C’était une fois de trop, pour le petit officier humain qui venait encore une fois de l’insulter et remettre en cause ses capacités. Rukh avait beau ne faire qu’un mètre quarante, il put facilement crocheter l’humain par le coup et l’envoyer valser à l’autre bout de la salle, poussant tous les autres à s’écarter, souriant de satisfaction lorsque l’officier s’écrasa contre le mur dans un petit choc sourd. Le message était-il clair pour tous les autres ?! Sa victime du jour se releva en grognant puis quitta la salle en lui jurant que ça ne restera pas impayé. C’est cela, court donc, va te plaindre, le Noghri assumait son geste et était prêt à aller s’expliquer devant l’amiral, s’il le fallait. Les autres le regardaient d’un air assez mauvais, lorsqu’il sortit à son tour, raclant de ses griffes un bout de mur en sortant dans le couloir.

L’inactivité latente de ces derniers jours l’avait profondément ennuyé. Il était resté près de l’amiral, comme à son habitude, le protégeant, le servant, mais il ne se passait rien, mis à part ce blocus récemment installé sur cette planète. Rukh préférait lorsqu’il avait plus d’action, de mouvement, s’ennuyant en ne devant que rester dans le coin, prêt à réagir au cas où, et attendant que les rebelles viennent rendre visite sur la planète. Heureusement, et à son plus grand bonheur, de nouvelles opportunités de missions s’étaient dévoilées, pour le compte de l’Empire et de l’Amiral, enfin il allait pouvoir être plus utile que ruminer sur le Chimaera en attendant qu’on ait besoin de lui. Esquivant la plupart des personnes dans les couloirs, il se rendit à l’armurerie du vaisseau, profitant de ce temps pour réparer et améliorer certaines de ses armes, abîmées lors de sa précédente mission.

– Lieutenant, salua-t-il brièvement en entrant et en laissant passer le gradé.

Celui-ci ne répondit même pas, se contentant de partir, moitié en marchant, moitié en courant, droit vers le centre de commandement principal, d’après ce que Rukh put en juger. Il se glissa ensuite dans l’armurerie, posant son blaster sur la table du milieu, à la lumière, et entreprit de le démonter. Il n’était pas seul, il y avait aussi la capitaine Twi ‘lek, dont il ne savait plus le nom, et un autre au fond de l’armurerie, un humain penché sur des plans et qui ne prêtait aucune attention à eux. Comme il avait un minimum de manières, il salua aussi la capitaine, d’un ton très neutre.

– Rare de voir des femmes dans l’armée, commenta-t-il. Ça change enfin.

– En effet, les femmes sont rares.

Le ton mécanique inhabituel surprit un instant Rukh et il comprit en lui jetant un coup d’œil qu’elle parlait par le biais d’un petit ordinateur. Très bien, une muette, donc. Comme elle n’ajouta rien de plus, il en déduisit qu’elle ne souhaitait pas faire la conversation et s’attela donc à sa propre tâche, ne cherchant pas non plus à meubler le silence, et ce bien qu’il n’aime guère ces longues phases où chacun se contentait de fixer parfois sans rien dire, comme s’ils étaient tous ennemis, ici. Voilà bien pourquoi Rukh préférait la compagnie des siens, eux au moins parlaient entre eux sans gêne et personne ne se jetait des regards froids ou méprisants, suivant les cas. Il acheva de démonter son arme puis se mit en charge d’en nettoyer les éléments, avant de s’occuper des ceux qui étaient brisés et qu’il devra remplacer. Assis sur un haut tabouret, il grommelait aussi intérieurement contre cette table bien haute pour lui.

Levant une des pièces de lumière en métal pour l’examiner, il la tordit entre ses mains griffues aussi facilement que s’il s’agissait d’un vulgaire morceau de plastique, puis lui donna la forme voulue, satisfait. Au fond de la pièce, l’humain barbu avait redressé la tête en entendant le bruit puis porté un regard assez condescendant sur lui et la capitaine avant de se re-concentrer sur ses plans. A se demander comment des types comme lui pouvaient travailler sous les ordres d’un amiral qui n’était pourtant pas humain non plus. Rukh respectait le Chiss et donnerait sa vie sans hésiter pour le protéger. Il était loyal envers l’Empire, car l’Empire avait sauvé son peuple. Le seigneur Vador les avait protégés et préservés, aucun d’entre eux ne pourra jamais l’oublier. Sa mort était un tel drame… Rukh releva la tête de son travail en voyant la Twi’lek manier un type de blaster qu’il n’avait encore jamais vu.

– D’où vient ce genre-là ? On dirait un peu les nouveaux blasters de Nar Shaddaa.

– C'est le modèle numéro deux, qui remplace celui qui à maintenant pas loin d'une dizaine d'année. C'est en effet sorti tout droit des usines de la planète, mais je n'aime pas du tout. La résistance est bien moindre même si la précision et force de tir ont été augmentées par 4.

Ah, Nar Shaddaa, cette lune produisait sans cesse de nouveaux joujoux et la plupart étaient des plus intéressants, autant pour les contrebandiers que pour les Impériaux, d’ailleurs. Comme une de leurs armes à commandes vocales, une des plus rapides existantes actuellement sur le marché, particulièrement en vogue en ce moment sur la lune et dans les endroits les plus mal famés de la galaxie, mis à part des planètes, contrôlées par des Hutts, trop reculées pour connaître rapidement les dernières évolutions. Pauvres habitants. Rukh compara d’un coup d’œil le modèle posé sur la table avec son grand frère, que la fille tira de son ceinturon, notant déjà la différence de poids et le design rapprochant. Le Noghri n’était pas fan de ce genre d’arme, trop petites à son goût, quitte à être discret, autant utiliser une arme blanche et pas l’un de ces petits machins trop friables ou conçus pour des races ne risquant pas de réduire en miettes un blaster par accident.

– C'est le premier modèle, je l'ai depuis sa sortie il y a une dizaine d'années. Sa puissance de feu est certes faible contrairement à ce petit bijou de technologie, mais je préfère largement le mien qui ne risque pas de se casser au premier combat intense. Puis de toute façon, ce n'est la puissance de feu qui fait le tireur.

Peut-être pas, mais c’était bien la puissance de feu qui incitait au respect, tout particulièrement ces derniers temps. Il se contenta donc d’un mouvement de tête n’engageant à rien, ne réfutant pas et n’approuvant pas non plus, continuant son travail de nettoyage et remise en état. Son propre blaster était de facture Corellienne, Rukh n’hésitait pas à les qualifier de meilleurs fabricants d’armes de toute la galaxie, ils avaient tout compris à ce qui fait le sel d’une bonne arme ! Et aussi compris la bonne manière de concevoir le vin, des gens très bien, les Corelliens. Et assez agités pour qu’on puisse espérer de bonnes bagarres, dans les bas-fonds, durant les soirs d’ennui.

– Les armes de Corellia restent les meilleures, pour moi. Légères, résistantes et de bonne facture, on ne fait pas mieux. Il vous en faudrait une. Vous êtes pilote, non ? Déjà dû vous voir, quelques fois, mais pas depuis longtemps, sur ce vaisseau.

– Tu oses aller sur cette planète de traîtres à l'Empire ? Honte à toi de faire du commerce avec ces derniers. Soit content que j'ai autre chose à faire, sinon je me ferais une joie de transmettre à nos supérieurs tes petits commerces avec eux.

Rukh ne prit pas la peine de répondre, il n'avait guère envie de perdre du temps à expliquer que si une arme était efficace, peu importe où on allait la chercher, que ce soit auprès d'un allié, d'un ennemi, d'un contrebandier ou de qui que ce soit d'autre. Elle pouvait bien soupirer et faire une sale tête, cela ne faisait ni chaud ni froid au Noghri, qui continuait très tranquillement de s'occuper de son arme. Oui, Corellia n'était pas une planète Impériale, oui, ils étaient en guerre avec eux, mais cela n'empêchait pas qu'il serait idiot de ne pas prendre ce qui pouvait leur être utile, comme tout être censé se devait de le faire dans une guerre. Si cette femme ne comprenait pas ça, tant pis pour elle, elle se privera toute seule de ressources intéressantes car elle aura refusé d'aller les chercher là où il le fallait.

– Je suis capitaine d'escadrille TIE et je suis ici depuis la fin de mes études soit bientôt 10 ans. C'est grâce à mes bons soins que nous avons notre cher invité et rebelle Skywalker Luke.

Ce ne fut que grâce à son entraînement que Rukh resta parfaitement impassible, continuant de s'occuper son arme sans le moindre geste pouvant le trahir, ni s'autoriser d'expression plus étrange. Extérieurement, la nouvelle ne le touchait pas. Intérieurement, il avait l'impression d'avoir reçu un violent coup de poing en plein dans le ventre et d'en avoir recraché tout l'air contenu jusqu'ici dans ses poumons. Il connaissait ce nom. Il l'avait découvert lors d'une mission et un par hasard, et savait à quoi il était rattaché. L'image du Lord Vader vint envahir son esprit, pesant, insistant, prenant une place si grande. Skywalker... Juste un nom, pour beaucoup aujourd'hui. Un nom qui signifiait tant pour Rukh et les siens.

– Parle donc à qui tu le souhaites, je continuerai à trouver idiot ceux qui ne prennent pas les ressources utiles là où elles se trouvent, fut-ce sur des planètes ennemies. Ils mourront ainsi par leurs propres armes.

Le petit Jedi avait sûrement déjà été transféré sur Coruscant, depuis le temps... Et s'il avait été envoyé là-bas, comme rebelle, ennemi de l'Empire, il risquait d'en mourir ! Ils n'avaient déjà pas pu aider le seigneur Vader, ils ne pouvaient pas laisser son fils courir vers sa mort sans rien faire, sans agir, et ce même si eux-mêmes couraient à leur perte. Mais pourquoi l'Empire voulait-il du mal au fils du Sauveur ?! Pourquoi... Rukh eut tout à coup envie d'aller trouver l'Amiral et le sommer de s'expliquer sur cela. Le seigneur était pourtant un partisan et un serviteur si fidèle et loyal de l'Empire ! Il l'avait servi des années ! Alors pourquoi ? Les circonstances de sa mort restaient elles aussi mystérieuses et Rukh refusait de croire qu'il ait simplement pu être tué lors d'une attaque de rebelles. Le Noghri reposa son arme pour s'essuyer les mains, commençant ensuite à la ré-assembler correctement.

– Tu dois te sentir fière, pilote. Espérons que tu vives encore longtemps et continuer ainsi à servir l'Empire.

Elle ne comprenait pas. Soit. Quelle importance, après tout ? Une rébellion ne se finançait pas uniquement avec l’achat de quelques armes, d’autant plus lorsque ces dernières ont été acquises bien avant que Corellia et les autres planètes de la Confédération ne se décident à rentrer en guerre. Par ailleurs, Rukh ne confondait pas les rebelles et soldats qu’ils combattaient chaque jour avec les civils incapables de se défendre lors d’une guerre. Alderaan en était aussi un exemple typique, il n’y aurait aucune gloire ni aucun intérêt à bombarder un peuple aussi désarmé et inoffensif que celui-ci. Fort heureusement, l’amiral partageait ce point de vue, puisqu’il avait interdit les bombardements. Rukh était soulagé de le servir lui plutôt qu’un autre officier du type du Grand Moff. Celui-là aurait détruit la surface de cette planète sans la moindre petite hésitation.

– Tu n'imagines même pas à quel point je le suis, d'autant plus que l'Amiral s'est occupé de lui personnellement, donc je ne m'en fais pas trop pour ce gamin.

Oh oh, petit bout de femme, voilà bien ce qu’il n’attendait guère, depuis quand devait-on prendre fait et cause pour un ennemi ? Il lui rendit tranquillement son regard lorsqu’elle s’approcha, notant à quel point elle semblait si frêle qu’elle était pleine d’ardeur. Bien, ça. En temps normal, Rukh non plus ne se serait pas inquiété du sort d’un vulgaire prisonnier. Las, pour ce prisonnier, la situation était différente.

– Tes réactions trahissent sérieusement ton allégeance à l'Empire. Si tu tiens un temps soit peu à ta misérable existence et te montrer digne de ce que le Seigneur Vador a fait pour les tiens, j'apprendrais franchement à être plus discret dans mes investigations. Si la pilote que je suis à réussis à te percer à jour facilement, imagine ce qu'un haut gradé fera de toi en le découvrant.

– Voilà bien une ignorante si tu doutes de la loyauté des miens, tu ne sais rien de notre peuple. Et veille à ne pas insulter le seigneur Vador ! Il était l’un des plus fidèles à l’Empire, par conséquent, nous le sommes. Peu m’importe ce que tu crois savoir de moi, jamais tu ne pourras sentir à quel point je suis redevable et loyal à notre Seigneur. Essaye donc de comprendre cette loyauté, si tu le peux, cela t’évitera des surprises désagréables si tu en parles mal devant les miens.

Il conclut son petit discours d’un geste fier de la tête, toisant la pilote du regard tout en attendant si elle osera salir la mémoire de leur sauveur ou non.

– Je ne doute pas de ta loyauté sombre nouille, mais apprend à mieux cacher ce que tu ressens pour mieux obtenir ce que tu désires. Ton regard trahis ce que tu ressens pour le jeune Luke, soit simplement plus prudent, mais sache qu'il est parfaitement bien traité et c'est tout à ton honneur.

Avec l’amiral, sans doute l’avait-il été, le soldat n’était pas si cruel envers ses ennemis, en revanche, avec l’Empereur en personne, l’histoire sera sans doute bien différente. Rukh commençait à croire que l’Empereur en personne y était pour quelque chose, dans la mort du seigneur Vador… Sinon, pourquoi tenir à la capture de son fils ? Et pourquoi cet enfant aurait frayé avec les rebelles ? Pourquoi… Pourquoi, bon sang ?! Que s’était-il réellement passé, quelles étaient les circonstances exactes de la mort de leur Sauveur et pourquoi n’avait-on pas su bien plus tôt qu’il avait eu une descendance ? Sans plus guère prêter attention à la pilote, Rukh termina de remonter son blaster, songeant que s’il avait pu savoir cela des années auparavant, il aurait aussitôt quitté l’Empire pour se poser près de l’enfant comme le plus fervent des protecteurs. Leur Seigneur n’aurait jamais eu rien à craindre pour la sécurité de sa progéniture.

– Quand je n'étais encore qu'une simple aspirante pilote, le Seigneur Vador était pour moi le meilleur exemple en matière de pilotage et c'était une légende pour moi, je rêvais de piloter à ses cotés, car on disait de lui qu'il n'y avait personne pour l'égaler, mais je n'ai pas eu cette chance, on m'a envoyé ici et il a disparu, paix à son âme.

– Et je me refuse à croire que ce sont de simples rebelles qui sont venus à bout de lui.

Cette version était tellement absurde ! Leur Sauveur, tué par des petits rebelles à moitié armés, vraiment ?! Non, c’était impossible, cette explication ne pouvait pas tenir la route ! Rukh rangea son arme puis se leva, s’éloignant un peu du plan de travail en ruminant sa colère et son dégoût. Seigneur… Il ignorait encore qui, réellement, l’avait tué, mais il le découvrira, le monde pouvait en être convaincu ! Et cette personne aura à payer. Quant à l’enfant, il n’aura pas à mourir seul, le Noghri en faisait le serment, dès que les siens seront au fait de cette histoire, ils feront tout ce qui se trouve en leur pouvoir pour le tirer de là. Patience… Sortant de l’armurerie, il fit un vague signe en direction de la pilote puis repartir, filant retrouver les siens. Le combat ne faisait que commencer.