Rébellion et trafic d'armes

Leur vaisseau quitta l’hyperespace dans un léger tremblement, arrivant en vue de la planète Naboo. Le pilote s’engagea dans la file des vaisseaux en attendant leur propre passage, prêt à donner les codes qui leur permettront de passer tranquillement. Le blocus de la planète avait été levé depuis un bon moment, avant la pandémie, il n’en restait pas moins pas mal de barrages et points de contrôles. Leia retourna dans sa cabine pour se changer, remplaçant son habituelle robe blanche par un autre, aux couleurs et à la coupe locale, pour ne pas se faire remarquer. Elle détacha ses cheveux puis en fit une tresse légère, avant de se maquiller. Même si les habitants, sur Naboo, n’étaient pas si méfiants et qu’ils comptaient un bon nombre d’alliés, on était jamais trop prudent. Elle cacha ses armes avec soin dans les plis de sa tenue, puis ajouta une capeline dans un ton chaud, au moment où on venait la prévenir qu’ils amorçaient leur arrivée vers le spatioport de la capitale. Très bien, elle arrivait. Le vaisseau décrivit une courbe légère avant de se poser dans le spatioport, sans soucis particuliers.

Leia rabattit la capuche sur sa tête puis le voile colorée contre elle, cachant en partie son visage, puis quitta le vaisseau après s’être assurée qu’elle avait bien tout ce qu’il lui fallait avec elle. Ses hommes la suivaient, en garde et protection discrète, prêts à intervenir au moindre problème. Une équipe qu’elle avait choisie elle-même, suivant ses propres critères, ne laissant plus Dodonna décider seul de ce qui devait l’accompagner pour veiller à sa sécurité. Ce dernier, depuis quelques temps, était… Comme dire cela… Un peu lassant. Il la trouvait changée, lui aussi, et ne cessait de lui rappeler qu’elle se devait d’être prudente, avec une prime pareille sur sa tête, qu’elle ne pouvait pas se permettre de se faire piéger par l’Empire car elle possédait trop d’informations pouvant gravement nuire à la Rébellion. S’en faire à ce point était un peu inutile, il était évident qu’elle ne comptait pas offrir la rébellion sur un plateau à leurs détracteurs. En revanche, bien sûr qu’il fallait rendre leurs troupes plus saines et fortes, l’Empire n’était qu’un moyen parmi d’autres d’y parvenir.

L’homme qu’elle devait rencontrer aujourd’hui était un autre de ces moyens. Un moyen que beaucoup des siens avaient longtemps refusé, avant qu’ils ne se mettent enfin face à l’évidence, ce n’était guère le moment de faire la fine bouche. Le rendez-vous était prévu dans un bar souterrain de Naboo, au coeur de la capitale, très discret, et aux abords de la ville. En y entrant, toujours accompagnée de sa garde, elle baissa légèrement son voilà, laissant surtout apparaître ses yeux, puis s’installa dans une alcôve en attendant l’arrivée de son contact. Une petite vingtaine de clients occupait le bar, la moitié environ seul, occupés à lire un journal ou juste se détendre en buvant un verre. Le patron était occupé derrière sa comptoir à préparer elle ne savait quoi et ne prêtait pas une réelle attention à qui entrait ou sortait, seul son serveur s’en occupait. Son contact eut la grâce, cela dit, de ne pas traîner. Le serveur venait juste d’apporter un verre lorsqu’il arriva, tendant légèrement ses gardes, même s’ils ne firent encore rien.

– Bienvenue sur Naboo. J’espère que vous trouverez cette planète agréable.

Leia ne comprenait pas pourquoi encore tant de Rebelles ne voulaient pas se mêler aux histoires avec des bandes organisées criminelles ou d’autres trafiquants du même acabit, ce n’était là que des affaires commerciales, après tout, et la guerre en était une sacré affaire. Certaines limites devaient sauter, comme la plupart des principes moraux, si on voulait gagner.

– On parle de vous comme un bon contact, pour obtenir des armes ou des vaisseaux. Qu’en est-il en réalité ?

– Voyons princesse, on a dû vous le dire : je représente souvent le Soleil Noir dans ce domaine. Si cela ne vous suffit pas comme preuve de qualité, que pourrais-je dire de plus pour le prouver ?

Un fin sourire étira lentement les lèvres de la jeune femme, tandis qu’elle examinait son interlocuteur. Elle connaissait l’organisation, qui avait d’ailleurs joué sa part dans la pandémie, elle connaissait leur réputation, cependant, les simples paroles ne suffisaient pas pour convaincre. Ce qu’elle voulait, c’était du concret, une réputation ne suffisait effectivement pas comme preuve de qualité. Ils ne pouvaient pas se permettre de perdre du temps, plus maintenant, ils avaient déjà beaucoup trop traîné en longueur à cause de manœuvres inutiles ou dangereuses. Elle recula légèrement sur son siège lorsque le serveur vint lui apporter le verre commandé toute à l’heure, avant de repartir tout aussi vite. Même sans envie de boire, ne pas le faire dans cet endroit attirerait l’attention. Et puis, il était de rigueur de se détendre un peu lorsqu’on venait sur Naboo, n’est-ce pas ? L’endroit s’y prêtait, la planète était agréable, même avec une surveillance impériale toujours aussi élevée.

– J’attends du concret, simplement. Vous devez déjà savoir comment se portent le marché noir et les trafics d’armes, le Soleil Noir est loin d’être le seul fournisseur dans le domaine. Les mêmes armes circulent sans cesse, passant de main en main, sans plus d’efficacité pour autant. Ce que je recherche, c’est de la nouveauté. Des armes plus offensives, où il suffit de tirer une fois sur un ennemi pour lui réduire la tête en fins morceaux.

Tout en parlant, elle avait légèrement relevé le poing avant de le refermer étroitement, son sourire s’agrandissant d’autant plus. Elle s’imaginait procéder ainsi sur l’Empereur lui-même, voir sa tête se presser comme un étau avant de finalement éclater, elle rêvait de le voir s’écrouler à ses pieds, de sentir l’odeur de son sang lorsqu’il se répandra au sol, s’échappant abondamment de ce corps ridée et torturé. Cette image lui était si douce, chaque jour qui passait, elle se renforçait, envahissant son esprit d’attente et de désir. Tous les entraînements qu’elle suivait en secret n’avaient que ce but, elle ne s’acharnait que pour cela. Une fois Palpatine mort, ils pourront bâtir un nouveau gouvernement, tout aussi fort mais plus sain, enfin débarrassés pour de bon de ce Sith. Peut-être pas une République, gouvernement faible par nature, mais un autre régime, démocratique tout en restant puissant. Leia se posait enfin, apprenant la patience, attendre et combattre, pour atteindre son objectif. Elle ne pouvait aller plus vite que cela et le comprenait bien, maintenant, il fallait s’armer de patience.

– En tant que représentant du Soleil Noir, j’imagine que vous devez avoir de quoi vous démarquer de vos concurrents.

Elle but une petite gorgée de son verre, sans le lâcher des yeux, attendant enfin de savoir ce qu’il avait à proposer. La guerre pouvait aussi progresser par ce moyen, en disposant d’armes créant un effet de surprise ou créant des dégâts plus importants dans les rangs adverses.

– Chère princesse, qu'est ce que le Soleil Noire, sinon une organisation commerciale qui propose des articles exotiques ? Nous sommes intéressés par la satisfaction de notre clientèle et rien que le fait que nous agissons sur une échelle galactique devrait vous garantir le sérieux de notre entreprise.

Le sérieux de leur « entreprise » était en effet souvent cité, cela dit, comme elle l’avait déjà souligné, elle attendait du concret avant d’en être certaine, pas simplement de jolies paroles destinées à appâter le client lambda. Elle ne répondit donc rien, attendant la suite en buvant tranquillement une longue gorgée de son verre, appuyée contre le dossier de sa chaise, détendue en apparence. Si des personnes les observait, ils n’y verraient qu’une simple rencontre entre deux adultes venus profiter d’un moment de détente dans un bar chic de Naboo. Une scène passant parfaitement inaperçue, raison pour laquelle elle avait choisi cet endroit, personne n’allait se méfier autant d’une discussion ici qu’une autre dans un bar mal famé de Nar Shaddaa. Quoi de mieux que la pleine lumière pour se cacher bien souvent, qui irait chercher une princesse rebelle sur la planète d’origine de leur bien-aimé Empereur ? Par ailleurs, c’était aussi un très bel endroit, agréable pour se promener, pour vivre, simplement. Elle devait encore de la famille, ici… Un oncle, une tante, des cousines. Et ne les avait jamais rencontré.

– Concernant ce que vous cherchez, je pourrais vous citer tout un assortiment d'armes mais je ne le ferais pas. Je ne vous propose d'un seul article, le plus létal que nous ayons en stock, quoi qu'en quantité limitée : fusil disrupteur. Totalement illégal même pour l'empire mais seule une bonne protection vous empêchera de mourir si cette arme vous touche.

Qu’entendait-il par quantité limitée ? Leia avait, disons, des troupes plus « fidèles », des hommes et femmes se reconnaissant dans des missions de terrain ou d’espionnage plus brutes que ce qui était moralement accepté par le reste de la rébellion, et qui étaient prêts à la suivre pour des actions très limites, d’un point de vue éthique. C’était ces hommes qu’elle souhaitait équiper, car c’était avec eux qu’elle comptait mener ses plans, du moins les lancer correctement. Évidemment, beaucoup dans la rébellion n’approuveront pas cette mentalité, elle en était parfaitement consciente, et un des résultats probables était que l’Alliance se scinde en deux ou trois groupes plus petits car ils ne parvenaient pas à tous se mettre d’accord sur leur ligne de conduite. Même si ce serait dommage, ça resterait moins grave malgré tout que de voir tous leurs efforts stagner, toutes leurs actions n’être que des petites piques sans intérêt contre leurs ennemis. Bien, elle n’en était pas encore à se demander s’il valait mieux une version fusil ou pistolet, songeant d’abord à ce qu’on pouvait faire de ce genre d’armes. Illégales, certes, mais après tout… A la guerre comme à la guerre.

– Quelle quantité pensez-vous pouvoir fournir, dans quels délais et pour quel prix ? Et quelles sont les conditions, pour les transactions ? Comme vous le savez, la situation est tendue, après cette pandémie, et l’Empire a aussi subi des pertes, c’est pour nous le moment d’en profiter. Il nous faut ce qui garantira l’effet de surprise sur le terrain mais aussi durant les batailles orbitales, ne serait-ce que pour contrer l’avantage du nombre, possédé par l’Empire. Tout cela passe également par la rapidité.

Sous-entendu, si elle concluait une affaire avec le Soleil Noir, c’était bien si ce dernier état capable de fournir vite les commandes qu’on lui passait, le paiement sera à la hauteur de l’exigence demandée. Leia estimait qu’en s‘adressant à cette organisation, plutôt qu’au petit revendeur d’armes du coin, on pouvait exiger un niveau élevé pour répondre à toutes les demandes.

– Pour la quantité, je dois vérifier mais je pense avoir plusieurs dizaines d'exemplaires en stock. Ce n'est pas un produit très demandé, personne n'équiperait une armée avec cette arme, mais cela pourrait largement suffire pour une unité de commando ou une garde rapprochée. Quand à la rapidité, elle dépend bien sur de l'endroit où la marchandise doit être livrée. De mémoire, la marchandise est dans les cartons. Il suffira d'un message de ma part pour qu'on referme les boîtes et qu'on les livre une fois l'acompte reçu, bien sûr.

Quelques dizaines… Leia évalua mentalement à nouveau ses besoins, et surtout la façon dont elle devait équiper les troupes lui étant acquises et prêtes à s’engager sur des terrains, disons, plus boueux que de coutume. Tapotant légèrement des doigts sur la table, elle se refit un tour d’horizon des hommes qu’il fallait équiper en premier lieu, puis desquels elle devait encore s’assurer de la parfaite loyauté. Il n’était pas question de faire n’importe quoi, bien entendu, le reste de la rébellion n’apprécierait pas cette commande et la jeune femme n’avait guère envie de s’ennuyer avec un Dodonna bien remonté ou avec une Mon Mothma tout prête à se lancer dans un grand discours du style « Ne devenons pas pires que ceux que nous combattons », ou elle ne savait quoi. Le lieu de livraison était donc aussi important que le reste, tout comme la discrétion. Quant au prix, il n’était guère étonnant, elle s’était attendue à bien plus étant donné la rareté de ce genre d’armes. Ce qui lui serait le plus ennuyeux serait que le transporteur se fasse surprendre par l’Empire avant d’arriver à destination, pas pour lui, mais pour la perte de temps et de moyens que cette arrestation procurerait.

– En bonus, j'y adjoins un pistolet disrupteur pour votre usage personnel. Avez-vous un lieu en tête, pour le lieu de livraison ?

– Oui, je vous ferai parvenir les coordonnées au moment voulu.

Elle restait prudente, se sachant surveillée et sachant surtout que ses actions ne seraient pas acceptées par la rébellion. Tout en buvant un peu, décontractée en apparence, elle vit du coin de l’œil un officier impérial entrer avec deux stormtroopers, interroger vaguement le maître des lieux, avec une attitude donnant à douter de leur réelle implication dans ce travail. Elle attendit patiemment qu’ils sortent, sirotant son verre durant ce temps sans plus parler. Ils avaient fait un peu le tour du bar, sans prendre la peine de vérifier les visages des clients pour ceux, comme elle, qui portaient des voiles ou des masques cachant en partie leurs traits. Une fois partis, la jeune femme reporta son attention sur son vis- à vis, un léger sourire aux lèvres. Pour une fois qu’elle pouvait faire des affaires avec une personne sans qu’on ne vienne l’assommer avec la morale, c’était très agréable.

– Nous aurons besoin d’autres choses par la suite. J’imagine que vous avez un moyen de vous contacter facilement, le cas échéant ?

– Il vous suffira de faire parvenir une message à cette adresse en signant du nom de ... Amidala ? Oui, ça sonne bien.

Très drôle. Il ne pouvait pas le savoir, évidemment, mais c’était le genre de petits détails qui avaient le don de l’agacer. Si autrefois, elle avait été triste de ne rien savoir de sa mère biologique, aujourd’hui, elle regrettait d’avoir appris la vérité sur ses parents. On ne peut pas choisir sa famille, comme on dit, c’était comme ça. Bref. Elle récupéra le datapad qu’il lui fournit, le glissant dans un petit sac en bandoulière qu’elle conservait caché sous les foulards amples et colorés qui la couvraient et cachaient aussi certaines de ses armes. Même sur Naboo, la prudence était de mise, quoi qu’elle savait ne pas risquer la mort si elle se retrouvait face à face avec l’Empereur. Il serait même plus simple, en étant prisonnière sur Coruscant, de le rencontrer en secret pour s’entraîner, personne ne pourrait jamais rien en savoir.

– Précisez que c'est pour le dragon, il comprendra et saura me faire parvenir votre message. Je pense que nous en avons terminé, à moins que vous ne souhaitiez autre chose ?

– Pour le moment, non. Nous verrons, par la suite, comment pousser plus loin, si cette première affaire se déroule bien.

Elle était au moins satisfaite par ce qu’il avait été capable de proposer, un bon engagement pour ce qu’elle prévoyait de faire ensuite. Une fois les derniers arrangements pris, elle termina rapidement son verre et se leva, en lui disant qu’elle le recontactera plus tard. D’ici là, elle se couvrit à nouveau en grande partie le visage, ne laissant voir que les yeux, avant de quitter le bar et retrouver ses quelques gardes du corps. Au-dehors, la vie poursuivait son cours comme si rien dans la galaxie ne pouvait la perturber, ni guerre, ni pandémie atroce, ni rien. C’est ce qu’elle aimait, sur cette planète, ce flegme apparent, cette sensation que tout allait très bien même si chacun savait que c’était faux. Un sourire sincère éclaira son visage, sous le voile, pendant qu’elle marchait tranquillement pour aller retrouver leur vaisseau. Un très bel endroit où elle aurait pu naître et grandir, sans les troubles et la guerre… L’existence aurait sûrement été plus simple ou plus calme...