Douce soirée

Aylin avait enfin repris le poids normal d’une fillette de son âge, à l’approche de ses trois ans. Un langage en plein développement, des jeux qu’elle osait peu à peu, de la confiance en son environnement. Sans doute n’avait-elle pas encore pris l’habitude qu’on se soucie autant d’elle, car souvent, Miri la voyait hésitante, lorsqu’on lui proposait un jeu, une activité, qu’on l’appelait pour manger, prendre son bain et suivre ses toutes premières leçons d’école. Même maintenant, elle fut très surprise que la petite vienne s’asseoir sur ses genoux, se glissant sous son bras et le livre d’histoires, tout en serrant son doudou contre elle. Comme souvent, le soir venu, leurs majestés étaient très occupées et ne pouvaient pas souvent être présentes, avant que la petite n’aille se coucher. La jeune apprentie fut incapable de s’empêcher de pencher la tête pour embrasser la fillette dans les cheveux, puis poursuivit la lecture du conte, l’enfant blottie contre elle et les yeux rivés sur les grands dessins du livre, accompagnant le texte.

Elle était assise sur le lit de l’enfant, pour lui raconter, mais c’était la première fois que la fillette quittait ses couverture pour venir s’asseoir sur elle. Gagner sa confiance prenait du temps, beaucoup de soin… Et il fallait se montrer détendue. Après tout, c’était une si jeune enfant… Et elle avait hélas connu l’abandon si petite. Le repas s’était bien passé, comme le bain de la jeune princesse. En pyjama, avec sa peluche, elle avait choisi quel livre elle voulait, ce soir, comme à son habitude. C’était l’une des rares soirées complètes que Miri passait avec la princesse. D’ordinaire, si l’une de leurs majestés n’arrivait pas à se dégager du temps pour ce temps de lecture, avant le coucher, c’était une Suivante plus âgée qui s’en chargeait. La jeune apprentie s’occupait de la princesse durant les temps prévus, en journée, parfois pour le bain, très rarement pour toute une soirée. Elle tourna la page, fit une très rapide pause pour boire une gorgée d’eau, puis poursuivit, imitant au mieux la voix des différents personnages.

S’occuper de ça ce soir était loin d’être désagréable pour autant. Il y avait une… ambiance bizarre, en ce moment, parmi les Suivantes. Elle ne saurait pas trop expliquer pourquoi. On ne lui disait rien, de toute façon. Certaines avaient eu l’air plus fatiguées, même perdues, avant que ça ne revienne à la normale. Encore un truc bizarre de plus, dans ce Palais ! Bah, de toute manière, s’il y avait des frictions entre elles, Miri n’avait pas à s’en occuper. Elle termina tranquillement de lire le conte à la petite, s’arrêtant de temps à autres pour lui expliquer les mots qu’elle ne comprenait pas. Une fois le conte fini, elle reposa le livre sur la table de chevet puis prit la fillette dans ses bras, pour la recoucher dans son lit, sous les couverture. C’était drôle, dans les moments comme celui-là, elle avait l’impression d’avoir une petite sœur, c’était facile d’oublier, l’espace d’un instant, qu’elle avait face à elle la princesse d’Alderaan. Il était tellement étrange de placer un « votre altesse » dans une phrase, juste après un « C’est l’heure de faire un gros dodo ».

« Demain, vous pourrez faire à l’école un cadeau pour vos mamans, pour la fête de la famille, » sourit-elle en la bordant. « Dormez bien, en attendant et faites de beaux rêves. »

Miri ne savait pas vraiment si elle avait le droit mais elle se pencha quand même, pour embrasser la petite sur la joue, en lui disant bonne nuit. Ça lui semblait logique, de le faire pour une petite fille avant qu’elle ne s’endorme, malgré sa propre place. Après ça, il lui restera encore à manger elle-même, s’entraîner à marcher comme la reine-consort, avec des talons, puis ça sera enfin le repos.

Tout était fin prêt, pour leur prochain voyage, il ne restait plus que quelques menus détail à régler et préparer les ordres pour l’intendance, en leur absence. Leia s’habilla rapidement, en sortant de la douche installée dans les vestiaires de leur dojo privée. Une robe très simple, pas de bijoux ou de maquillage, les cheveux simplement attachées en queue-de-cheval. Pour une fois, elle était parvenue à se dégager pas mal de temps. Des tâches confiées à d’autres, leur fille était également entre de bonnes mains, ça lui avait permis de suivre une longue séance d’entraînement. Une heure pour le physique, pur et simple, une heure avec le seul usage de la Force et ces pouvoirs, une troisième, enfin, pour s’exercer au sabre. De telles séances étaient extrêmement compliquées à caler sur son emploi du temps, surtout si elle ne voulait pas terminer au milieu de la nuit. Elle s’étira longuement avant de repartir vers leurs appartements, par des voies privées. Courbaturée mais très satisfaite. Les choses avançaient bien, en ce moment.

En rentrant, elle retrouva assez vite son épouse, revenue presque au même moment et profita du fait qu’elles soient seules pour l’embrasser et se blottir contre elle. Pour une fois, également, qu’elles allaient pouvoir dîner assez tôt dans la soirée… En revanche, leur fille devait déjà être au lit ou sur le point de l’être. Leia avait songé qu’elle finirait plus tard que cela et n’aurait pas le temps de passer la mettre au lit elle-même. Elle fila vers la chambre, à pas doux car leur fille pouvait déjà dormir, puis s’arrêta en voyant la porte entrebâillée et de la lumière filtrée. Elle lança un petit regard, discret, pour voir cela… Avec la grande surprise de voir Aylin installée directement sur les genoux de leur nouvelle et jeune petite suivante, qui lui lisait un conte. C’était bien la première fois que leur fille acceptait d’aller dans les bras de qui que ce soit, en-dehors d’elles… Elle se retourna, le temps de faire signe à Takara de venir voir ça, elle aussi, sans faire de bruit. Une fois l’histoire fini, Miri souleva avec délicatesse leur petite, pour la coucher et la border, très attentionnée.

« Demain, vous pourrez faire à l’école un cadeau pour vos mamans, pour la fête de la famille. Dormez bien, en attendant et faites de beaux rêves. »

Elle osa faire un bisou à la petite, visiblement bien plus détendue avec la jeune princesse qu’elle ne l’était avec n’importe qui d’autre… Leia s’écarta de la porte, ne voulant pas non plus trop la surprendre ou l’effrayer, lorsqu’elle les verra derrière. Ce qui n’empêcha pas la jeune fille de brusquement sursauter en les apercevant, une fois la porte de la chambre fermée. Allons ! Il n’y avait pas de prob… En fait si… C’est en l’examinant attentivement de plus près que Leia en découvrit un, en effet, sa maigreur… Elle avait perdu du poids, c’était évident, la robe d’apprentie, pourtant conçue pour être parfaitement ajustée, baillait au niveau des hanches et des épaules. Bon sang ! Il avait pourtant été bien rappelé que le régime devait être axé en fonction des tâches à accomplir et des entraînements suivis ! Si leurs suivantes tombaient malades, pour rien…

« Mais ça ne va pas du tout ! L’Intendance cherche à vous rendre malade ?! »

Elle avait posé vivement la main sur l’épaule de la petite pour la rapprocher et re-vérifier ça, avant de jeter un regard exaspéré vers Takara, montrant tout l’étendu de son désarroi. Pensant bien qu’elle allait partager ce sentiment. Ces imbéciles, en cuisine, avaient dû oublier que Miri était encore une adolescente et n’avait donc pas les mêmes besoins qu’une femme adulte, même si elle accomplissait déjà des tâches identiques !

« Ça ne va pas du tout, » répéta-t-elle avec un gros soupir, en attrapant ensuite la jeune fille par le poignet. « Venez avec nous, vous devez manger correctement. Et vous allez en prime apprendre comment se tenir convenablement à table, dans ce milieu. »

Un entraînement certes prévu mais Leia s’était dit que ça se ferait le moment venu, tranquillement, dans un cadre posé… Elle n’avait pas du tout escompté trouver la gamine dans cet état et refusait qu’elle puisse s’affaiblir stupidement alors qu’un tel travail l’attendait.

Miri sursauta avec force, en découvrant leurs majestés, dès qu’elle ferma la porte de la chambre de la petite princesse, avant d’agripper brièvement la main contre sa robe, au niveau de la poitrine, le cœur en furie. Ouh là… Elle ne s’était pas du tout attendue à tomber sur elle, ni sur qui que ce soit. Et dans l’obscurité relative du couloir, elle avait d’abord cru à un intrus, un terroriste ou elle ne savait qui ! D’où la terreur soudaine, avant de reconnaître leurs majestés. Elle amorça donc un mouvement de révérence, pour les saluer, puis stoppa net lorsque la reine s’énerva tout à coup, en lançant que… Hein ? Mais pas du t… Miri faillit trébucher, la seconde suivante, lorsque sa majesté la saisit par l’épaule pour l’examiner de plus près, le regard noir. Mais, mais, mais… Qu’est-ce qu’elle avait fait ?! Pourquoi ça, d’un seul coup ? Qu’est-ce que… Quoi ?? Sans oser bouger, elle n’arrivait toutefois à effacer un air stupéfait de son visage, prise au dépourvue et ne sachant pas comment réagir. Surtout lorsque la reine la prit par le poignet en lui répétant que ça n’allait pas. Mais qu’est-ce qui n’allait pas, la jeune fille ne comprenait p…

« Venez avec nous, vous devez manger correctement. Et vous allez en prime apprendre comment se tenir convenablement à table, dans ce milieu. »

« Ah… »

Elle n’eut même pas le temps de réfléchir ou dire quoi que ce soit, entraînée par le mouvement, par la reine. Puis se retrouva, sans rien comprendre à sa vie, assise à table avec elles deux… Tétanisée, Miri n’osait plus remuer un seul cheveu, juste les regarder l’une après l’autre, en se demandant comment ça avait bien pu déraper aussi vite et à un tel point. Et pourquoi rien ne se passait normalement, dans son existence, depuis qu’elle était arrivée dans ce palais. Et pourquoi on lui disait qu’elle ne mangeait pas assez alors qu’elle ne sautait jamais un seul repas. Et pourquoi elle devrait apprendre à se tenir dans ce mil… Dans… Dans ce… Milieu… Une minute… Elle bougea enfin, tout doucement, pour observer la reine Takara. Se concentrant sur la… Ressemblance physique… Puis tourna rapidement les yeux vers la table, le milieu, le… Oh… En l’observant ainsi, démaquillée, sans grands atours, coiffée à la va-vite, la ressemblance était bien plus évidente à noter et c’est là que Miri réalisa enfin pourquoi elle se trouvait ici. Elle frissonna brusquement, frappée par tout ce que ça impliquait et donc pourquoi on avait été si exigeant avec elle, depuis le début.

« Mais, majesté, comment quelqu’un pourrait y croire, je n’ai ni le même âge, ni les mêmes pouvoirs que vous. »

Elle se mordit aussitôt les lèvres, après avoir parlé. Elle n’aurait pas voulu l’exprimer ainsi, ça lui avait échappé ! Pourtant, c’était vrai… Elle était bien plus jeune, encore plus petite, bien que sa taille commence à se rapprocher doucement… Et surtout, elle n’était pas du tout capable des mêmes exploits, comme lors de la destruction du musée et le sauvetage des victimes. Qui allait bien pouvoir faire la méprise !

La fin de journée s’était révélée plus productive sur le plan personnel que d’habitude, tant il état rare de disposer d’autant de temps avec Leia pour poursuivre son enseignement, et développer l’ensemble du panel de leurs compétences communes. Trouver du temps pour exercer son épouse au sabre-laser était fastidieux si elles ne souhaitaient pas travailler cela au milieu de la nuit, si bien qu’elles se limitaient plus généralement à développer leur lien avec la Force lorsqu’elles étaient toutes les deux. Leia avait des facilités dans ce domaine, ainsi qu’une préférence pour son usage à celle, plus martiale, du sabre. Takara le comprenait aisément. Bien qu’elle eut pendant longtemps favorisé l’art du sabre-laser devant ses propres pouvoirs, l’attrait des jeux d’esprits avait depuis rebattu les cartes. Takara avait été surprise de découvrir que ces pouvoirs mentaux étaient bien plus facile à appréhender et maitriser que ceux plus physiques, pour lesquels il lui avait fallut des années pour parvenir à son niveau de maitrise actuel. Ils étaient d’autant plus utiles dans le milieu dans lequel elle naviguait depuis qu’elle avait rencontré Leia. C’était également bien plus amusant d’imaginer des plans complexes, pour évoluer dans le monde politique, de manipuler ou encore de jouer avec les esprits plus faibles, de les restructurer pour en faire des pions utiles, ou même de simples marionnettes jetables, à exploiter à souhait avant de s’en débarrasser.

La séance au sabre avait malgré tout été prolifique, et lui avait permit de se mesurer à quelqu’un maniant une arme identique à la sienne, chose qu’elle ne pouvait pas faire lors des entrainements hebdomadaires de la Garde. Takara avait également appris le nom de la traitresse de la bouche d’Isobel, une fois l’entrainement terminé. Voilà une chose qui allait pouvoir être régler rapidement, avant que sa Première Suivante ne parte poursuivre sa quête personnelle. Leur meilleur pion serait absente pour leur prochain voyage, mais ce n’était pas bien grave. La consort songea aux autres atouts encore à leurs dispositions, avant de venir partager un moment d’intimité avec son épouse qui venait d’arriver. Ces instants-ci étaient hélas bien trop peu nombreux pour exprimer pleinement le désir qu’elle ressentait pour Leia. Sa présence était réconfortante, son touché exaltant.

Takara laissa son épouse s’éloigner à contre-cœur et se redressa légèrement, avant de laisser Leia partir devant et profiter de ces moments bien rares avec leur fille. Elle, de part ses prérogatives et son statut de consort, disposait d’un peu plus de temps libre pour voir et s’occuper d’Aylin. On lui avait expliqué que leur petite faisait de vifs progrès à l’école, sans doute du fait de ses dons, ce qui constituait une bonne chose, pour l’avenir. Elle fut surprise, cependant, de voir Leia revenir si vite, et lui murmurer de la rejoindre sans faire de bruits. Takara s’exécuta, profitant des chaussons confortables, pour la suivre jusqu’à la porte de la chambre, puis resta silencieuse en découvrant Aylin assise sur les genoux de la jeune Miri. Elles restèrent là le temps que la jeune suivante finisse de raconter l’histoire à leur fille, Takara se demandant un instant si la ressemblance et la jeunesse de Miri avait pu aider à mettre en confiance leur petite, comme Lisbeth le lui avait suggéré. En tout cas, cela avait dû aider leur servante, qui semblait nettement plus détendue et à l’aise qu’à l’accoutumée.

A un tel point que la sith avait songé un instant à lui détendre l’esprit d’une façon plus directe, mais qui ne semblait plus nécessaire… Quoique… En la voyant soudainement sursauter en sortant… Peut-être que si… Allons, elle devait pourtant se douter que ça arriverait un jour ou l’autre… Non ?

« Mais ça ne va pas du tout ! L’Intendance cherche à vous rendre malade ?! » Takara inclina la tête avec incompréhension et surprise vers son épouse, avant de venir scruter la jeune femme de haut en bas puis de bas en haut à la recherche du moindre problème, sans vraiment comprendre. Puis d’échanger un regard interloqué vers Leia, visiblement exaspérée pour une raison qu’elle ne saisissait pas. « Venez avec nous, vous devez manger correctement. Et vous allez en prime apprendre comment se tenir convenablement à table, dans ce milieu. »

« Ah… »

Ah, oui, maintenant qu’elle le disait, il était vrai que la petite Miri semblait bien frêle, et sa tenue bien trop ample. Takara cligna des yeux, en se demandant pourquoi elle ne l’avait pas remarqué avant. Ni pourquoi Lisbeth ne lui en avait pas parlé… Soit, elles règleraient ce détail demain. En attendant, Leia semblait avoir pris les choses en mains, au sens propre comme au figuré. Malgré l’habituel stress que ressentait la petite, qui devait bien se demander sur quoi elle était encore tombé, cela représentait une bonne initiation. C’était aussi un bon test pour voir à quel point elle était déjà capable de s’adapter, et de réagir en étant bousculée hors de sa zone de confort.

En arrivant dans le grand salon, la table était déjà dressée, une autre suivante attendant déjà dans un coin de la pièce. Takara la vit écarquiller les yeux en découvrant que Miri les accompagnaient, et dû probablement manquer de faire une syncope lorsque Takara ordonna à sa future doublure de s’installer bien en face à Leia, à sa place, et seulement après que son épouse se soit installée la première. Elle l’entendit déjà s’agiter dans leur dos, et ce lorsqu’elle s’installa à côté de Miri, à une place qui n’avait pour le moment pas le couvert. Il y eut ensuite un rapide et discret ballet, pour venir déposer le nécessaire à sa place, non sans offrir des regards interloqués vers la petite, qui semblait s’être figé un instant en la dévisageant, après avoir regardé la table à de multiples reprises.

Ah… On ne le lui avait donc pas dit… Et elle ne l’avait pas deviné toute seule, malgré ses nouvelles tâches et exercices ciblés ? Décidément, il restait beaucoup de travail… Peut-être même qu’elle allait devoir l’aider malgré tout… Soit…

« Mais, majesté, comment quelqu’un pourrait y croire, je n’ai ni le même âge, ni les mêmes pouvoirs que vous. »

Takara hocha légèrement la tête, laissant le masque d’indifférence tomber une seconde fois en cette soirée pour lui décocher un petit sourire d’encouragement, avant de balayer son inquiétude d’un revers de la main.

« Allons, ce n’est pas qu’une question de pouvoirs, Miss Assiah. Il est d’ailleurs hors de question de vous employer face à des individus capables de se rendre compte de cette différence, » lâcha-t-elle, en venant se redresser contre son dossier, avant de jeter un regard malicieux vers son épouse. « Vous êtes encore en formation. Pour l’instant il n’y a qu’une seule personne qu’il vous faut convaincre, et elle se trouve en face de vous. Il est attendu de vous que vous sachiez donner le change au quotidien, sur commande, et ce le temps voulu. Mais rassurez-vous, nous ferons tout le nécessaire pour que vous soyez irréprochable. »

Quitte à venir rectifier les imperfections dans son esprits, si besoin. Pour le reste, à condition d’être mieux entrainée, de disposer de la bonne attitude et de la bonne tenue, elle pourrait sans doute bientôt tenir son rôle en public. Cela pouvait aisément se faire du moment qu’elle n’était que vue, de loin, et sans la moindre interaction directe, avec qui que ce soit. Le reste viendrait plus tard. Les plans pour elle étaient déjà tout tracés, et si tout se déroulait comme prévu concernant une certaine affaire, la jeune femme pourrait se retrouver très vite devant le feu des projecteurs. D’autres serviteurs firent leur apparition pendant qu’elle s’exprimait, cette fois-ci pour débuter le service et remplir leurs verres. Takara profita de ce moment pour tourner son esprit vers Leia et lui pousser mentalement par la Force l’identité de la traitresse qu’Isobel avait démasqué. La sith battit ensuite des cils, alors que les derniers serviteurs disparaissaient aussi rapidement et discrètement qu’ils étaient apparus, dans un exemple de maitrise que Miri ferait bien de suivre.

« Bien, commençons, » reprit-elle, en levant la main entre Miri et elle, le regard fuyant toujours malicieusement vers Leia, lui laissant le loisir de questionner la petite sur son quotidien dans le même laps de temps. « Première règle, que vous avez déjà sans doute dû entendre : une fois servie, il est interdit de toucher à votre assiette ou votre verre tant que la Reine n’a pas pris sa première bouchée. Cela va de soi pour tous les repas, et compte aussi lors des réceptions en dehors du Palais, ou même d’Alderaan. La seule exception étant un monarque étranger, auquel cas la règle se doit de s’appliquer en conséquence. »

Il faudra toucher deux mots, dès le lendemain, aux responsables de formation de leur futur pion et en particulier à Lisbeth. A moins que son épouse n’ait le temps de la devancer sur ce point, la jeune femme comptait bien prendre un moment pour cela dans la journée. En attendant, il fallait bien tout faire soi-même, décidément… Une fois installée à table, avec Takara et leur invitée surprise, il ne fallut que très peu de temps pour que tout soit ajustée comme il se doit. En temps normal, le soir et alors qu’elles étaient seules, Leia appréciait d’enfin laisser tomber le protocole et toutes les lourdes règles allant avec, mais elles allaient faire une exception. Ce n’est d’ailleurs qu’à ce moment-là que l’objet de cette exception réalisa soudainement à quoi elle était destinée, dans ce palais, après avoir traversé une nouvelle vague de confusion. Aaah, la jeunesse naïve… En particulier, la jeunesse n’ayant pas été spécifiquement formée pour cela dès la petite enfance ou n’ayant pas connu de lourdes épreuves. La jeunesse n’ayant pas été confrontée au monde réel, n’ayant pas connu de combats, d’enlèvements ou tout simplement d’entraînements intensifs. Cette enfant découvrait à peine le monde, il lui restait tant à apprendre.

« Allons, ce n’est pas qu’une question de pouvoirs, Miss Assiah. Il est d’ailleurs hors de question de vous employer face à des individus capables de se rendre compte de cette différence. Vous êtes encore en formation. Pour l’instant il n’y a qu’une seule personne qu’il vous faut convaincre, et elle se trouve en face de vous. Il est attendu de vous que vous sachiez donner le change au quotidien, sur commande, et ce le temps voulu. Mais rassurez-vous, nous ferons tout le nécessaire pour que vous soyez irréprochable. »

Certes, elle était en formation. Leia but une gorgée de son verre, pensive, en observant la petite. Lors de la recherche d’une doublure, il y avait eu de longues hésitations, entre trouver une jeune femme plus âgée, qui pourra remplir son rôle plus rapidement ou bien choisir une jeune femme plus jeune, dont l’entraînement pourra être mené plus doucement et donc plus efficacement. La balances des avantages et inconvénients avait tranché en faveur d’une apprentie de seize ou dix-sept ans, pour intégrer le Palais. Bien sûr, cette petite n’avait pas été sélectionnée uniquement à cause de son physique. C’était d’ailleurs bien à cause des autres qualités nécessaires que l’Intendance avait mis plus d’un an avant de trouver celle convenant pour le rôle. Alors que les serveurs arrivaient, Takara lui glissa tout à coup, mentalement, l’identité de la fameuse traîtresse, sévissant dans leurs rangs, découverte par Isobel. Leur Première Suivante était, comme toujours, d’une rapidité exemplaire. Quel dommage qu’elles doivent se résoudre à s’en séparer, du moins, officiellement. La jeune femme aura néanmoins un nouveau terrain de travail suffisamment large pour ne pas s’ennuyer.

Curieusement, Takara se révélait pédagogue, presque amusée par la situation. C’était surprenant car Leia avait songé que sa femme ne montrerait cette attitude qu’envers leur propre fille. Mais c’était très bien ainsi. La plupart des gens se braquaient, lorsqu’on les secouaient trop pour qu’ils avancent, c’était complètement contre-productif. Elles n’avaient, en plus, pas besoin de trop en faire, pour Miri, puisqu’elle débutait sa formation assez jeune et avait donc le temps nécessaire pour bien s’en sortir. Lisbeth ou Isobel étaient, quant à elles, déjà adultes et surtout, avaient connu le précédent régime, c’était bien différent. Sur cette affaire, le temps était leur allié. Les serviteurs ayant enfin tous quitté la pièce, pouvant revenir sur simple appel, Leia se détendit quelque peu.

« Une doublure doit à la fois devenir une copie conforme mais aussi conserver un esprit vif et être capable de réfléchir comme elle, de comprendre son mode de pensée afin de pouvoir, le cas échéant, répondre à des questions personnelles ou touchant des sujets délicats. Ou encore, prendre des décisions semblables à celles de la personne imitée, en son absence. C’est pour cela que la formation est aussi exigeante et longue. Ce travail est ardu. Et ne se trouve pas à la portée de n’importe qui. »

Bien sûr, face à un Jedi ou un Sith, ça ne tiendra pas longtemps, mais ce n’était pas l’essentiel du travail. Ce qui comptait, c’était de berner autant ses alliés sur Alderaan elle-même que des adversaires politiques ou militaires.

« La formation suivie vous rendra peu à peu conforme à cette image. Pour le moment, que savez-vous de la politique et de ses rouages ? »

Miri avait l’étrange sensation de s’être pris très violemment un mur en pleine face et repensait maintenant à littéralement tout ce qu’elle avait vécu depuis son arrivée ici, remettant tout en perspective, comprenant tout à coup bien plus de choses. Tout d’abord, avec la réponse de la reine-consort et malgré son sourire d’encouragement, elle n’osa qu’à peine bouger. Se sentant incroyablement stupide et naïve de n’avoir rien vu venir avec autant d’indices sous son nez. Mais… Cela signifiait-il qu’elle n’avait été engagée au palais que pour son physique ? Que sans cela, elle aurait échoué aux tests d’entrée ? Que c’était pour ça qu’elle avait autant de cours en plus, car elle avait besoin de tellement de rattrapage, pour être enfin à la hauteur ? Cette idée lui donnait envie de déprimer, bien qu’elle fasse tout pour ne pas le dévoiler. Elle se mordilla vivement l’intérieur des joues, hochant la tête lorsqu’elle lui dit qu’il était temps de débuter. D’accord !! Heu, enfin, oui, bien sûr. Du calme, on se détend… Personne n’allait la manger ou venir lui porter un coup de couteau dans le dos ! Et puis, si elle ne croisait jamais la route d’un type avec ces pouvoirs bizarres, tout ira très bien. C’était du… théâtre, de l’imitation.

« Première règle, que vous avez déjà sans doute dû entendre : une fois servie, il est interdit de toucher à votre assiette ou votre verre tant que la Reine n’a pas pris sa première bouchée. Cela va de soi pour tous les repas, et compte aussi lors des réceptions en dehors du Palais, ou même d’Alderaan. La seule exception étant un monarque étranger, auquel cas la règle se doit de s’appliquer en conséquence. »

« Une doublure doit à la fois devenir une copie conforme mais aussi conserver un esprit vif et être capable de réfléchir comme elle, de comprendre son mode de pensée afin de pouvoir, le cas échéant, répondre à des questions personnelles ou touchant des sujets délicats. Ou encore, prendre des décisions semblables à celles de la personne imitée, en son absence. C’est pour cela que la formation est aussi exigeante et longue. Ce travail est ardu. Et ne se trouve pas à la portée de n’importe qui. »

Donc… Ça impliquait de devoir connaître très bien, de manière personnelle, la personne qu’on devait imiter… Ça devait être… Bon, très bien ! Elle hocha de nouveau la tête, en jetant régulièrement des petits regards vers Takara, puis vers la reine, avant de réaliser qu’elle était aussi censée commencer à manger. Son regard vola un bref instant bers les quatre fourchettes, perdue, puis elle regarda laquelle utilisait sa majesté. Dans les cours de protocole que Miri suivait, on ne lui avait pas encore parlé de ces sujets. Elle en était aux cérémonies, l’attitude à suivre, les règles officielles et implicites, la manière de traiter les invités suivant leur range et le type de cérémonie et ainsi de suite. Au fond, bien qu’elle soit censée observer comme il se doit la reine-consort, la jeune fille ne pouvait s’empêcher de se dire que la dévisager était très malpoli. Grossier ! Elle tentait donc de ne pas être trop, hum… D’être le plus discrète possible, en observant le moindre de ses faits et gestes. Ce qui n’était, de toute façon, sûrement pas si discret que ça, alors qu’elles n’étaient que trois à table.

« La formation suivie vous rendra peu à peu conforme à cette image. Pour le moment, que savez-vous de la politique et de ses rouages ? »

Miri se surprit à prier tous les dieux et esprits et autres croyances plus ou moins bizarres qu’elle connaissait pour que, dans le tas des « décisions semblables » à prendre un jour, la politique n’en fasse miraculeusement pas partie. Hélas, elle n’avait aucun contrôle là-dessus. Pas de panique, cependant, respirons très fort ! Après tout, elle en était encore loin, terriblement loin et d’ici-là, elle aura sans aucun doute réalisé pas mal de progrès.

« Je connais le fonctionnement des institutions officielles, leur organigramme et les différents postes assurant la bonne marche du royaume, » parvint-elle à articuler d’une façon claire, bien qu’elle soit pâle comme un cachet. « Ainsi que le fonctionnement du lobbying, le travail associatif et celui des groupes d’opposition. »

En bref, comment la monarchie tenait et ce qui s’y passait, la façade officielle, sans avoir rentré dans les détails les moins avouables et non disponibles aux oreilles du grand public. La théorie mais pas la pratique, somme toute. Bien qu’à son âge, ce soit logique, elle se sentit stupide, une fois encore, de ne pouvoir en dire plus. N’étant pas issue d’une famille baignant dans ce milieu, tout ce qu’elle savait venait des programmes scolaires, en éducation civique et citoyenne.

Leia prit aussitôt le relai, pour préciser à la jeune fille le rôle qui était attendu d’elle à l’avenir. Takara trouva amusant que son épouse prenne à cœur de l’expliquer, alors qu’elle-même avait toujours refusé d’avoir la moindre doublure, préférant prendre les risques elle-même, quoi qu’il en coûte. Elle-même comprenait assez bien sa femme, mais avait décidé de laisser faire. Il ne fallait pas croire que le double devait nécessairement être utilisé lorsqu’il y avait un danger, c’était là assez réducteur. Il pouvait très bien tenir son rôle lors des tâches quotidiennes, les cérémonies, ou même pour remplir certaines tâches administratives. Elle devrait avoir une nouvelle discussion avec Leia à ce sujet, cela lui libèrerait du temps pour être avec Aylin, avec elle, et pour d’autres affaires plus urgentes ou pressantes. Peut-être qu’elle serait plus encline à laisser cela se produire, avec cet angle d’approche. Plus tard, cependant, car la conversation était pour le moment centrée sur la jeune Assiah. Takara la dévisagea d’ailleurs une fois de plus, pour noter les imperfections, les choses qu’il faudra masquer ou gommer en plus de lui faire prendre un peu de poids.

Il était inutile de venir corriger les imperfections de son esprit comme cela avait pu être le cas avec Isobel et le reste des suivantes déjà présentes au palais depuis plusieurs années. Cela serait arrondi avec le temps et l’éducation, qui avait évolué pour satisfaire aux nouvelles attentes et au protocole ajusté. Ils avaient besoins de serviteurs et de pions utiles, efficaces, obéissants et loyaux. Les autres apprentis au Palais passaient tous par la même école, a défaut de quelques ajustements en fonction de leurs emplois futurs. Modeler leurs esprits plus que de raisons ne viendraient que soulever des soupçons, et réduire leur capacité à agir et réfléchir de façon optimale. Il avait été nécessaire de corriger le comportement des suivantes plus âgées car leur endoctrinement pur et simple était impossible. Elles avaient leur libre arbitre, qu’Isobel avait plié et réajusté. Elles feraient d’excellents superviseures et cadres pour les plus jeunes. Si tout se passait conformément aux attentes, il ne faudrait peut-être alors que s’assurer définitivement de leur loyauté, guère plus.

Takara but à son tour une gorgée de son verre et savoura le goût doux du vin en feignant d’ignorer les nombreux coups d’œil que lui portait la jeune Assiah. La jeune femme était là pour comprendre et apprendre, lui faire une remontrance pour son manque de respect ne l’aiderait pas à maitriser son rôle futur à la perfection. Elle ne fit rien, pour l’inciter à le faire plus que de raison pour autant. La voir se torturer l’esprit l’amusait beaucoup. Tout comme elle avait pu titiller les nerfs d’Isobel en bousculant sa vie pour le mieux, elle trouvait plaisant et distrayant de jouer avec le reste de ses pions.

La formation suivie vous rendra peu à peu conforme à cette image. Pour le moment, que savez-vous de la politique et de ses rouages ? »

Il semblerait bien que son épouse elle aussi partage les mêmes goûts qu’elle en termes de divertissement, et avait été droit au but sans considération pour la jeune Assiah. Takara esquissa un très bref sourire envers son épouse, avant que son visage ne retrouve cette inexpressivité qu’elle avait travaillé plus que de raison. Les épaules souples, la tête un peu plus haute. Les gestes, maitrisés, alors qu’elle venait couper et manger une petite bouchée de l’entrée qui leur avait été servit avec les rafraichissements.

« Je connais le fonctionnement des institutions officielles, leur organigramme et les différents postes assurant la bonne marche du royaume. Ainsi que le fonctionnement du lobbying, le travail associatif et celui des groupes d’opposition. »

Takara laissa son attention glisser brièvement vers la jeune femme pour confirmer son soupçon, animé par les remous qu’elle ressentait chez elle ; Elle jeta ensuite un long regard vers Leia, qui pourrait malgré le masque facilement déceler l’amusement que lui procurait la réaction de la petite à sa question. Les pauvres fillettes innocentes, il était si facile de les mettre en tous leurs états. Lisbeth lui avait dit avoir mis l’accent sur la formation de base, pour que Miri acquiert au pas cadencé les prérequis pour tenir son rôle de servante au Palais, et pouvoir ensuite disposer de plus de temps pour lui apprendre à la fois le protocole, et les subtilités de son futur rôle. Takara n’était pas pressée, pour Miri comme pour les autres apprentis, le temps jouait clairement en leur faveur.

Elle ne fit pas le moindre commentaire sur le sujet, préférant laisser à Leia le soin de cuisiner comme il se doit leur jeune invité du soir. Comme elle l’avait souligné plus tôt, c’était elle qu’elle devrait convaincre sur le long terme. En revanche, elle fit l’effort de poser son verre de vin devant elle, avant de prendre le temps d’analyser analyser l’attitude de la jeune femme assise à côté d’elle en venant la fixer d’un regard réprobateur. « Votre posture, Miss Assiah. » lâcha-t-elle alors un peu plus sèchement, en savourant d’avance sa réaction à sa remarque. « On a déjà dû vous le dire, ne laissez pas vos émotions  se transcrire dans votre attitude. » Ce n’était pas parce qu’elle était terrorisée et absolument pas préparée pour cette entrevue informelle qu’elle devait pour autant de laisser aller de la sorte. Elle ne devait pas oublier qui l’entourait, en cet instant.

« Je connais le fonctionnement des institutions officielles, leur organigramme et les différents postes assurant la bonne marche du royaume. Ainsi que le fonctionnement du lobbying, le travail associatif et celui des groupes d’opposition. »

« La théorie est déjà une bonne chose. La pratique en sera une autre. Il vous faudra énormément observer, dans un premier temps, en particulier sur ce qui concerne le lobbying. »

Soit l’une des parties les plus difficiles en politique, comme elle le découvrira bien vite par elle-même. L’observation était certes une étape importante mais pour s’en sortir, il faudra qu’elle débute tôt à y mettre le nez. Bien qu’habituée, Leia jugeait tout cela comme un véritable enfer, un sac de nœuds gigantesque, dont ils ne pouvaient se débarrasser en devant conserver une parfaite démocratie. Takara reprit la parole pour corriger l’enfant sur sa posture, avant de poursuivre son repas comme si rien n’était. Moins concentrée sur cela, pour sa part, la jeune femme réfléchissait à la meilleure approche, pour ouvrir ces portes à la jeune doublure. Elles ne pouvaient se permettre de trop l’exposer, ce qui compliquait les affaires. Enfin… Dans un premier temps, cela dit, elle devait se concentrer sur la théorie. Dans tous les cas, pour une pratique sérieuse et crédible, il faudra qu’elle soit plus âgée, personne ne prendra en considération une jeune adolescente, après tout. D’ici deux ans, au minium, elle pourra y faire ses premiers pas. Bien que trois ans serait un peu mieux. D’ici là, elle aura assez de temps pour se préparer psychologiquement.

Elle finit par lui parler des bases du lobbying, pour débuter, tout en poursuivant son repas. Celui du terrain, pas celui dont on apprenait les vagues contours et règles à l’école, bien entendu. Comme toujours, la réalité était bien éloignée de la théorie, comme elle avait déjà dû le réaliser souvent, depuis le début de son apprentissage. La politique, ce vaste terrain de jeu rempli à ras-bord de pièges divers et vicieux… Une fois qu’on en avait appris les règles et surmonté les obstacles moraux très personnels, s’y plonger devenait très amusant. Un défi vous prenant les nerfs à vif. Miri, comme tous les jeunes se lançant, devra passer par une étape douloureuse, apprendre à laisser tomber certains de ses principes et ses valeurs, pour mieux progresser. Ce sera difficile, assez long, mais vital, pour la suite de sa progression. Il faudra la laisser expérimenter, la faire se confronter au terrain, faire des erreurs, pour qu’elle comprenne les mécanismes et apprenne à délaisser ses propres barrières morales, dans de nombreux cas.