allait sûrement se faire virer, c’était la fin… On lui avait dit et répété de se faire discrète, de faire attention et surtout, surtout, surtout, ne déranger personne ! Sa tutrice allait la tuer, lorsqu’elle allait apprendre ça, sans même parler de ses professeurs, du centre de formation interne au palais. Une connerie d’une telle ampleur dès le premier jour ! Elle n’osait pas regarder la reine-consort bien en face, meurtrie. Pourquoi fallait-il que ça se passe ainsi… C’était indigne, elle aurait dû entendre les pas approcher, faire plus attention à ce qui était autour d’elle, être plus attentive ! Travailler plus vite, pour disparaître ensuite rapidement et ne pas imposer sa présence aux personnes n’en voulant pas.

« Détendez-vous, vous n’avez rien fait de mal. Vous vous êtes même plutôt bien débrouillée, pour un premier jour... Quel âge avez-vous ? »

« Seize ans, votre majesté. »

Elle resta encore plus figée lorsque la reine s’approcha, tremblante et luttant pour rester bien droite. Le nom de sa tutrice… Elle le bafouilla à moitié, avant de se reprendre, se racler la gorge et le donner d’un ton plus clair. Puis sursauta légèrement lorsque la reine lui glissa les doigts sous le menton pour lui faire relever la tête. Encore plus désolée lorsque sa majesté lui dit qu’elle n’était pas présentable. Désolée… Elle n’avait pas eu assez de temps pour se maquiller et ne savait pas le faire dans un temps record. Et donc, c’était sûrement de sa faute, si la reine considérait que le travail était mal fait… ça allait donner une raison de plus de la virer… Elle rebaissa aussitôt la tête lorsque la reine s’écarta d’un pas, bien qu’elle soit un peu moins terrifiée maintenant. Les mains baissées contre les plis de sa robe mais toujours étroitement serrées l’une dans l’autre. Puis elle hocha vivement la tête et se remit au travail, le ventre noué. Il ne lui restait plus grand-chose et elle en eut vite terminé, heureusement. Maintenant, donc… Elle allait devoir retourner voir sa tutrice et lui avouer ce qui venait d’arriver… Et se préparer à faire ses bagages… Elle chercha la meilleure façon de saluer la reine et indiquer qu’elle allait retourner immédiatement à ses tâches, ne plus déranger qui que ce soit.

« Vous avez dû réussir brillamment aux examens pour être sélectionnée. Le Palais est-il à l’image que vous vous en faisiez ? »

« Oh, oui, il est plus beau que tout ce que j’avais pu imaginer ! »

Bref élan d’enthousiasme, ravivé par l’émotion l’ayant prise lorsqu’elle était entrée ici la première seconde. Puis elle se souvint brusquement où elle était et avec qui elle parlait, refermant aussitôt la bouche alors qu’elle était prête à énumérer tout ce qui lui avait plu ici. Cette fois, une légère rougeur de gêne avait remplacé, en partie, la pâleur de tout à l’heure. Elle devait apprendre à se tempérer, à se calmer… A être discrète… Puis elle fut mal à l’aise de nouveau lorsque la reine lui fit la suivre dans la pièce suivante. Où une autre suivante attendait. Lisbeth ? Miri la salua comme il faut et se présenta d’une toute petite voix. Surtout lorsque la suivante observa à son tour son maquillage d’un regard critique, une légère grimace aux coins des lèvres. Gênée, Miri en trépignait légèrement sur place.

« Qui vous a maquillée ce matin, mademoiselle ? »

« Heu, moi… Enfin, toute seule. »

Ce n’était pas la réponse attendue, dirait-on… Elle n’aurait pas dû se maquiller ou demander à quelqu’un de le lui faire ? Mais on ne lui avait pas dit ce qu’il fallait faire… Juste qu’elle n’avait pas le droit à l’erreur. La suivante lui indiqua qu’elle allait lui montrer comment s’y prendre. Tout d’abord, elle se retourna vers la reine, pour s’occuper d’elle. Mais… Une minute, elle devait se changer ici ?? Miri détourna très soigneusement les yeux, même s’il y avait des paravents, puis attendit que cette phase-ci se fasse. Puis revint doucement s’approcher, pour observer le travail de Lisbeth, en ce qui concernait le maquillage. Le nettoyage de la peau, pour commencer, les préparatifs, le choix du ton… Et le tout devant s’accorder avec la tenue. Elle n’avait pas du tout fait ça, de son côté… C’était long, en plus ! Elle observait tout, fascinée malgré elle par la précision des gestes, alors qu’elle était pourtant convaincue qu’elle allait se faire virer. Et surtout, le nombre de produits hallucinant présents sur la coiffeuse. Un peu plus enhardie, elle commença doucement à poser des questions à Lisbeth sur tout ce qu’elle prenait dans les mains.

« C’est quoi, ça, comme crème ? »

« Elle nettoie et apaise la peau, avant la pose du maquillage, cela évite d’irriter et agresser les pores. »

Elle continua de poser des questions, au fur et à mesure, s’apaisant malgré elle. Apprendre, après tout, elle aimait énormément cela. Au bout d’un moment, elle finit tout de même par réaliser qu’elle dévisageait la reine consort depuis au moins une bonne vingtaine de minutes, tout en posant des questions, la gêne revenant au galop. Il lui revint à l’esprit ce que sa mère lui avait dit en riant, qu’elle ressemblait à sa majesté, mais en plus jeune. Revenant à la réalité, elle poursuivit ses questions, pour Lisbeth. Laquelle était définitivement plus patiente, pour y répondre.

« Je devais faire tout ça aussi, ce matin ? » osa-t-elle enfin demander, d’un ton plus bas. Ce qui était ridicule, car la reine pourrait l’entendre quoi qu’il arrive.

« Non, pas à ce point. Et c’est votre tutrice qui aurait dû vous le faire, c’est ainsi que cela se passe, tant que vous n’êtes pas formée pour. L’image que nous renvoyons exige un soin particulier à chaque détail et les apprenties doivent être encadrées. »

« Ah… »

Elle avait dû tant agacer sa tutrice et lui gâcher son temps que ça n’avait pas pu être fait… Encore une raison de craindre son avenir ici…

Vanapoe… Takara passa un instant à se ressasser ce nom, sans rien dire. C’était étonnant, venant d’une personne aussi expérimentée à son poste. Elle ne l’avait jamais réellement apprécié, mais n’avait jamais rien eu à dire sur son travail. Professionnelle, elle visait cette perfection tant attendue. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait lâché cette pauvre fille de seize ans, seule, lors de son premier jour. Qui plus est dans cet état. C’était une faute tout aussi surprenante qu’inattendue. Elle allait devoir lui parler, car ce comportement était inacceptable. Peut-être devenait-elle lasse de son travail, auquel ça elle n’avait plus sa place entre ces murs. La reine-consort comprenait la nécessité de se montrer ferme avec les apprentis. Elle-même pensait que l’adversité était la meilleure des formateurs. Mais encore fallait-il que ce soit juste. Concernant la jeune Assiah, il était clair que ça ne l’était pas. Elle devait sans doute avoir des raisons personnelles, mais le travail passait avant tout. Elle représentait la monarchie en tout instant. Les excuses n’avaient aucune importance. Ce que Vanapoe avait pu dire à cette jeune fille pour provoquer une telle réaction d’effroi valait tout autant pour elle. Elle ne devrait pas l’oublier.

Takara regarda la jeune Miri tentait de chercher un moyen de se sortir de cette situation, mais quiconque la connaissait devait savoir que c’était bien trop tard. Sa curiosité piquée à vif, elle ne la laisserait partir que lorsqu’elle l’aurait rassasié. Au moins était-elle parvenu à la détendre un tout petit peu, assez pour qu’elle finisse rapidement son travail, sous son regard acéré.

« Oh, oui, il est plus beau que tout ce que j’avais pu imaginer ! »

Un sourire amusé échappa au contrôle de la reine-consort en la voyant s’émerveiller, puis se figer aussitôt, les joues rouges, en réalisant qu’elle s’emportait. De premier abord, il semblait assez facile de lui redonner des couleurs, et du courage. Bien, il lui en faudrait, car personne ici ne lui ferait de cadeau pendant son apprentissage. Elle serait évaluée en permanence, encore plus maintenant que le protocole les entourant avait été amendé, et devrait compter sur l’oreille attentive de sa tutrice pour chercher conseil. Enfin, une fois que Takara aurait réglé cette affaire… Avant cela, il fallait corriger cette horreur que Vanapoe avait laissé errer dans les corridors du Palais. La reine-consort demanda plus sèchement à l’apprentie de la suivre dans le salon adjacent, où Lisbeth l’attendait en se demandant bien ce qui pouvait bien lui prendre tout ce temps. La suivante fit la moue, en découvrant la tête rousse qui suivait derrière elle, et Takara se décala en silence, laissant soin à la jeune fille de se présenter à sa suivante. Elle n’allait, après tout, pas se rabaisser à cela. Takara se dirigea au contraire derrière les paravents à l’autre bout de la salle, où Lisbeth avait déposé avec délicatesse une robe blanche riche et raffinée sur un fauteuil.

Elle se changea rapidement, en tendant une oreille pour espionner la conversation. Ou plutôt la non-conversation, avant d’appeler Lisbeth pour qu’elle l’aide à ajuster la robe. Elle revînt ensuite vers la coiffeuse, pour s’y installer et laisser sa suivante faire son œuvre, satisfaite de constater dans le miroir qu’elle n’empêchait pas la jeune Assiah d’observer, et même de poser des questions. Là, voilà, il fallait qu’elle se détende, pour pouvoir bien faire son travail plus tard. Il n’y avait pas de crainte à avoir. Pas maintenant. Takara savourait d’entendre sa curiosité, tout en reprenant une attitude plus détachée, distante. C’était comme si elle ne prêtait plus attention aux deux femmes, alors qu’elle se perdait dans ses pensées. La manière dont la jeune Miri pourrait leur être utile plus tard, ou encore la manière avec laquelle elle devrait lui enseigner comment se comporter, pour l’imiter au mieux, dans quelques mois ou quelques années. Le temps n’était pas un problème, elle pouvait attendre. Avant toute chose, il allait falloir voir si elle était capable de s’intégrer. Takara finit par sourire, lorsque Lisbeth expliqua à la jeune adolescente que son manque d’élégance n’était pas de sa faute, confirmant un plus cette idée qu’il faudrait écarter Vanapoe. Sa suivante se chargea dans la foulée de soigner sa coiffure, nouant avec précision de longues mèches en une tresse qu’elle finit par passer autour de son chignon, dans un style purement alderannien avant d’annoncer qu’elle avait terminé.

« Merci, Lisbeth. » lâcha-t-elle avant de se lever et de s’écarter, avant de poser à nouveau son regard sur la jeune Assiah. « A votre tour, à présent. Je suis certaine que Lisbeth saura corriger ces imperfections. Lisbeth, veillez à la raccompagner dans le salon, lorsque vous aurez terminé. »

Le visage de Lisbeth se contrit un instant, avant de s’effacer derrière une façade neutre, presque impassible. L’heure du dîner était encore éloignée mais il restait encore beaucoup de choses à faire. Tout ceci n’était qu’une distraction inutile… Mais là, maintenant, elle n’avait pas vraiment le choix…

« Oui, votre majesté, » fit-elle en inclinant la tête, avant de faire signe à la petite Miri de s’installer en lieu et place de la reine-consort. Tout ceci n’avait vraiment pas de sens.

Elle se dépêcha de remettre en place les différentes crèmes et autres flacons en attendant que la gamine ne s’installe. Ça n’allait vraiment pas, il allait falloir tout recommencer depuis le début. Le seul réconfort serait qu’elle pourrait au moins voir dans quel ordre appliquer son maquillage, même s’il lui faudrait répéter encore et encore ces mêmes gestes pour que sa tutrice accepte de la laisser le faire seule. Lisbeth ne comprenait pas comment Vanapoe avait pu passer à côté de ça, ou même ordonner à la petite de se débrouiller seule. Ça ne lui ressemblait pas vraiment.

« On va commencer par vous retirer tout ça. Ne bougez pas. » commença-t-elle, plus stricte, en venant soigneusement lui retirer les couches mal appliquées, en commençant par le contour des lèvres et des yeux. « En tant qu’apprentie, vous devez rester subtile et discrète. Votre maquillage doit donc l’être tout autant. Bien. Pour commencer, vous devez apprendre à ne pas trembler. »

Takara regarda un instant Lisbeth expliquer à la jeune apprentie ce qu’elle devait faire au préalable, à commencer par ordonner les différents produits sur la coiffeuse pour ne pas perdre de temps, rappelant au passage qu’au sein du palais chaque minute comptait. Puis la reine-consort alla récupérer le bloc de données que sa suivante avait laissé sur la commode située près de la porte, et se servit du rebord de cette dernière pour se glisser dans ses nouveaux talons, avant de s’éclipser dans la pièce d’à côté, que la petite avait réagencé. Elle alla s’installer dans un des fauteuils, pour consulter des fiches qu’elle allait finir par connaître par cœur à force de les lire.

« Subtile, et discrète. Souvenez-vous bien de cela. Votre rouge-à-lèvre ne doit pas être criant, ou vous allez inévitablement attirer l’attention. » continuait d’expliquer Lisbeth, en appliquant une couche légère et claire sur les lèvres de l’apprentie. « C’est bien compris ? »

C’était difficile d’expliquer clairement chaque étape, car certaines nécessitaient que l’adolescente ferme les yeux, ou se concentre suffisamment pour ne pas bouger. Le plus simple restait de le montrer sur quelqu’un d’autre, ou de guider la personne pendant qu’elle le faisait elle-même. Cette dernière chose était impensable. La gamine vivait là son premier jour. Il lui faudrait des semaines pour que sa tutrice considère sa préparation comme acceptable. Elle finit par appliquer une dernière crème, avec précision, avant de s’écarter pour laisser le temps à la petite Miri de contempler le résultat. C’était nettement mieux. Les imperfections étaient inexistantes, et la jeune apprentie était bien plus élégante. Mais Lisbeth n’en retirait aucune satisfaction. Elle n’avait fait que lui faire perdre son temps.

« Allez, allez, levez-vous maintenant ! » lâcha-t-elle avec agacement en constatant sa lenteur, en retrouvant instinctivement sa froideur. La petite restait une apprentie, et si cette distraction pouvait lui sembler agréable, elle ne devait surtout pas oublier sa place. Ni les attentes qui reposaient sur ses épaules. « Nous avons déjà perdu trop de temps. Par ici ! Hop hop ! »

Elle attrapa l’épaule de la petite, pour pratiquement la trainer derrière elle jusque dans la pièce d’à côté. Lisbeth s’arrêta dans l’embrasure de la porte, en remarquant que la reine-consort était confortablement installée, le regard perdu dans les lignes du bloc de données. Elle relâcha l’épaule de Miri, et se décala sur le côté. Ce n’est qu’alors que Takara releva les yeux, pour jauger les deux femmes du regard.

« Voilà qui est mieux. Asseyez-vous donc, mademoiselle Assiah. » commenta-t-elle, avant de pointer vaguement du doigt le fauteuil situé non loin, en face d’elle. « Lisbeth ? »

La suivante se dépêcha de franchir la distance qui la séparait de la reine-consort, pour s’arrêter en retrait sur sa droite, les deux mains jointes devant elle, contre sa robe. Takara ne s’inclina sur le côté qu’après qu’elle ait pris sa position, pour que la jeune rousse puisse prendre note du protocole.

« J’aimerais m’entretenir avec Vanapoe. Rapidement. » demanda-t-elle, à voix basse.

Lisbeth esquissa une grimace, imaginant assez bien ce qui allait se passer. Ce n’était pas une bonne idée. Vanapoe devait avoir ses raisons. Lui faire un sermon en face de son apprentie n’était pas la solution. La petite pourrait se sentir intouchable, après cela. Elle prit une grande inspiration, avant de se pencher sur le côté, pour répondre sur un ton tout aussi bas :

« Votre majesté… Je ne pense pas qu’il soit sage de rappeler à l’ordre mademoiselle Vapanoe en présence de son apprentie. Même si son comportement n’est pas acceptable, ce serait créer un précédent. Et elle pourrait se penser intouchable. »

Takara leva le regard dans sa direction, pensive, Mh.. Elle n’avait pas foncièrement tort, bien que la petite devait encore se demander ce qu’elle avait fait, ou ce qui se passait.

« Oui, vous avez raison... Dans ce cas, vous veillerez au moins à ce qu’elle ne l’importune plus. »

« Votre majesté, qui dans ce cas va s’occuper de son enseignem- Oh… commença-t-elle, avant de s’arrêter net lorsque la réalisation la frappa à travers tout son être. Elle n’y pensait pas, tout de même ? Oh… Oh si… Il suffisait de voir le regard de Sa Majesté, là, en cet instant, pour comprendre qu’elle ne plaisantait pas… Mais… Mais ça ne respectait pas du tout le protocole ! C’était… Lisbeth leva son regard vers la gamine, en se demandant comment elle n’avait pas vu voir venir ce coup-là venir. Sans parler de la manière dont elle allait devoir expliquer ça à Vapanoe, et à l’Intendance… Sans parler de son agenda, qui venait de voler en éclat sous ses yeux. C’était une catastrophe !


« Bien, je n'en attendais pas moins de vous. Merci Lisbeth. » conclut-elle, plus haut, tout en fixant la jeune Miri. Avant de reprendre la conversation avec elle comme si celle-ci n’avait jamais été interrompue. « Vous nous disiez avoir seize ans, c’est bien ça ? Parlez-nous un peu plus de vous, voulez-vous ? »

Il y avait tellement d’étapes, pour préparer une personne à une cérémonie officielle, il allait falloir qu’elle note tout dans un carnet de cours et l’apprenne par cœur, sinon, comment faire pour ne rien oublier ? Toute à ses considérations, elle en avait oublié qu’elle était aussi censée corriger sa propre apparence et fut un peu prise de court, quoi qu’elle obéit immédiatement, bien entendu. Elle essayait de retenir dans quel ordre Lisbeth déposait les produits sur la coiffeuse et ce qu’elle prenait en premier. Elle ferma les yeux, légèrement crispée, lorsque la dame commença par la lui enlever ce qu’elle avait dû appliquer à la va-vite ce matin, le nez envahi par la légère odeur de menthe se dégageant des lingettes. Un maquillage subtil, discret, ne pas trembler… Une dernière indication qui était sans doute la plus ardue pour elle, en cet instant. Toute l’impatience de se lancer dans ce nouveau travail, de ce matin, s’était évanouie, elle avait peur. Et se demandait ce qu’elle faisait encore là, pourquoi on ne l’avait pas déjà renvoyée et s’il était réellement capable d’y arriver.

Malgré tous ses doutes, elle s’efforçait sincèrement de tout retenir, écouter, mémoriser… Être le plus invisible possible et ne sortir de l’ombre que lorsqu’on avait besoin d’elle, oui, elle l’avait bien compris. Même avec la meilleure volonté du monde, il y avait tellement de détails qu’elle avait de la peine à tout garder en tête du premier coup et se sentait incapable de refaire tout ça seule dès le lendemain ! Elle pourrait redemander toutes les étapes et les noter, pour les réviser ce soir, ou c’était déjà trop tard, il ne fallait qu’un seul essai ? Puis plus le droit à l’erreur ? Parce qu’en voyant le résultat, elle savait qu’elle parviendra pas à refaire ça… Pas tout de suite ! Elle se releva en essayant de ne pas se prendre les pieds dans sa robe, avec la précipitation, ni lorsque Lisbeth l’entraîna vivement dans la pièce d’à côté. Apprendre à toujours courir, d’accord, sans trembler, sans se faire voir ! On pouvait ? Elle suivit le nouvel ordre de la reine et alla s’asseoir, courant à moitié par réflexe. Puis observa les deux femmes, mains également contre elle, le ventre noué.

Elle ne comprenait pas très bien ce qui allait se passer maintenant… Les deux femmes parlaient à voix basse et elle n’essayait pas de capter ce qu’elles se disaient, s’attendant à recevoir un sermon ou autre chose. Le stress lui rongeait tout son être, elle essayait de ne pas top le montrer, en se concentrant sur ce que lui avaient dit ses parents. Faire attention à soit, se donner à fond, garder en tête qu’il était normal de ne pas tout savoir faire à la perfection dès les premiers temps et veiller à bien apprendre. Mais ici, on lui avait dit qu’il fallait être parfait dès le premier jour ! Elle avait dû viser trop haut… Quelle folie, d’avoir postulé ici, si elle n’était pas capable de bien faire directement. Il devait sûrement il y avoir une autre fille beaucoup plus douée, qui aurait fait l’affaire. De toute façon, lorsqu’elle devra parler de tout ça avec sa tutrice puis les professeurs du centre de formation, c’était certainement ce qui allait ressortir. Sa mère lui avait toujours dit que la volonté de bien faire et la curiosité formaient la moitié du travail… Il fallait croire que ce n’était pas le cas partout.

« Vous nous disiez avoir seize ans, c’est bien ça ? Parlez-nous un peu plus de vous, voulez-vous ? »

« Oui, majesté, » répondit-elle de la voix la plus neutre qu’elle puisse, pour camoufler son état de tension. « Je viens d’Eldagas, ma famille y tient une exploitation agricole. Je suis entrée en école hôtelière à quinze ans et avec mes résultats, mes professeurs m’ont conseillée de tenter les concours pour entrer dans un centre de formation plus poussé. C’est comme cela que j’ai postulé au centre de formation du palais pour ce poste d’apprentie. »

S’il y avait bien une chose dont elle était fière, c’était de son parcours scolaire sans faute. Elle était la meilleure dans sa première école et avait aussi été classée première à l’examen de sélection, pour devenir apprentie dans ce corps de métier, au palais. Un parcours exemplaire, jusqu’à aujourd’hui, qui venait de tout briser. C’était bien ce qui la mortifiait. Autant d’efforts pour se prendre un tel mur alors que les choses devenaient enfin intéressantes… Le palais n’avait pris qu’un apprenti, par corps de métier, durant les examens de sélection.

« J’écouterai mieux les consignes de madame Vanapoe, je cherche sincèrement à faire le meilleur. »

Elle ne voyait pas vraiment quoi dire de plus. Elle n’allait pas raconter sa vie, ça n’intéressait personne, non ? Le plus important, c’était de dire comment elle était arrivée ici et qu’elle comptait, évidemment, faire le mieux possible ! Même si ça ne servait sans doute plus à rien, convaincue que les responsables de formation allaient la virer.

La confusion sur le visage de la jeune Miri amusait grandement la reine-consort, alors que Lisbeth revenait s’effacer derrière elle, le visage crispé. La petite apprentie devait sans doute se demander ce qui allait advenir d’elle après cette première journée improbable, ce qui était bien normal, pour une jeune adolescente de seize ans lâchée au milieu des fauves sans aucuns conseils ni repères. Mais pour la sith, c’était une véritable délectation malsaine de la voir passer par tous ces états. Il était si jouissif voir un futur pion utile se débattre pour rester à flot et se conformer à une vie qu’elle ne soupçonnait même pas. C’était tout aussi excitant que la fois où elle avait s’était saisit de la vie d’Isobel pour la transformer pour le mieux. En une personne utile, visant la perfection. Il en serait de-même pour elle, une fois définitivement débarrassée de son ancienne tutrice. Par ailleurs, concernant la responsable de tout cela, Takara se demandait toujours ce qui avait bien pu passer à l’esprit de Vanapoe pour faire une chose pareille à une nouvelle apprentie, surtout lorsque ces places étaient si rares, et le nombres de recrues potentielles en mesure de convenir tout aussi faible. Elle devait pourtant bien se douter que la petite avait été en partie sélectionnée pour sa ressemblance physique, et qu’il serait difficile, voire impossible de trouver une jeune femme qui puisse partager autant de traits en commun…

Enfin, ce sujet était d’or-et-déjà réglé, que cela plaise ou pas à Lisbeth. C’était la mieux placée pour s’occuper de son éducation, vu qu’Isobel avait déjà fort à faire avec toutes les missions que Leia et elle lui avaient confiées. Elle avait un caractère bien trempé, savait être autoritaire et faire savoir son opinion lorsque c’était nécessaire, mais avait montré une capacité d’écoute et de compréhension qui serait fort utile et nécessaire à la jeune Assiah. Ce dont était incapable Vanapoe, visiblement.

« Je viens d’Eldagas, ma famille y tient une exploitation agricole. Je suis entrée en école hôtelière à quinze ans et avec mes résultats, mes professeurs m’ont conseillée de tenter les concours pour entrer dans un centre de formation plus poussé. C’est comme cela que j’ai postulé au centre de formation du palais pour ce poste d’apprentie. »

Takara nota la tentative de la jeune femme de masquer son appréhension et son stress, et lui offrit un léger sourire d’encouragement. Elle progressait déjà, bien que ce soit loin d’être parfait. Mais comme pour Leia et Isobel pour l’usage de la Force et du sabre-laser, elle finirait pas progresser et s’adapter. Lisbeth serait simplement là pour s’assurer que cela se fasse au pas cadencé, pour qu’elle puisse leur être utile le plus tôt possible. Pour qu’elle puisse commencer à façonner son attitude au plus tôt, là aussi.

« Eldagas.. Cela se trouve au pieds de la vallée de Juran, n’est-ce pas ? J’imagine que votre famille a eu le temps de se mettre en sécurité. A Juranno, peut-être ? »

La question n’était pas anodine, mais là pour l’aider à se détendre un peu, à s’ouvrir pour en dire un peu plus sur elle avant que l’Intendance ne vienne lui transmettre le dossier à son sujet, probablement vidé de certaines informations jugées inutiles sur son enfance, et sa famille. Ce genre de choses pouvaient pourtant être tant utile, pour tirer le meilleur d’un atout si prometteur.  Elle n’allait pas laisser quelques personnes au sein de ce palais les gâcher inutilement par agacement, mépris, ou détachement. Peut-être faudrait-il penser, à l’avenir, à ce qu’elle rencontre personnellement chaque nouveau venu, pour avoir une idée de son degré d’utilité dans leurs plans futurs. Ou bien déléguer ça à Isobel, ou même Lisbeth… En attendant, elle ne doutait déjà plus une seule seconde que le nouveau programme de formation ferait des merveilles sur un esprit aussi curieux, et joyeux d’être en ces lieux.

« J’écouterai mieux les consignes de madame Vanapoe, je cherche sincèrement à faire le meilleur. »

« Non, » rétorqua-t-elle, plus ferme. Non, non, et non. C’était hors de question. « Vous suivrez les consignes de mademoiselle Ciidir ici présente, à partir de maintenant. Ce sera elle qui s’occupera de votre éducation, désormais. J’attends de vous que vous soyez attentive, et proactive. »

La reine-consort la jaugea d’un regard dur. Sa décision n’appelait aucune protestation. Surtout pas de sa part, alors qu’elle n’était qu’une apprentie. C’était son premier jour, et Takara, de son avis, avait déjà fait preuve d’assez de clémence pour la journée. Elle ne comptait pas la déranger plus longtemps que nécessaire non plus. Elle n’avait pas oublié qu’elle avait ces maudites fiches à revoir, et quelques affaires de moindres importances à régler. Bah, elle pourrait bien se défaire de Lisbeth un temps. D’autres sauraient se libérer pour l’assister, si besoin.

« Une dernière chose, avant de vous libérer. » ajouta-t-elle en reprenant le bloc de données en main, le regard posé sur le bloc de données, comme si elle avait déjà oublié la présence de la jeune femme. « Savez-vous déjà servir le thé ? »

La question n’en était pas vraiment une, bien sûr. Elle voulait simplement jauger ses réactions une dernière fois, avant de se concentrer sur la soirée à venir…


--------------------

PS : Lisbeth peut, et va aider. Avant de prendre la suite. En PNJ, s'il le faut.

« Non. Vous suivrez les consignes de mademoiselle Ciidir ici présente, à partir de maintenant. Ce sera elle qui s’occupera de votre éducation, désormais. J’attends de vous que vous soyez attentive, et proactive. »

Qu’est-ce que Vanapoe avait fait de mal… Ne pas l’avoir aidée à se maquiller ce matin, ça suffisait, pour qu’elle doive changer de tutrice ? C’était à ce point-là ? Miri hocha mécaniquement la tête, perdue. Elle n’avait pas lu ça, dans les règles de service du palais, hier soir. Combien il y avait-il de règles non-écrites mais aussi importantes ? Comment allait-elle pouvoir les apprendre ? Tout cela en une seule matinée… Elle répondit bien vite oui, d’un ton respectueux, à la nouvelle question de la reine, se levant aussitôt pour faire ce devoir. C’était l’une des tâches qu’elle avait apprises, lors de son premier stage, dans sa ville natale. Les bons gestes et la tenue faisaient partie du protocole Alderaanien depuis des lustres, toute la haute société aimait à suivre un rituel particulier, créé il y a de nombreux siècles. Elle s’y appliqua avec un grand soin, se concentrant sur ces gestes si techniques et connus pour évacuer une partie de la pression, au passage. Rien de tel, pour elle, que de se focaliser sur ça, le temps de faire redescendre le stress.

Par la suite, en suivant son aînée, après avoir salué la reine comme il se doit, elle s’efforça de poursuivre cette lignée, se concentrer uniquement sur le travail demandé et ce qu’elle avait à apprendre, plutôt que de repenser à ce qui venait de se passer. Au moins, avec sa nouvelle tutrice, elle avait le droit de poser des questions, pour savoir comment bien faire… Rien que ça la soulagea d’un gros poids, au fur et à mesure de la matinée. Elle était capable de gérer la pression, à partir du moment où elle se sentait encadrée et non pas jetée seule dans la nature. Par ailleurs, un travail intense ne laissait pas de temps pour réfléchir à ce début de journée, ce qui lui convenait tout à fait. Durant la pause déjeuner, elle en profita pour faire la connaissance des autres apprentis, dont la plupart étaient en passe de devenir employés pour de bon. Ils n’étaient qu’une petite trentaine de nouveaux, tous à leur premier jour, avec leurs tuteurs. Cela donnait une ambiance particulière, dans le réfectoire des employés.

L’après-midi se poursuivit dans la même lancée, jusqu’à dix-sept heures, où sa tutrice lui annonça qu’elle allait débuter un tout nouveau type d’entraînement, réservé à seulement certains corps de métier du palais, dont les suivantes. Puis l’embarqua dans un… dojo ? Mais que… Pourquoi ? Lisbeth l’emmena dans les vestiaires et se mit à fouiller dans une armoire, en lui demandant quelle taille elle faisait. Elle lui fourra ensuite dans les bras une paire de chaussures très légère, un pantalon en toile et une sorte de tunique, qu’on resserrait à la taille. Miri alla se changer, sans rien comprendre, de nouveau, à sa vie. Pour retrouver sa tutrice, dans une tenue similaire, dans le dojo. Contre les murs, au sol ou accrochés, des armes de toutes sortes, ainsi que des bâtons, quelques droïdes, des outils de musculation… Heu… Il y avait besoin de tout ça, vraiment, pour rester en bonne forme et faire du sport de temps en temps ?

« Toutes les suivantes s’entraînent ici, ce dojo est privé. Nous devons savoir combattre, car en cas d’attentat contre leurs majestés, nous sommes souvent plus proches que la garde elle-même. »

Oh… Elle n’aurait jamais pensé une seule seconde que les suivantes s’impliquaient dans ce domaine car, justement, la garde royale travaillait pour ça. Mais elle n’y connaissait rien du tout ! Elle ne savait absolument pas se battre ! Ce qu’elle n’eut, de toute façon, pas besoin de dire car sa tutrice semblait déjà le savoir. Miri se plaça comme elle le lui montra, pour voir les toutes premières bases. Alors que sa mentore lui expliquait, en même temps, un programme pour travailler son endurance et sa force. Voilà qui promettait…

Elle avait passé le reste de la journée à ruminer intérieurement, masquant son agacement derrière une neutralité et une froideur d’apparence. Lisbeth avait passé le repas à se libérer de certaines tâches devenues incompatibles avec ces toutes nouvelles prérogatives, et prit sur elle d’en faire de même pour le reste de la semaine. Elle qui avait toujours apprécier le cadre strict d’une organisation bien huilée, elle avait tout de même fini par s’habituer et s’adapter aux quelques caprices de la reine-consort avec le temps. Mais ça… elle n’avait tout simplement jamais encadrée qui que ce soit, par le passé. C’était le travail de Vanapoe et d’autres personnes installées au Palais depuis bien plus longtemps qu’elle, pas le sien ! Leurs Majestés avaient bien annoncé vouloir bousculer un peu certaines vieilles habitudes et traditions, pour s’adapter aux changements récents tant sur leur magnifique planète que dans le reste de la galaxie, et sur certains points elle était parfaitement d’accord, mais ça… ça c’était juste inattendu. Elle… Elle allait devoir en parler avec Isobel, une fois libérée de la jeune femme. Sa consœur avait passé beaucoup plus de temps qu’elle auprès de la reine-consort, et aurait sans doute des réponses, bonnes ou mauvaises, à lui donner.

En attendant, elle n’avait pas pu se soustraire à toutes ces obligations, si bien que la jeune Miri avait trottiné et découvert malgré elle que le palais était constitué d’un nombre de pièce inimaginablement plus grand qu’il ne laissait transparaître vu de l’extérieur. Au moins ne commençait-elle pas totalement de zéro, et savait déjà faire certaines choses. Dans le cas contraire, la suivante aurait été particulièrement exaspérée. Mais son véritable défaut venait du fait qu’elle posait beaucoup trop de questions. Certes, il s’agissait de son premier jour mais avait-elle vraiment besoin de l’interroger sur ses moindres faits et gestes ? Allons, jeune fille, beaucoup de réponses pouvaient être trouvées par un regard avertit. Elle devait rester attentive ! Elle lui avait mit la pression, également, à mesure que la journée avait avancé, pour jauger sa gestion du stress, en lui rappelant qu’elle avait un planning chargé et que chaque tâche se devait d’être effectuée dans un temps bien précis, imparti. Elles n’eurent aucun contretemps, l’adolescente était volontaire, encore maintenant. Lisbeth s’était notamment renseignée sur la jeune femme pendant le déjeuner, en récupérant les informations dont disposait Vanapoe. Elle avait aussi été surprise en découvrant que cette dernière n’avait pas été très… contrariée à l’idée de lui laisser l’apprentie dans les pattes. Ce fut une étrange discussion…

A présent dans le dojo, elle s’était changée rapidement, méthodiquement, laissant dans un coin robe et talons. La tutrice était déjà prête lorsque son apprentie refit son apparition. Elle savait qu’elle n’avait aucune expérience du combat, et n’avait pratiqué aucun art martial dans son enfance. C’était un problème auquel il faudrait remédier. Heureusement en changeant certaines pratiques, leurs majestés avaient aussi demandé à ce que les apprenties passent l’intégralité de leur formation au palais. Elle pourrait donc doubler le nombre d’entrainement de la jeune femme sans trop de problèmes. Lisbeth ne perdit pas de temps à lui expliquer pourquoi elles étaient là. Comme à son habitude, elle tenait à être rapide, et efficace. Son élève avait intérêt à suivre.

« On attendra de vous que vous sachiez vous battre à mains nues, avec différentes armes blanches que vous pouvez voir au mur, ainsi que les armes de la Garde et les blasters. Vous devez être en mesure de vous adapter à toutes les situations. Vous devrez aussi apprendre à porter discrètement une arme en permanence, et ce dès la fin de cette initiation. »

Il n’était évidemment pas question de lui donner une véritable lame sans s’être assurée qu’elle soit en mesure de la manier correctement. Pour prendre l’habitude et gagner en confiance, elle commencerait avec un simple bâton qu’elle lui donnerait à la fin de cette séance, et ce sans lui donner le moindre conseil quant à la manière de le dissimuler. Elle devait aussi apprendre par elle-même. Lisbeth la dévisagea froidement, avant d’enchainer sans perdre de temps par une série d’exercices à pratiquer chaque soir pour forger son corps et travailler son endurance, ainsi que sa force.

« Il vous faudra également commencer à courir. Une suivante doit être endurante. D’ordinaire, une partie du parc nous est réservée en fin de journée. Depuis les bouleversements à l’extérieur, nous sommes obligées de travailler ici. Nous allons justement commencer par un petit échauffement. Suivez-moi. »

Elle se mit aussitôt à trottiner, en suivant les contours du dojo, tout en veillant que la jeune femme la suivait. La salle n’était pas très grande, mais il y avait assez d’espace pour pouvoir pratiquer sans risquer de se blesser, ou de trébucher. Lentement, elle accéléra sa foulée, et cessa de tenir compte, petit à petit, du rythme de l’apprentie. Son attitude, aussi, se fit plus détachée.

« Mettez plus de rythme ! » finit-elle même par dire en arrivant de nouveau à sa hauteur, après plusieurs tours de chauffe. « Vous ne pratiquez donc aucun sport ? »

Elle se mit ensuite à lui tourner au tour, telle un instructeur jaugeant ses recrues, pour la pousser à faire plus, en lui expliquant que si elle ne se bougeait pas plus, elle ne finirait probablement pas le mois. Elle continua ainsi pendant un petit moment, avant de lui faire signe de s’arrêter. Respirant longuement pour maitriser sa respiration, Lisbeth finit par lui faire signe de s’approcher.

« Soufflez un peu… Là… A présent, venez par-là. » fit-elle, ne donnant finalement que peu de temps à la jeune fille pour retrouver son souffle. Elle ne s’attendait tout de même pas à ce qu’un assassin la regarde patiemment reprendre son souffle avant de l’attaquer ? Si ? Grave erreur ! « Bien. On va commencer par vous apprendre à vous protéger en cas d’agression. Cela passe d’abord par une posture solide et stable. Faites comme-moi. »

Sur ces paroles, Lisbeth changea de posture, positionnant un pied en avant, levant souplement les bras devant elle, et attendit que la jeune femme ne l’imite. Là, elle lui fit ajuster sa position, qui ne pouvait pas être parfaite, corrigeant la position de ses pieds, et de ses mains. Avant de venir tester la stabilité de l’apprentie, en venant lui tacler les pieds. La laissant éventuellement chuter au sol, avant de lui aboyer de recommencer. Encore et encore. Jusqu’à ce que ça finisse par lui rentrer dans le crâne, ou qu’elle ne lui pose les bonnes questions. De toute façon, elles n’auraient pas le temps de faire beaucoup plus que découvrir les bases, avant de devoir la libérer pour sa première soirée au palais.

« On attendra de vous que vous sachiez vous battre à mains nues, avec différentes armes blanches que vous pouvez voir au mur, ainsi que les armes de la Garde et les blasters. Vous devez être en mesure de vous adapter à toutes les situations. Vous devrez aussi apprendre à porter discrètement une arme en permanence, et ce dès la fin de cette initiation. »

Mais quoi, un couteau, un blaster ? Elle ne savait pas s’en servir, pour l’instant… Un bâton, pour commencer, ça fera l’affaire ? Les armes les plus dangereuses qu’elle avait bien pu utiliser, jusqu’ici, c’était les couteaux pendant ses cours de cuisine ! En attendant, elle suivit méthodiquement les premiers exercices que sa nouvelle tutrice lui montra, à répéter tous les soirs, donc. Tout ça était tellement différent de tout le reste de la journée… Elle avait l’impression d’avoir complètement vrillé de formation et de se retrouver dans celle qu’avait débuté Amyc, un autre apprenti, dans la garde royale. Et très vite, cette impression se conforma, dès les exercices suivants. Vite rouge, le souffle court, avec le net sentiment d’être d’un seul coup entrée dans un apprentissage de l’armée plutôt que celui d’une suivante. Elle n’avait jamais fait des courses d’endurance ou quoi que ce soit ! Ses professeurs lui avaient toujours dit, au contraire, qu’elle devait rester fine et élégante, à coups de régimes et pas forcément de sport. Que les muscles, ce n’était pas beau sur une femme. Ici, d’un seul coup, on lui assenait le contraire, qu’elle devait s’entraîner comme un soldat.

Apprendre à se défendre contre les agressions, d’accord… Il y avait des agressions, au Palais ?? Ou c’était pour dehors ? Elle eut du mal à parfaitement imiter sa mentor, un peu confuse d’abord dans la manière de bien faire et de ce qu’elle pouvait demander pour l’améliorer. Ce genre de chose entrait tellement en contradiction avec tout ce qu’on lui avait fourré dans le crâne jusque là… Si découvrir un nouveau domaine lui plaisait malgré tout, ça restait difficile de bien tout appréhender ! Elle ft de son mieux, tout le long, très peu à l’aise encore. A la fin des exercices, une douche rapide, puis elle put aller manger avec les autres et, enfin, partir se reposer. Première chose, une fois rentrée dans sa chambre, appeler ses parents, qui attendaient des nouvelles. Elle leur parla des grandes lignes de la journée puis, assez vite, la conversation dériva sur d’autres sujets. Des nouvelles d’autres membres de sa famille, les derniers potins sur sa ville natale, puis la description d’un spectacle que sa mère avait organisé récemment.

« Et n’oublie pas de bien manger, » lui répéta sa mère d’un ton anxieux, pour la troisième fois. « Tu dois avoir des forces ! »

« Je fais attention avec ça, maintenant, maman, tu le sais. »

Son état s’était stabilisé, peu après ses quatorze ans, mais ses parents craignaient toujours la rechute. Forcément. Elle ne se sentait plus si fragile, pourtant, au contraire ! Débuter sa formation lui avait fait beaucoup de bien au moral et lui avait permis de se reprendre en main. Avoir confiance en soi était… Encore une étape à franchir, disons. Elle discuta encore dix minutes avec sa maman, avant de terminer l’appel. Puis de se préparer pour dormir. La journée avait été très remplie et la fatigue pesait. Au moins, c’était une fatigue saine. La peur d’être immédiatement renvoyée s’était un peu atténuée, puisque le centre de formation du palais ne l’avait pas convoquée en urgence pour lui dire de dégager. Elle s’endormit assez vite, harassée par la journée mais sans trop de craintes pour le lendemain.