Heureux de te revoir( NC+18 ans)

La première fois que Thrass était de nouveau entré dans cette petite maison, il avait d’abord été frappé par la forte odeur de poussière, qui l’avait à moitié étranglé. Faire le ménage convenablement et remettre en route ce qui devait l’être lui avait pris quelques jours. Avoir une activité, même si infime, lui occupait l’esprit et lui permettait de ne pas trop penser au voyage en préparation. Même s’il ne l’avouait pas, pas même à son frère, revenir sur les lieux où il avait trouvé la mort l’angoissait assez, alors il s’occupait autant que possible. Entre nettoyer la maison, étudier les trente dernières années et comprendre ce qui s’était passé pour l’Ascendance, il avait quand même pas mal à faire. Sans compter qu’il sentait très bien que son retour en vie, ou plutôt la preuve flagrante qu’il était un sensitif, en agaçait plus d’un.

Il ne savait pas vraiment lui-même comment prendre tout ça et ne mentionnait jamais la Force à haute voix, depuis son retour en ville. Devait-il faire comme s’il n’était pas sensible à elle, comme du temps où il l’ignorait, ou s’efforcer d’en savoir plus ? C’était terriblement mal vu et il ne voulait pas non plus se mettre l’Ascendance à dos, trop attaché à son peuple natal pour supporter l’idée de se faire rejeter… Non, pour le moment, il faisait mieux de ne s’en ouvrir à absolument personne et supporter les regards, en attendant que les choses se tassent. Il n’avait pas non plus parlé à quelqu’un des derniers instants vécus sur le vaisseau, cette fois moins par gêne que parce qu’il considérait ces derniers moments comme très privés. Peut-être s’en ouvrira-t-il un jour à son petit frère mais il n’en était pas certain.

Aujourd’hui était une journée plus particulière, qu’il attendait avec autant d’impatience que d’anxiété. Thrass était arrivé à la capitale assez tôt, ce matin-là, près du Parlement où il devait retrouver Lorana. L’Aristocra Chaf’orm’bintrano gardait sa nièce chez lui, ainsi que son maître Jedi, le petit détail qui en avait aussi étonné plus d’un. Mais peu importe… Il attendait, une boule au ventre grossissant à mesure que les minutes défilaient. Une boule qui ne se délia un peu que lorsqu’il sut qu’elle était arrivée et qu’il pu aller à sa rencontre. Elle n’avait pas changé, telle que dans ses souvenirs encore brûlants. Comme ils étaient en public, il se contenta de la saluer formellement et poliment, en Sy Bisti, puis lui fit signe de l’accompagner. Lorsqu’ils seront tranquilles, ils pourront enfin discuter.

La maison où le Chiss avait grandi, avec sa famille, était très simple et en bordure de la ville Ac’siel. Une pièce de vie avec un coin cuisine et un autre pour se détendre, deux chambres, dont une qu’il avait partagé avec son frère, enfant, un petit cellier, débarras et enfin une salle d’eau. Il avait mis le chauffage plus fort pour que Lorana puisse être à l’aise, les humains avaient plus vite froid qu’eux. Peu de décorations, seulement quelques images holographiques ci et là, des souvenirs de famille et d’enfance, en majorité. Ce devait être le seul endroit de la galaxie où on pouvait les voir, lui et Thrawn, respectivement à douze et trois ans, jouer dans un jardin derrière la maison. Il lui montra où elle pouvait poser ses affaires, plus détendu maintenant qu’ils étaient arrivés ici.

ʺOn a du temps, devant nous, pour parler tranquillement. Tu… Enfin, je suis content que tu sois ici.ʺ

Le tutoiement lui était venu assez naturellement, sans qu’il n’y réfléchisse. Et tout aussi naturellement et sans y penser, il se rapprocha d’elle puis l’enlaça, la serrant contre lui dans un mouvement vif et presque désespéré, comme lorsqu’il avait vainement voulu la protéger lors du crash. La fin du vaisseau aurait pu arriver hier, elle n’avait pas changé, non… Il sentait ce même cœur battre vivement, comme lors de leur dernier souffle. Toujours sans réfléchir, il pencha la tête puis l’embrassa doucement, effleurant d’abord à peine ses lèvres avant de les poser délicatement. Ce n’est qu’au bout d’il ne sut combien de temps qu’il réalisa enfin ce qu’il était en train de faire et s’écarta un peu vivement, à moitié mort de gêne.

ʺDésolé ! Je… ne sais pas ce qui m’a pris.ʺ

______
dés

Et s’il l’avait oubliée ? Ou s’il la considérait comme une étrangère, comme si rien n’était jamais arrivé, comme si les derniers instants sur ce vaisseau n’étaient jamais arrivés ? Lorana posa les mains bien à plat contre ses cuisses, assise dans un coin du long siège arrière de la navette les emmenant vers la capitale de la planète. Elle n’avait pas dû laisser un seul mot s’échapper de ses lèvres depuis qu’ils avaient quitté le vaisseau pour s’aventurer sous les roches, les glaces et les longues voies de communication souterraines de la planète. Venir sur une planète complètement inconnue l’aurait rendue heureuse, en temps normal, elle aimait explorer de nouveaux endroits, mais ici… Elle était comme « hors temps », hors de ce monde, voyant toujours cela telle une sorte de parenthèse offerte dans la mort par la Force. Ni Nat ni Feesa, heureusement, ne lui avaient fait le moindre commentaire, la laissant à ses propres pensées dans son coin sans faire mine de vouloir l’en arracher. Certains verraient ça comme de l’indifférence ou du dédain, Lorana voyait ça comme une belle attention. Ils voyaient qu’elle n’avait pas envie de parler et ne l’y forçaient pas.

A leur arrivée, elle descendit derrière le maître Jedi et Feesa, voyant au loin l’oncle de cette dernière les attendre. Mais il était là… Lorana détourna son regard de l’Aristocra pour le poser sur Thrass, qui venait à sa rencontre. Le fait de le voir vivant lui fit éprouver un mélange de sentiments assez houleux, allant du soulagement à la peine, en passant par la nervosité, la rendant plus troublée qu’elle n’aurait dû l’être, d’autant plus pour une personne pourtant habituée à garder son sang-froid et se contrôler. Il la salua très formellement, en Sy Bisti, un salut qu’elle lui rendit d’un ton égal en sentant les regards extrêmement lourds sur eux. Son retour avait dû être… très mal perçu, si les Chiss aimaient si peu la Force. Il l’invita à le suivre et elle eut un léger temps d’arrêt, convaincue jusque là qu’elle devra rester chez l’oncle de Feesa en attendant le voyage. Voulait-il vraiment qu’elle l’accompagne ? Réellement ? Car s’il était mal à l’aise, elle ne voulait pas en rajouter ou… Chassant ces considérations de sa tête, elle se dépêcha de lui emboîter le pas, avant de se faire perdre dans la foule.

Malgré son statut dans l’Ascendance, il ne vivait donc pas à la capitale mais dans la bordure d’une autre ville, plus petite, dans une maison simple avec un étage où se trouvait sûrement sa chambre. Elle franchit la porte avec une certaine timidité, posant son sac là où il lui indiqua. L’intérieur était petit et simple, un foyer familial classique, loin de ce qu’elle avait imaginé. Propre, bien rangé, quelques images holographiques ou des photos dans des cadres, montrant des souvenirs de famille en guise de décoration. Lorana s’attarda un petit instant sur l’une d’elle, montrant deux garçons, un tout petit et un de dix ou douze ans, dans les bras l’un de l’autre et souriant largement. Des neveux ou cousins, sans doute, ils étaient tellement adorables. Elle sourit doucement en les regardant, pensant que cette innocence enfantine avait sans dû partir depuis longtemps, maintenant, hélas. La vie n’a rien de facile… Elle se retourna ensuite vers Thrass, cherchant ses mots, par quoi commencer. C’était idiot, elle qui avait tant répété et rejoué cette scène en pensées avant d’arriver ici, voilà qu’elle ne savait même plus quoi dire.

« On a du temps, devant nous, pour parler tranquillement. Tu… Enfin, je suis content que tu sois ici. »

Elle aussi… Elle était aussi heureuse que soulagée de le voir en vie, même s’il avait dû subir le même « passage » qu’elle en étant rejeté dans une époque qui n’était pas la sienne par la Force. Elle s’apprêtait à lui répondre lorsqu’il franchit d’un pas la distance les sépara puis la serra tout à coup dans ses bras avec force. Surprise, mais pas moins contente, Lorana lui rendit son étreinte avec un léger temps de retard. Pas de témoins, personne pour les juger ou pour leur dire qu’ils n’avaient pas à se rapprocher, personne pour venir lui rappeler, à elle, qu’en tant que Jedi, elle n’était pas censée agir ainsi. Et au diable les règles… Elle se sentait protégée, d’un seul coup, plus qu’elle ne l’avait été ces dernières semaines. Puis il pencha la tête vers elle, effleura légèrement ses lèvres avant de l’embrasser. Le cœur de la jeune femme s’emballa beaucoup plus vivement, tandis qu’elle fermait les yeux. Le rouge lui montait aux joues, comme si on la remplissait peu à peu d’eau bouillante, l’irréel de la situation était trop important pour qu’elle saisisse vraiment ce qu’il était en train de faire. L’idée se fraya un chemin dans son esprit l’instant suivant et elle lui rendit son baiser… Jusqu’au moment où il s’écarta brusquement en manquant de la faire tomber au passage. Mais, mais…

« Désolé ! Je… ne sais pas ce qui m’a pris. »

Oui ! Qu’est-ce qui lui avait pris, de s’écarter comme ça ? Il ne voulait pas que… Il avait peut-être réalisé que finalement, il ne la voyait pas comme ça et qu’ils ne devaient pas se rapprocher. Lorana n’en savait rien, elle ! Complètement novice en relations sociales, elle n’avait jamais eu d’ami réel et encore moins d’amant, elle ignorait donc comment on devait s’y prendre. Et s’il s’était écarté comme ça, il pensait sans doute qu’elle avait fait une erreur en l’embrassant. Ou non ? Assez perturbée, la jeune femme resta un moment coite, réfléchissant à la façon de réagir, dans ces cas-là. Au fond, elle était surtout peinée… Elle s’était bien trouvée, dans ces bras, et plus encore quand ils s’étaient embrassés, mais s’il décidait finalement qu’il avait fait une erreur… Elle fit de son mieux pour cacher la peine que ce geste avait causé, esquissant un sourire maladroit en lui disant que ce n’était rien.

« Tu préfères que je m’en aille ? »

Il avait tout gâché ou bien… ? Peu à peu, Thrass sentait le malaise monter, entre eux deux, et il s’en voulut d’avoir été aussi brusque. Comment se comporter de façon lamentable avec une femme en une seule leçon, par Mitth’ras’safis, et il ne la croyait pas lorsqu’elle affirma que ce n’était rien. Il pouvait lire sur son visage que c’était faux et qu’il l’avait blessée, alors que ce n’était absolument pas voulu ! Comment rattrapait-on un coup comme ça ? Il commençait à lister tout ce qu’il avait pu apprendre par le passé et qui pourrait l’aider dans une situation comme ça avant de saisir que c’était stupide. On n’apprenait pas les relations sociales dans les livres, il fallait les vivre, et elle était en plus la première humaine qu’il avait vraiment envie de mieux connaître. Finalement, c’était bien plus facile de régler certains conflits ou d’essayer de protéger un frère qui n’en faisait qu’à sa tête.

ʺTu préfères que je m’en aille ?ʺ

ʺBien sûr que non ! J’ai été brusque, je croyais que… Enfin, écoute, tu es la première femme avec qui j’ai vraiment envie de passer du temps, mais j’aurai dû…ʺ

Il s’interrompit avec un soupir, s’embrouillant déjà dans ses explications, ça n’avait pas de sens. Il revint vers elle puis la reprit dans ses bras, cette fois avec plus douceur, même s’il tenait tout de même très fermement, la berçant longuement contre lui en lui disant de ne pas faire attention, il n’avait juste pas l’habitude et aussi… Et bien, peur de la faire fuir. Pour être honnête, il n’était pas non plus dans son état normal. Le choc d’être revenu encore présent, tous ces changements, la découverte de l’exil de son frère, cette affiliation à la Force, l’accueil exécrable que lui avait témoigné son propre peuple… Lorana était devenu l’un de ses derniers repères sûrs et il n’avait pas envie de la perdre. Tout en sachant que, tôt ou tard, elle devra s’éloigner. Revenir vers l’Ordre Jedi, y mener son existence et son devoir, sa vie, somme toute. Celle de Thrass était sur Csilla, et pourtant, il ne se sentait plus chez lui.

ʺJe n’ai pas l’impression d’être rentré chez moi, murmura-t-il dans le silence de la pièce. Peut-être parce que ça semble encore très irréel… Ni toi ni moi ne devrions être encore en vie, et pourtant, nous sommes là, où personne ne nous attendait encore. Il s’est passé tant d’événements, en trente ans.ʺ

Il l’attira avec lui sur le canapé, pour s’y asseoir, puis l’enlaça à nouveau pour la pousser à se blottir contre lui. Sentir son cœur battre le rassurait et calmait les tremblements qui avaient tendance à lui venir, depuis son retour dans ce monde.

ʺQue vas-tu faire, après le voyage vers le vaisseau ? Comment imagines-tu cette seconde vie ? Je n'ai jamais eu l'impression, autrefois, que tu avais l'air... très heureuse.ʺ

Ce n’était pas si dur que cela de le remarquer, même pour une personne peu observatrice. Il remit un peu mieux son bras autour d’elle, de ses épaules, attendant qu’elle fasse le tri dans ses pensées. Donc elle n’y avait pas réfléchi du tout ? Entre le temps d’adaptation après un retour brutal comme les leurs, puis la pandémie, et enfin le temps de se remettre… Il remit un peu mieux la main contre son épaule, pour la serrer contre lui. A présent qu’elle était là, il ne pouvait plus la lâcher. Depuis l’instant où il l’avait serrée si fort avant l’impact, où il avait senti son cœur battre une dernière fois violemment contre le sien, il était soulagé de la garder contre lui, bien vivante, plus sereine surtout. Quoi que sereine, pas réellement, ni l’un ni l’autre ne l’était, et avec un avenir aussi incertain, il ignorait même quand ils iront tous deux mieux.

ʺJe n’étais pas malheureuse. Simplement, c’était… Mon maître avait un caractère un peu spécial et en étant sous sa tutelle, ça m’a tenue à l’écart des autres, dans l’Ordre. Enfant, je voyais bien que ça n’allait pas vraiment, puis, ensuite… Il a sombré, voilà tout, et je n’ai rien pu faire pour empêcher ça. Mais je ne veux plus y penser.ʺ

Comment aurait-elle pu empêcher ça, de toute façon ? Elle se redressa finalement, une petite moue aux lèvres, comme perplexe ou perdue, il ne savait pas trop, il déchiffrait encore mal les expressions humaines. Levant une main, il glissa doucement un doigt sur sa joue, puis dégagea une mèche venant voleter contre ses yeux, pour la mettre derrière son oreille. Pour lui, elle manquait beaucoup de confiance en elle… Même si elle n’avait pu rien faire pour contrer son maître, elle avait quand même eu le courage de sacrifier sa vie, sans la moindre hésitation, elle avait piloté seule ce vaisseau monstrueux, avec le soutien de la Force, elle avait pu tout quitter pour s’aventurer si loin dans les Régions Inconnues, et aujourd’hui, elle revenait pour accomplir sa mission. C’Baoth n’était plus là, il ne sera plus jamais là, elle pouvait profiter de cette seconde chance que lui offrait la Force.

ʺJe n’ai aucune idée encore de ce que je ferai après le voyage. Enfin… Je devrais sans doute retourner parmi les miens… Je pense. Rebâtir l’Ordre… J’ai assez de mal à croire qu’on puisse vraiment rebâtir un Ordre stable dans le présent avec des préceptes du passé. Je ne sais même pas si j’ai vraiment eu ma place là-dedans un jour. Mais cette fois-ci, nous pourrons rester en contact. J’imagine que tu vas reprendre ton poste auprès de ton peuple ?ʺ

ʺJe l’ignore. Mon peuple déteste profondément les sensitifs. Je suis dans la même situation que toi, encore, incapable de dire de quoi sera fait l’avenir après cette mission. Mais oui, nous pourrons rester en contact.ʺ

Comment rester proches, ça, par contre… S’il la suivait, il lui faudra sans doute rentrer dans l’Ordre Jedi, accepter de développer cette part de lui qu’il avait encire du mal à appréhender, et si c’était elle qui décidait de le suivre au loin, pourra-t-elle concilier ça avec son Devoir ou devra-t-elle le laisser derrière elle ? La première option semblait… peu probable. Sans compter qu’étant donné la situation actuelle de la galaxie, rester avec elle, voir développer ce pouvoir lui aussi, le conduire à être un ennemi déclaré, pour l’Empire et sans doute ces Siths avec, et donc un ennemi de son propre frère. Il glissa la main dans la nuque de Lorana puis la rapprocha un peu de lui, l’embrassant doucement, en fermant les yeux. Quoi qu’ils en pensent tous les deux, pour le moment, ils ne pouvaient pas prévoir quoi que ce soit ni dire de quoi sera fait l’avenir.

Elle ne savait plus si elle avait déjà eu sa place dans l’Ordre, lui n’avait sans doute plus la sienne dans l’Ascendance, la solution pourrait être qu’ils laissent, tous les deux, ce passé derrière eux… Lui les Chiss, elle les Jedis, et qu’ils se construisent chacun une nouvelle existence, dans le temps qui leur était donné dans cette époque. Ils avaient chacun fait leur part, mené leur Devoir, et une fois cette dernière histoire achevée, plus rien ne les obligera à se rattacher au passé.

ʺTu n’as pas envie de retrouver ta famille ?ʺ

"Voilà longtemps que mes parents me croient morte, si je reviens vers eux et que je disparais tout à coup par une faille, ce sera comme leur infliger un second deuil à faire. Et le seul de mes frères que j’ai revu, une fois entrée dans l’Ordre, me déteste. J’ignore pourquoi."

Comment ça, son frère la détestait ? On ne pouvait quand même pas détester ses propres frères ou sœurs, c’était parfaitement impossible ! Qu’il y a–t-il de plus sacré que la famille ? Il ne comprenait pas, détester sa propre famille, c’était… Perplexe, il s’apprêtait à l’interroger plus avant lorsque sa bouche fut de nouveau très occupée, comme toute à l’heure. La question fondit doucement dans son esprit, les minutes suivantes, et de toute manière, il n’était pas là pour lui faire se remémorer de mauvais souvenirs. Il descendit les mains contre ses hanches, la tête appuyée contre le dossier du canapé derrière lui, pendant qu’elle se trouvait sur ses genoux. Loin des témoins, il se détendait, oubliait qu’elle était humaine, sensitive, là pour un temps restreint, pour ne voir que la jeune femme qui avait su le toucher profondément.

"Je ne veux plus être seule," avoua-t-elle dans un murmure rauque.

"Tu ne le seras plus jamais. Je te le promets."

Au diable les convenances, les traditions, la xénophobie, l’isolationnisme et tout le reste ! Au diable, même, ces failles et le risque de disparaître à n’importe quel instant. Ils étaient déjà morts, tous les deux, ils n’avaient rien de bouleversant à regretter, au contraire. Il eut un instant d’hésitation, puis l’embrassa ensuite dans le cou, glissant doucement une main sous sa tunique, pour effleurer sa peau. Il la sentit un peu sursauter, alors qu’il fermait les yeux, l’embrassant longuement dans le cou et sous l’oreille, tout en glissant les doigts contre sa peau. Il la fit s’appuyer et mieux s’allonger contre lui, remontant lentement la main dans son dos, en entendant son cœur battre contre le sien. C’était amusant, selon ses gestes, il entendait l’organe battre plus ou moins vite, la respiration s’accélérer.

Elle sourira à nouveau… Elle sera heureuse, plus jamais isolée, il lui en faisait la promesse. Souriant lui aussi, il la fit tout à coup s’allonger de tout son long contre le canapé, puis se pencha contre elle, en veillant à ne pas lui faire mal. C’était bien plus pratique ainsi pour continuer à l’embrasser, sur la bouche, les joues, sur le front et dans le cou. Bientôt, sa peau allait bientôt être aussi rouge que les yeux de Thrass, une belle couleur écarlate l’avait prise aux joues. Un petit rire le prit en voyant ça et il lui chuchota à l’oreille de se détendre. Il se doutait qu’elle n’avait pas d’expérience, lui n’en avait eu qu’une ou deux, mais ça n’avait aucune importance. Il l’aimait, ne voulait pas la perdre, et puisqu’une autre vie lui était donné, elle y aura sa place. Ils étaient seuls, tous les deux… Personne n’aura l’idée de venir rendre visite ici, les habitants du coin considéraient les sensitifs comme des parias.

Comme lui aussi commençait à avoir plus chaud, il enleva son pull, restant en chemise à manches courtes dessous. Ça devenait comme un jeu, jouer avec les sensations de l’autre pour le faire frissonner et lui donner envie d’en avoir plus. Il glissa avec lenteur le bout des doigts sur sa poitrine, attendant de voir comment elle réagissait avant de s’aventurer plus loin. En glissant l’autre main dans ses cheveux, il cassa l’élastique qui les retenait par accident, souriant en voyant que les cheveux détachés, elle avait un air très mignon et plus vulnérable. Elle les avait très longs, finalement, il ne l’avait pas réalisé, jusque là. Sa chemise finit bientôt au sol, comme la tunique de Lorana.

"Je te promets que tu ne seras plus jamais seule," murmura-t-il à nouveau. "Je veux rester avec toi."

Il répondait cela pour la rassurer ou parce qu’il le pensait vraiment ? Et s’il le pensait vraiment, est-ce qu’il… Les yeux fermés, elle frissonna légèrement lorsqu’il l’embrassa dans le cou, puis eut un sursaut lorsqu’elle sentit sa main se glisser sous ses vêtements, caressant sa peau. Parce que c’était la première fois que quelqu’un la touchait comme ça et parce qu’elle n’avait pas cru une seule seconde qu’il le ferait. Etait-elle vraiment si naïve que ça, dans ses rapports aux autres, même en se rapprochant ainsi de quelqu’un ? Il ne lui vint par contre pas à l’idée de le repousser, elle se sentait… un peu bizarre, comme si elle découvrait tout à coup son propre corps d’une autre manière, alors que Thrass passait la main contre ses hanches puis dans son dos, tout en l’embrassant. Elle se retrouva appuyée contre lui et passa les mains autour de sa nuque, pour s’accrocher à lui avec la crainte de tomber en arrière. Oui, c’était ridicule, non, ça ne risquait pas d’arriver, et oui, elle assumait complètement. La température de la pièce, pourtant toujours égale, avait dû augmenter, c’était impossible autrement. Le rouge lui venait, aux joues, mais elle n’avait pas envie qu’il s’arrête. Pas la moindre envie…

Sans comprendre comment, la seconde suivante, elle se retrouva tout à coup allongée sur le canapé, sur le dos, sa tunique à moitié défaite alors que Thrass continuait à l’embrasser à pleine bouche. Il jouait complètement avec ses sensations, et encore novice en la matière, elle n’arrivait pas à lui rendre la pareille ou ne reprendre ne serait-ce qu’un minimum de contrôle de la situation. Et était-ce si grave… ? Les yeux fermés, elle sourit quand il lui chuchota dans le creux de l’oreille de se détendre, puis fit glisser les mains à son tour, sur lui, lorsqu’il enleva son pull, restant avec une chemise légère. Il avait une musculature fine mais bien visible, elle le voyait à ses bras. Passant les siens contre son dos, elle se surprit à regretter qu’il ait encore cette chemise, tout en rougissant de plus en plus fort lorsqu’il toucha sa poitrine. Lorana se souleva un peu pour faire passer sa tunique par les bras et la tête, la laissant tomber au sol aux pieds du canapé. Un coin où vint la rejoindre la chemise de son compagnon. Toujours tremblante et toujours en voulant continuer… A cet instant précis, elle en oubliait complètement qu’elle était membre de l’Ordre Jedi et donc qu’elle n’était pas censée avoir ce genre de relations.

« Je te promets que tu ne seras plus jamais seule murmura-t-il à nouveau. Je veux rester avec toi. »

Mieux valait ne plus se poser la moindre question, sur l’avenir, en tout cas pas pour le moment… Elle l’attira contre elle à nouveau, parcourue d’un long frisson. Ne réfléchis plus et contente-toi simplement de te laisser aller… Tant pis pour les questions sur l’avenir, les choix qu’ils auront à faire, les problèmes à surmonter et tout le reste, la jeune femme envoya le tout dans un coin de son esprit, juste focalisée sur le moment présent. Même sans posséder la moindre expérience en la matière, certains gestes étaient presque « naturels », lui venant sur l’impulsion du moment et parfois sans même vraiment réaliser ce qu’elle faisait. Elle finit même par en oublier où elle se trouvait, sur quelle planète, dans quelles circonstances, emportée par ce moment. Même le temps qui passait finit par n’avoir plus aucune importance. Elle eut mal, une fois, avant que cette douleur légère ne passe… Logée dans une bulle protectrice, avec son compagnon, elle ne put dire combien de temps cela dura avant d’enfin revenir à la réalité, nue et empêtrée dans quelques vêtements près d’elle ou au sol. Ses yeux se fermaient seuls et elle finit par tomber endormie, dans les bras de Thrass, se sentant en parfaite sécurité.

Au réveil, Lorana ressentit d’abord des courbatures assez affreuses dans le corps tout entier, avec la sensation bizarre d’avoir perdu quelque chose. Groggy, elle émergea avec une difficulté immense, réalisant au bout de plusieurs minutes seulement qu’elle était allongée dans un lit, une couverture sur elle, dans une chambre inconnue. Encore trois bonnes minutes toutes entières lui furent nécessaires pour retrouver la mémoire et comprendre ce qu’elle fichait là. Une rougeur féroce lui grimpa aux joues alors qu’elle se levait, attrapant quelques vêtements pour se couvrir en hâte, puis manquant de s’étaler par terre car elle se leva un peu trop vite, la tête lui tourna brusquement. Ouh là… C’était normal, ça ? Titubant légèrement, elle marcha jusqu’à la porte, puis descendit au rez-de-chaussée. Quelle heure pouvait-il bien être ? Elle voudrait prendre une douche, aussi, elle se sentait bizarre, l’eau chaude aidera peut-être.

« Thrass ? Tu es là ? »

La jeune femme était tombée profondément endormie, dans ses bras, depuis maintenant quelques minutes. Quelques minutes que Thrass restait à la regarder, tout simplement, sans bouger d’un pouce et en luttant pour ne pas s’endormir aussitôt lui-même. Il l’écouta un long moment respirer doucement, sans faire un geste, avec un bref regard pour leurs vêtements froissés éparpillés sous eux et par terre. Au bout d’un moment, il bougea enfin, se levant avec précaution pour ne pas la réveiller, puis enfilant vite fait un ou deux vêtements. Ensuite, il enroula comme il le put Lorana dans une petite couverture pour qu’elle ne prenne pas froid, puis la fit glisser dans ses bras avec douceur, la portant comme une enfant à la chambre, à l’étage, pour la coucher dans le lit. Il remonta la couverture sur elle puis l’embrassa sur le front, doucement.

Tout d’abord, une douche, puis ranger un peu le salon. Il déposa les affaires de sa compagne sur une chaise, près du lit, puis alla prendre une longue douche. Lorana dormait toujours, lorsqu’il en sortit, elle murmurait aussi un peu dans son sommeil. Comme ses vêtements étaient froissés, et finalement peu chauds, il lui en trouva d’anciens qui avaient appartenu à leur mère, qu’elle pourra prendre toute à l’heure si elle voulait, en attendant de laver les siens. Tant qu’elle se trouvait sur Csilla, mieux valait qu’elle se couvre, les humains étaient si frileux. Il lut un peu, durant les deux heures suivantes, sommeillant par à-coups, jusqu’à ce qu’il entende un bruit de pas.

"Thrass ? Tu es là ?"

"Oui. Tu as bien dormi ?"

Il se leva puis alla à sa rencontre, la prenant doucement contre lui pour la serrer dans ses bras. Elle tirait une tête assez bizarre, les joues très rouges, ébouriffée, le regard brillant. Il lui montra la salle de bain et lui prêta des vêtements, allant pendant ce temps leur préparer quelque chose à manger. Pour le moment, ils étaient dans une sorte de bulle, coupés du monde et des autres, un état de grâce, en réalité, qui n’allait peut-être pas durer bien longtemps. Il songeait à l’avenir, oui, et ne voyait pas comment tous deux pourraient rester ensemble sans que ça ne cause de peine à l’un ou l’autre. Ils avaient encore un peu de temps, cela dit, avant de se retrouver devant le fait accompli…