Voilà quinze ans tout pile que le Miraluka était venu sur Copero pour la première fois, jour pour jour, et il tenait absolument à fêter cet événement, même si Sogua ne voyait pas tellement l’intérêt, pour sa part. Dean était toujours comme ça, pour lui, tout était prétexte à s’amuser ou faire la fête, en-dehors de son travail, on ne pouvait pas dire qu’il était d’un naturel très sérieux. Ils étaient assis tous les deux sur le toit à demi-plat de la maison, pour profiter des derniers rayons du soleil de la journée, un verre à la main, et un long manteau à capuche pour Dean car il faisait très froid, à cette période de l’année. Dean dissertait sur la fête qu’il envisageait, tout sourire, tout en buvant.

"Ça fait aussi quinze ans qu’on se connaît, c’est un événement, tu vois ?"

"Pas vraiment, en réalité. A quoi ça sert de fêter ça ?"

"Fais pas ton rabat-joie ! Ça sert à se détendre, s’amuser, passer un bon moment, et pas juste penser travail en permanence."

Oui, peut-être, admettons. Il haussa vaguement les épaules, pas spécialement convaincu, mais si Dean était heureux de prévoir une fête, pourquoi pas ? Il discutait de tout et de rien tout en observant le soleil se coucher, derrière la cime des montagnes. Une pause sur son monde natal entre deux phases de missions sur Csilla. Il y avait tellement à faire là-bas que ça lui donnait le tournis, très souvent, et il était encore incapable de dire à quoi allait ressembler leur ville dans quelques années. Un tel chantier, c’était… Comme une grande renaissance. Il reposa son verre plus haut puis s’allongea sur le toit, pour mieux observer le coucher de soleil, les bras repliés sous la tête en guise d’oreiller. A l’aube, retour au travail, mais d’ici-là, il comptait bien en profiter.

C’est en voulant se redresser pour se mettre dans une autre position qu’il eut d’un coup un violent vertige. Il se sentit tomber, littéralement, tendant la main pour attraper celle de Dean qui avait bondit vers lui, puis il perdit la vue, le contrôle de ses sens, tout. Il chuta dans une sorte de trou noir puis se perdit complètement. Il dû s’évanouir, sans doute… Lorsqu’il reprit lentement ses esprits, yeux clos il ressentit d’abord la dureté du sol, sous lui, et de grosses courbatures dans tout le corps. Sa première pensée fut qu’il était tombé du toit, qu’il s’était peut-être blessé, mais Dean devait être tout près. Il rouvrit enfin les yeux, pour voir à quelques centimètres de son nez des… pieds en armure blanche ? Quoi ? Relevant un chouïa les yeux, il cru d’abord qu’il était devenu fou et avait des visions. C’était quoi ces types, d’où ils sortaient ?!

Ils braquaient sur lui des fusils d’un genre que Sogua n’avait jamais vu, même dans les archives et documents leur étant parvenus sur les autres peuples de la galaxie. Et ils parlaient en Basic… Là, c’était clair, il avait dû un sale coup sur la tête et devait rêver.

"J’hallucine, c’est ça ? Qui êtes-vous ? D’où sortez-vous ?"

Depuis quelques jours, sur l’Holonet, les nouvelles campagnes de promotion visant à remplir les académies impériales tournaient en boucle, à tel point que Gilad commençait sérieusement à avoir la nausée dès lors qu’il en entendait les premiers mots. La Royale Impériale de coruscant tenait une place de choix, pour son anniversaire, on voyait même plusieurs interviews d’anciens élèves, devenus hauts officiers un peu partout dans toute la galaxie. Agacé, Gilad marmonna à un de ses hommes, dans la salle de travail, d’éteindre ce fichu écran, merci bien. Où en étaient-ils ? Il était bon de se tenir informé, soit, mais se faire passer en boucle ce genre de messages, merci, ça ira très bien comme ça. Il se pencha sur les premiers rapports transmis par les équipes diplomatiques, avec une petite équipe.

Un incident avait touché l’équipe du lieutenant-colonel Vanto et du sergent Ferguson, un incident qu’ils avaient d’ailleurs tardé à faire remonter. Curieux, venant de leur part… Enfin, non, pas vraiment, puisque le lieutenant-colonel avait visiblement pris la fâcheuse manie de ne pas demander aussitôt de l’aide lorsqu’il en avait pourtant besoin, il fallait toujours qu’il tergiverse. Alors qu’ils en étaient en plein travail, un autre de ses hommes entra tout à coup en coup de vent dans la salle de réunion sans s’annoncer, disant très vite qu’il y avait eu un problème au niveau des salles des machines, avant que le capitaine ne puisse lui reprocher cette intrusion. Quel genre de problème ? Son subordonné eut un air légèrement égaré puis annonça qu’un homme était soudainement apparu de nulle part, évanoui par terre, près de l’hyperdrive.

Un homme bleu aux yeux rouges allongé par terre, perdu, sorti de nulle part ? Gilad eut un long temps d’arrêt, avant de longuement soupirer, en se frottant les yeux. Ici, sur le Chimaera…. ? Ces failles pouvaient aussi amener des personnes au milieu de leurs vaisseaux ?! Ils parlaient l’autre jour de tous les problèmes parfaitement imprévisibles causés par ces failles, en voilà un de plus ! Bon, soit. Il se leva avec un soupir de plus, puis se rendit au niveau voulu, réfléchissant en route à ce qu’il allait dire. Comment expliquer ces failles… ? Il n’avait pas de Jedi sous la main pour le faire à sa place, c’était très embêtant. Et en ignorant complètement à qui ils auront à faire… Leur passager clandestin avait été assit dans un petit bureau, encadré par les stormtroopers et les mains menottées devant lui. Pellaeon s’approcha, en le détaillant, regrettant que l’amiral ne soit pas là. Parlait-il au moins le Basic ?

"Bonjour à vous, je suis le capitaine de ce vaisseau. Comprenez-vous notre langue ?"

Il semblait jeune, en tout cas bien plus que l’amiral, dans la posture ou simplement la finesse du visage… Un visage marqué par des cicatrices lui dévorant la joue. Pourvu qu’il parle au moins le Basic…

Les types en blancs l’avaient relevé de force, puis lui avaient menotté les mains avant de le traîner plus loin, dans une sorte de bureau. Encore beaucoup trop hébété et perdu pour réagir, le jeune homme ne s’était même pas défendu ni débattu, se contentant de se laisser faire lorsqu’on le poussa assis sur une petite chaise en lui disant de ne pas bouger. Ça n’allait pas du tout. Il ne reconnaissait absolument rien, se doutant juste qu’il était sur un vaisseau, et la Force… La Force avait… Elle n’était plus là ! Plus rien, il ne la ressentait plus du tout, comme si une sorte de barrière l’empêchait de se lier à elle. Un sentiment très désagréable, voire malsain, c’était comme si on lui avait ôté un de ses sens, il se sentait complètement démuni. Jamais encore il n’avait eu un ressenti pareil et ça s’ajoutait au stress de la situation.

Ces hommes, il ne les avait jamais vu. Ces machines vues sur le chemin, il ne les connaissait pas non plus. Ces armes qu’ils portaient lui étaient tout autant inconnues. Même les menottes qu’on lui avait passé ne ressemblaient pas à ce qui se faisait dans la galaxie. Du calme, il y avait forcément un explication logique, il était tombé chez lui et avait atterri… Dans un vaisseau… Où était la logique, là-dedans ? Il attendit, en silence, jusqu’au moment où un type avec un uniforme dont il ne reconnaissait pas l’affiliation vienne à son tour dans le bureau. Un Humain, un peu âgé, comme les autres qu’il avait vu. Et qui lui dit une phrase dont Sogua ne comprit pas un traître mot. Enfin, si, il se doutait que c’était du Basic, il avait saisi le premier mot, ça voulait dire bonjour. Mais le reste ?

Avec Dean, ils échangeaient toujours en Sy Bisti, ni l’un ni l’autre en s’étaient déjà dits qu’il faudrait aussi utiliser le Basic, pour quoi faire,a près tout, ce n’est pas comme si Sogua s’éloignait assez de l’Ascendance pour en avoir besoin. Dans les secteurs voisins de leur territoire, seul le Sy Bisti était utilisé, rien d’autre. Il regarda donc l’Humain avec un air légèrement perplexe, répondant bonjour en Cheuhn parce qu’il était poli, puis se tut à nouveau. L’un des autres humains, plus jeune que celui qui avait parlé, le fixait d’un air mauvais, ajoutant autre chose, à moitié en criant, que Sogua ne comprit pas plus. Il savait dire bonjour, au revoir et merci, dans leur langue, c’était déjà très bien, non ? Personne ne parlait avec ça, d’où il venait, ce type ne savait pas respecter les cultures des autres ?

"Si quelqu’un parle Sy Bisti, je comprends au moins cette langue," glissa-t-il, en les regardant tous un par un. "Quelqu’un ? Non ?"

Visiblement non. Au moins, maintenant, il était certain d’être loin de Copero, loin de l’Ascendance, voire loin de ses régions natales et voisines de ces dernières. Donc où… Et comment ? Il ne comprenait rien à comment il avait pu se trouver ici, mais ce n’était clairement pas dans le but de les attaquer, il ne savait même pas qui ils étaient.

Il ne comprenait pas le Basic. Bon sang. Et il ne restait plus personne sur ce vaisseau qui sache parler le Sy Bisti non plus, même l’amiral n’était pas là, alors qu’il aurait pu communiquer sans aucun problème. Le capitaine laissa un instant entrevoir une légère déception, avant de lancer un regard noir au commandant à ses côtés qui avait presque insulté le nouveau venu et criait de ne pas se moquer d’eux et répondre. Gilad lui dit un peu sèchement de se calmer, il restait normal que la barrière de la langue se dresse entre eux, dans un tel cas. Bien, voyons voir… Ils n’avaient pas Eli sous la main pour faire la traduction, le sergent était partie également, les droïdes de traduction ne possédaient pas non plus au moins le Sy Bisti. Voilà qui leur compliquait assez la tâche.

Ils ignoraient de quelle époque ce type pouvait bien venir, s’il était conscient d’être sensible à la Force, et si oui, s’il était entraîné ou non. Et entraîné par qui, un Jedi, un Sith, quelqu’un de neutre ? Autant d’indications sensibles et qui pouvaient tout modifier, dans leur réaction. Sa tenue n’indiquait rien de particulier, ça ressemblait à un genre d’uniforme, mais pas à ceux que Gilad avait pu voir lors de la visite des Aristocras Chiss sur Nirauan. Plus de noir ni même l’emblème de l’Ascendance, c’était un bleu-gris léger, avec des tons plus foncés, des petits insignes sur le col, sans plus. Physiquement, s’il était évident qu’il appartenait au peuple Chiss, sa peau était quand même bien plus claire que celle des autres Chiss qu’il avait vu ou même de l’amiral. Un bleu léger, moins soutenu, qui tranchait nettement.

Le temps que l’amiral revienne sur le Chimaera, ça allait prendre du temps. Eli était loin, lui aussi, et en pleine mission. Mais la base de Nirauan, elle, n’était pas si éloignée que cela, là-bas, ils trouveront très facilement des personnes pour établir la communication. D’ici là, sans rien savoir de ce jeune homme, ils devaient garder un œil sur lui, et de près. Il ordonna donc à ce qu’on le conduise dans une petite cabine, et qu’on le garde. Ils allaient voir ça avec la base. Gilad retourna à la passerelle de commandement, ensuite, et fit dérouter le vaisseau vers Nirauan, avant d’établir la communication avec le commandant Parcks, sur place. Lorsqu’il lui établit la situation, il sentit nettement le mélange d’amusement et de lassitude dans la voix de son confrère.

"Il nous faut une personne sur place qui saura établir le contact facilement et surtout expliquer cette affaire, pour ces failles. Je préférerais que l’entretien se déroule sur le vaisseau, pour éviter que ce jeune homme n’utilise ses pouvoirs, au cas où il aurait été bel et bien formé par de mauvaises personnes. En attendant notre arrivée, Trouvez-moi une personne fiable. Et diplomate."

"Entendu."

Ensuite, Gilad rentra une image holographique prise de leur « prisonnier » toute à l’heure, et l’inclue dans un message qu’il adressa à l’amiral Thrawn, en expliquant ce qui venait de se produire, le faire que le jeune homme ne parlait pas un mot de Basic, et qu’ils faisaient route vers Nirauan, pour que qu’un Chiss présent là-bas puisse venir interroger sur le Chimaera le nouveau venu. Dommage qu’il ne soit pas là, ils auraient pu régler ça bien plus vite.

La demande du commandant Parck ne l’avait qu’à moitié surprise, pour être honnête. Voilà déjà un moment que Ewime avait compris l’imprévisibilité de ces failles et que ceux qui en étaient éjectés pouvaient arriver absolument n’importe où. Elle avait aussi bien saisi que même leur peuple n’était pas épargné et que tous devaient se faire une raison, la Force était bel et bien présente, malgré leur rejet. Néanmoins, cela restait plutôt étonnant qu’un des leurs arrive ainsi sur le Chimaera. Il devait être complètement perdu et bouleversé, le pauvre, débarquer ainsi de nulle part, dans un endroit où on ne parlait même pas votre langue ! C’est pour cela qu’elle avait aussitôt accepté de lui parler, pour au moins tenter de le rassurer et lui expliquer au mieux ce qui était arrivé. Elle s’en était après tout déjà chargée avec Thrass, quand bien même ma situation avait été facilitée car les époques n’étaient que peu éloignées et qu’ils se connaissaient l’un l’autre de nom. Ce cas-ci, c’était la grande inconnue, il pouvait venir d’absolument n’importe quelle époque, aussi bien d’un passé éloigné que proche, aussi bien temps de quelques années dans le futur que des siècles plus tard.

Une navette lambda était venue la chercher, à l’arriver du destroyer en orbite de la planète. En chemin, elle se répéta les arguments et données à indiquer, dans l’ordre, comme elle l’avait fait pour Thrass, afin de convaincre son interlocuteur que tout cela était bien réel. C’était ça, le principal problème, une histoire pareille était particulièrement dure à avaler. En arrivant sur le vaisseau, où elle fut accueillie par le capitaine Pellaeon, elle lui demanda s’il avait déjà pu apprendre quoi que ce soit ou non, puis où ils pourront en discuter. Il comptait rester avec eux, dès le départ, non ? Oh, non. Il pourrait, mais s’il comptait d’abord les laisser seuls, d’accord, elle savait de toute manière que la conversation sera sûrement surveillée et écoutée. Il l’escorta jusqu’à un bureau, plutôt agréable, avant qu’on y fasse amener le nouveau venu par les failles. Il était bien jeune, pas même trente ans, selon elle. Pauvre enfant. Elle lui sourit pour le rassurer un peu, tout en le saluant. Puis elle s’assit en l’invitant à faire de même. Grosse cicatrice, sur le visage, il devait sans doute être soldat, pour avoir récolté ça. On dirait de vieilles marques de brûlures.

« Je me nomme Chaf’ewime’asu. Et vous même ? »

Utiliser leur langue natale devrait déjà le mettre un petit peu plus à l’aise, non ? Au premier regard, mis à part son âge et la blessure qu’elle pensait ancienne à la joue, il avait aussi une sorte d’uniforme un peu étrange, qui lui rappelait vaguement les vieilles tenues qu’on trouvait dans les livres d’Histoire. Elle lui donnait entre vingt-cinq et trente ans, environ. Juste plus âgé que ne l’était Feesa.

« Pour commencer, vous n’avez aucune inquiétude à avoir, personne ici ne compte vous faire du mal. Vous devez être perdu, c’est bien naturel. En ce moment, il se passe beaucoup d’événements étranges, car la Force a connu des bouleversements importants, qui ont des impacts sur nous tous. Surtout pour les sensitifs. Alors, dites-moi donc, quel est votre dernier souvenir, avant de vous être retrouvé ici ? Où étiez-vous et occupé à faire quoi ? Vous êtes sans doute soldat ? »

Après quelques échanges, les hommes en armure blanche vinrent de nouveau le prendre par les bras et le tirer avec eux. Il essaya toujours, en vain, de retrouver le contact avec la Force pour les envoyer valdinguer et surtout forcer la serrure de ses menottes. Pourquoi ça ne fonctionnait pas, qu’est-ce qui l’empêchait ?! La Force n’était quand même pas… morte pour de bon ? L’idée était angoissante et il préféra la chasser de son esprit pour le moment, c’était impossible. En chemin, il vit beaucoup d’autres hommes, en armures ou uniformes, un vaisseau qui était… très… Rien ne ressemblait à ce qu’il avait déjà pu voir, c’était à la fois austère et avec un air plus… Comment dire cela… C’était très différent du style habituel des vaisseaux humains, comme il avait pu en observer. Il devait être encore plus loin de chez lui qu’il ne le soupçonnait.

Il y avait aussi des sortes de lézards, un peu partout, un détail encore plus bizarre que tout le reste réuni, à ses yeux. Après un assez long trajet, ils lui enlevèrent ses menottes puis le poussèrent à l’intérieur d’une cabine, avant de refermer la porte dans un lourd claquement derrière. Sogua se frotta les poignets en regardant partout autour de lui, toujours aussi perdu. Il n’était pas un soldat de terrain, ni un pilote, ni quoi que ce soit, et ne s’était jamais retrouvé dans une situation pareille. Pire encore, il n’avait pas non plus son sabre avec lui, l’arme était toujours en pièces détachées au fond su sac qu’il aurait dû emmener avant de repartir pour Csilla. Et la Force avait disparu. Il n’avait pas pour habitude de paniquer, mais là, on pouvait dire que c’était la merde. Le petit communicateur qu’il portait en bracelet au poignet se contentait de grésiller légèrement, quand il voulait l’activer, rien de plus.

Où ces types voulaient-ils l’emmener, à présent ? Et pourquoi ? Comment avait-il pu atterrir ici ? C’était tellement impossible ! C’était une mauvaise blague, une sorte de test, pour voir comment il réagissait dans ce genre de situation ? Il voyait mal quiconque s’amuser à organiser ça, si encore il était membre de la Flotte de Défense, d’accord, mais ici… Il avait beau retourner la situation dans tous les sens, le seul constat à faire était qu’il était coincé. Sans armes, sans la Force, sur un vaisseau inconnu visiblement très bien rempli et en pleine course, il se doutait n’avoir aucune chance. Si au moins il pouvait manier la Force, ce serait très différent. Elle restait désespérément inaccessible, jamais il n’aurait pensé qu’elle lui manquerait à ce point.

Il s’écoula du temps, quelques jours environ, avant que les types en blanc ne reviennent le chercher. Quand ils déboulèrent dans la cabine, Sogua était à moitié endormi, l’esprit hanté par de trop nombreuses questions encore sans réponses. On l’emmena cette fois-ci dans un autre bureau, un peu plus grand et moins oppressant, où il découvrit avec surprise une femme de son propre peuple. Que… Très surpris mais soulagé, il s’assit face à elle, puis perdit rapidement son sourire en la regardant mieux. Elle n’avait jamais vu le soleil de sa vie, ou quoi ? Sa peau était d’un bleu bien plus foncé que la sienne, comme si elle, ses parents et grands-parents avaient toujours vécu sans voir la lumière naturelle ou très peu. Mais au moins, ils parlaient la même langue… Ou presque, allons-nous dire. Les tons, accents et manières étaient différents…

"Je me nomme Chaf’ewime’asu. Et vous même ?"

"Bres’ogu’aynik…"

Il ne saurait pas dire à laquelle des quatre familles régnantes elle était reliée. Mis à part les petites différences physiques, surtout la teinte de la couleur de peau très marquée, et le langage, ils étaient du même peuple, c’était certain. La tenue qu’elle portait ne lui donnait pas vraiment d’indices supplémentaires, c’était une robe à l’aspect plutôt commun, comme en portaient beaucoup de femmes dans le civil. En tout cas, il la trouvait très belle, un visage à en faire rêver plus d’un, surtout avec ce sourire.

"Pour commencer, vous n’avez aucune inquiétude à avoir, personne ici ne compte vous faire du mal. Vous devez être perdu, c’est bien naturel. En ce moment, il se passe beaucoup d’événements étranges, car la Force a connu des bouleversements importants, qui ont des impacts sur nous tous. Surtout pour les sensitifs. Alors, dites-moi donc, quel est votre dernier souvenir, avant de vous être retrouvé ici ? Où étiez-vous et occupé à faire quoi ? Vous êtes sans doute soldat ?"

Soldat, pourquoi soldat ? Il ne… Ah oui, sa cicatrice. Il y porta la main par réflexe avant de le reposer sur ses genoux, secouant la tête en disant que non, il n’avait aucun lien avec l’armée. C’était quand même courant de croiser des personnes avec ce genre de traces, non ? Il y avait eu tellement de morts mais aussi tellement de blessés. Et qu’est-ce que ça voulait dire, des bouleversements importants, que se passait-il ? Il s’était passé autre chose dont il ne se souvenait pas, après être tombé, il y avait eu un drame ou… Mal à l’aise, il mit un petit moment avant de répondre. C’était comme se retrouver dans le cabinet d’un médecin, à l’hôpital, qui vous parlait doucement et gentiment avant de vous annoncer une nouvelle grave. C’était peut-être d’ailleurs ça, cette femme était psy et le préparait à entendre un malheur ?

"J’étais simplement chez moi, sur Copero, avec un ami. C’était le soir, je prenais une pause en famille avant de retourner sur Csilla pour les travaux. Il n’y avait rien de… Enfin, de très particulier. Vous savez bien comment est la pression, en ce moment, c’est devenu presque habituel, et je sais bien qu’il faut aussi faire attention, ne pas vouloir aller trop vite, tant que nous ne sommes pas sûrs que la grotte pourra tout supporter."

Il essayait surtout de la convaincre que mentalement, ça allait très bien, que même s’il avait sans doute pris un coup sur la tête en tombant, il allait bien tout de même. Parce que ça aussi, c’était arrivé à pas mal de personnes, qui s’étaient mises tant de pression pour la reconstruction de la ville qu’elles en développaient des maladies liées au stress.

"Et donc quel est le problème avec la Force ? Je ne comprends pas du tout comment j’ai pu arriver de chez moi à ici, comme ça… Je me souviens d’avoir fait une chute, comme tomber dans un gouffre, puis plus rien."

Donc il n’était pas du tout soldat, il avait dû récolter ces marques dans un accident, peut-être, elle le découvrira sans doute plus tard. D’ici là, elle tâchait de conserver à la fois une posture et un air rassurant, voyant bien qu’il était très mal à l’aise et sur les nerfs. Il s’écoula un moment avant qu’il ne reprenne la parole, à voix basse, dans leur langue natale. Il venait donc de Copero, la planète de la famille Mitth. C’était la suite qui étonna un peu la jeune femme. Des travaux sur Csilla pouvant vous mettre une pression abominable ? Des gros chantiers, il y en avait régulièrement, mais aucun ne vous imposait une telle pression, pourtant. Elle fouilla rapidement dans sa mémoire pour en ressortir les derniers gros chantiers connus sur la capitale. La construction des nouvelles voies de communication entre quelques villes souterraines, pour les relier à Csaplar, la rénovation du Parlement, les consolidations habituelles de la grotte principale… Il n’existait pas de pression particulière sur un chantier ou un autre, ces dernières années. Il devait être issu d’un temps futur ou bien d’un passé plus lointain que ces quarante dernières années.

« Et donc quel est le problème avec la Force ? Je ne comprends pas du tout comment j’ai pu arriver de chez moi à ici, comme ça… Je me souviens d’avoir fait une chute, comme tomber dans un gouffre, puis plus rien. »

On arrivait à la partie la plus délicate de toute cette affaire. Ewime perdit en partie son sourire puis prit une profonde inspiration, en lui disant tout d’abord que ça allait sûrement lui paraître complètement fou, mais qu’il devait garder en tête qu’avec la Force, tout pouvait arriver. Tout en posant cette entrée en matière, elle remarquait d’autres petits détails physiques le différenciant. S’il avait lui aussi les yeux d’une teinte rouge, c’était là encore moins prononcé qu’avec eux, un rouge moins forcé, où se reflétait une lumière plus claire quand il bougeait la tête. Cela lui donnait un air un plus doux que beaucoup d’autres, même si ça devait aussi être dû à son jeune âge. Mais bref, elle cessa de chercher les différences physiques pour plutôt se concentrer sur l’essentiel de cette histoire, à savoir le saut temporel. D’abord parler de la Force et de ses quelques ennuis, sans rentrer dans les détails car elle n’était pas encore très à l’aise sur le sujet, en s’appuyant sur ce qu’elle avait déjà pu apprendre ou observer. Une première étape nécessaire avant de passer à la suite et le cœur du sujet.

La première difficulté à surmonter était bien évidemment l’incrédulité. Une histoire pareille était beaucoup trop grosse à avaler pour qui que ce soit l’accepte du premier coup. Et en ignorant de quel temps exactement il venait, c’était encore plus compliqué. Elle utilisa donc la même technique qu’avec Thrass, apporter des preuves concrètes qu’elle ne se moquait pas de lui, en pointant ou montrant tout ce avec quoi on ne pouvait pas tricher. La technologie, bien évidemment, en premier lieu, qui était la plus concrète et la plus palpable de toutes les preuves. Et c’est en passant sur ce sujet qu’elle nota très vite qu’elle perdait de plus en plus son jeune interlocuteur. Elle lui montrait l’image d’un simple vaisseau holographique, un vaisseau récent utilisé pour le transport, et il semblait découvrir une autre univers. Il venait de si loin que ça ? Elle préféra s’interrompre dans ses explications, pour le laisser souffler et retrouver ses esprits. Puis elle parla, d’un ton plus doux et lent, de l’Ascendance, disant que leur peuple était établi depuis très longtemps sur Csilla, ou plutôt dessous, dans plusieurs villes dont la plus importante était Csaplar. Les émotions qu’elle lisait sur son visage la conforta dans son opinion.

« J’imagine que vous devez venir de très… loin. Vous avez bien connu Csilla, n’est-ce pas ? »

Ça commençait mal. Très mal. Lorsqu’une personne débutait en vous disant d’abord que ça allait lui paraître dingue, tout en perdant le sourire et avec un air très crispé, ça commençait extrêmement mal ! S’attendre au plus fou avec la Force, hein ? Présentement, il s’attendait surtout au pire ! Du genre une autre attaque, encore plus violente, qui avait cette fois complètement décimé les leurs, l’Ascendance détruite ou tombée par il ne savait quel mauvais tour de la Force, ou bien… Il ne savait pas, mais un drame de cet acabit. Son rythme cardiaque s’était déjà un peu accéléré, en attente de la suite, il s’attendait à ce qu’elle parle de guerre, mais non, elle en resta bien sur la Force elle-même, pour… Sogua aurait pu l’interrompre et lui demander si elle n’était pas cinglée, si elle n’avait pas enchaîné avec d’autres éléments plus concrets et tangibles.

Il avait toujours cru s’être habitué aux chocs possibles ou à la pression, ce n’était que maintenant qu’il réalisait qu’il n’était habitué à rien du tout. La réaction la plus évidente et qui s’imposait la première était bien évidemment le refus d’y croire, une histoire pareille était juste impossible ! Et pourtant, il ne pouvait pas nier ce qu’il avait sous les yeux, que ce soit les différences physiques flagrantes entre eux deux, pourtant du même peuple, la différence de langage, certains mots qu’il ne comprenait tout simplement pas alors qu’il s’agissait de sa langue natale, les objets usuels en très grande partie inconnus, les armes également, le vaisseau qu’elle montra, supposé appartenir aux leurs, qu’il n’avait jamais vu non plus. Posant une main contre sa bouche, il inspira légèrement pour chasser la nausée battement et calmer les battements de son cœur, devenus hiératiques.

Lorsqu’elle parla des villes établies sous les glaces de Csilla, qu’elle parla de Csaplar comme d’une ville bien entière, vivante et animée, remplie d’habitants, ce fut comme une sorte de coup de grâce. Il voulut parler, dire que c’était impossible, seul un faible souffle franchit la barrière de ses lèvres, tandis qu’il rebaissait la main. Des failles de la Force…. Ce n’était pas… Il se redressa en tremblant, contre le dossier du siège, jetant un vague regard autour d’eux. Les autres humains devaient sûrement les observer et écouter, un détail qui ne lui faisait plus ni chaud ni froid. Combien d’années… Des dizaines ? Des centaines ? Des… milliers?Il se sentait bizarre, là. La nausée très forte, chaud et froid en même temps, avec l’impression de moins bien entendre et percevoir ce qui arrivait autour de lui.

"J’imagine que vous devez venir de très… loin. Vous avez bien connu Csilla, n’est-ce pas ?"

Oui… Il hocha faiblement la tête, beaucoup plus occupé à respirer calmement qu’à essayer de réfléchir et penser autre chose que « c’est impossible » en boucle. Inspire, expire, tout va bien, tout va très bien. Ça pourrait être pire que ça, non ? Dans un geste nerveux, il glissait le bout du pouce contre le bas de sa cicatrice, se mordant les lèvres jusqu’au sang. On lui avait appris à concevoir des plans de construction, à se battre au sabre, manier la Force, mais jamais à gérer ça. Jamais, au grand jamais, Dean ne lui avait parlé d’un truc pareil.

"Csilla a été dévastée," dit-il enfin d’une voix légèrement plus rauque. "La Flotte de Défense a été écrasée et ils sont arrivés. La ville a été détruite, les habitants massacrés… Même l’air était devenu irrespirable en surface, puis le froid est venu… D’année en année… C’est un désert de glace et de neige qui a recouvert ce qui restait de Csaplar et des autres villes."

Il en était encore malade, à y repenser. Il avait perdu la moitié de sa famille dans ce massacre et d’autres avaient perdu beaucoup plus. Tout cela avait beau s’être déroulé il y a vingt-trois ans de ça, il en avait encore les larmes aux yeux lorsqu’il y repensait. Il remit la main contre son visage, prenant une minute pour souffler et se reprendre.

"Si l’Ascendance tient toujours… ça veut dire que nous avons réussi ? La vie est revenue sur la planète ?"

Sans doute n’aurait-elle pas dû tout lui dire d’un seul coup, dans le même temps, comment aurait-elle pu « couper » cette affaire en deux ou en trois parties ? Ce n’était pas un roman, pour qu’il comprenne puis accepte la situation, il fallait bien qu’il entende tout en une seule fois. Mais il le prenait vraiment très mal… A sa place, elle l’aurait aussi vraiment mal pris, cela dit… Il n’allait pas s’évanouir, n’est-ce pas ? Sa main glissa contre le bouton d’appel d’urgence, hésitant à appuyer dessus directement. Ils étaient surveillés, filmés aussi même, les hommes de l’équipage allaient le voir aussitôt, si leur invité imprévu s’évanouissait. Un très fin filet de sang lui coulait sur le menton, tant il se mordait les lèvres, il avait vraiment la tête de celui qui luttait pour rester conscient et maître de lui. Est-ce que cela… ira ? Elle chercha du regard quelque chose pour le remonter un peu, au minimum un verre d’eau ou elle ne savait quoi, mais il n’y avait rien, dans ce bureau. S’il faisait mine de tomber, elle appellera aussitôt de l’aide, apprendre qu’on avait sauté dans le temps, elle concevait bien que ça choquait profondément.

« Csilla a été dévastée. La Flotte de Défense a été écrasée et ils sont arrivés. La ville a été détruite, les habitants massacrés… Même l’air était devenu irrespirable en surface, puis le froid est venu… D’année en année… C’est un désert de glace et de neige qui a recouvert ce qui restait de Csaplar et des autres villes. »

Un long frisson secoua la jeune femme, écarquillant légèrement les yeux, choquée à son tour. Il venait de si loin… Il avait connu la venue de l’ère glaciaire ? Mais ça remontait à des milliers d’années ! Elle n’était même pas certaine du chiffre exact, tant c’était ancien. Et… Une minute, ils avaient toujours pensé que l’ère glaciaire était venu suite à une catastrophe naturelle ou un dérèglement naturel, à la chute d’une pluie de météorites ou autre chose du même genre. Pas à une attaque… Qui s’en était pris à leur peuple ? Au point de si profondément dévaster la planète ? Les larmes montaient aux yeux du jeune homme, alors qu’il se cachait en partie le visage avec la main. Donc c’était ça qu’il avait évoqué plus tôt, le « gros chantier », et la pression allant avec. Si ce n’était pas une catastrophe naturelle qui avait rendu Csilla ainsi, ça remontait pas mal de points en cause. Les menaces présentes dans les Régions Inconnues il y a des milliers d’années n’étaient certainement pas les mêmes qu’aujourd’hui, elle serait incapable de dire quel peuple était parvenu à balayer la Flotte de Défense.

« Si l’Ascendance tient toujours… ça veut dire que nous avons réussi ? La vie est revenue sur la planète ? »

« Oui, bien sûr. Il y a plusieurs villes qui ont été construites sous les glaces, Csaplar est la plus grande, bien sûr, c’est un endroit magnifique. Et bien préservé, aujourd’hui. »

S’il venait d’une période aussi lointaine, ça expliquait les différences physiques comme les différences de langage. Se retrouver face à face avec une personne qui avait connu l’arrivée de l’ère glaciaire, qui avait vu la vie en surface de Csilla avant que tout ne sois perdu, ça ne représentait pas rien. Mais une attaque ? C’était une attaque qui avait dévasté leur planète… De leurs jours, ils avaient des ennemis très puissants, pourtant, leur peuple était préparé, les armes et la technologies avaient évolué, plus aucun de leurs mondes et colonies n’avaient essuyé des attaques de très grande ampleur depuis très longtemps. Elle choisit de ne pas demander de suite qui avait attaqué, son interlocuteur était à bout de nerfs, pour le moment. Par ailleurs, dire à un survivant de ça que ses descendants avaient oublié la cause réelle de la destruction de toute vie à la surface de leur propre monde… Inutile d’enfoncer encore le clou sur ce sujet.

« Avez-vous déjà conscience d’être sensible à la Force ? »

"Oui, bien sûr. Il y a plusieurs villes qui ont été construites sous les glaces, Csaplar est la plus grande, bien sûr, c’est un endroit magnifique. Et bien préservé, aujourd’hui."

Ils avaient tous réussi. Ça n’avait pas été la fin de l’Ascendance. Sogua sourit faiblement en s’essuyant les yeux, encore tremblant. Elle ne devait pas réaliser à quel point cette simple information était précieuse, pour lui, ça signifiait que leur peuple avait pu retrouver un abri sûr, que malgré tous les troubles et tourments, ils avaient su relever la tête et avancer, ça voulait dire qu’un avenir était possible. Ça voulait dire, plus que tout, qu’ils avaient perdu une bataille mais pas la guerre. S’il voulait comprendre vraiment ce qui arrivait, il devra savoir combien d’années exactement s’étaient écoulées depuis et surtout, ce qui était arrivé aux Chiss durant cette période. S’ils étaient libres et indépendants, aujourd’hui. Il laissa retomber sa main contre lui, toujours nauséeux. Un voyage dans le temps, rien que ça… Et dire qu’il s’était seulement attendu au pire.

"Avez-vous déjà conscience d’être sensible à la Force ?"

"Évidemment, ce n’était pas comme si c’était rare de trouver quelqu’un qui le soit. Tout le monde ne s’entraîne pas, mais bon, c’est facile de réaliser qu’un enfant l’est."

Drôle de question. Comment pourrait-on ignorer sa sensibilité à la Force ? Des sensitifs, il y en avait un petit nombre et les jeunes qui l’étaient se faisaient généralement bien vite repérer par leurs aînés. Dans son propre cas, il n’avait pas été décelé par les siens mais par Dean, ce qui revenait au même puisqu’il avait eu une personne auprès de lui pour s’entraîner. Il y avait juste à faire attention, Copero acceptait bien ce phénomène mais ce n’était pas le cas partout, il y avait pas mal de colonies où ce pouvoir faisait grincer des dents. Il ajouta à haute voix que ce n’était pas un don bien apprécié partout, mais que sa planète natale accueillait plus de personnes sensitives, formées ou non, que d’autres. Une autre mentalité, somme toute, par contre, jamais personne ne leur avait dit que la Force pouvait aussi créer de tels troubles.

Il réalisait peu à peu, ou plutôt intégrait peu à peu, qu’il ne rêvait pas, que tout ça était bien réel. La pire histoire de fous connue de sa jeune vie. C’était comme ça qu’il devait débuter la majorité et la vie d’adulte ? Et bien, il ne se sentait pas prêt du tout. Il aurait tant aimé que Dean soit là, auprès de lui, pour se rassurer, lui demander s’il avait déjà vu des affaires pareilles, et si ça pouvait s’arranger. Qu’allait-il faire, maintenant ? Si personne ne savait comment on pouvait rentrer chez soit après un saut pareil ? Ils étaient coincés ici ? Pour y devenir quoi ? Ils ne… rentreront jamais chez eux ? Cette idée le terrifiait. Il serra les bras autour de lui comme pour se protéger de ce nouveau monde, la tête tournée vers son interlocutrice mais le regard perdu dans le vague. Toute une attitude qui criait « ça suffit, laissez-moi tranquille ».

"Et maintenant ? Vos amis humains, là, ils comptent me garder prisonnier ici ? Je n’ai pas voulu atterrir comme ça dans leurs jambes, initialement."

« Évidemment, ce n’était pas comme si c’était rare de trouver quelqu’un qui le soit. Tout le monde ne s’entraîne pas, mais bon, c’est facile de réaliser qu’un enfant l’est. »

Facile ? Pour eux, das le temps, peut-être, mais clairement pas de leurs jours. Il ajouta que ce n’était pas très apprécié partout, pour autant, elle ne ressentait pas dans sa voix le rejet, voire la haine, caractéristique des personnes lorsqu’elles parlaient de la Force, que ce soit sur Csilla ou ailleurs. Aucune peur, aucun rejet, aucun dégoût, il en parlait comme d’un pouvoir peu aimé mais pourtant… Qui semblait reconnu, accepté, en grande partie. Ewime avait tellement de questions à lui poser, mourant d’envie de l’interroger sur la période d’où il venait, en détails, tout en était assez intelligente pour ne pas le faire dans l’immédiat. Il était mal et ça se voyait, son but n’était pas de le rendre encore plus malade alors qu’il devait déjà digérer un bond temporel aussi impressionnant. On était très loin de maximum une centaine d’années dont ils avaient entendu parler… Ici, on ne parlait même pas de plusieurs siècles mais de plusieurs millénaires. Vécu par un jeune homme qui avait à peine l’âge d’être considéré comme un adulte. Elle ne pouvait pas imaginer ce qu’il pouvait penser ou ressentir en cet instant précis.

« Et maintenant ? Vos amis humains, là, ils comptent me garder prisonnier ici ? Je n’ai pas voulu atterrir comme ça dans leurs jambes, initialement. »

« Je ne sais pas. Mais je comprends bien que vous n’avez pas choisi d’arriver ici. Aucun des sensitifs ne peut choisir son lieu d’arrivée. »

Si c’était le cas, Feesa aurait choisi une autre destination que le Palais Impérial, face à Plagueis. Elle lui fit donc un sourire rassurant puis se leva, en lui disant qu’elle revenait. Sortant du bureau, elle trouva effectivement dans la pièce juste à côté l’équipe du capitaine, et ce dernier, qui surveillaient tout grâce aux caméras. Ewime se mit un peu sur le côté avec le capitaine pour lui faire un résumé de ce qu’elle avait appris, étant donné qu’aucun d’entre eux n’avaient pu comprendre un traître mot de ce qui s’était dit. Encore peu de choses, c’est vrai… Elle ne saurait, par exemple, pas dire de quel côté de la Force il penchait, s’il était neutre, obscur ou lumineux. Ignorant le contexte de l’époque et qui avait bien pu l’entraîner… Elle donna en revanche son nom, les quelques données récoltées sur l’époque d’où il venait, tout en l’observant du coin de l’œil sur un des écrans. Selon elle, mais ce n’était qu’une estimation, il devait avoir entre vingt-cinq et trente ans. S’il avait débuté un entraînement jeune, il était clair qu’il pourrait se sauver d’ici bien vite, sans la présence de tous les ysalamiris.

« Pousser plus loin aujourd’hui ne me paraît pas très productif. Le saut das le temps qu’il a fait est équivalent à plusieurs millénaires, le début de l’ère glaciaire de notre planète date d’il y a 5 000 ans et quelques. Que comptez-vous faire de lui ? »

Les armes de ses hommes étaient réglé sur le mode paralysant, au cas où, même si le capitaine avait un doute sur le fait que leur « invité » tente quelque chose, on ne pouvait pas être sûr de rien. Il ne pouvait comprendre un mot, un seul, de cette conversation, un détail pour le moment, plus soucieux de garantir la sécurité de la demoiselle lors de l’entretien. Le tout était enregistré, filmé également, leur invité était observé sous toutes les coutures, mais il ne semblait pas avoir remarqué la présence des caméras pour autant. L’une d’elle, braquée sur son visage, analysait les émotions qu’il y laissait transparaître, et contrairement aux autres Chiss que Gilad avait pu rencontrer, il en laissait paraître sans peine. Le choc, principalement, l’incompréhension, parfois, une légère part de peur, de panique… Un état général qui reflétait un malaise de plus en plus profond.

Lorsque la jeune dame en termina, elle vint les rejoindre dans la petite pièce servant à la surveillance. Il s’écarta avec elle afin d’entendre son rapport et ce qu’elle avait pu apprendre pour le moment. C’était peu mais au moins une première base. Un nom, s’il n’avait pas menti sur ce point, un âge approximatif, le temps d’où il venait. Le capitaine tiqua sur le chiffre, il n’avait pas encore entendu parler d’être venus de si loin dans le temps, les plus « anciens » étaient ceux arrivés d’il y a trois millénaires, pas cinq milles. Et s’il savait parfaitement être sensible à la Force, on pouvait penser qu’il avait été entraîné. Par qui et comment ? Ils l’ignoraient encore. Gilad retourna la tête vers un des écrans de surveillance, pensif. Il leur serait tellement plus facile et simple de n’avoir pas à se soucier de ces failles.

"Pousser plus loin aujourd’hui ne me paraît pas très productif. Le saut dans le temps qu’il a fait est équivalent à plusieurs millénaires, le début de l’ère glaciaire de notre planète date d’il y a 5 000 ans et quelques. Que comptez-vous faire de lui ?"

"Pour le moment, peu de choses. Nous ne pouvons pas nous permettre de le relâcher sans savoir, au minimum, par qui il a été entraîné et pourquoi. Selon ce que vous nous avez dit, même si à son époque, la Force ne semblait pas autant rejetée, il aurait pu être manipulé par un Sith."

Ces bêtes-là existaient depuis toujours, tout comme les Jedis, et il aurait tout sauf idiot de prendre un gamin dans telle ou telle communauté pour ne faire un espion à leur solde. Tant qu’il n’avait pas plus d’informations sur le mentor de ce garçon, il ne le laissera pas en liberté. Il était néanmoins d’accord que pousser encore et encore aujourd’hui ne leur apportera rien. A présent, que faire ? Le garder prisonnier ici sonnait le plus évident, pour un sensitif entraîné, néanmoins, le vaisseau était amené à se déplacer, alors à moins d’emmener Ewime ou un autre traducteur avec eux… Sinon, le laisser sur place, dans la base de Nirauan, et confier la suite de l’affaire au commandant Parck. Ils laisseront quelques uns des Ysalamiris comme gage de sécurité. Ce sera bien, comme solution, faute de mieux.

"Vous avez signalé que sa planète natale était Copero, n’est-ce pas ? S’il vous plaît, contactez les vôtres, demandez-leur s’ils acceptent de faire des recherches. On ne sait jamais, certains sensitifs restent longuement connus dans l’Histoire. Ou fichés, tout simplement."

Il doutait sincèrement que ce peuple accepte, après tout, ils avaient refusé la coopération avec Nirauan, mais demander poliment ne coûtait rien, n’est-ce pas ? Reste que plus une époque était éloignée, plus les données et informations se perdaient, jusqu’à ne laisser que de faibles traces, c’était comme chercher une goutte précise dans un océan insondable. D’ici là, il allait prendre des dispositions avec le commandant Parck pour « installer » leur jeune ami sur Nirauan, dans la base, et permettre à cette jeune femme de lui rendre visite en toute sécurité, pour poursuivre cet entretien.

« Pour le moment, peu de choses. Nous ne pouvons pas nous permettre de le relâcher sans savoir, au minimum, par qui il a été entraîné et pourquoi. Selon ce que vous nous avez dit, même si à son époque, la Force ne semblait pas autant rejetée, il aurait pu être manipulé par un Sith. »

Elle n’avait pas pensé à ça. Pas même une petite seconde. Et s’en voulut sur le moment, elle devait être encore très naïve pour n’y avoir pas du tout réfléchi… Reportant le regard sur les écrans, elle plissa légèrement les yeux en observant le jeune homme, pensive. Étant donné la culture et façons de penser des leurs, elle estimait difficile que l’un d’eux puisse devenir un Sith. Cependant, Sogua venait d’un temps si éloigné que personne ne pourrait confirmer ça… Au fil des discussions, cela viendra, mais il faudra du temps. Sogua n’avait pas bougé de place, ni essayé de sortir de la pièce, il semblait… plutôt abattu, en réalité. Elle pouvait le comprendre… Cinq millénaires, bon sang, c’était si effarant qu’on avait du mal à le croire, et pourtant, c’était si vrai. Qu’il soit Sith ou Jedi, c’était un choc tellement gros, à sa place, elle serait très certainement évanouie, purement et simplement.

« Vous avez signalé que sa planète natale était Copero, n’est-ce pas ? S’il vous plaît, contactez les vôtres, demandez-leur s’ils acceptent de faire des recherches. On ne sait jamais, certains sensitifs restent longuement connus dans l’Histoire. Ou fichés, tout simplement. »

« Je ne pense pas qu’ils acceptent, mais je pourrais le leur demander, oui… »

Quoi que, Mitth’san’suazee était en charge de Copero et de ceux qui y vivaient, il était l’un des rares à avoir soutenu ouvertement Veeren et Formbi pour ne pas exclure les sensitifs au loin, un des rares à avoir accepté de venir sur Nirauan juger ce qu’il en était, et l’un des plus rares encore à ne jamais vouloir exclure ou condamner les sensitifs, d’une façon générale. S’il y en avait bien un susceptible d’accepter sur ce point, c’était lui, plus encore si Sogua venait lui-même de cette planète. Ewime reprit un peu d’espoir à cette pensée et assura donc au capitaine qu’elle savait avec qui ils auront un peu plus de chances de mener ces recherches. Mitth’san’suazee était souvent sur Copero, il n’allait à la capitale que pour certaines affaires précises avec le Conseil, c’était un homme peu difficile à trouver.

Enfin, il fallait bien avouer aussi qu’à son âge, il ne devait plus lui être aussi évident de faire souvent le trajet entre Csilla et Copero. Ce qu’il pouvait régler à distance était toujours bienvenu et tout le monde respectait cela. Depuis un peu moins d’un an, quelques rumeurs commençaient à se répandre sur qui sera ensuite désigné pour prendre la suite à la tête du Clan, une fois que le chef actuel des Mitth sera trop âgé pour poursuivre dans cette voie. En attendant, elle interrogea le capitaine sur l’endroit où il pensait retenir le nouvel arrivé et comment. S’il restait un temps sur Nirauan, ce sera plus facile. Beaucoup de personnes pouvaient être intéressés par l’époque d’où il venait, tant il leur restait peu d’informations là-dessus. Pour simple preuve, ils ignoraient même la raison exacte de la venue de l’ère glaciaire…