Les notes, douces, s’envolaient dans la pièce à mesure qu’il glissait les doigts contre les touches. Installée près de lui, dans un couffin, Fylianb s’était endormie depuis longtemps, bercée par la musique. Son doudou serrée contre elle, blottie sous sa couverture, les paupières frémissantes sous l’action de ses rêves de bébé. De temps en temps, Formbi la regardait dormir, son cesser de jouer, avant de reposer le regard sur la partition. Il jouait dès qu’il le pouvait mais le faire pour sa fille, le soir venu, avait toujours eu un goût particulier. Il l’installait dans son haut couffin, puis jouait de nombreuses mélodies, simplement pour elle. Il termina cette chanson sur des notes assez longues, mais douces, avant de laisser un instant reposer les mains contre le piano. Leur petit ange dormait paisiblement, du haut de ses quelques mois…
Il la prit doucement dans ses bras, pour l’emmener dans sa chambre et la déposer dans son lit, sans oublier le doudou. L’embrasser sur le front, murmurer une bonne nuit, un autre petit rituel lui tenant tout particulièrement à cœur. En retournant dans le salon, il s’assit à côté de Famia, occupée à lire. Et comme tous les soirs, ces derniers temps, il demeura un long moment près d’elle, à lui tenir la main, sans rien dire. Il n’y avait nul besoin de mots, juste de sa présence. Demeurer côte à côté, simplement, comme si rien d’étrange ou de grave ne pouvait encore leur arriver. Jusqu’à ce qu’il soit temps, à leur tour, d’aller dormir. Une soirée normal, une bulle de tranquillité. Avant que, dès le lendemain, il ne faille revenir à la réalité et surtout, à un travail devenu plus pesant que jamais.
Un travail ayant un goût pour le moins spécial, lorsqu’il retrouva ses confrères du Conseil. Un voyage les attendaient, vers Csilla. Vers la surface de la planète… Une surface dont toute une partie avait perdu ses glaces et dont l’air était de plus en plus respirable. Improbable… Impossible… Et pourtant, ça arrivait bel et bien. Lorsque leur vaisseau survola la planète, accompagnée d’autres vaisseaux d’escortes, au plus près, le spectacle fut stupéfiant. La végétation était morte partout, mis à part en de rares endroits où des plantes résilientes et insensibles au froid avaient survécu. Le reste était rocailleux, pentu, presque déchiqueté, tant le sol avait été taillé par la glace au fil du temps. Des lacs s’étaient formés, les rivières, gorgées d’eau débordaient brutalement de leur lit. Dans les vastes plaines glacées, où la fonte se poursuivait, de véritables océans se reformaient lentement. C’était… Saisissant… Par les larges fenêtres du vaisseau, Formbi peinait sincèrement à croire.
"Notre monde revivra," murmura le nouveau chef du clan Mitth, assis à côté de lui. "La vie reviendra, tous les scientifiques font désormais un consensus, là-dessus."
Peut-être, mais en attendant, tout avait été perdu… La capitale, toutes les petites villes et villages présents sous terre. Dévastés par les eaux et les roches charriés par les torrents. Il ne restait plus que des débris. Si on voulait rester optimistes, on pouvait se dire que oui, reconstruire sur cette planète sera possible, mais dans l’immédiat, il valait mieux se concentrer sur le retour des plantes et des animaux.