Le pouvoir de tuer

Effacer les dernières hésitations et ridicules doutes de ce jeune esprit était, à ses yeux, une première étape indispensable avant tout entraînement régulier et c’était ce à quoi il s’était attelé, aux prémices de leur voyage. Il pouvait ensuite passer aux choses sérieuses… C’était amusant, car il n’avait plus jamais eu le moindre apprenti, depuis son cher Sheev. Utiliser ou manipuler des pions ici et là n’avait pas la même saveur qu’avoir, sous la main, un être aussi malléable, buvant vos conseils, que l’on entraînait avec soi sur les chemins dévastés du côté obscur ! Un nouvel et jeune esprit où semer les graines pour de futurs chaos, cela le fascinait… Son cher premier apprenti avait parfaitement rempli son rôle, aujourd’hui comme hier, il perpétuait à merveille la lignée sombre. Plagueis ne doutait pas qu’il mène plus de projets secrets encore et que cette galaxie toute entière allait découvrir un jour ses méfaits.

Il était de son devoir d’envoyer sur ce même chemin une nouvelle âme et le fait qu’elle soit liée à sa première création n’était que d’autant plus drôle, à ses yeux. Qu’importe ce qu’elle fera ensuite de cet enseignement, ce qui comptait était seulement de la pousser à perpétuer cette héritage et le faire fructifier. La manière finale lui appartiendra, tout comme il appartenait à Sidious de générer et faire grandir de multiples plans en cette galaxie. Plagueis avait, pour sa part, accompli ses plus grands projets. Tous, sans exception, jusqu’au plus fou d’entre eux ! Il ne lui restait donc qu’à s’amuser et profiter, corrompre ce qu’il pouvait et profiter ainsi du spectacle, à présent qu’il avait accompli sa propre part du travail. Sidious en avait également accompli une bonne part mais il lui restait sûrement à faire. La petite, quand à elle, devait débuter.

Il avait vu une prime passer sur lui, par ailleurs, quelle adorable attention de la part de l’Empire. S’ils étaient encore vexés par la pandémie ou l’empoisonnement de la Force, ce serait curieux, qu’ils passent à autre chose, maintenant ! Les deux étaient achevés ! Oh, certes, la galaxie allait avoir du mal, à certains endroits, à s’en remettre, mais ce n’était que de simples dommages collatéraux. Il sourit, puis se reconcentra sa jeune et nouvelle apprentie. Tous les deux installés dans un vaisseau filant en hyperespace, après que Plagueis ait « convaincu » le petit équipage de leur servir de chauffeurs. Il s’occupait de guider son élève et surtout, l’enfoncer avec lui dans les limbes de la Force, au cours de cette méditation. Histoire de la mettre en condition, avant qu’elle ne joue avec sa première victime personnelle. Un jeune technicien, attaché et terrifié juste à côté d’eux, dans la soute.

Disposer du droit total de vie ou de mort sur un être à ta merci, reprit-il dans un murmure. C’est l’une des plus grandes libertés. Aucune règle, aucune éthique, simplement le pouvoir. Tu dois te nourrir des limbes de la Force pour alimenter tes désirs. Profiter de ta victime, lui faire tout ce que la noirceur te souffle, simplement car tu en as le pouvoir.

Apprendre et aimer faire souffrir et disposer totalement d’un être, gratuitement, simplement parce qu’on le pouvait. Qui se souciait qu’il ne soit pas un ennemi déclaré ? Elle devait plonger les mains dans le sang, sans se contenter de s’emparer d’une arme ! Ce n’est qu’ainsi qu’elle ressentira, au plus profond d’elle-même, ce qui signifiait réellement avoir le pouvoir de tuer.

Elle se sentait… Bien. Curieusement bien. Il s’était produit un curieux phénomène. En méditant, elle avait eu le sentiment de se retrouver face à un brouillard épais, poisseux, où elle n’arrivait pas à avancer… Puis lorsque son maître l’avait « attrapée », elle l’avait soudainement traversé, pour découvrir une sorte d’immense puits, des profondeurs à la fois noires et acérées, où ils s’étaient engagés à bonne vitesse, comme s’ils volaient. Elle avait d’abord eu peur puis, avec l’influence de son maître, s’était sentie de plus en plus détachée. Sereine. Rattrapée par la curiosité, l’envie de foncer plus avant encore, pour découvrir ce qui se dissimulait derrière ces ténèbres. Tout au fond, les voiles noirs s’étaient déchirés, la laissant admirer une tourbillon fascinant d’ombres grises et noires et de lumières rougeoyantes, entremêlées.

C’était… Indescriptible, en réalité. Jamais, même, elle n’aurait pu rêver d’en arriver là et d’en retirer un tel sentiment de force et de sérénité, comme si rien en pouvait plus arriver, comme si toute la puissance de la Force était à portée de sa main. Attirée par le tourbillon, elle tendit la main vers lui, happée et secouée par cette force, remplissant son cœur et son âme d’envies nouvelles. Si elle avait su plus tôt… Si seulement elle avait su bien plus tôt que tout cela était réalisable, jamais elle ne serait partie à la rencontre des Rebelles ou Jedi ! Secouée et bercée dans ce flot, elle pensait pouvoir tout accomplir. Avoir le droit de tout faire. Un sentiment si grisant qu’elle en avait complètement perdu pied, autant avec la réalité qu’avec toute notion de prudence ou de morale. Enfin, elle se sentait forte. Ses doutes emportés par le flot.

"Disposer du droit total de vie ou de mort sur un être à ta merci. C’est l’une des plus grandes libertés. Aucune règle, aucune éthique, simplement le pouvoir. Tu dois te nourrir des limbes de la Force pour alimenter tes désirs. Profiter de ta victime, lui faire tout ce que la noirceur te souffle, simplement car tu en as le pouvoir."

Les mots de son maître résonnaient à travers le flot et semblaient l’alimenter, le faire enfler d’autant plus. Les courants l’emportaient trop pour qu’elle parvienne à se dire que ce n’était pas éthique, que ce type, à sa portée, ne lui avait rien fait. Elle en avait envie… Et elle ressentait clairement la présence de leur victime terrifiée, le tourbillon la lui présentant plus clairement que jamais. Car la peur qu’il dégageait explosait comme un appel, accentuant plus encore ses désirs. Elle se retourna vers lui, toujours prise dans le tourbillon. Un petit poignard à la main, saisi sans qu’elle n’y pense, qui servira autant que ses mains nues. Elle croisa le regard de sa victime terrorisée, les remords partis trop loin pour qu’elle se laisse amadouer. La Force lui soufflait que cette vie n’avait aucune importance.

Ne pas aller trop vite fut le plus dur, sans aucun doute, car ça serait gâcher l’instant. C’était la première fois qu’elle laissait du sang chaud couler sur ses doigts, puis contre elle, la première fois qu’elle entendait une personne hurler, hurler, hurler à s’en déchirer la gorge. Elle plongea dans l’abîme, autant poussée par son maître que par ses propres ressentis et les tourments obscurs de la Force. C’était si grisant.