De temps à autre, il y avait des choses que l’on ne pouvait maîtriser et qui tombaient à pic. Comme l’assassinat d’un Hutt un peu trop gourmand qui nuisait à la réputation du Cartel des Hutts et mettait la pagaille dans les affaires de l’Aube Écarlate. Et de temps à autre, il aurait été parfaitement idiot de refuser une telle opportunité. Cependant, il aurait été encore plus idiot de le faire soi-même.

Maul avait fait jouer ses contacts pour dénicher la perle rare. De communications en communications, ce fut un Seigneur Sith sous couvert de mercenariat qui lui répondit favorablement. Depuis la Purge, même les partisans du Côté Obscur exerçaient un métier secondaire pour se dissimuler aux yeux de l’Empire. Il en était le parfait exemple. Aussi le contrat fut-il scellé. La seule condition était que ce soit la pupille de ce maître qui exécuterait ce marché. Il n’y eut pas d’objection.

Le rendez-vous fut fixé sur la planète où allait se dérouler la scène : Nal Hutta.

Quoi de mieux pour tuer un Hutt que de se trouver dans l’antre des Hutts ? Ces derniers ne voulaient pas se mouiller mais tous consentaient à approuver l’assassinat de leur confrère gênant. Prostré dans le stupre et le luxe, celui-ci ne se doutait de rien et se croyait protégé dans sa forteresse.

À défaut de se rendre lui-même dans la cantina où le lieu de rendez-vous était établi pour donner plus de détails sur la mission, le Zabrak attendrait patiemment dans le vaisseau utilisé pour se rendre sur la planète. Un de ses fidèles agents qui l’avait accompagné se chargerait de jouer le rôle d’entremetteur, son patron verrait et suivrait toute la conversation par une caméra micro soigneusement dissimulée et indétectable même pour un sensitif.

L’humain – car c’en était bien un – se rendit donc seul à la cantina. Il était équipé comme la plupart des mercenaires et autres chasseurs de prime : une barbe mal rasée, un trench coat qui dissimulait deux blasters à sa ceinture, un pantalon usé et des bottes râpées. Une fois dans la cantina, il balaya un instant l’ensemble du regard avant d’apercevoir la personne qu’il recherchait et dont il avait eu la description physique. Sans demander son reste, il s’assit en face d’elle. S’il fut assez surpris par son apparence en ayant l’impression de se retrouver en face d’une « femme enfant », il n’en montra absolument rien.

- Miss… Rose Noir ? Je suis votre contact pour cette mission. C’est moi qui suis chargé de vous remettre toutes les informations à ce sujet.

Il fit un signe à la serveuse Twi’lek qui peinait tant bien que mal à éviter les mains aux fesses des clients un peu éméchés, et commanda un « Trou noir » avant de reporter son attention sur son interlocutrice.

- Que vous a-t-on dit à propos de votre contrat ?

Par la caméra équipée, Maul détailla longuement la demoiselle qui devait exécuter ce Hutt. S'il ne connaissait pas suffisamment son contact mercenaire, il aurait juré que c'était une arnaque… tout comme il avait appris à ne pas se fier aux apparences. Aussi la « fillette » éveilla-t-elle quelque peu sa curiosité.

L’homme eut un sourire quelque peu crispé. Sourire qui disparut aussitôt.

- Parfait.

Il fit glisser un holo-projecteur de taille réduite – très pratique pour le transport – et le plaça entre eux. Les clients de la cantina étaient tellement soûls ou en train de jouer à des jeux d’argent que personne ne faisait attention à eux. L’homme glissa son doigt sur une petite plaque biométrique, l’appareil s’alluma pour projeter la carte des environs.

Il lui expliqua ensuite clairement de quoi il en retournait : un « souci » de taille conséquent puisqu’il s’agissait d’un Hutt. Passant outre les détails comme quoi cela arrangeait aussi bien le Cartel que l’organisation pour laquelle il travaillait, il lui montra les plans de ladite forteresse et la zone de faiblesse en particulier : un grand balcon faisant office de terrasse où le Hutt ciblé donnait certaines de ses réceptions pour son propre plaisir.

Les options étaient nombreuses pour y parvenir, mais le Cartel voulait que cela passe pour une mise à mort propre : un tir de sniper conviendrait parfaitement. Aussi l’homme lui fit-il la topologie des lieux aux alentours. Des bâtiments comme des hôtels, des petits casinos sans prétention… mais tous possédaient un point commun : des toits accessibles faisant office de terrasse. Idéal pour avoir une vue dégagée. Pénétrer à l’intérieur de la forteresse du Hutt serait bien plus compliqué si l’option devait être envisageable et elle ne l’était pas.

- Nous avons tout de même des sources à l’intérieur, argumenta l’homme. Mais nous préférons vous garder hors de cette forteresse qui sera mise en quarantaine dès que son maître sera mort. C’est une mesure de protection liée à ses fonctions vitales : s’il meurt, les portes se ferment automatiquement. Impossible de sortir et c’est un blindage en duracier.

Il lui fit quand même part du nombre de gardes et autres machines qui se trouvaient à l’intérieur, au cas où : environ une centaine, sans compter les serviteurs et esclaves.

- Nous ne voulons aucun mort en dehors de votre cible. Des questions ?

Tout semblait se dérouler correctement. L’homme sirota brièvement le cocktail que la serveuse lui avait apporté tant bien que mal, tout en observant la jeune… fille ? Vu son apparence physique, il s’agissait davantage d’une jeune fille que d’une femme malgré le ton professionnel qu’elle employait.

De son côté et bien installé dans son vaisseau, Maul écoutait la conversation tout en observant attentivement les réactions de la « Rose Noire ». Tous les détails avaient été donné sauf un, qu’elle demanda d’elle-même. La question où la réponse ne plaisait quasiment jamais aux mercenaires qui l’entendaient et qui avaient coutume de travailler en solo. Toutefois, il y aurait quelques petites subtilités…

- Elle aura lieu dès ce soir et s’étend sur trois jours, répondit l’homme concernant la prochaine soirée du Hutt. Vous serez accompagné mais cette personne sera juste là pour observer le bon déroulement de votre mission : en aucun cas il n’interviendra à ce sujet.

Il reposa son cocktail sur la table qu’il n’avait pas vraiment touché.

- Nous pouvons vous avoir des entrées pour le casino que vous avez choisi, déclara-t-il en regardant l’endroit où elle s’était arrêtée sur la carte. Deux places pour faire bonne mesure : votre… témoin et vous-même.

L’homme ne se laissa pas démonter par l’attitude de sa vis-à-vis. Preuve qu’il avait déjà rencontré ce genre de comportement chez d’autres… à commencer par son patron.

En parlant de celui-ci, Maul avait laissé échapper un ricanement en entendant la réplique de la jeune fille. Cette petite avait du mordant, c’était certain. Il avait aussi discerné le changement d’iris par la caméra. C’était subtil, mais bel et bien présent. Mais, cependant, elle n’avait pas non plus le choix.

- Il n’y a pas à négocier ou non, mademoiselle, répondit-il le plus placidement du monde comme s’il causait de la pluie et du beau temps. Votre responsable s’est porté garant de vous sans qu’il y ait la moindre condition d’émise : vous n’avez pas le choix. Cette personne vous accompagnera, que vous le vouliez ou non.

Il s'interrompit un instant pour laisser ses paroles pénétrer dans l'esprit de la jeune fille.

- Ou bien vous pouvez rentrer et expliquer à votre responsable pourquoi vous êtes passée à côté d’un tel contrat.

Il éteignit l’appareil d’holo-projection qu’il rangea ensuite dans les plis de son long manteau. Il attendit ensuite patiemment sa réponse, mains croisées sur la table et regardant calmement son interlocutrice.

L’homme qui subissait l’ire de la jeune fille se contenta de rester parfaitement neutre, un sourire factice aux lèvres. Il inclina légèrement sa tête en un bref signe affirmatif et la regarda se lever puis partir. Il attendit quelques longues minutes avant de payer sa propre consommation qu’il n’avait pas finie et se leva à son tour pour sortir et rejoindre le spatioport où l’attendait son supérieur.

Ce dernier l’attendait avec un sourire des plus amusés.

- Un véritable Nexu cette gamine, n’est-ce pas ?
- Monsieur, je ne suis pas certain qu’elle convienne à cette mission, répondit l’homme tout en retirant le petit implant qui lui avait servi à modifier son apparence. Elle est trop… immature
- Elle a reçu des éloges de la part de son mentor. Si elle échoue, je la tue. C’est aussi simple que ça.

L’homme s’inclina face aux dires de son supérieur et ne répliqua rien. À la place, il alla récupérer les billets d’entrée du casino qui avait été sélectionné tandis que le Zabrak s’était levé pour troquer ses amples vêtements contre une tenue plus formelle et « humaine » : un ensemble trois pièces d’un noir d’obsidienne. Seule la chemise écarlate faisait ressortir les tatouages de son visage.

Billets en poche, Maul se fit déposer devant l’allée conduisant au casino. Il observa un instant les nombreux invités et clients qui s’avançaient vers les portes et se dirigea vers la personne qu’il recherchait. Habillée de cette manière, la Rose Noire faisait bien plus mature que lorsqu’il l’avait vu par l’œil de la caméra. Ce qui n’était pas un mal, bien au contraire.

- Mademoiselle, la salua-t-il avant de lui proposer son bras par simple politesse. Allons-y.

Le Zabrak avait pris un soin particulier à dissimuler son aura dans la Force, le rendant comme le commun des mortels. Il n’y avait que son attitude et ses manières qui pouvaient trahir son passif de guerrier Sith… mais il veillerait au grain à ce que cela ne soit que très peu discernable.

Ensemble, ils entrèrent dans le luxueux casino qui jurait particulier avec l’apparence globale de la planète toxique. Là où la boue et les immondices étaient communes chez les habitants régnaient l’opulence et la dépravation dans ce genre d’endroit. Quoi de plus étonnant de la part des Hutts ? Il avait fini par s’y habituer. C’était peut-être cela le plus terrifiant.

Les yeux jaunes cerclé de rouge du Zabrak observèrent un moment les nombreuses personnes. La plupart était humain accompagné de leurs esclaves Twi’lek, quand d’autres étaient de différentes espèces de la galaxie comme des Duros.

Sans se laisser distancer, Maul suivit la jeune fille à travers la foule. Il se glissa par la sortie de secours en s’assurant que personne ne les avait remarqués et grimpa à son tour à l’escalier menant au toit. Arrivé sur le lieu de la « mise à mort », il se dirigea droit vers la zone nord où il savait que la vue était la plus dégagée sur leur cible. Lui aussi avait fait ses devoirs.

À plusieurs mètres de distance, des lumières jaunes et orangés signalaient une forte animation. La forteresse supposée semblait silencieuse, mais la terrasse concernée chantait une autre chanson. Le Hutt ciblé dominait tous ses invités de sa présence de limace, vautré dans ce qui lui servait de canapé qui peinait à supporter son poids. Tout autour de lui, des représentants de nombreuses races s’agitaient et discutaient entre eux ou encore jouaient au Pazzac et Sabbac. Enfin, près du balcon se trouvaient les danseuses Twi’lek à la peau bleue et lilas qui se déhanchaient sur une musique jouée par un petit groupe local dans un coin.

Le Zabrak eut une légère grimace et cessa d’observer la scène avec les jumelles qu’il avait prise. Son regard se posa sur la donneuse de mort et son attirail.

- Ne tuez que le Hutt, c’est votre seule cible.

Lui avait un tout autre objectif qui ne regardait absolument pas la jeune fille.

Un sourire narquois passa sur le visage du Zabrak lorsqu’elle râla. Peu lui importait, tout ce qu’il désirait était qu’elle fasse correctement son travail. Ce qu’il en apercevait, d’ailleurs, était plutôt plaisant : la dextérité et rapidité avec laquelle elle montait son arme témoignait d’une certaine habitude. Elle avait bien été formée, c’était évident.

Il reporta ses jumelles sur le Hutt. Le bruit de la balle tirée par le fusil sniper fut étouffé aussi par les bruits environnants que par la Force qu’il avait senti glisser sur l’arme. La limace s’écroula quelques secondes plus tard et il put constater qu’elle était belle et bien morte par les capteurs thermiques sur ses jumelles.

Parfait.

La vague de panique ne tarda pas à se déployer, tout comme les nombreux gardes qui se positionnèrent à chaque porte qui se fermait peu à peu. Des cris et des hurlements retentirent, couverts par le tumulte du casino.

Maul porta la main à son oreille où se trouvait un communicateur.

- Maintenant, Drez.

Une explosion retentit dans la forteresse du Hutt, puis une autre et encore une autre. En tout, pas moins de cinq explosions à différents endroits sautèrent dans le bâtiment. Les invités en proie à une panique totale s’engouffrèrent aussitôt dans la brèche de l’explosion la plus proche, piétinant les Gamoréens qui sans les ordres de leur chef ne savaient plus où donner de la tête.

Quelques hommes et femmes s’approchèrent des danseuses Twi’lek effrayées, semblèrent leur parler un instant avant qu’elles ne les suivent et ne disparaissent de leur vue.

Le Zabrak parut écouter quelque chose dans son communicateur et hocha la tête, satisfait.

- Parfait. Votre paiement va vous être livré dans les prochaines minutes sur le compte qui nous a été fourni, déclara-t-il en se tournant vers la jeune Rose Noire.

Le Zabrak inspecta un instant la zone de tir pour s’assurer qu’il n’y avait aucune preuve laissée derrière eux qui aurait pu les incriminer. Chose faite, il rebroussa chemin en direction des escaliers par où ils étaient venus.

- Pas mal pour une fillette, lâcha-t-il tout en retournant à l’intérieur du casino.

La mission de la jeune fille en question était terminée, mais la sienne n’était pas encore achevée. Il avait encore quelques petits détails à régler quand bien même ses hommes se chargeaient de faire le plus gros : faire sortir les esclaves Twi’lek qu’ils avaient récupéré.

Toutefois, Maul resta près de la Roses Noire. Après tout, ils étaient venus ensemble et repartir maintenant éveillerait des soupçons. Il allait devoir faire particulièrement attention. Quand bien même les Hutts étaient de son côté, mieux valait éviter que d’autres curieux mettent leur nez dans des affaires qui les dépassaient.

Ah, voilà… le Nexu sortait les crocs comme il l’avait déjà vu quelques heures plus tôt.

Sa remarque, au lieu de le mettre en rogne, l’amusa quelque peu. Elle lui rappelait un peu le jeune Ezra avec ce côté « grande gueule » qu’il avait même si ensuite, il se couchait assez rapidement.

- Un peu de respect pour tes aînés, jeune fille. Même si tu dois probablement t’asseoir dessus.

S’il avait anticipé ses pensées, cela lui était bien égal. Même si ses yeux étaient ancrés dans ceux de la jeune demoiselle à la verve mordante, la périphérie de son champ vision notait les mouvements de chacun. Il attendait simplement le bon moment pour quitter ces lieux. Une émeute, par exemple… ou la curiosité morbide qui ne saurait tarder.

- Ton mentor ne t’a donc pas appris la patience ?

Attendre et laisser passer la tempête étaient peut-être un précepte de Jedi mais les Sith avaient appris depuis longtemps la patience. Des décennies pour être tout à fait exact.

Un sourire carnassier ourla les lèvres du Zabrak qui conservait son regard sur la jeune fille.

- C’est plutôt moi qui dois jouer le rôle de baby-sitter devant une gamine capricieuse et impatiente.

Il ne mâchait pas ses mots. Il n’en avait aucun intérêt. Cela ne lui plaisait pas non plus de devoir attendre le signal pour pouvoir décamper d’ici et retourner à ses activités principales. Qui ne prenait aucunement en compte le fait de rester en compagnie d’une demoiselle qui ne faisait que mordre.

D’autres pouvaient trouver cela séduisant, pas lui.

Maul allait ajouter quelque chose quand une voix brève résonna sur la ligne sécurisé de son communicateur à son oreille.

Le « signal » allait survenir d’ici quelques minutes… secondes…Une soudaine explosion secoua le casino. Par réflexe, il agrippa la Rose Noire par le bras pour la tirer aussitôt vers lui et l’obliger à se baisser alors qu’il l’abritait des débris de pierre et ciment de son dos et bras qu’il avait relevé au-dessus de leurs têtes.

Des cris survinrent tout autour d’eux. Lentement, le Zabrak se redressa et constata que d’autres clients s’étaient jetés sous les tables ou à terre pour se protéger de la même manière. Certains avaient déjà commencé à courir vers la sortie.

- Vous attendiez votre signe, jeune fille : c’est maintenant ou jamais pour partir.

Profiter d’une vague de panique qu’il avait fait en sorte de sciemment créer ? Non… jamais.

Relâchant la jeune fille, le Zabrak la laissa profiter de l’émeute pour s’enfuir. De son côté, il fit de même. Se glissant parmi les invités en proie à la panique et quand bien même il se retrouvait dans une foule assez dense, il se laissa porter par la marée humaine et humanoïde jusqu’à la sortie du casino.

Il sauta ensuite dans un taxi parmi d’autres invités pour prendre la direction du spatioport où il rejoignit ses hommes et les quelques femmes qui étaient venus et avaient infiltré la forteresse. Les Twi’lek étaient avec elles.

- Bon travail. Il est temps de rentrer.
- Monsieur, et la fille ? demanda une des femmes.
- Oh, cette gamine a de la ressource : elle est probablement déjà bien loin de cette poubelle à l’heure qu’il est. Son travail a été très propre, tout comme le vôtre.

Il inspecta un instant tout ce beau monde du regard, s’arrêtant sur les esclaves, et monta dans le vaisseau qui décolla quelques instants plus tard.

- Allons déposer ces filles chez leurs parents, lâcha-t-il tandis qu’il regardait Nal Hutta s’éloigner avec lenteur.