Un enfant de toi

Ewime repoussa les pans de sa robe pour se mettre à genoux par terre devant le petit meuble, pieds nus, puis commença à mieux ranger à l’intérieur ses documents médicaux, et plus important, les résultats qu’elle avait enfin reçu pour ses tests. Selon son docteur, son traitement ne présentait pas de réels risques pour la santé de son bébé, mais malgré tout, il avait décidé de le modifier quelque peu, pour éviter tout facteur de risques. Un immense soulagement pour la jeune femme, elle se sentait tellement plus légère et détendue depuis qu’elle avait appris ça, tôt ce matin. A présent, elle pouvait enfin commencer à penser sereinement à cette grossesse et à en profiter. Elle devra avoir des rendez-vous réguliers, une fois par mois, mais en-dehors de ça, tout ira très bien. Aucune envie non plus de penser aux autres problèmes, en tout cas pas pour le moment. Même si la vérité se découvrait, qu’importe, elle restera ici et y élèvera son enfant avec tout l’amour possible. Elle fera en sorte qu’il ne ressente jamais le rejet, de la part des siens, si jamais lui aussi était chassé. Il aura sa sœur, son papa quand il pourra, son oncle, sa maman… Tout devrait bien se passer.

Une fois tout bien rangé, elle se releva, puis alla enfiler ses chaussures, prenant aussi un peu de temps pour démêler ce qui lui servait de tignasse depuis toute à l’heure. Elle s’était un peu précipitée sur les résultats pour les lire, prenant à peine le temps de s’habiller. Jusque-là, elle n’en avait pas encore parlé à Thrawn et n’était pas encore sûre si elle devait vraiment le faire ou si elle devait attendre. D’un côté, elle ne voulait pas qu’il s’inquiète alors que tout allait bien, d’un autre côté, c’était tout de même important qu’il le sache, car s’il lui arrivait quelque chose, il devra surveiller la santé de leur bébé et le faire soigner aussitôt, en cas de soucis. Elle avisera sur le moment, d’autant plus qu’elle avait un peu de temps. Il s’était écoulé moins de deux mois, depuis qu’elle était enceinte, ça ne se voyait pas et elle était donc encore tranquille. C’était bien, car elle voudrait pouvoir rendre visite à Veeren. Son accouchement à elle était tout proche maintenant. Mais était-elle enfin mise au repos ?

Sa matinée se passa à préparer quelque chose pour ce midi, puis elle commença à lire des livres qu’un ami de Formbi lui avait prêté, sur la grossesse, afin de savoir à peu près à quoi s’attendre dans les premiers mois. Normalement, c’était à sa propre mère qu’on demandait ce genre de choses, mais soit… Elle lut un long moment, avant que la sonnette à la porte ne la tire de ses pensées. Il y avait eu encore une petite friction, dans la base, entre un humain et une personne de son peuple ? Elle lança un « J’arrive ! » en Basic, avant de se lever et remettre les chaussures qu’elle avait encore enlevé. C’était peut-être Formbi, il lui avait dit qu’il repasserait mais elle ne savait pas encore quand. Quoi qu’il l’aurait appelé avant. Mais en ouvrant, ce n’était du tout son frère, mais Thrawn. Quand était-il revenu ?! Elle s’écarta pour le laisser entrer, lui dit bonjour, puis lui prit aussitôt le visage entre les mains pour l’embrasser, dressée sur la pointe des pieds.

« Nous allons avoir un bébé ! »

Il était déjà au courant mais il fallait qu’elle le dise de vive voix, c’était plus fort qu’elle. Elle recommença aussi sec à l’embrasser, s’arrêtant juste pour respirer un peu et répéter qu’elle était enceinte, qu’ils allaient être parents, puis eut un léger vertige. Pour ne pas tomber, elle se raccrocha à lui, posant la tête contre son torse.

« Le docteur dit que tout va bien, » reprit-elle un plus faiblement. « Le petit va bien. Pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu rentrais ? »

Un petit mot, quand même, ça ne lui aurait pas apporté d’ennuis, non ? Ce qu’elle voulait surtout, dans le fond, même si elle ne l’avouera pas à haute voix, c’était éviter qu’il ne tombe sur son frère à l’improviste… Elle aimerait mieux que Formbi ait le temps de se préparer psychologiquement avant toute rencontre, qu’il ait le temps de respirer, faire un peu de méditation, se répéter de ne pas crier ou insulter, enfin bref, qu’il puisse… Prendre sur lui. Être parfaitement détendu si jamais il tenait vraiment à parler à l’amiral, comme il l’avait évoqué. Au moins, Ewime avait de l’aide sur ce terrain de la part de sa nouvelle belle-sœur. Au quotidien, elle l’apaisait doucement, leurs propres projets d’avenir aidait, de même, à calmer le volcan en ébullition permanente qui lui servait de grand frère. Finalement, tous deux étaient assez spontanés, peu dans les normes, mais chacun à sa façon. Ça devait être un trait particulier de famille. Feesa aussi était comme ça, après tout, et ce petit bébé en route le sera peut-être aussi. En tout cas, elle l’espérait, qu’il soit aussi souriant et vif que sa grande sœur. S’asseoir lui permit de faire passer le malaise, ça devait être à cause de ce matin, qu’elle avait encore un peu de mal, beaucoup d’émotions d’un seul coup. Beaucoup de soulagement.

« Et puis, j'apprécie cette manière spontanée que tu as de m'accueillir, Ewime. Cela change agréablement du protocole auquel notre peuple tient si fortement. Enfin, je ne voulais pas t'envoyer de message. Je voulais te dire en face combien cette nouvelle me fait plaisir. »

Elle sourit de plus belle lorsqu’il l’embrassa sur le front, sentant qu’il était sincère, et c’était bien ça qui lui faisait le plus plaisir à l’heure actuelle. Elle posa la tête dans le creux de son cou, les yeux fermés, l’espace d’un instant. Pour juste profiter qu’il soit là, finalement, car ça ne pouvait pas arriver souvent. Mais il fallait aussi qu’elle lui parle pour… Ewime retint de justesse un petit soupir puis redressa un peu la tête, son sourire disparaissant. Ce n’était pas un sujet qu’elle aimait aborder, n’aimant pas qu’on s’inquiète pour elle… Lorsque ça venait sur la table, face à son frère, elle avait toujours horreur du regard qu’il avait à ce moment-là, un mélange de colère, de tristesse, de peur et d’une certaine résignation, un sentiment d’impuissance, aussi. C’était pour aussi pour ça qu’elle répugnait à en parler, parce qu’elle ne voulait pas que d’autres lui lancent ce même regard. Comme si elle était déjà morte.

« Il y autre chose dont je dois te parler. Dans ma famille, nous avons une maladie héréditaire, qui se transmet depuis assez longtemps… Ma mère en est décédée à ma naissance et j’en suis atteinte, moi aussi. Il y a un risque sur deux qu’un enfant soit touché, ça ne se déclare ensuite qu’à l’âge adulte. Feesa est épargnée, par bonheur. Je vis assez bien en suivant un traitement, mais… Enfin, si jamais je dois mourir comme ma mère, il faudra que tu veilles à vérifier si oui ou non, il est malade. Et si oui, veiller sur lui, le soigner. »

Sa propre mort ne l’effrayait plus autant car elle s’était faite une raison. Ça pouvait arriver, voilà tout. Mais qu’il arrive quelque chose à son bébé… Elle se força un peu à sourire, pour dédramatiser, pour se rassurer un peu elle-même aussi. Sa propre mère était décédée car cette seconde grossesse l’avait affaiblie, purement et simplement, et son traitement n’avait pu suffire à la maintenir en forme. Enfant, en apprenant cette vérité, il lui avait ensuite fallu apprendre à vivre avec ça, l’idée que sa propre mère était morte à cause d’elle, en menant sa grossesse à terme, en lui donnant la vie malgré tout. Feesa semblait en revanche avoir ignoré longtemps cet état de fait… Peut-être Formbi ne le lui avait-il jamais dit pour lui éviter d’avoir à vivre avec ce poids.

« Tu pourras être là à la naissance du bébé ? »

Voilà, elle lui en avait parlé. C’était important pour l’avenir et la santé du bébé, mais pas important dans cet instant, dans l’immédiat. Il devait simplement être au courant pour être capable de faire face, durant les années à venir, voilà tout. Elle reposa donc la tête contre son épaule, les yeux fermés, l’esprit plus en paix. Elle n’avait plus réagi à sa question, peu convaincue. Son frère avait déjà explorer cette piste-là, pas en personne, mais il avait fait mener des recherches, il avait déjà exploré tout ce qui était possible, et à chaque fois, le résultat avait été négatif. Leurs parents, grands-parents et plus loin encore, tous avaient aussi déjà tenté toutes les pistes, ça n’avait rien donné. Ewime était donc résignée, pour son propre cas. A partir du moment où son bébé pouvait être soigné dès le début, vivre à peu près normalement, s’il était infecté aussi, c’était le principal. A moins, par bonheur, qu’il y échappe, comme Feesa. Ils ne pourront pas le savoir avant des années encore, pas avant, au moins dix années après la naissance du bébé. D’ici là, elle ignorait si elle et Thrawn seront toujours de ce monde.

Le plus essentiel étaient donc les moments présents et ceux qui allaient arriver d’ici quelques mois. Évidemment, il ne put pas lui promettre qu’il serait bien là, à la naissance du petit, elle s’y était attendue, même si son cœur se serra un peu à l’idée d’une potentielle absence. C’était un moment qui se partageait, au minimum, avec le père à côté. D’autres membres de la famille pouvait être là, mais ce n’était pas la même chose. Elle glissa une main contre son ventre encore plat, sans bouger la tête. Depuis qu’elle savait attendre cet enfant, elle avait un peu de mal à se concentrer sur autre chose… C’était comme si le centre de son attention s’était tourné vers cette petite vie, en oubliant le reste. Il fallait qu’elle se reprenne un peu, la vie continuait et elle ne pouvait non plus penser qu’à ça en permanence. Mais c’était difficile. Déjà, elle pensait plus souvent à Feesa qu’à autre chose, si elle allait bien, ce qu’elle faisait, comment elle se sentait, même lorsqu’il ne se passait pas grand-chose de particulier.

« Tu voudrais qu'on invite ton frère pour ce moment ? »

« Ça ne te dérange pas ? Enfin, je veux dire, comme vous ne vous entendez pas vraiment, j’ai cru que… »

Ou bien ça le dérangeait vraiment et il ne lui proposait ça que pour lui faire plaisir ? Elle commença par dire autre chose, puis se tut, se contentant d’un petit sourire. Elle se redressa le temps de l’embrasser sur la joue, répondre qu’il était adorable et que ce serait très bien si Formbi pouvait être là lui aussi, avant se remettre dans sa position initiale, se blottir dans ses bras. Tiens, parlant de ça…

« Namia et lui auront aussi un enfant, d’ailleurs, j’ai su il y quelques jours qu’elle était enceinte. Voilà qui va le détendre un peu. On ne dirait pas, comme ça, mais il suffit de lui mettre un enfant dans les bras pour qu’il fonde. »

Même les personnes plus froides ou plus abruptes avaient aussi leurs moments de douceur, parfois cachées très profondément derrière un caractère peu agréable.

« J’ai aussi su pour qui s’était occupé de Feesa quand mon frère ne pouvait pas, c’est l’Administrateur de notre famille, Chaf’arth’aklaio. Pour notre futur bébé, tu préfères une personne en particulier, pour être parrain ou marraine ? »

« Ça ne te dérange pas ? Enfin, je veux dire, comme vous ne vous entendez pas vraiment, j’ai cru que… »

"C'est surtout ton frère qui ne s'entend pas avec moi. Je n'ai rien contre lui pour ma part. Si tu veux qu'il soit là, alors il en aura le droit."

C'était une évidence pour lui, et il ne parlait même pas de Feesa. Encore que, pour elle, cela dépendra si elle parvient à s'enfuir avant de Nirauan ou si elle reste sur ce monde jusqu'à ce moment là. Il est certain que ce serait le mieux, au niveau familial, mais cela restera à elle de le décider. C'était une autre raison, d'ailleurs, d'accepter la présence de l'aristocra : ainsi Ewime sera assurée d'avoir un proche près d'elle lors de l'accouchement, de ne pas se sentir seule dans ce moment si important.

« Namia et lui auront aussi un enfant, d’ailleurs, j’ai su il y quelques jours qu’elle était enceinte. Voilà qui va le détendre un peu. On ne dirait pas, comme ça, mais il suffit de lui mettre un enfant dans les bras pour qu’il fonde. »

Peut-être que cela arrivera à calmer un peu l'aristocra aigri d'élever un enfant ? Bon, avec les soucis nocturne qu'apporte un enfant, paraît-il, peut-être pas au début. Il risque de se montrer plus colérique même, pendant un temps.

« J’ai aussi su pour qui s’était occupé de Feesa quand mon frère ne pouvait pas, c’est l’Administrateur de notre famille, Chaf’arth’aklaio. Pour notre futur bébé, tu préfères une personne en particulier, pour être parrain ou marraine ? »

"J'y ai réfléchi et je pense que mon ami Eli Vanto serait un excellent parrain. J'ignore si tu l'as rencontré mais si ce n'est le cas, il nous accompagnera au mariage de Thrass."

Bon, il n'avait pas encore reçu d'invitation mais, connaissant son frère, il se doutait que cela ne sera qu'une question de jours, à moins que l'invitation ne soit déjà dans son courrier sur Nirauan ? Il l'ignorait, ne l'ayant pas encore vraiment regardé. Il verra cela plus tard, l'important lui ayant déjà été résumé par le commandant Parck.

"Pour la marraine, je n'ai pas de nom en tête mais je suis prêt à écouter si tu en as."

C'était un choix important, mine de rien. Un détail selon certains mais un élément crucial pour l'éducation d'un enfant. Après tout, les parrains et marraines sont censés servir de modèles à cette future génération. Cela dit, il valait mieux que le choix du parrain, si Ewime l'acceptait, reste secret car peu de chiss comprendrait que l'on ait choisi un humain pour ce rôle. Certes, vu la réputation de Formbi, que ce ne soit pas lui ne choquerait personne, car son manque de maîtrise de ses émotions ne sont pas un exemple, mais nu humain ? Une race qui se contrôle si peu ? Curieux choix, n'est-ce pas ?

Il attendit que cette discussion continue, gardant un bras autour d'elle et sans la quitter des yeux. Puis, sans prendre de visage plus sérieux, il aborda un autre sujet, dont ils avaient aussi besoin de parler.

"Tu t'en doutes surement mais je ne vais pas pouvoir reconnaître notre fils, vu ma condition aux yeux de l'Ascendance." Il était un exilé après tout. "De même, je n'ai pas du reconnaître celle de Feesa sinon elle aurait su qui était son père car cela aurait été noté, et une fois majeure son oncle n'aurait pu l'empêcher de le découvrir. Je ne souhaite bien sur pas qu'on le lui cache, Ewime, mais pour votre bien, à vous trois, c'est préférable."

Oh, il aurait aimé pouvoir dire que cet enfant sera le sien, le traiter en public comme son fils mais pas au prix qu'il soit coupé de son peuple, de sa culture. Il ne l'a jamais montré, à personne, pas même à son frère ou à celle qui détient son coeur, mais il est parfois pesant de vivre au milieu d'étrangers, de personnes qui ne vous comprendront jamais. Oh, c'est un sacrifice qu'il a accepté et qu'il est prêt à vivre toute sa vie durant mais cela reste dur. Ce qu'il bâti ici, sur Nirauan, n'est pas un hasard, au fond. Ce n'est pas uniquement pour renforcer l'Ascendance et amener la paix dans les Régions Inconnus. C'est peut-être, aussi, pour renouer un petit peu avec son peuple ?

« J'y ai réfléchi et je pense que mon ami Eli Vanto serait un excellent parrain. J'ignore si tu l'as rencontré mais si ce n'est le cas, il nous accompagnera au mariage de Thrass. »

« Je l’ai rencontré, oui. Il est très gentil. »

Trop pour être dans une armée, à son sens. Enfin, ce n’était que son opinion personnelle. Mais il était effectivement quelqu’un de bien et elle lui avait déjà dit qu’il était tout à fait capable de veiller sur un enfant. Ça se ressentait, tout simplement. Quant à une marraine… Ewime resta un petit instant silencieuse, réfléchissant. Elle avait songé à Veeren dès le début, car elles étaient assez proches. C’était elle, déjà, qui l’avait accompagnée à l’hôpital, elle gardait le secret quant aux origines véritables de ce bébé et savait s’y prendre pour calmer les tensions. Elle avait en plus trois grands garçons et son petit dernier allait pointer le bout de son nez d’ici peu de temps, elle savait comment s’occuper d’enfants. Pour la future mère, c’était un choix assez évident, qu’elle proposa à son compagnon, après quelques minutes de silence. Elle ignorait si l’Aristocra allait accepter, cela dit, il faudra lui en parler, un peu plus tard. Ewime lui faisait entièrement confiance, assez pour vouloir qu’elle devienne un des modèles de leur futur enfant. Enfin… Sans que le petit ne prenne en exemple cette capacité à filer seul dans les endroits les plus dangereux qui soient.

« Tu t'en doutes sûrement mais je ne vais pas pouvoir reconnaître notre fils, vu ma condition aux yeux de l'Ascendance. De même, je n'ai pas du reconnaître celle de Feesa sinon elle aurait su qui était son père car cela aurait été noté, et une fois majeure son oncle n'aurait pu l'empêcher de le découvrir. Je ne souhaite bien sûr pas qu'on le lui cache, Ewime, mais pour votre bien, à vous trois, c'est préférable. »

« Je peux le comprendre… Même si je trouve ça injuste, pour les enfants. »

Dans son propre cas, elle aurait acceptée d’être rejetée si ça lui permettait de vivre heureuse et libre, le temps qui lui restait à respirer. Elle l’avait déjà dit à Formbi et l’acceptait pleinement. Par contre, elle ne voulait pas infliger ça ni à Feesa ni à ce bébé, pas alors qu’ils n’avaient rien demandé à personne et n’étaient coupables de rien d’autre que d’être venus au monde. Elle se redressa puis embrassa Thrawn sur le bout du nez, toujours en colère contre cette loi inique qui pénalisait des enfants simplement à cause de ce qu’avaient pu faire leurs parents.

« Il doit peut-être exister un moyen, tout de même, d’arranger les choses, pour toi. Pour que tu puisses… Enfin, que tu ne sois plus obligé de rester à l’écart, en exil, qu’il n’y ait pas de problèmes pour voir tes enfants. Aujourd’hui, tu peux avoir plus d’aide, pour ça. Même de ceux qui étaient contre il y a des années. »

Comme son frère… Et parce qu’il avait beau dire, Ewime restait convaincue qu’il n’osera pas aborder le sujet en face de Thrawn. Il était encore trop rancunier pour ça. Il changeait, certes, mais lentement. Et pour sa part, même si elle était assez résignée, elle ne voulait pas non plus laisser tomber sans en avoir au moins parlé. Formbi aura du mal à se lancer, elle le savait très bien.

« Le Conseil a bien réussi à accepter que les sensitifs ne soient pas éjectés au loin… Il y a quand même du changement. »

La jeune femme savait bien que les Chiss sensitifs n’étaient pas à l’aise avec leur propre peuple, mais même si ce n’était qu’un geste politique au lieu d’être un geste d’une réelle ouverture, cela restait un progrès. Et un progrès important. Bien sûr, elle aurait voulu que ça aille plus vite, ne serait-ce que pour sa fille, pour qu’elle puisse se sentir libre et heureuse parmi les siens, mais enfin… Elle ne pouvait trop en demander non plus. Frustrée tout de même, elle ne put retenir une petite moue, légèrement boudeuse. Et dire qu’il y a un an ou deux à peine, elle en était encore, elle aussi, à croire que l’unique chose possible avec la Force était d’apporter des problèmes, plus ou moins graves. Aujourd’hui, elle en avait presque honte, surtout lorsqu’elle avait réalisé, et compris, que n’importe qui pouvoir avoir un enfant sensitif, qu’on ne choisissait pas, de la même manière qu’on ne choisissait pas si on donnait naissance à un garçon ou une fille. Mais le bébé qu’elle portait sera-t-il lui aussi sensible à la Force ? On pouvait le savoir en amont ? Il y avait un… Un test, quelque chose, comme le test de grossesse, mais pour la sensitivité ?

« En ce qui me concerne, c'est différent. J'ai été exilé à cause de mes actes, pour avoir provoqué des affrontements sans que nous ayons été attaqués préalablement. C'est une chose grave pour notre peuple, et je le savais en agissant ainsi. Pour que mon exil prenne fin, il faudrait que j'accepte de ne plus agir ainsi. Et puis... j'ai le sentiment que je serais plus utile à notre peuple en continuant ce que je fais. La menace qui pèse sur les chiss est plus puissante que ne le pense le conseil. Il va falloir une force militaire importante pour la contenir et c'est ce que je bâtis ici, sur Nirauan et au sein de l'Empire humain. »

Une nouvelle moue. Cette fois, pas car elle était inquiète ou autre chose, mais parce qu’elle sentait qu’il allait encore s’enfermer des heures, des jours durant, dans le travail, ne songer qu’à ça, encore et encore, et ne même pas essayer de se reposer ou quoi que ce soit d’autre. Il ne pensait qu’au travail ! Toujours et tout le temps. Les militaires… Se redressant pleinement, elle le poussa par les épaules contre le canapé pour qu’il s’allonge, puis souleva un peu les pans de sa robe pour se mettre à califourchon sur lui. C’est dans ce genre de moment qu’elle réalisait aussi n’être pas bien grande… Mais au moins, sa grossesse ne se voyant pas encore, elle avait toute liberté de mouvement, et ça, c’était parfait. Mieux encore, ses nausées matinales étant passées depuis peu, elle était assez à l’aise pour bouger comme elle le voulait, comparé à ce matin. Le canapé, lui, était assez large pour leur permettre de s’installer confortablement, petit bonus. Dans le mouvement, son épingle à cheveux, tombant au sol dans un petit claquement, et elle prit d’abord une seconde pour les repousser dans son dos. Ils étaient bien longs, maintenant, tombant jusque dans le milieu du dos.

« Tu sais mener une guerre, commander des hommes, tout ça, c’est très bien, mais tu dois apprendre autre chose, maintenant, tu le sais ? Ça fait longtemps que tu es militaire, il y a des petites choses de la vie civile à ne pas oublier ou négliger. Arriver à se détendre complètement, oublier le travail… Lorsque tu auras ton bébé dans les bras, tu sauras t’amuser avec lui sans toujours t’inquiéter du reste ? »

Elle se pencha complètement sur lui, puis lui prit le visage entre ses mains, pour l’embrasser d’abord sur le front, puis sur le bout du nez, et enfin longuement sur la bouche. Même si elle tremblait toujours, en espérant qu’il ne le remarque pas, elle s’efforçait de faire passer cette sensation. Pour ne pas non plus passer sa grossesse complètement inutile ou inactive.

« On t’a déjà expliqué comment s’occuper d’un bébé ? Et comment le papa est censé se détendre un peu avant son arrivée ? »

En sentant Ewime le pousser sur le dos, Thrawn haussa juste un sourcil mais se laissa faire. Il était bien curieux de découvrir ce que la jeune chiss avait en tête sur le moment, et il ne fut pas déçu un instant, venant poser ses mains sur le bas du dos de la demoiselle.

« Tu sais mener une guerre, commander des hommes, tout ça, c’est très bien, mais tu dois apprendre autre chose, maintenant, tu le sais ? Ça fait longtemps que tu es militaire, il y a des petites choses de la vie civile à ne pas oublier ou négliger. Arriver à se détendre complètement, oublier le travail… Lorsque tu auras ton bébé dans les bras, tu sauras t’amuser avec lui sans toujours t’inquiéter du reste ? »

Estimant qu'elle ne voudra pas l'entendre répondre qu'il est parfaitement capable de penser à plusieurs choses à la fois, tout en faisant quelque chose, il estima plus diplomate de s'en abstenir. De toute façon, sa façon de l'empêcher de parler était trop efficace pour qu'il le fasse immédiatement, répondant doucement à son baiser en lui caressant lentement le dos. Il la senti trembler légèrement et rompit le contact de leurs lèvres, la regardant avec une légère pointe d'inquiétude.

« On t’a déjà expliqué comment s’occuper d’un bébé ? Et comment le papa est censé se détendre un peu avant son arrivée ? »

"Pour te répondre, je sais me détendre, tu sais, je ne suis plus un enfant. Il est vrai que les gens ont parfois du mal à comprendre qu'étudier l'art, visuel, auditif ou littéraire, peut être une méthode pour cela mais c'est la plus efficace que j'ai depuis le début de mon exil. Aussi, ne t'inquiète pas pour moi, j'ai déjà Thrass qui continue de ne voir en moi qu'un jeune chiss de dix ans."

Il sourit un petit peu, mettant une petite dose d'humour dans ces derniers mots, surtout parce qu'il était maintenant plus âgé que son aîné. Cela ne l'empêchait pourtant pas de continuer de le traiter comme un jeune garçon à qui il faut tout dire. Thrawn savait très bien que le repos était nécessaire pour être efficace et il savait gérer cela.

"Et à qui voudrais-tu que je demande des conseils en paternité ? Tu devrais le savoir, un amiral ne demande pas ce genre de chose à ses hommes. Cela n'est pas très bon pour son image." Anticipant un possible protestation, il utilisa la méthode de la jeune femme, posant doucement ses lèvres contre les siennes un court moment. "Mais il y a d'autres méthodes. Je consulterais des livres sur le sujet, beaucoup de livres. Et j'imagine que, malgré tout, notre enfant saura me surprendre."

C'était vrai, il se documentera et pas uniquement auprès de sources chiss, d'ailleurs. Mais, ce qui l'inquiétait le plus et qu'il n'a nullement envie d'avouer, c'est qu'il ne souhaite pas que cet enfant vive sans parent, comme ce fut le cas de Feesa. Il espérait qu'au moins Ewime puisse veiller sur lui, ou elle, pendant de nombreuses décennies.

"Et toi-même, as-tu quelqu'un qui t'a donné quelques conseils sur le sujet ? Je vois mal ton frère le faire."

Il sourit doucement, tentant de la faire rire un peu, en lui faisant imaginer le grognon Chaf'Omr'Bintrano en train de donner des leçons pour l'éducation d'un enfant.

« Pour te répondre, je sais me détendre, tu sais, je ne suis plus un enfant. Il est vrai que les gens ont parfois du mal à comprendre qu'étudier l'art, visuel, auditif ou littéraire, peut être une méthode pour cela mais c'est la plus efficace que j'ai depuis le début de mon exil. Aussi, ne t'inquiète pas pour moi, j'ai déjà Thrass qui continue de ne voir en moi qu'un jeune chiss de dix ans. »

C’était normal, s’il avait tenue en partie le rôle de parent, c’était imprimé en lui à tout jamais… Toujours penchée contre lui, elle bougea un peu le bras sur lequel elle s’appuyait pour assurer sa position et ne pas montrer qu’elle tremblait toujours. Pas très pratique malgré tout, lorsqu’on n’avait pas l’habitude, mais la vue ne lui déplaisait pas. Par contre, elle n’était pas d’accord sur la suite, en quoi demander à certains de ses hommes allait bien lui nuire ? Elle ouvrit la bouche pour contre-argumenter, pile au moment où il redressa tout à coup la tête pour l’embrasser. Eh, il trichait ! C’était sa technique, d’abord. Le rouge lui monta aux joues, puis elle fit une petite moue. Il y avait des livres sur le sujet, elle en lisait, elle aussi, pourtant, rien ne valait des conseils en direct, d’une personne qui avait déjà eu à s’occuper d’un ou plusieurs enfants. Les livres, c’était bien, la théorie était toujours belle, mais dans la pratique, difficile de savoir ce qui se passait exactement dans la tête d’un enfant. Lui aussi avait bien déjà dû le voir, avec Feesa, il fallait du temps avant de décrypter ce qui pouvait bien lui traverser l’esprit.

« Et toi-même, as-tu quelqu'un qui t'a donné quelques conseils sur le sujet ? Je vois mal ton frère le faire. »

« Crois-le ou non, mais il l’a déjà fait. Il s’était beaucoup occupé de moi, lorsque j’étais bébé. Et puis, notre père était apparemment très strict sur le sujet. Veeren aussi m’a déjà donné pas mal de conseils. Elle en est à son quatrième enfant, après tout. »

Sentant qu’elle allait avoir un peu de mal à gérer, elle finit par quitter sa position pour plutôt s’allonger contre son compagnon, en prenant bien sûr garde à ne pas l’écraser, ni à appuyer contre son ventre. Ça, d’ailleurs, c’était un petit détail dont elle avait du mal à penser, ne plus s’allonger sur le ventre, même si ça ne voyait pas encore vraiment. Une fois mieux installée, elle reposa sa tête dans le creux du cou de Thrawn, refermant les yeux un petit moment. C’était idiot de se l’avouer, pourtant, elle avait quand même moins peur de l’avenir lorsqu’elle n’était pas seule, elle se posait un peu moins de questions… Pourtant, pour beaucoup d’entre elles, n’ayant toujours pas de réponses, ça restait compliqué. Mais il y avait aussi une certaine part d’émerveillement, dans le fait de porter une petite vie, elle trouvait ça magique, un miracle, finalement, oui. L’idée d’accoucher lui faisait un peu peur, il paraît que ça faisait très mal… ? Ewime n’avait pas osé poser la question à Veeren, pour ne paraître ridicule, d’avoir peur de ça.

« Tu penses qu’on pourrait savoir avant la naissance si cet enfant est comme Feesa ? Je veux dire, sensitif. Ce serait bien pour se préparer, éviter d’éventuels soucis avec les autres, dans notre peuple, si on le peut. Ou même un accident. Et puis… attends une minute. »

Elle se releva, tremblant encore plus fort, puis quitta le canapé. Vacillant légèrement, elle fila de nouveau aux toilettes pour s’accroupir devant et se mettre à vomir, une nouvelle vague de nausées lui soulevant le cœur, comme ce matin au réveil. A genoux, par terre, Ewime se força à inspirer et expirer longuement, crispée. Si c’était comme ça tous les jours, ça n’allait pas le faire, elle en avait déjà les nerfs qui partaient en vrille. Une amie proche lui avait déjà dit que c’était normal, d’être hypersensible, mais bon sang… Elle resta assise par terre, le temps de se reprendre, puis se passer un peu d’eau sur le visage. C’est bon, tout allait bien, tout allait très bien…

Son cœur battait la chamade, comme si elle venait de faire un grand marathon. Encore tremblante, elle préféra s’appuyer dos contre le mur, remerciant Thrawn lorsqu’il lui tendit le gant de toilette mouillé. Merci de ne pas faire de commentaires… Heureusement, il eut assez de tact pour ne rien dire sur le sujet. C’était aussi pour ça qu’elle l’aimait, il comprenait facilement les choses et les instants où mieux valait ne rien dire. Ewime culpabilisait déjà suffisamment de ne pas être plus forte physiquement et de se sentir mal, craignant que son bébé ne ressente le même malaise et ne sois donc plus fatigué à cause d’elle ou… L’état de la mère devait bien se répercuter directement sur son petit, non ? C’était son premier, elle ne savait pas encore vraiment bien comment tout ça fonctionnait ! Se passer le gant sur le visage aidait, néanmoins, un peu de fraîcheur, après ce brusque coup de chaud et la nausée. Elle n’osait pas non plus replier comme il faut les jambes contre elle, même si elle n’avait pas encore de ventre. Par peur de « compresser » ou faire mal au fœtus. C’était possible, non ?

« Peut-être que les jedi peuvent le faire. Peut-être faudra-t-il leur poser la question quand on les verra mais, crois-moi, je ne laisserais pas des préjugés décider de l'éducation de notre enfant. Qu'il soit sensible à la Force ou pas, je veillerais à ce qu'il bénéficie d'une enfance normale, sans persécution. »

« On ne contrôle pas toujours tout, tu sais… Et les enfants ne nous disent pas tout non plus, sur leurs angoisses ou ce qu’ils vivent. »

C’était une chose qu’elle avait comprise avec Feesa, en réalité, car elle n’y avait jamais réfléchi avant et ne s’était jamais posé ce genre de questions. Sa fille lui avait fait réaliser que même vos propres enfants pouvaient ne pas tout confier, tout vous dire, par peur d’être incompris ou rejetés. Elle soupira donc un peu, rendant quand même son sourire à son compagnon, agenouillé à côté d’elle. D’habitude, elle n’aimait pas vraiment qu’on la voit dans cet état, mais avec lui, c’était différent. Il en verra sûrement d’autres, d’ailleurs, malheureusement.

« Tu devrais moins t'angoisser, Ewime. Je comprends que cela te travaille mais tu devrais te concentrer un peu plus sur le bonheur présent, non ? N'est-ce pas toi qui me gronde parce que j'ai l'esprit ailleurs ? »

« C’est une angoisse parfaitement légitime, monsieur Thrawn. J’ai eu un mal fou à convaincre Feesa d’aller te parler, comme si tu allais la mordre, alooors, je peux m’inquiéter que cet enfant aussi se mette à croire qu’il ne peut pas nous parler comme il en a envie. Parce que si ce bébé est aussi têtu que toi, j’ai de quoi m’en faire. Même si, oui, tu n’as pas tort non plus. Un bébé, c’est si petit, si fragile… Je voudrai bien qu’il ait ton nez, ce serait mignon. »

Elle lui sourit plus largement, après avoir levé la main, pour lui tapoter le bout du nez avec l’index. Même si elle angoissait, sur beaucoup de sujets, elle adorait aussi imaginer le visage de leur futur bébé. Bon, s’il voulait bien l’aider à se relever, merci… Elle ne comptait pas passer toute sa journée assise par terre, sur le carrelage, à côté des toilettes. Bien qu’elle ne soit pas encore forcément très stable. Une fois debout, elle prit d’abord un instant pour être sûre que les nausées se décidaient à la laisser tranquilles, pour un moment encore, ce serait bien… Alterner les journées où elle se sentait en pleine forme et les journées passées près des toilettes ou dans son lit, ce n’était guère la partie la plus agréable de l’affaire.

« Je suis désolée, » finit-elle par soupirer, « certaines journées sont plus compliquées que d’autres. Tu peux rester avec moi ce midi ? Je peux préparer quelque chose. »

Avec son travail, elle comprenait très bien qu’il ne puisse parfois passer qu’en coup de vent ou bien devoir s’absenter de longues semaines, c’était normal et ce n’était pas elle qui allait le lui reprocher. Même si, secrètement, elle espérait que d’ici quelques mois, il réussisse à passer plus régulièrement, pas pour elle mais pour voir son bébé, l’élever lui aussi. Car si elle pouvait attendre, elle estimait qu’un enfant avait besoin de ses deux parents auprès de lui, c’était très important.

« Je me suis, justement, arrangé pour pouvoir dîner avec toi. Par contre, vu que tu as cuisiné la dernière fois, c'est à mon tour de porter le tablier, Ewime. »

« Je peux très bien gérer, encore… »

En tout cas, elle y tenait, car c’était aussi une manière de se prouver que tout allait très bien, malgré la fatigue, malgré les médicaments, malgré… tout ! N’est-ce pas ? C’était peut-être une simple affaire de fierté mal placée, elle ne le niait pas. Même si, en marchant, elle réalisait parfaitement qu’elle n’était pas forcément très solide sur ses jambes. Une fois assise dans le canapé, ce fut mieux, bien sûr, mais tout de même… Il ne la laissa de toute façon pas protester, ou lui faire sa moue boudeuse, ajoutant qu’il était capable de cuisiner et pouvait très bien s’en charger pour ce midi, avant de l’embrasser sur le front, puis filer vers la cuisine. Elle sourit malgré tout, en le regardant prendre un tablier, l’imaginant, en pleine nuit, les cheveux en bataille, à essayer de calmer un bébé en pleurs. L’image était adorable et eut le don de la réconforter. D’ici quelques mois, il faudra qu’elle songe doucement à préparer une chambre, au bébé, même si elle aimerait qu’il dorme auprès d’elle, les premiers temps… Pour s’assurer qu’il allait bien et ne cessait pas brusquement de respirer en pleine nuit. Elle savait que ça pouvait arriver, malheureusement.

« Puisque l'on parle de Feesa, désires-tu qu'on lui propose de venir se joindre à nous ? »

« Oh, oui, si on peut faire un vrai repas en famille. »

Il lui vint un instant à l’idée que sa fille pourrait refuser, mais, tout de même… Non, quand même ! Elle se sentait mieux, ces derniers temps, ça se voyait, elle était beaucoup moins sur les nerfs et avait repris des forces. Ewime l’avait toujours trouvé beaucoup trop maigre, depuis son arrivée sur Nirauan, et s’était donc arrangée pour la remplumer peu à peu. S’assurer qu’elle mangeait bien, dormait, prenait l’air, et ne faisait pas n’importe quoi. Elle l’avait aussi poussé dans une visite médicale, pour être certaine qu’elle allait bien, que ses vaccins étaient tous à jour, sans écouter les protestations de sa fille sur le sujet. Veiller sur la santé de ses enfants, c’est normal ! En attendant qu’elle arrive, et pendant que son père était dans la cuisine, la jeune femme retourna dans la salle de bain pour se repasser de l’eau sur le visage et se recoiffer, se détendant un peu. Elle s’étira doucement, puis baissa les yeux vers son ventre, encore plat, ou avec peine un peu de rondeur, rien de très remarquable. Elle se demandait comment elle arrivera à se mouvoir facilement une fois que son ventre aura bien plus grossi.

Ressortant, elle vit sa fille arriver et la serra dans ses bras pour lui dire bonjour. Puis murmura un léger « Je te trouve encore un petit maigre », en l’examinant de plus près. Elle avait bien dormi, cette nuit ? Comment elle se sentait ? Elle ne manquait de rien ? Ewime la laissa aller dire bonjour à son père, préparant la table pendant ce temps. Puis dû se rasseoir un peu, légèrement essoufflée. Ça devait être le contre-coup de la fatigue, tout simplement.

« Comment te sens-tu vraiment, ma puce ? Tu as pu retrouver tes repères ? Tu dors bien la nuit ? Tu manges comme il faut ? »

Allongée sur le dos, jambes repliées, Feesa lisait depuis presque deux bonnes heures, maintenant, tenant à bout de bras le livre qu’on lui avait prêté hier soir. Ce matin, pour une fois, rien eu de particulier à faire, elle avait pu rester dans sa chambre sans que personne ne lui dise quoi que ce soit, et ne pas prendre un grand soin non plus à sa tenue. Une simple robe légère, pieds nus, et les cheveux à peine coiffés. Elle se sentait bien, après une bonne nuit de sommeil, un peu de solitude ne faisait jamais de mal. L’histoire était fascinante, voilà longtemps qu’elle ne s’était plus posée dans un coin avec un bon livre, le plus tranquillement du monde. Midi approchait lorsqu’un appel sur son comlink la tira assez brusquement de ses pensées. Tâtonnant sur le lit, elle le trouva au bout d’une minute ou deux, puis vit que sa mère lui demandait de venir, pour le déjeuner. Elle avait fait un truc mal et sa mère voulait en parler ou voulait-elle juste de la compagnie ? Posant son livre, elle se leva doucement, regrettant un peu d’abandonner au meilleur passage, puis se mit en quête de ses chaussures, avant toute chose.

Un coup de peigne plus tard, elle était sortie, s’étirant longuement en chemin puis se frottant les yeux. Lorsqu’elle sortait d’une longue séance de lecture, le plus dur restait d’atterrir dans la réalité. On se prenait très vite dans une bonne histoire, même enfant, elle pouvait facilement passer des heures dans sa chambre, à lire tout ce qui lui tombait sous la main. L’appartement de sa mère n’était pas très loin, elle ne croisa pas beaucoup de monde avant d’y arriver. En entrant, elle fut assez surprise de voir que son père était là aussi, elle avait songé qu’il devrait encore rester des jours et des jours à s’occuper des problèmes causés par les Siths… Aussitôt rentrée, sa mère vint la serrer dans ses bras, marmonnant au passage qu’elle la trouvait encore maigre. Feesa se retint à la dernière minute de lever les yeux au ciel ou simplement de répondre, se contentant d’un peu hausser les épaules. Elle avait un poids tout à fait normal, c’était juste sa mère qui avait tendance à la surprotéger et donc à lui trouver un air plus maladif qu’elle ne l’avait vraiment. En plus, d’elles deux, ce n’était pas Feesa qui affichait la plus mauvaise mine. Elle s’approcha plutôt de la cuisine, histoire d’échapper au regard inquisiteur.

– Bonjour papa.

Elle se hissa sur la pointe des pieds pour pouvoir lui faire la bise sur la joue, plus petite de presque deux têtes. Ça, ça l’avait toujours complexée, sa taille de naine… En se retournant, elle revint assez vite vers sa mère, qui avait dû se rasseoir un peu vite. Ça allait ? Prenant le reste des couverts, Feesa termina elle-même de mettre le couvert, pour ne pas que maman se sente obligée de rester debout.

– Comment te sens-tu vraiment, ma puce ? Tu as pu retrouver tes repères ? Tu dors bien la nuit ? Tu manges comme il faut ?

– Mamaaaaan…. !

Elle grimaça un peu, incapable de s’en empêcher, en posant l’eau sur la table. Elle n’avait plus quatre ans ! Elle n’était pas obligée de lui demander ça tous les jours ! Mais comme elle savait très bien que sa mère n’allait pas la lâcher, de toute façon, elle se sentit presque obligée de répondre, même si elle ne cachait pas son ressenti.

– Oui, tout va très bien, je mange, je bois, je dors, tout va bien, et tu peux ne pas te sentir obligée de me demander ça tous les jours. Je sais m’occuper de moi.

Elle était à la fois attendrie et agacée, lorsqu’on lui faisait le coup. Même son oncle s’y mettait, de temps en temps, même si c’était moins souvent que sa mère. Par bonheur, son père, lui, ne s’amusait pas en plus à ça. Elle souffla un peu du nez mais ne dit rien de plus, pour en vexer personne. En plus de cela, il y avait de très grandes chances qu’elle devienne comme ça avec ses propres enfants, si elle en avait un jour, du moins. Pour le moment, l’idée lui semblait de toute manière trop lointaine pour y réfléchir sérieusement. Afin de s’échapper une seconde, elle fila de nouveau dans la cuisine pour se laver les mains et avoir une minute pour ravaler correctement la réponse première lui étant venu. Elle n’avait pas l’habitude… Son oncle s’était toujours soucié d’elle, oui, mais il n’avait jamais été aussi démonstratif.

– Pourquoi… Vous n’avez pas voulu rester juste tous les deux, d’ailleurs ? demanda-t-elle d’un coup, perplexe. Il s’est passé quelque chose ?

HJ : Désolée pour le retard monstrueux ! J’ai eu beaucoup à faire j’étais un peu malade.

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« Mamaaaaan…. ! »

« Maman rien du tout, c’est normal que je te pose ces questions, sinon tu ne viendrais pas me le dire toute seule. »

N’est-ce pas ? Ce n’était pas vraiment un reproche, ou affectueux, mais c’était bien vrai, jeune fille ! Et peu importe qu’elle soit adulte, elle restait sa mère et s’inquiétait de l’état de santé de son enfant, quoi de plus naturel ? L’âge n’y changeait rien, mademoiselle. Elle pouvait grimacer autant qu’elle voulait, ça ne changera rien non plus ! Enfin, au moins, elle lui répondit, même si elle n’arrivait pas à cacher que ça l’agaçait. Ewime sourit de plus belle en se relevant, secouant un peu la tête. Elle savait peut-être s’occuper d’elle mais ça n’empêchera jamais sa mère de l’interroger là-dessus ou de la couver. Fessa s’en rendra compte, le jour où elle aussi aura des enfants ! Elle verra bien qu’il était difficile, voire impossible, de ne pas se soucier d’eux en permanence, même en faisant des efforts. Ils s’installèrent finalement à table et la jeune mère en profita pour boire longuement, à nouveau, et se remettre un peu. Les nausées avaient diminué en intensité, par bonheur. C’était comme ça tous les jours, ça montait, puis descendait, et surtout, ça la fatiguait.

« Pourquoi… Vous n’avez pas voulu rester juste tous les deux, d’ailleurs ? Il s’est passé quelque chose ? »

« Non, il ne s'est rien passé. J'ai juste eu envie de manger avec les deux femmes qui embellissent ma vie, Feesa, et ta mère me semble toute aussi heureuse de pouvoir manger en famille, pas toi ? »

Tiens, lorsqu’elle disait que les enfants se fourraient parfois des idées bizarres en tête, en voilà une magnifique preuve de plus. Elle détourna la tête le temps de dissimuler un petit sourire et un soupir. Ah là là, Feesa… Comme s’il y avait besoin d’une bonne raison pour déjeuner avec sa famille, sans se poser de questions, lorsqu’on en avait l’occasion. Cela dit, ça ne l’étonnait qu’à moitié, Formbi prenait rarement le temps de se poser tranquillement pour déjeuner, il ne l’avait que rarement fait avec elle alors elle comprenait qu’il ne l’ait aussi que rarement fait avec sa nièce, même avec toute la meilleure volonté du monde. Le temps que la petite réponde, Ewime en profita pour regarder de plus près ce que son compagnon avait cuisiné, curieuse. Elle ne lui connaissait pas encore de talents de cuisinier, c’était l’occasion d’en savoir un peu plus, et se demandait s’il avait préparé ça car c’était ce qu’il aimait ou si ce n’était que parce que le plat était simple ? Dans les deux cas, ce n’était pas plus mal, car elle n’aurait pas été capable de manger plus que ça.

« J’avais demandé à Formbi s’il voulait qu’on ait un repas de famille, tous ensemble, Namia voulait bien, mais lui, je crois qu’il n’est pas encore prêt. On devrait voir après la naissance du bébé de Thrass et Lorana, par exemple, ce serait bien de tous se retrouver. »

Elle s’interrompit pour inciter doucement sa fille à mettre une petite cuillerée de plus dans son assiette, merci ma puce, car elle la jugeait toujours un peu maigre. Allez, mange un peu, ça ne te fera pas de mal… Ewime faisait des efforts pour ne pas trop la couver, mais enfin, tout de même, si elle pouvait se remplumer, ce sera l’idéal.

« Je ne sais pas vraiment comment ce sera conciliable avec ton travail, Thrawn, mais soit, on a le temps de voir venir. En tout cas, ton frère et Lorana n’auront pas perdu de temps. Je trouve assez inquiétant qu’elle doive accoucher dans un endroit assez… exposé, finalement. Il y a toujours un risque qu’un fou leur tombe dessus au mauvais moment. Elle sera totalement vulnérable, en accouchant. »

– Non, il ne s'est rien passé. J'ai juste eu envie de manger avec les deux femmes qui embellissent ma vie, Feesa, et ta mère me semble toute aussi heureuse de pouvoir manger en famille, pas toi ?

– Heu, si, c’est juste que je croyais que… Enfin… Ce n’est rien.

Il valait mieux se taire que continuer à s’enfoncer, parfois… Elle adressa donc un peu gêné à ses parents, puis détourna le sujet, demandant plutôt depuis combien de temps son père était revenu sur la planète et combien de temps il devait y rester. D’habitude, lors des arrivées, il y avait un peu plus d’animation dans la base, mais cette fois, elle n’y avait pas prêté plus attention que ça, peu productive, ce matin. Après que sa mère se soit servi, elle prit la plat à son tour, tout en essayant de se graver dans le crâne que c’était une situation normale, banale, qu’il n’y avait aucune raison de trouver ça bizarre, et qu’elle devrait se détendre un peu. Lorsque sa mère parla de faire un repas de famille avec tout le monde, Feesa ne put s’empêcher d’afficher une moue inquiète et pas très convaincue. Mettre son père et son oncle maternel autour d’une seule table, même pour un simple repas, ça ne lui semblait pas être l’idée du siècle. Oui, ce serait bien, très sympathique, et tout, mais ça ne risquait pas… dégénérer ? Non ?

En plus, maman le disait elle-même, Formbi n’était pas encore prêt. Et Feesa doutait qu’il le soit un jour. Même l’oncle qu’elle avait connu, bien différent pourtant, ne serait pas prêt non plus pour ça. Il était plus ouvert d’esprit, d’accord, mais il y avait des limites, et celle-ci était la plus dure à franchir. Feesa reposait le plat lorsqu’elle croisa le regard de sa mère, et son petit geste, sa moue peu convaincue se transformant en une expression presque désespérée. Mais pour ne pas faire d’histoire, et pour lui faire plaisir surtout, elle reprit une cuillère de plus, avant de reposer le tout. Comme si elle était maigre à en pleurer et prête à mourir de faim… Bon, bref, ne dit rien, surtout, et puis, ce n’était qu’un repas, ce n’est pas comme si sa mère venait surveiller ce qu’elle avalait tous les jours.

– Je ne sais pas vraiment comment ce sera conciliable avec ton travail, Thrawn, mais soit, on a le temps de voir venir. En tout cas, ton frère et Lorana n’auront pas perdu de temps. Je trouve assez inquiétant qu’elle doive accoucher dans un endroit assez… exposé, finalement. Il y a toujours un risque qu’un fou leur tombe dessus au mauvais moment. Elle sera totalement vulnérable, en accouchant.

Exposé… Le Temple Jedi ? Les Siths ne savaient où ils se trouvaient et il n’y avait aucune chance qu’ils tombent dessus, comme ça, par pur hasard, la galaxie était immense ! Mais il pouvait y avoir d’autre risques, c’est vrai. Lorana avait encore du temps devant elle, de toute façon, elle en était à… cinq mois… ou six mois de grossesse ?

– Le Temple n’est pas si exposé que ça. En plus, quand elle accouchera, elle ne sera pas toute seule. Puis Thrass sait combattre, au cas où… Non ?

Oui, non, peut-être ? Elle réalisa à cet instant qu’il n’avait pas du tout une formation militaire, mais une formation diplomatique et politique, il avait dû recevoir une formation de base, comme tout le monde, mais sans que ça aille plus loin. Bah, de toute manière, il y a aura bien d’autres Jedis au temple à ce moment-là ! Voire quelques rebelles. Feesa trouvait assez mignon, même si elle ne le disait pas, que sa mère s’inquiète de cette façon pour Lorana, tout en étant aussi persuadée que Lorana n’avait sûrement aucune conscience que quelqu’un d’autre que Thrass puisse s’en faire pour elle. Ce n’était pas dans son caractère, plutôt renfermé. C’est vrai qu’ils n’avaient perdu de temps, en tout cas, ils s’étaient très vite liés l’un à l’autre, à peine retrouvés. A l’école, ils avaient parlé de ça, une fois, le réflexe poussant à rechercher la chaleur brûlante de la vie après avoir côtoyé la mort ou une grande violence.

– Mais, du coup, leur fille aura le droit de venir un jour dans les parages ou jamais ? Ça reste d’être pire, pour elle, si elle est à la fois sensitive et métis. Il n’y a pas de loi contre ça, j’espère ?

Elle posait la question car malgré ses études, elle ne connaissait pas encore toutes les lois par cœur et commençait à se méfier de certaines directives non-dites et pourtant importantes…

« Le Temple n’est pas si exposé que ça. En plus, quand elle accouchera, elle ne sera pas toute seule. Puis Thrass sait combattre, au cas où… Non ? »

« Il a fait ses classes, comme tout le monde. Mais j'imagine que les maîtres Kenobi et Surik seront présents donc ne t'inquiète pas. De plus, cette fois, les jedi ont dû choisir un monde non symbolique pour eux et il sera donc difficile pour l'Empire de les retrouver. »

Eh bien… Il ne restait plus qu’à espérer que tout se passe bien. Le mieux possible, en tout cas. La future mère n’était pas pleinement rassurée, de son côté, cela dit, elle doutait de l’être même si bien plus de mesures de sécurité étaient prises. Inquiétude naturelle envers une femme enceinte, si on pouvait dire, surtout une femme elle aussi recherchée par les Siths, dans cette galaxie bien agitée. Il y avait aussi les questions purement « physiques », si on pouvait dire ça. La compatibilité entre leurs deux espèces était prouvée à elle seule par cette grossesse, soit, cependant, le bébé n’aura-t-il vraiment aucun problème de santé, que ce soit dans le ventre de sa mère ou une fois né ? Ewime pensait à ça avant l’idée d’une éventuelle visite sur Csilla… Elle commença à manger, en écoutant la suite de l’échange, un peu amusée. Feesa était si mignonne, elle ne le réalisait peut-être pas… C’était dans son air, sa façon de parler et d’agir, elle était tout à fait adorable et sa mère fondait dès qu’elle la voyait. A moins, autre option très probable, qu’elle ne soit juste trop influencée, car justement, il s’agissait de sa fille.

« Feesa, si tu nous parlais un peu de toi, de tes projets, ceux que tu avais avant d'arriver en ce temps et ceux que tu as maintenant ? Le jeune Bridger fait-il partir de cet avenir, d'ailleurs ? »

Hum… Bridger… Un garçon ?! Ewime avala légèrement de travers ce qu’elle venait de prendre en bouche, puis lança un regard perçant à sa fille. C’était un nom qu’elle ne lui avait jamais mentionné, ça ! Et pourquoi ? C’était son petit ami ? Depuis quand ? Pourquoi n’en avait-elle jamais parlé avant ? Et pourquoi Thrawn était-il déjà au courant mais pas elle ?

« Et ce Bridger, qui est-ce, exactement, c’est un garçon que tu as connu au Temple ? Ou ailleurs ? Vous êtes… ensemble ? Et comment vous êtes-vous rencontré ? C’est quelqu’un de bien ? »

Et attention, ce n’était pas être surprotecteur de vouloir que votre enfant fréquente une personne qui soit bien pour elle ! Ce n’était que s’assurer, tout simplement, qu’aucun problème potentiel ne vienne traîner à l’horizon… Si elle avait une photo, d’ailleurs, ou si elle pouvait dessiner ce garçon, ce serait très bien.

Les lois et coutumes de l’Ascendance étaient parfois… souvent… trop renfermées. Feesa fit une petite moue, commençant à manger avec peu d’entrain mais même si elle n’avait pas très faim, elle ne voulait faire penser à sa mère qu’elle était malade, en mangeant moins. La question que lui adressa ensuite son père la laissa légèrement songeuse, l’espace d’un instant, car tout n’était pas encore très défini, en tout cas, pas à ses yeux, même si elle voyait quand même bien plus clair qu’avant. Reprendre sa formation Jedi faisait parti de ces projets, mais maintenant que Nat avait lui aussi disparu, ravalé par les failles de la Force… A qui s’adresser, ensuite ? Luke, peut-être, s’il voulait bien, mais il ne lui avait pas paru très emballé à l’idée de former qui que ce soit, pour le moment. Lorana, sinon ? Elle avait le même âge que Luke mais déjà une formation complète derrière elle, ce serait pas mal. De toute façon, avant de revenir pour de bon dans l’Ascendance, elle voudrait être plus sûre d’elle, pour faire face aux critiques, plus entraînée, et capable de se défendre dans n’importe quelle situation.

– Le jeune Bridger fait-il partie de cet avenir, d'ailleurs ?

– Papaaa !

Il ne… On ne demandait pas ça comme ça ! Puis s‘ils s’y mettaient à tour de rôle, ce n’était pas juste ! Le sang lui était remonté d’un coup au visage, avant qu’elle ne se reprenne un peu. Ezra aussi, elle en était sûre et certaine, deviendrait à moitié mort de gêne s’il entendait cette phrase dans la bouche d’un homme qu’il considérait comme son ennemi juré. Même si une part d’elle, il fallait bien l’avouer, voudrait voir sa réaction, elle temporisa ce sentiment. En plus de ça, gêne supplémentaire, elle n’avait encore rien dit à sa mère, au sujet d’Ezra ! Et n’osait plus la regarder, là, tout de suite. Son assiette lui semblait tout à fait fascinante, d’un seul coup, si bien orchestrée, très jolie, très colorée – ou pas – et bien plus intéressante à regarder que quoi que ce soit d’autre.

– Et ce Bridger, qui est-ce, exactement, c’est un garçon que tu as connu au Temple ? Ou ailleurs ? Vous êtes… ensemble ? Et comment vous êtes-vous rencontré ? C’est quelqu’un de bien ?

Elle devait lui dire que c’était un orphelin qui s’était retrouvé, tout jeune, seul dans les rues, qui avait volé pour survivre, puis qui s’était retrouvé mêlé à un groupe rebelle et des actions de guerre, le tout à l’âge de quatorze ans ? Il n’avait pas eu vraiment le choix, même si oui, il aurait pu décider de se tenir parfaitement tranquille, trouver un travail quelque part, et ne pas s’occuper de ce que pouvait faire l’Empire sur sa planète. Elle releva enfin la tête, avec une petite inspiration.

– Il s’appelle Ezra, maman, il fait parti de l’Ordre et de la Rébellion. Il a perdu ses parents jeune, à cause de l’Empire, puis il est devenu un membre de la rébellion à quatorze ans. Il n’est pas méchant, juste très impulsif, parfois, et…

Elle ne savait pas réellement comment décrire ça… Un caractère à la fois vif, joyeux, sans aucun instinct de survie, pas même une toute petite once, et qui se prenait rarement au sérieux. Elle essaya, tout de même, tout en mangeant, et en essayant de faire refouler le sang qui lui était monté aux joues, pour reprendre une couleur normale. Pauvre Ezra, si seulement il pouvait deviner qu’il se retrouvait d’un seul coup au cœur d’une conversation de ce type, dans les Régions Inconnues… Il en avait sûrement les oreilles qui sifflent.

– On s’est rencontrés au Temple. Pour l’avenir, je, heu… Je ne sais pas encore. D’où je viens, j’étais devenue assistante, pour Formbi, je m’occupais des affaires du Clan et je le remplaçais lorsqu’il était en voyage ou parti voir les Jedis. Luke, surtout, comme ils sont amis.

C’était une carrière qu’elle ne risquait pas de reprendre, en tout cas… Ou sous une forme bien différente. Quoi qu’il en soit, elle n’en était plus là, il fallait d’abord qu’elle termine de se former et trouve une place dans cet univers bien plus chaotique que le sien. Quoi que… Enfin, non, c’était une menace encore lointaine, d’où elle venait. Plus ou moins. Et surtout, il n’y avait pas de Siths, ni d’affreux génocidaires rêvant de décimer toute la galaxie.

– Je ne peux pas encore être sûre de ce que je deviendrai, ici, l’Ascendance est très différente. Travailler à y détendre l’atmosphère ambiante, ce sera bien.

– Peut-être pourrais-tu profiter d'être ici pour apprendre un peu plus sur certains domaines. Je ne parle pas du maniement des armes, bien sûr, surtout si tu veux devenir une jedi. Par contre, il y a d'autres points pour lesquels tu peux trouver des professeurs ici, ou bien ton oncle pourrait en envoyer si tu le lui demandes.

Hum, oui, non, son oncle avait l’art et la manière de choisir des professeurs encore plus conservateurs que lui, ce qui n’était pas peu dire. Mais bon, autant ne pas en faire la remarque, ce ne serait pas poli de toute façon. Elle se contenta d’un peu hocher la tête, sans plus réagir que ça, d’autant plus qu’elle ne voyait pas quel autre domaine approfondir que la politique, en plus de ce qu’elle pourra apprendre aux côtés des Jedis. Ça restait bizarre de se dire qu’on pouvait choisir d’intégrer un domaine librement, en quelque sorte, plutôt qu’en revenir à ce qui était le mieux pour vous. Elle y réfléchit très vaguement, tout en continuant de manger, puis fut tirée de ses réflexions par la question suivante de son père. Qui la fit marquer un très léger temps d’arrêt. Il s’y intéressait vraiment… ? Car, bon, Formbi le détestait, alors elle ne s’était pas imaginé qu’il puisse demander comme s’était déroulé le mariage. Soit c’était par pure curiosité, et allez comprendre d’où cette dernière venait, soit il voulait juste être poli devant maman. Maman qui avait en plus raté une petite partie de la fête car elle avait dû aller à l’hôpital.

– Plutôt… bien. Enfin, la cérémonie était très formelle et traditionaliste, mais c’était mignon. La moitié de la salle était très étonnée qu’il se marie et l’autre moitié n’arrivait pas à croire qu’il épouse une femme du clan Csapla, étant donné qu’il ne peut pas voir leur chef en peinture. Comme Thrass était là, en plus, et Luke, ça a ravivé quelques tensions. Sev’eere’nuruodo avait fait en sorte qu’ils soient entourés en permanence de membres de sa famille, pour éviter toute dispute.

Encore que Luke aurait pu rester relativement tranquille, il avait attiré de la curiosité, mais sans plus, parce qu’il était humain et n’avait de toute façon aucune intention de s’attarder plus que nécessaire, c’était assez voyant. Thrass, par contre, ce qui s’était dit sur son dos… Feesa n’avait pas empêcher une légère grimace, en y pensant, désolée pour son oncle. Tout ça parce qu’il aimait une femme… C’était quand même navrant, se faire rejeter par son propre peuple pour une affaire d’amour, et aussi parce qu’il était sensitif, alors qu’il avait longtemps travaillé à leur service, pour le bien de l’Ascendance. Il était même mort pour eux et voilà comment on le remerciait. Enfin… Elle chassa ce qu’elle avait entendu de sa mémoire, comme le fait qu’elle-même s’était retrouvée finalement assez isolée. Elle avait passé une bonne partie de la fête à parler avec Luke, histoire d’ignorer l’ostracisme. Tout ça lui avait encore plus donné envie de partir très loin des siens, pour quelques temps.

– C’était bien tout de même, il a respecté à la lettre les traditions, donc ça fera baisser les appréhensions de ceux trouvant qu’il dévie trop de ses principes. Pour la suite, ce sera mieux.

Au fond, elle espérait aussi que son oncle soit un peu moins nerveux, maintenant qu’il était marié. Il aura en plus un enfant, dans quelques mois, ça l’apaisera sûrement beaucoup.

– Pourquoi il ne s’est pas marié avant, d’ailleurs, maman ? A son… Enfin, à son âge, c’est étrange.

Alors ? La jeune femme n’en revenait pas de ne pas en avoir entendu parler plus tout. C’était tout de même la première chose qu’elle aurait dû faire, c’était important ! Donc, ce jeune homme ? Un orphelin, comme commença à le dire sa fille. Rien que cela était terrible, pour lui, comment se construire correctement et être bien, pleinement, être en paix avec soi-même, si on perdait ses parents si jeunes, surtout de cette façon. Feesa peinait légèrement à lui décrire son caractère, ce qu’il en ressortait, c’est que ce jeune homme était encore, disons… Encore peu posé. Un type de caractères auquel elle n’était pas du tout habituée, cela dit, pas d’aprioris avant de l’avoir vu elle-même. Car Feesa comptait le lui présenter un jour, n’est-ce pas ? Si elle ne pensait pas à le faire, ou hésitait à le faire plutôt, il faudra lui rappeler cette règle on ne peut plus essentielle. Ewime se nota ça dans un petit coin de son esprit, tut en continuant à déjeuner, puis pensa qu’elle aura aussi l’occasion, sans doute, de voir ce garçon lors du mariage de Thrass et Lorana. A ce moment, elle tâchera de s’assurer qu’il était assez bien pour sa fille.

« On s’est rencontrés au Temple. Pour l’avenir, je, heu… Je ne sais pas encore. D’où je viens, j’étais devenue assistante, pour Formbi, je m’occupais des affaires du Clan et je le remplaçais lorsqu’il était en voyage ou parti voir les Jedis. Luke, surtout, comme ils sont amis. Je ne peux pas encore être sûre de ce que je deviendrai, ici, l’Ascendance est très différente. Travailler à y détendre l’atmosphère ambiante, ce sera bien. »

« Peut-être pourrais-tu profiter d'être ici pour apprendre un peu plus sur certains domaines. Je ne parle pas du maniement des armes, bien sûr, surtout si tu veux devenir une jedi. Par contre, il y a d'autres points pour lesquels tu peux trouver des professeurs ici, ou bien ton oncle pourrait en envoyer si tu le lui demandes. »

Ah, forcément, elle avait suivi les traces de Formbi, d’où elle venait, c’était à prévoir. Ewime s’en était doutée, même si elles n’en avaient jamais réellement parlé. C’était simplement ce qui était ressorti au fil du temps. Néanmoins, elle avait raison, il lui sera très difficile, pour ne pas dire impossible, de reprendre cette carrière là où elle l’avait laissée. Pas que Formbi serait contre, au contraire, mettre sa nièce à l’abri lui ferait un très grand plaisir, mais elle ne pourra pas travailler dans de bonnes conditions, dans l’Ascendance actuelle. Surtout en ayant entamé auparavant une formation avec les Jedis, qu’elle poursuivra sans doute. Et il y avait cet Ezra… A quoi pouvait-il ressembler, d’ailleurs, ce petit humain ? Quelle était sa taille, les traits de son visage, la couleur de ses yeux ? Et puis, pouvait-il vraiment se poser quelque part, pour y vivre, s’il était habitué depuis des années à courir d’un bout à l’autre de la galaxie, pour combattre, encore et toujours ? C’était tout de même un point important.

Bien sûr, tout le monde n’était pas mature au même âge, il fallait parfois moins de temps et parfois plus de temps, avant de se comporter pleinement comme un adulte responsable. Cela dépendait de la manière dont vous aviez été élevé et de votre caractère personnel. Elle évitera donc de trop juger, même si dans le fond, il sera dur de s’empêcher de le faire… Enfin, en ayant servi avec les rebelles, ce jeune devait au moins être un peu responsable et connaître la vie. Ses dangers, ses joies, ses peines. Pour le moment, laissons un peu les questions, elle tenait à vérifier plusieurs points elle-même. Ewime arrêta un moment de manger pour boire de longues gorgées d’eau, dans l’espoir que ça fasse un peu passer les nausées qui revenaient. Si c’était comme ça pendant toute la grossesse, elle allait bien finir par devenir folle.

« Mais en attendant que tu y réfléchisses, comment s'est passé le mariage ? »

« Plutôt… bien. Enfin, la cérémonie était très formelle et traditionaliste, mais c’était mignon. La moitié de la salle était très étonnée qu’il se marie et l’autre moitié n’arrivait pas à croire qu’il épouse une femme du clan Csapla, étant donné qu’il ne peut pas voir leur chef en peinture. Comme Thrass était là, en plus, et Luke, ça a ravivé quelques tensions. Sev’eere’nuruodo avait fait en sorte qu’ils soient entourés en permanence de membres de sa famille, pour éviter toute dispute. »

Décrit comme cela, on aurait dit que Thrass avait dû avoir des gardes du corps, le pauvre. Ewime détourna rapidement la tête, la main contre la bouche, pour dissimuler un petit sourire. Ce n’était pas moqueur, elle s’amusait simplement de la susceptibilité grandissante de certains membres de leur peuple. Les remarques s’étaient abattues en une véritable volée de vois vert, sur Thrass, alors qu’il n’avait rien fait d’autre que de tomber amoureux d’une Jedi humaine. Il est vrai que sa présence avait été bine moins acceptée que celle de Luke, ironie de l’histoire. Enfin… Elle retint un petit et bref soupir, en terminant les légumes dans son assiette. Au moins, comme le soulignait Feesa, ce mariage allait être bon pour les affaires politiques de Formbi, même si ce n’était pas son but initial, lorsqu’il avait rencontré Namia.

« Pourquoi il ne s’est pas marié avant, d’ailleurs, maman ? A son… Enfin, à son âge, c’est étrange. »

« Il n’y a jamais pensé, voilà tout. On en a un peu parlé, c’est ton arrivée qui lui a fait prendre conscience qu’il pouvait terminer sa vie seul, s’il ne faisait rien. Avant, il pensait juste à son travail. Dans ton époque, il avait sûrement d’autres projets, ça lui viendra ici aussi. Peut-être qu’en s’occupant de toi, il n’a jamais éprouvé le besoin de fonder son propre foyer. Mais je ne peux pas savoir ce qui lui est passé par l’esprit, une fois que nous n’étions plus là et que tu étais encore tout bébé. »

Enfin… Elle pouvait, un peu, imaginer la douleur qu’il avait dû ressentir. La balance entre l’horreur de la mort et la joie d’une nouvelle petite vie. Peut-être était ce grand écart émotionnel qui l’avait fait changé, plus qu’il ne le pourrait maintenant ? Impossible de le savoir.

« En parlant de mariage, Eli sera présent à celui de Thrass ? Ça lui ferait du bien, je pense, un peu d’animation ou voir autre chose. Il m’a l’air plutôt sur les nerfs, en ce moment. »