Projet à préparer

Il faudra que quelqu’un, dans cette galaxie, réussisse à lui expliquer pourquoi certains vêtements pour bébé étaient si compliqués à enfiler, était-ce trop dur de se contenter juste d’un ou deux boutons, sinon un petit fils à nouer, et point final ? Franchement… Voilà au moins dix minutes qu’il tentait de termine d’habiller sa fille et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle aussi s‘agaçait. Haute comme trois pommes, du haut de ses deux mois, à présent, elle battait des bras et des pieds en pleurant, alors que Thrass essayait de s’en sortir. Un pauvre ensemble, une veste pour lui tenir bien chaud et des chaussons, ce n’était pourtant pas si compliqué. Heureusement, il pouvait encore lui attraper et tenir très facilement les mains et les pieds pour lui mettre correctement les vêtements. La fillette, couchée sur le dos, geignait toujours, son regard volait partout dans la cabine. Des yeux marrons bridés, de la même forme que sa maman, et une peau aussi bleu que la sienne, qui s’était un peu éclaircie, depuis sa naissance. Il la prit dans ses bras et lui massa un peu le dos, avec un soupir de soulagement.

– C’est bon, ma chérie, on ne pleure plus. Papa a terminé.

– Gah ?

Mmh, pas sûr qu’elle ait compris qu’il s’adressait à elle. La peluche restée sur le lit l’intéressait beaucoup plus, on dirait bien. Thrass la remit couchée dans ses bras, assis sur la couchette, puis lui donna la peluche la seconde suivante. C’était bien ça qu’elle voulait, en effet. Ça eut au moins le mérite de la calmer aussitôt. Durant tout un moment, il la berça doucement, en la regardant, sans rien faire d’autre. Il n’arrivait toujours pas à y croire, d’ailleurs… C’était bien sa fille qu’il tenait dans ses bras. Son enfant. Son bébé. Un miracle… Mais bon sang, lorsqu’elle pleurait durant des heures alors que ses parents l’avaient déjà lavée, changée, nourrie, bercée et câlinée, il aimerait bien trouver le bouton off ou quelque chose du même genre ! Kanan lui avait dit, en s’étouffant de rire d’ailleurs, que c’était le bonheur de tous les jeunes parents, ça, s’épuiser à chercher pourquoi leur bébé pleurait, sans raison apparente. Il lui avait dit que ça pouvait être dû à des coliques, parfois. Les tous-petits ne pouvaient pas parler, pleurer était leur seule solution pour exprimer leur malaise.

Enfin bref, pour le moment, la crise était passée. Leur petite était lavée, changée, sa maman lui avait donné le sein il y a peu, toute allait bien. Il se leva souplement avec elle, en entendant dans la coursive qu’ils arrivaient, et alla retrouver Lorana. Ce voyage le stressait un peu… Enfin, il était content de revoir sa famille, et présenter leur fille, depuis tout ce temps, mais la raison initiale le troublait beaucoup. Qu’avait-il bien pu se passer, cette fois… ? Parce que, bon, on parlait tout de même de Formbi… De Formbi, qui voulait parler à sa femme ! Thrass ne voyait aucune raison qui pourrait justifier ça, il avait retourné la question dans tous les sens, ces derniers temps, mais rien de crédible ne lui venait en tête. A coup sûr, de toute façon, il avait dû se passer quelques chose de grave… En attendant qu’ils atterrissent, il s’assit avec la petite derrière le siège pilote, près de sa femme. Il n’était plus revenu sur Nirauan, depuis le moment où il s’était littéralement aplati dessus, juste après avoir traversé la faille. Après les contrôles habituels de sécurité, ils arrivèrent finalement sur un petit espace, destiné aux navettes.

L’air était frais et il se réjouit d’avoir mis une veste à leur bébé. Comme il ne savait pas encore si, côté sensibilité au froid, elle avait plus pris de lui ou de sa mère… Niveau curiosité, en tout cas, ce n’était ni de lui ni de Lorana, tous deux assez discrets. Leur fille, elle, tournait toujours la tête pour regarder partout où elle pouvait quand elle était éveillée. Ils étaient à peine entrés dans la base quand l’officier à l’entrée, venu les accueillir et refermer les portes, lâcha un « Mooooooooh, un bébé ! » et se pencha aussitôt pour lui faire de grands sourire en agitant la main. Incroyable, le pouvoir sidérant des petites bouilles des enfants. Son collègue, derrière, finit par se racler bruyamment la gorge et l’officier se redressa d’un coup, les joues rouges, avant de reprendre une attitude beaucoup plus professionnelle. Il prit les devants pour les guider dans la base, les amener là où vivait la « jeune dame Chaf ». Formbi ne devait pas être déjà arrivé…

C’était maintenant très officiel, Ewime était prête à paniquer et angoisser dès que son grand frère affichait le moindre retard. Le message laconique qu’il lui avait laissé était qu’il arrivera « un peu plus tard que prévu à cause d’un problème à gérer sur Svarchi ». ça pouvait être tout et n’importe quoi, dorénavant ! Ewime serra les dents, respirant très fort pour ne pas céder à l’angoisse, puis relâcha son souffle. Ça pouvait tout aussi bien être un simple problème administratif ou… Quelque chose comme ça. Elle ne devait pas stresser se poser trop de question, et devait faire confiance à son grand frère. Depuis ce matin, elle se tenait occupée à tout ce qui lui était possible, pour se détendre. Comme maintenant, occupée à préparer le déjeuner, pour son frère et les invités de son frère. Ewime pensait depuis un moment à inviter le couple, et leur fille, pour enfin voir la petite, mais elle ne serait jamais attendue à ce que son frère veuille les voir. Enfin, voir Lorana, surtout. Ça avait été… un… gros choc. Contrairement à Thrawn et elle, quelle raison avait-il de vouloir rencontrer le couple et surtout en privé ?

Elle prépara la table en silence, puis retourna dans la cuisine, inquiète. Comment ne pas l’être, de toute façon… ? Jamais elle n’aurait cru qu’ils en arriveraient tous là. Mais s’occuper. S’occuper, en attendant. Rester debout longtemps la fatiguait, d’accord, mais c’était toujours mieux que rester assise dans un coin sans rien de mieux à faire que ressasser. Et se demander en boucle quel lien il pouvait exister, dans cette galaxie, entre son grand frère et Lorana. Il était Aristocra, avec un caractère peu facile, pris en plein troubles politiques et personnels, menacé, même, lui et tout son clan. Elle était une Jedi, jeune maman, occupée avec ses propres problèmes dont la rébellion, leur ordre, l’empire et on ne savait quoi encore. Tous les deux n’avaient dû se croiser que deux ou trois fois au grand maximum, en comptant le mariage, et menaient des existences aux antipodes. Ewime ne savait pas ce qu’il avait en tête, cette fois, mais espérait que ça ne lui amène pas plus de problèmes encore. Quoi que cet espoir était bien mince.

Le couple arriva un peu plus tard, alors qu’Ewime avait déjà presque achevé tous ses préparatifs. Elle alla leur ouvrir en essayant de cacher son angoisse, et les fit entrer. Son regard fut aussitôt attirée par le bébé que Thrass portait dans ses bras et elle demanda si elle pouvait la porter un peu, avec un large sourire émerveillé. Avec une grande douceur, elle récupéra la petite contre elle, la couvant du regard. Un parfait petit mélange de son père et de sa mère ! Cheveux noirs, peau bleue et regard bien humain, avec un petit sourire si adorable, comme sa maman. Petit cœur… Ewime l’embrassa longuement sur le front, en lui faisant un câlin. Son angoisse s’était temporairement envolée, en câlinant cette petite. Qui pouvait se sentir mal, en cajolant un enfant ? Elle la rendit ensuite à sa maman, sentant qu’il vaudra mieux qu’elle s’assoit, avant de câliner encore cette petite. Elle répondit dans les grandes lignes aux questions posées… Sa santé était bonne, celle du bébé aussi, mais tout ça était un peu noyé par le reste. Bien, ils pouvaient s’installer dans le petit salon, s’ils voulaient, le temps qu’elle amène quelque chose à boire.

« Vous savez pourquoi votre frère tenait à nous rencontrer ? »

« Je me pose la question autant que vous. » soupira-t-elle longuement.

Devait-elle aborder maintenant les… disons… problèmes que rencontraient son frère ou allait-il lui même aborder le sujet, quand il arrivera ? En préparant de quoi boire, sans alcool pour Lorana et elle, Ewime décida finalement de ne rien dire tout de suite. Elle ne cessait de surveiller l’heure, en coin, attendant avec anxiété que son frère se présente.

« Il doit avoir une très bonne raison, de toute manière, il ne fait jamais rien pour rien. Et puis, c’est aussi l’occasion de voir notre nièce ! Thrawn va sans doute passer aussi pour la voir. Comment s’est déroulé l’accouchement ? Vous n’avez eu de soucis ? Tout le monde dit que ça peut faire très mal… »

L’eau glacée lui fit un bien fou, ruisselant contre sa tête, puis les joues, avant qu’il ne se redresse. Après s‘être longuement frotté les yeux, il attrapa à tâtons une petite serviette de coton pour s’essuyer le visage puis faire face au miroir de la cabine. Après un départ plus tardif qu’il ne l’aurait voulu, il s’était isolé dans son cabine, puis était tombé endormi comme une masse, rattrapé d’un bloc par le gros coup de stress et de sommeil perdu, de ces derniers jours. Aucune panique dans l’air, du moins pas encore, il était simplement un peu fatigué. Les problèmes avaient déjà commencé, sur Svarchi, mais aussi au Parlement. Il serra un peu la serviette contre lui, les yeux rivés sur son reflet, puis un très mince sourire vint orner ses lèvres. Ça ne faisait que débuter. Il termina de se préparer en vitesse, même si pour cette fois, il n’avait pas un gros effort à fournir sur la tenue ou l’image qu’il renvoyait.

Et dire qu’il se sentait plus en sécurité alors qu’il se rendait chez un type qu’il avait détesté durant des années plutôt que chez lui ou sur Csilla. En son absence, Fanny veillait sur sa femme, restée à la maison. Fartha, lui, avait eu pour consigne de travailler depuis chez lui et de ne pas mettre un pied au Parlement d’ici là. Surtout seul ! Il devait leur trouver un garde du corps fiable, à tous les deux, des personnes dont il pouvait être certain de la fiabilité et de la loyauté. C’était une de ses priorités absolues. Il cherchera ensuite quelqu’un pour lui-même, au cas où. Fartha lui avait rapporté la scène, dans le hangar du Chimaera, la vision qu’avait eu la jeune navigatrice du Steadfast. Il aurait voulu que cette jeune fille évite d’en parler à tous ! Ou mieux encore, qu’elle ne voit jamais ce genre de chose ! Ça ne faisait en plus que confirmer ce qu’il avait déjà compris face à son bien-aimé confrère.

Enfin, ce qui était fait était fait. Formbi conservait son calme, depuis cette entrevue, et surtout depuis le début des problèmes. Il prenait ses précautions, maintenant qu’il était certain que ça n’avait pas été des menaces en l’air, qu’il risquait effectivement sa vie. Cela dit, son adversaire voudra sûrement, en premier lieu, détruire d’abord son clan. Plongé dans ses pensées, il resta assez sombre et silencieux pour la dernière ligne droit du trajet, puis la venue jusqu’à la base. Tant à faire, tant à préparer, tant de problèmes à gérer, et éviter l’implosion de son clan. Tout en s’assurant que, même s’il devait y passer, tout ce qu’il aura contribué à créer ou mettre en place, pour pousser l’Ascendance vers l’avant, ne disparaisse pas purement et simplement avec sa mort. Sur Nirauan, cependant, il pouvait s’autoriser une certaine détente. Ici, personne ne tentera de l’empoisonner, quant aux Chiss présents, ils n’étaient pas liés à ce conflit.

C’est bien en retard qu’il frappa chez sa sœur et lui demanda pardon d’emblée, en se penchant pour l’embrasser sur la joue, pour l’avoir inquiétée. Il salua ensuite le jeune couple, souriant en voyant la toute petite fille dans les bras de sa maman. Voilà donc la fameuse fillette métis… La première de son genre dans toute leur Histoire. Rien ne la distinguait d’une petite Chiss, quand elle fermait les yeux. Bien… Il ôta veste et la posa dans un petit coin, assez serein. Un endroit sécurisé, voir sa petite sœur en assez bonne forme, c’était tout ce qu’il lui fallait en ce moment. Une odeur de cuisine s’était répandue, dans la pièce… Il n’était pas venu ici pour déjeuner, même si c’était très bientôt l’heure, mais n’avait pas le cœur non plus de dire ça à Ewime. Elle avait déjà trop subi, ces derniers temps, pour qu’il la peine un peu plus.

– Je vous remercie infiniment d’avoir fait le voyage. J’aurai voulu me déplacer moi-même, cependant, je ne dois pas trop m’éloigner de Svarchi en ce moment. Je voulais vous parler d’un projet, que j’ai commencé à réfléchir il y a déjà un long moment, madame Safis.

Il sonnait très étrange d’employer ce nom de cette façon, mais soit, s’adapter. Il s’assit enfin avec eux, toujours très calme. On aurait pu lui dire que c’était de la folie, qu’il était cinglé, qu’il devrait s’inquiéter bien plus que ça, mais non. Si la colère lui venait toujours très aisément, son tempérament était ainsi fait, l’inquiétude, elle, n’avait jamais eu d’emprise sur lui. A moins que sa sœur ne soit en danger ou n’importe quel membre de sa famille proche. Il comptait lui parler de but en blanc, n’ayant pas le temps de tourner autour du pot.

– C’est un projet incluant également la coopération, récente, de l’Aristocra Mitth'san'suazee. Je souhaite créer un lieu, de formation et de protection, pour les jeunes sensitifs de l’Ascendance, ou les moins jeunes d’ailleurs, sur Svarchi ou sur Copero. Une sorte d’académie, finalement. Je voudrai savoir si vous seriez intéressée pour y participer. Bien sûr, Thrass, vous seriez invité aussi, si cela vous convient. Nous aurons besoin d’une personne pour gérer les lieux, en globalité, et surtout d’une personne pouvant enseigner aux enfants.

Alors, ma choupinette, contente de rencontrer ta tante ? Il se pencha pour sourire à son bébé, ravi et attendri de la voir dans les bras sa tante. C’est pour ce genre de moment si précieux qu’il aimait tant cette vie, malgré les problèmes qui pouvaient arriver, il n’y avait rien de plus beau que cela. Même si sa belle-sœur était visiblement très fatiguée et dû rendre bien vite la petite à sa maman. L’instant d’après, il remarqua sur le visage de Lorana une moue assez perplexe quand elle découvrit comment il avait habillé leur petit plus tôt. Oh, il avait fait au mieux, hein… Petit, c’était leur mère qui habillait Thrawn, quand il était encore un nourrisson, et après la disparition de leurs parents, son petit frère était déjà assez grand pour s’habiller tout seul. Donc pas encore de grosse expérience sur la gestion des vêtements d’un nouveau-né. C’était plutôt Lorana qui s’en occupait, d’habitude, comme elle mettait moins de temps que lui.

Ils s’installèrent dans le salon, tout en échangeant des nouvelles, dans un premier temps. Ewime partit chercher de quoi boire dans la cuisine, après avoir lâché qu’elle-même ne savait pas non plus pourquoi Formbi avait voulu les voir aujourd’hui. La conversation dériva ensuite sur l’accouchement, comment ça s’était déroulé, s’ils avaient eu le moindre problème… Il laissa sa femme parler de ce moment, surtout, car ça avait été elle la première concernée, après tout. Il ne pouvait toujours pas imaginer l’effort à produire, même après l’avoir vu, en revanche, il pouvait décrire l’émotion qu’ils ressentaient, lorsque leur bébé venait enfin au monde et poussait son premier cri. Thrass ne se souvenait pas d’avoir vécu quelque chose d’aussi fort et émouvant que de tenir son bébé contre lui pour la toute première fois. C’était presque indescriptible, il pourrait en pleurer juste en y repensant.

Ils eurent le temps d’en parler en long, en large et en travers avant que Formbi se présente à son tour. L’ex-Administrateur se leva lui aussi pour le saluer, quand il vint les rejoindre, d’une simple poignée de main. Il semblait… en forme. Un peu fatigué, peut-être, mais sinon cela, il était comme à son habitude. Thrass se détendit un peu, en se rasseyant, peut-être que cette drôle d’invitation ne cachait rien de grave ou de déroutant. Un projet, donc… Le mystère restait encore très épais, il ne voyait toujours pas en quoi un projet mené par un Aristocra pourrait impliquer Lorana. Il n’allait quand même pas lui demander de faire la promotion des relations entre membres de l’Ascendance et personnes étrangères, pour ouvrir les esprits.

– C’est un projet incluant également la coopération, récente, de l’Aristocra Mitth'san'suazee. Je souhaite créer un lieu, de formation et de protection, pour les jeunes sensitifs de l’Ascendance, ou les moins jeunes d’ailleurs, sur Svarchi ou sur Copero. Une sorte d’académie, finalement. Je voudrai savoir si vous seriez intéressée pour y participer. Bien sûr, Thrass, vous seriez invité aussi, si cela vous convient. Nous aurons besoin d’une personne pour gérer les lieux, en globalité, et surtout d’une personne pouvant enseigner aux enfants.

Thrass faillit en laisser tomber au sol le verre qu’il tenait, sa bouche se décrocha sous le choc et il resta là, immobile, à fixer Formbi. Attendez… Quoi ? Quoi ? Il voulait faire QUOI ?! De… Quoi ?! Il, il, il… Mais quoi ?! Complètement scié et très choqué, Thrass fit un effort monumental pour sortir de l’état de choc, au moins un peu, et réussir à bouger. Il… Que s’était-il donc passé, depuis un an, depuis un peu plus d’un an, pour qu’il en arrive à penser à un projet pareil… ?! Et Mitth'san'suazee en était partie prenante ? Qu’en pensait le Conseil, de cette histoire ? Ils étaient tous d’accord ? Car ça, franchement, ça l’étonnerait beaucoup… Incapable de se départir du choc, il lâcha un bref bafouillement, fixant toujours Formbi.

– Le… Conseil est… au courant ? De ce que vous pensez… ?

Une fois posé autour de verres de jus de fruit, à discuter, Ewime se détendit un peu. Ravie d’avoir sous la main une jeune mère qui puisse lui décrire plus concrètement les jours précédant un accouchement, même si ça devait être différent pour chaque femme, évidemment, et comment la naissance elle-même se déroulait. Toutes les expériences étaient bonnes à écouter ! D’autant plus que c’était tout récent, pour Lorana. Ewime voulait savoir comment elle avait géré la situation, si la fatigue persistait longtemps après l’accouchement, comment se déroulaient les premiers jours avec bébé, les nuits bien sûr, les soins primordiaux à donner après la naissance, les conditions idéales pour l’allaitement… Ils bavardèrent un assez long moment, de tout cela, elle en profitait pour poser toutes les questions pouvant lui venir en tête. Lire des bouquins sur le sujet, ça ne suffisait pas, c’était bien mieux d’en parler avec une autre maman. La souffrance due aux contractions lui faisait assez peur, pour être honnête… Elle se demandait comment elle saura gérer ça.

Une bonne heure plus tard, un petit coup fut frappé à la porte. Ça devait Thrawn, sans doute… Elle se leva pour aller ouvrir, puis sursauta à moitié en voyant son frère. Enfin ! Il se pencha pour lui faire la bise et demander pardon pour son retard, juste au moment où elle s’apprêtait à râler pour ça et lui dire combien elle s’était angoissée. Entre, entre… Elle s’écarta pour le laisser passer et referma, sans verrouiller, puis lui demanda ce qu’il voulait boire. Et sans comprendre comment il pouvait conserver une attitude aussi calme, aussi… détendu, en fait. C’est ça, il avait l’air détendu. En pleine guerre politique qui allait sûrement croître en violence, il était détendu ! ça la choquait tout autant que savoir Thrawn détendu au beau milieu d’une bataille galactique, mais bref… Après lui avoir offert de quoi boire, à lui aussi, elle vint reprendre sa place initiale, et chercha une position assez confortable. Elle avait encore pris du ventre… Et ressemblait à une baleine obèse, de son point de vue. C’était bizarre, jusqu’à ce stade, elle n’avait pourtant pas tellement pris, ce n’était que depuis ce mois.

« Je vous remercie infiniment d’avoir fait le voyage. J’aurai voulu me déplacer moi-même, cependant, je ne dois pas trop m’éloigner de Svarchi en ce moment. Je voulais vous parler d’un projet, que j’ai commencé à réfléchir il y a déjà un long moment, madame Safis. »

Ewime tiqua un peu. A la fois car elle ne voyait pas quel projet de son frère pouvait bien impliquer la collaboration d’une Jedi et à la fois car elle ne comprenait pas qu’il puisse vouloir s’occuper du moindre nouveau projet dans une situation pareille… Ce n’était… comment dire… Pas du tout le moment ? A ses yeux, en tout cas ! Il comptait se rajouter du travail alors qu’une montagne de tâche l’attendait déjà ? Qu’il allait être de plus en plus sous pression ? Qu’il devait se protéger et protéger ses proches ? Qu’il risquait sa vie ?! Et qu’il ne paniquait même pas un chouïa malgré tout ça ! Enfin ! Il paniquait et avait peur quand c’était elle qui était en danger ou malade, mais quand ça le touchait lui, même quand on le menaçait carrément de mort, là, non, tout va bien, bien sûr ! Pourquoi s’en faire ? Quoi de plus naturel dans cette galaxie de ne pas s’inquiéter quand un ennemi en voulait à votre peau et vous l’avait très clairement fait savoir ?

« C’est un projet incluant également la coopération, récente, de l’Aristocra Mitth'san'suazee. Je souhaite créer un lieu, de formation et de protection, pour les jeunes sensitifs de l’Ascendance, ou les moins jeunes d’ailleurs, sur Svarchi ou sur Copero. Une sorte d’académie, finalement. Je voudrai savoir si vous seriez intéressée pour y participer. Bien sûr, Thrass, vous seriez invité aussi, si cela vous convient. Nous aurons besoin d’une personne pour gérer les lieux, en globalité, et surtout d’une personne pouvant enseigner aux enfants.  »

La future mère écarquilla les yeux à fond, scotchée, bouche bée, figée. Thrass se figea lui aussi, tout aussi profondément choqué. Quant à Lorana, elle eut l’air plus perplexe et curieuse que choquée, mais ça pouvait se comprendre. L’angoisse reprit le dessus avec viole,ce et un très long frémissement la secoua de part en part. Il était cinglé… Avec tout ce qu’il avait déjà sur le dos, réfléchir à ce genre de chose maintenant ! Ses ennemis allaient prendre ça comme une provocation pure et simple ! Une de plus ! Et il aura des ennuis beaucoup plus graves à gérer aussitôt ! C’était certain ! Comment Mitth'san'suazee pouvait-il cautionner ça ?! Ce n’était pas l’idée en elle-même qu’elle trouvait idiote, mais, mais, enfin, maintenant ?! Alors qu’il avait tant à faire, alors qu’il se trouvait dans une situation impossible, alors qu’il risquait déjà sa vie ?! Pourquoi maintenant ?! Et… Son sang se glaça tout à coup alors qu’elle réalisait que, justement, il pouvait vouloir agir maintenant car il voulait absolument entamer ça avant de se faire tuer. Oh bon sang… Bon sang… Bon sang…

« Le… Conseil est… au courant ? De ce que vous pensez… ? »

« Pourquoi souhaitez-vous travailler sur ça, maintenant ? Il s’est passé autre chose, qui vous pousse à vouloir le faire ? Et quel est le but, vous souhaitez créer un groupe pouvant aider à la défense de votre peuple ? »

Une académie pour sensitifs… Si son frère voulait une manière de hurler « Je vous emmerde tous ! » à ses détracteurs, il ne pouvait trouver plus belle façon de le faire. Il tenait vraiment à finir sa vie comme ça, haï par beaucoup, renié, rejeté, pointé du doigt mais fier jusqu’au bout… ? Alors, oui, c’était beau de terminer sa vie sans jamais avoir abandonné ou renié ses principes, mais, mais, mais… Silencieuse, elle ne se remettait pas du choc et à ce qu’elle voyait, Thrass non plus. Formbi, lui, était toujours aussi serein, ce qui l’affolait encore plus. Lorana était calme aussi, mais bon, ça, c’était sûrement parce qu’elle ignorait encore la culture autour des sensitifs dans l’Ascendance et les préjugés allant avec.

« Si tu te moques de mourir, mon cher frère, tu n’es pas obligé de pousser tes adversaires à faire en sorte que ce soit le plus douloureux possible. »

Les réactions ne l’étonnaient pas trop… Il porta son verre à ses lèvres pour boire un peu, tout en surveillant que ni Thrass, ni Ewime, ne s’étouffent littéralement sur place à cause du choc. La jeune Jedi, elle, n’était pas si choquée, plutôt perplexe, visiblement. Cela dit, elle ne devait pas en savoir assez sur l’Ascendance pour comprendre ce que cette demande impliquait, il n’y avait donc rien de plus normal à ce qu’elle reste assez détendue. Sa sœur, elle, était bouleversée, mais elle s’inquiétait toujours trop, de toute manière, il fallait vraiment qu’elle se détende un petit peu. Quant à Thrass, allons, on se reprend ! Il devrait déjà être habitué, avec un frère pareil, aux coups foireux ou bizarres ! Alors pourquoi était-il tout de même si scié ? Il avait dû perdre son habitude, le pauvre. A moins que, connaissant extrêmement bien lui aussi comment leur politique interne fonctionnait, il ne réalise déjà toutes les conséquences possibles de cette affaire.

La suite de leurs questions l’amusa presque. Thrass pensait d’abord politique, Lorana pensait objectif à atteindre, Ewime pensait risques encourus. Évidemment, il ne montra pas son amusement, gardant un air absolument sérieux. C’était quelque chose qu’il savait bien faire, merci au Conseil, justement. Pour commencer, il reposa son verre, en se retenant très fort de dire à Ewi et Thrass de se détendre un petit peu, pour commencer. Sa sœur était dans un tel état de nerf qu’elle serait bien capable de le gifler ou de se mettre à hurler. Pas envie d’alerter toute la base non plus. Et dans le même temps, il n’avait pas la moindre envie de faire des ronds de jambe ou tenter d’adoucir un peu la situation. Il commença par fixer Thrass et Lorana, un très léger sourire aux lèvres. Ils n’étaient pas encore au courant de tout, c’est vrai...

– Je me suis engagé dans une guerre politique avec une partie du Conseil, commença-t-il par dire, très platement. Plus particulièrement contre Beclu'doz'csapla. C’est un chef de Famille non négligeable, miss Safis. Bref, donc cet homme et d’autres dans le Conseil désapprouvent mes méthodes et manières de faire depuis déjà des mois, et ce qui a fait déborder le vase, ça été après l’attaque contre le Harpon. J’ai forcé la main du Conseil pour que Thrawn et les siens puissent rentrer et nous aider à chercher les disparus. Udozc a moyennement apprécié, donc à mon retour sur Csilla, nous avons eu une courte discussion. Il souhaite la destruction de mon Clan et la mienne avec. Voilà pour le résumé de la situation.

Thrass pouvait très facilement imaginer toutes les retombées de cette affaire, aussi Formbi ne s’attarda-t-il pas sur les détails. Il en parlera plus tard avec sa femme s’il voulait, ce n’était pas le sujet du jour. Quant à Ewime, elle savait déjà qu’il ne regrettait aucune des ses actions ni aucune de ses paroles.

– Bref, la situation est assez tendue. Je ne moque pas de mourir, petite sœur, simplement, je fais ce que j’ai à faire. Si je dois effectivement y passer bientôt, alors je souhaite mettre avant en place les derniers projets que je peux avoir en tête. Même si c’est sans doute le pire moment qui soit, ça n’a pas d’importance, je n’en aurai pas d’autres. Pour vous répondre, Thrass, en plus de Mitth'san'suazee, Veeren aussi est au courant. Les autres, non, bien évidemment, pour l’instant. Ce n’est pas de la simple provocation que ça soit perçu ensuite comme tel ou non n’a pas d’importance.

Il s’interrompit juste le temps de boire un peu d’eau et ravaler un léger soupir. Oui, il en énervera encore plus d’un, et fortement, bien avant sa mort. Une pensée on ne peut plus réconfortante, s’il voulait être honnête ! Car au milieu de tout ce bordel et de tous les problèmes possibles, avoir la certitude qu’il pouvait très profondément emmerder ses ennemis avec un si grand soin, quoi qu’ils puissent lui faire subir plus tard, lui procurait une immense satisfaction. C’était presque jouissif ! Un souvenir de plus qu’il emportera avec lui… Tout ce qu’il voulait, dans le fond, c’était avoir le temps de mener ses projets à bien, de voir son fils et son neveu venir au monde avant que lui-même ne le quitte, et pouvoir s’assurer de protéger ses proches. Tous ses proches.

– Quant à mon but, il est assez simple. Les récents événements, la pandémie et les failles ont prouvé depuis déjà longtemps que notre peuple n’est pas prêt, loin de là, à se défendre contre toutes les menaces. Sans oublier ce qu’avait pu raconter ce jeune Chiss venu d’un lointain passé. Je souhaite, à terme, qu’il y ait au moins une poignée de personnes capables de contrer les menaces que la Flotte de Défense ne saura pas prendre en charge. Et que ces personnes soient formées d’une bonne façon, je ne vais évidemment pas demander à un quelconque Sith de faire cours. Pourquoi vous, maintenant… Simplement parce que vous avez déjà prouvé pouvoir vous adapter à notre culture. Vous parlez aussi notre langue. Et ce projet-là, je ne pourrai pas le construire seul.

– Pourquoi souhaitez-vous travailler sur ça, maintenant ? Il s’est passé autre chose, qui vous pousse à vouloir le faire ? Et quel est le but, vous souhaitez créer un groupe pouvant aider à la défense de votre peuple ?

– Si tu te moques de mourir, mon cher frère, tu n’es pas obligé de pousser tes adversaires à faire en sorte que ce soit le plus douloureux possible.

Que savait Ewime que l’Aristocra n’avait pas encore expliqué… ? Thrass croisa les bras en s’enfonçant contre le dossier du canapé. C’est bon, ça y est, il s’attendait maintenant au pire scénario qui soit, Formbi pouvait y aller, il tait prêt ! Et l’Aristocra ne tarda pas, en effet… Donc Beclu'doz'csapla. Beclu'doz'csapla ! De tous les autres Aristocras qu’il aurait pu offenser gravement, de tous ceux qu’il aurait pu se faire comme ennemi, il avait choisi celui-là comme adversaire ! Le pire des neuf ! Il était, littéralement, à la tête de la plus puissante des familles régnantes, la plus riche, celle qui avait le plus d’influence, et celle en plus qui gérait l’aide centrale de Csilla, redistribuée à toutes les planètes habitées de l’Ascendance, celle qui gérait une grosse part des ressources de toutes sortes. Le Clan Csapla avait un pouvoir considérable entre ses mains, plus que n’importe quelle autre Famille, à voir peut-être les Nuruodo. Formbi n’aurait pu tomber sur pire !

La suite le surprit encore plus. Le choc revient au très grand galop lorsque Formbi expliqua, tout à fait naturellement, qu’il avait réussi à faire venir son petit frère pour les aider, dans la recherche de l’équipage disparu. D’a… ccord… ? La bouche entrouverte, il en réalisait même pas qu’il le fixait avec un air finalement très idiot, tant il était scié. Entendre que Formbi avait dégagé d’un bloc une rancune vieille de plus de trente ans et s’était mis volontairement dans une situation où il risquait sa vie, sans une once de regrets, et même pire, avec le sourire, c’était… Très… Hum… Il n’aurait pas deviné qu’il était capable de… Enfin… Capable d’aller si loin, finalement. Qu’il était tout à fait prêt, pour ses principes, de jeter à terre ses plus forts principes pour le bien de sa famille. C’était à la fois très honorable et très effrayant ! Il avait une force de caractère que Thrass n’aurait jamais soupçonné chez lui. Ça lui rappelait son petit frère, tiens, tout à coup…

– Bref, la situation est assez tendue. Je ne moque pas de mourir, petite sœur, simplement, je fais ce que j’ai à faire. Si je dois effectivement y passer bientôt, alors je souhaite mettre avant en place les derniers projets que je peux avoir en tête. Même si c’est sans doute le pire moment qui soit, ça n’a pas d’importance, je n’en aurai pas d’autres. Pour vous répondre, Thrass, en plus de Mitth'san'suazee, Veeren aussi est au courant. Les autres, non, bien évidemment, pour l’instant. Ce n’est pas de la simple provocation que ça soit perçu ensuite comme tel ou non n’a pas d’importance.

Pourquoi ça ne l’étonnait même pas, que Veeren et Thsans veuillent bien prendre part à ce genre de projets… Il se frotta un peu les yeux en retenant un long, très long soupir, presque désolé. Guerre politique, hein… Les mots pourraient paraître forts, et pourtant, ça ne reflétait qu’à peine la réalité, selon lui, il était sûr que ce sera violent. Coups bas en tous genres, agressions contre Formbi et ses proches, tout allait être permis, maintenant ! Et comment s’en plaindre ? Accuser au grand jour le chef de Famille Csapla ne servira à rien, sans compter que ça nuirait à l’équilibre global de l’Ascendance. Svarchi ne sera pas attaquée frontalement, au moins… Les membres de la Flotte de Défense refuseraient évidemment d’aller bombarder une des planètes de l’Ascendance ! Mais Formbi s’était tout de même fichu dans une merde noire… Seul point très compréhensible, il devait effectivement lancer tous les projets qu’il avait en tête de suite. C’était maintenant ou jamais ! Littéralement.

– Quant à mon but, il est assez simple. Les récents événements, la pandémie et les failles ont prouvé depuis déjà longtemps que notre peuple n’est pas prêt, loin de là, à se défendre contre toutes les menaces. Sans oublier ce qu’avait pu raconter ce jeune Chiss venu d’un lointain passé. Je souhaite, à terme, qu’il y ait au moins une poignée de personnes capables de contrer les menaces que la Flotte de Défense ne saura pas prendre en charge. Et que ces personnes soient formées d’une bonne façon, je ne vais évidemment pas demander à un quelconque Sith de faire cours. Pourquoi vous, maintenant… Simplement parce que vous avez déjà prouvé pouvoir vous adapter à notre culture. Vous parlez aussi notre langue. Et ce projet-là, je ne pourrai pas le construire seul.

Il ne perdait pas le Nord. Menacé de mort, sous un flot d’ennuis en tous genre ? Qu’à cela ne tienne, lançons en plus un autre projet qui allait lui coûter le double d’ennemis et de problèmes ! Pourquoi pas, après tout ? Quitte à se faire haïr, autant le faire pour une très bonne raison. Thrass ne savait plus vraiment s’il devait être choqué ou simplement blasé, en fait… Sur le fond, l’idée était cohérente et pouvait apporter beaucoup à long terme. Mais elle était aussi dangereuse, très problématique, allait apporter pas mal d’ennuis de tout style à bien des personnes, et elle allait secouer des préjugés très profondément ancré dans la culture Chiss, depuis des centaines d’années.

– C’est… une idée très intéressante et très compliquée à mettre en œuvre. Je pense, personnellement, que Copero serait un endroit plus adapté, car la clan Csapla ne ne pourra pas s’y permettre des coups foireux. Les usines pour la Flotte de Défense sont là-bas, après tout, alors que Svarchi est simplement une planète agricole. Vous allez complètement ruiner votre réputation et vous en faire une nouvelle plus… Plus particulière.

C’était incroyable. Incroyable… Tout bonnement incroyable ! D’ordinaire, il avait toujours eu un tempérament assez vif, colérique, emporté, impatient, et maintenant qu’il se retrouvait pris au beau milieu d’une tempête politique qui allait probablement lui coûter la vie, le voilà devenu très calme et détendu, très sûr de ce qu’il avait à faire. Comme s’il avait préparé ça toute sa vie. Et dire qu’il lui était arrivé très souvent de douter, même de regretter, d’en être arrivé à ce poste, par le passé ! Finalement, il était bel et bien taillé pour ça, même si ce n’était la première voie dont il avait rêvé. Bien maigre consolation. Les bras croisés et bien serrés contre elle, Ewime soupira légèrement, calée contre le canapé, de nouveau silencieuse. Elle savait bien qu’ils ne pouvaient plus revenir en arrière, maintenant, mais tout de même… L’accepter était douloureux. Il ne se moquait pas de mourir, hein… ? Il avait alors une très mauvaise manière de le montrer ! C’était, c’était, c’était… Tss… Veeren soutenait ça, en plus ? Pfft, ça non plus, ça ne l’étonnait pas, venant d’elle ! De tous les clans de l’Ascendance, les Nuruodo étaient bien évidemment les plus susceptibles d’adhérer à fond dans un tel projet. Leur Chef de Famille les représentaient très bien !

Ça l’énervait d’autant plus qu’elle avait on ne peut plus conscience d’être complètement pieds et poings liés, dans une telle situation. D’abord car elle n’avait aucun poids politique et ne pouvait donc aider en rien dans cette lutte, ensuite car si sa condition personnelle, disons, était dévoilée au grand jour, ça ne donnerait que des ennuis de plus à gérer pour son grand frère, et enfin car vivant ici, ce serait aussi une entrave pour son frère si elle s’en mêlait, ses ennemis sauteraient sur l’occasion pour le décrédibiliser et en rajouter plus encore. Presque désespérée, elle fixait son frère, soupir au lèvre, en l’écoutant détailler un peu plus son idée. Il avait tellement changé, depuis un an… Deux ans, plutôt… Depuis qu’il avait rencontré Feesa mais aussi d’autres personnes extérieures à l’Ascendance. Lorana fit tout à coup une drôle de moue, en regardant son mari. Il n’avait pourtant rien répondu de particulier, si ? Il était bien vrai que Copero était un terrain mieux adapté. Oh, peut-être ne comprenait-elle juste pas pourquoi, tout simplement, si elle ne connaissait pas ces usines ou la place de la planète.

« Il faudra que j’en parle à l’Ordre avant toute chose, pour ne pas juste disparaître comme ça. C’est toute une… organisation, ce genre de projets. Et comme vous le dites, il faut du monde, pour mettre en place quelque chose de cohérent. Qui a déjà accepté d’y travailler, plus concrètement, et comment envisagez-vous tout cela ? »

Bonne question… Ewime retint un énième soupir et se leva, pour aller surveiller la cuisson du déjeuner et ajouter un peu d’eau, avec les condiments, pendant que Formbi répondait. Écouter tout cela la stressait, impossible de ne pas penser au pire. En revenant dans le salon, elle dit au passage qu’ils allaient bientôt passer à table, ils continueront là, de toute manière. La table était déjà mise, depuis ce matin, il suffisait d’attendre que ce soit prêt, d’ici quelques minutes. Bon, voyons le bon côté des choses, son frère avait au moins trouvé un état d’apaisement absolu et il était très concentré sur ses projets…

« Tu as bien pensé, d’ailleurs, à engager un garde du corps fiable, Formbi ? »

– C’est… une idée très intéressante et très compliquée à mettre en œuvre. Je pense, personnellement, que Copero serait un endroit plus adapté, car la clan Csapla ne ne pourra pas s’y permettre des coups foireux. Les usines pour la Flotte de Défense sont là-bas, après tout, alors que Svarchi est simplement une planète agricole. Vous allez complètement ruiner votre réputation et vous en faire une nouvelle plus… Plus particulière.

– L’état de ma réputation ne m’a jamais gêné le moins du monde, Mitth’ras’safis.

Par bonheur ! Où en serait-il, aujourd’hui, s’il s’était déjà préoccupé de ce que les autres pouvaient bien penser de lui ? Il se moquait aussi de ce qu’on dira sur lui après sa mort, quelle importance, après tout, il ne sera plus là pour entendre toutes ces bêtises. Il écouta ensuite la réponse de la jeune femme, hochant la tête lorsqu’elle dit vouloir d’abord l’avis de son Ordre. Bien entendu, il ne souhaitait pas qu’elle suive le mouvement dans la minute même, c’était évident. A voir maintenant ce que les siens allaient en penser, mais au fond, leurs avis importaient peu à l’Aristocra. Il appréciait certains d’entre eux, le petit Jedi blond par exemple, mais ça ne signifiait pas pour autant qu’il attendait leur approbation globale pour son projet ! Non, certainement pas, la seule dont il attendait le verdict, c’était la jeune mère assise face à lui. Parce qu’il avait besoin d’elle, tout simplement. Mais l’avis des autres Jedis, il s’en passera bien.

C’était d’ailleurs assez ironique qu’il se retrouve, aujourd’hui, à devoir compter sur elle… Elle était, littéralement, la première Jedi non agressive qu’ils avaient rencontré, car le vieux fou de C’Baoth ne comptait évidemment pas comme un type sain d’esprit et agréable. Mais s’il comptait sur elle, c’était aussi car elle n’était pas déjà engagée dans d’autres actions de guerre, au contraire de beaucoup de Jedis aujourd’hui, contre l’Empire, parce qu’elle était déjà en très bonne voie de familiarisation avec leur peuple, qu’elle parlait leur langue, qu’elle avait montré par son mariage et la naissance de cette fillette être capable de tourner le dos aux traditions passées et qu’il la pensait tout à fait capable de bien s’y prendre pour la formation d’enfants. Ce sera une tâche très lourde, bien sûr, mais elle devait en être capable. Sans oublier qu’elle aura son mari auprès d’elle pour l’aider.

– C’est toute une… organisation, ce genre de projets. Et comme vous le dites, il faut du monde, pour mettre en place quelque chose de cohérent. Qui a déjà accepté d’y travailler, plus concrètement, et comment envisagez-vous tout cela ?

– Pour le moment, j’ai le soutien complet du Clan Mitth et j’ai commencé à y travailler, avec les membres de mon propre Clan, afin de déterminer qui était intéressé. Le processus est en cours, ce n’est pas une chose qu’on peut faire rapidement et il y aura sûrement peu de personnes engagées, dans un premier temps.

Peut-être à peine une vingtaine, en étant optimiste, selon ses prévisions. Ewime se leva tout à coup pour aller surveiller sa cuisine, et il la suivit un bref instant du regard, sentant bien son désarroi. Navré, mais il ne pouvait revenir en arrière, c’était comme ça, maintenant. Il développa plutôt à la Jedi la façon dont il envisageait les choses. Le « modèle » de base, tel qu’il l’envisageait, était une sorte d’école, comme une pension, où les jeunes pourront suivre un cursus pour apprendre à maîtriser la Force mais aussi continuer de développer en parallèle d’autres aptitudes. Il n’était bien sûr pas envisageable de les déscolariser, la Force ne devait être qu’un apprentissage de plus et non pas prendre la place de tout le reste. Ce ne sera pas quelque chose de très important, durant les premiers mois, le temps de tout mettre en place. De toute manière, un tel projet ne pouvait grossir qu’avec du temps et beaucoup d’efforts.

En revenant avec eux, Ewime souleva un question importante, celle de la sécurité. Il sourit faiblement et lui répondit qu’il y travaillait, oui, et qu’il cherchait un garde du corps fiable. Il avait trouvé quelqu’un de bien pour sa femme, presque pour Fartha, il lui restait à s’assurer de certains détails. Il pensera à lui-même après. D’ailleurs, Thrass avait eu raison de souligner que Copero pouvait être bien plus adapté que Svarchi… Il devra en parler plus avant avec son confrère. Ils passèrent ensuite à table, et là, tout en déjeunant, Formbi continua de parler aux deux jeunes gens ce à quoi il avait pensé pour le moment. C’était un travail considérable, oui… Il voulait croire. Il fera tout son possible pour que ça fonctionne.

– C’est beaucoup de travail, bien sûr. Mais je pense que vous êtes capable de suivre ce genre de projets.

Thrawn marchait d'un pas rapide dans les couloirs. Le situation n'était pas délicate mais il y avait beaucoup à faire en cette période. Les différentes escadres envoyées dans l'Espace Sauvage faisaient leur rapport, ou revenaient sur Nirauan et le grand amiral tenait à recevoir les comptes rendus de mission à l'instant de leur arrivée, pour pouvoir confier de nouvelles missions ou ordonner un retour au quartier general des FID pour réparation ou autre. Pour l'heure, la situation était légèrement à l'avantage des FID-rebelles vis à vis de l'Empire mais uniquement parce que les moyens mis en oeuvre par la 6ème flotte impériale étaient trop dispersé pour être efficace là où il le fallait. Leur supériorité numérique faisait balance et leur permettait d'être présent sur plus de monde.

L'absence du grand amiral pour secourir l'équipage du Harpon avait été un petit contretemps qui avait retardé le déplacement de certaines unités pour des endroits où ils auraient fait plus de mal mais le chiss n'avait aucun doute que cela serait corrigé : il connaissait l'ennemi et disposait, contrairement à lui, d'un allié et d'un soutien local, sans compter l'aide de l'Alliance Rebelle.

Arrivé devant un porte, il sonna poliment, préférant agir ainsi et attendre qu'on lui ouvre plutôt que de faire comme s'il vivait dans cet appartement, même s'il y passait une partie de son temps de repos, et briser la susceptibilité d'une des personnes se trouvant ici, et par politesse aussi. Il sourit à Ewime quand elle lui ouvrit et entra, saluant son frère et sa belle-soeur d'un signe de tête et d'un sourire, leur faisant signe de rester assis, et l'aristocra chaf'orm'bintrano d'un signe de tête poli.

"Je m'excuse mais je n'ai que quelques minutes à vous consacrer l'amiral Pellaeon doit me contacter dans un instant pour faire son rapport, et je dois lui indiquer où le Harbringer doit se rendre. Je serais surement plsu disponible ce soir, si vous souhaitez me voir."

Il tendit le paquet qu'il tenait en main à Lorana, paquet contenant une boîte où se trouve une poupée chiss, fabriquée sur Csilla et dont l'obtention ne fut pas vraiment difficile.

"Un petit présent pour ma nièce," dit-il avec un léger sourire. "Au passage, le jeune Nuru est de nouveau présent et se trouve ici, sur Nirauan. Je pense qu'il serait bon, pour lui, si vous pouviez lui accorder un instant."

Il s'adressait à Lorana et Thrass, en tant que représentant des jedi et rebelle, avec qui le jeune chiss avait déjà eu des rapports pendant son précédent passage temporel et dans sa vie antérieur. Thrawn ignorait si Ewime ou Formbi leur en avait déjà parlé mais, vu la tension présente dans la pièce, il estimait que non. Et sinon, c'était son devoir de souligner cette présence auprès de personnes qui pouvaient aider le jeune chiss. Le comlink dans la poche du grand amiral émit un bip.

"Je dois y aller. Je vous souhaite un bon appétit et à plus tard, j'espère."

Il s'inclina légèrement, se tourna et sourit à Ewime, puis sorti de la pièce pour retourner au poste de commandement de la base.

– C’est toute une… organisation, ce genre de projets. Et comme vous le dites, il faut du monde, pour mettre en place quelque chose de cohérent. Qui a déjà accepté d’y travailler, plus concrètement, et comment envisagez-vous tout cela ?

– Pour le moment, j’ai le soutien complet du Clan Mitth et j’ai commencé à y travailler, avec les membres de mon propre Clan, afin de déterminer qui était intéressé. Le processus est en cours, ce n’est pas une chose qu’on peut faire rapidement et il y aura sûrement peu de personnes engagées, dans un premier temps.

Évidemment, ce sera très long, c’est sûr. Peut-être dix personnes au début… Ou un peu plus, il ne savait pas trop, c’était très difficile de se projeter. Ewime les laissa un instant pour aller surveiller sa cuisine, puis lui-même récupéra en douceur sa fille dans les bras, pour laisser plus tranquillement Lorana discuter. C’était elle la première concernée, après tout. De son côté, il n’avait pas de très grand projet prévu et était assez libre de ses mouvements, tout ce qui comptait, c’était de prendre soin de sa famille. Donc que ce soit sur Nirauan ou ailleurs, ça ne le dérangeait pas, somme toute. Leur petite, quant à elle, allait de toute manière grandir entourée de Jedis, que ce soit dans l’Ascendance ou ailleurs, ça ne changeait rien pour elle. Petite qui commençait à somnoler à nouveau. Voyant ça, il murmura à sa femme qu’il allait la coucher. Ils avaient prévu un petit lit pliable, emmené avec eux, mais Ewime leur avait dit plus tôt qu’ils pouvaient simplement couché leur fille dans la chambre préparée pour son propre enfant. Tout était prêt, après tout. Et elle y sera plus au calme qu’au salon, près d’eux, alors qu’ils parlaient ou déjeunaient.

La chambre en question était joliment décoré, plus personnelles que ce qu’eux-mêmes avaient pu faire dans leur coin, au temple Jedi, où leur fille dormait toujours auprès deux. Il déposa avec douceur son bébé dans le berceau, après l’avoir préparée, et lui donna sa peluche. L’avantage, elle s’endormait toujours très vite. L’inconvénient, elle ne faisait pas encore ses nuits. Que ce soit après ses siestes en journée ou au milieu de la nuit, le réveil se faisait toujours en fanfare… Il fallait avoir un bébé auprès de soi la nuit pour réaliser à quel point ces cris soudains vous faisaient lourdement sursauter. Il la regard dormir un instant, avant de repartir, laissant juste la porte de la chambre ouverte pour l’entendre, au cas où. Ils discutèrent encore un petit moment dans le salon, avant de s’installer à table, juste à côté. Formbi démontrait une belle confiance envers Lorana, c’était surprenant, venant de lui. Comme quoi, il avait vraiment beaucoup changé… Et ça fera du bien aussi à sa femme de constater que d’autres personnes, qui n’étaient pas particulièrement proches d’elle, lui faisaient aussi confiance.

A table, il revint vite à la réalité et à la tension présente dans la pièce. La peur et le stress d’Ewime étaient palpables, le calme de Formbi trop peu habituel pour que ça puisse apaiser, quant à sa femme, elle était plutôt un peu perdue. De son côté, Thrass ne savait plus vraiment quoi en dire ou en penser. Il laissait Lorana juger de ce qui était le mieux à faire, car après tout, la plus lourde tâche reviendra entre ses mains. Mettre en place une infrastructure était une chose, mais former correctement des personnes était une toute autre paire de manches. Il la soutiendra dans sa démarche et ses choix, quoi qu’il advienne, de toute façon. Ils avaient à peine commencé à manger quand son petit frère passa, en coup de vent pour ce midi. Au moins, il avait l’air d’aller bien, même si oui, il devait être débordé, lui aussi. Et dire que Formbi avait réussi à le faire revenir temporairement dans l’Ascendance… Qu’il ait voulu ça, déjà, ça témoignait plus que jamais d’un lourd changement d’état d’esprit.

– Un petit présent pour ma nièce, dit-il avec un léger sourire. Au passage, le jeune Nuru est de nouveau présent et se trouve ici, sur Nirauan. Je pense qu'il serait bon, pour lui, si vous pouviez lui accorder un instant.

Le petit était de retour ? Thrass n’eut par contre pas le temps de demander plus de précisions, son frère était déjà reparti. Bon, ils verront ça directement avec le jeune garçon, de toute manière. D’ailleurs, si ce projet d’académie se concrétisait, il sera bon que Nuru y aille de temps à autre, il était l’exemple même de ce que Formbi voulait faire, dans l’Ascendance. Il tourna le regard vers Lorana, assez curieux.

– Que penses-tu de ce projet, pour le moment ? Comment vois-tu les choses ?

Son frère avait tout de même déjà réfléchi à beaucoup de choses, mine de rien, elle n’aurait pas cru qu’il serait si avancé là-dedans. C’était… bien ? Dans un sens, il avait parfaitement raison de ne pas se laisser faire et de monter les projets qu’il avait en tête sans se laisser intimider, ça ne pouvait que jouer en sa faveur. De l’autre, elle aurait voulu qu’il laisse couler, qu’il s’oblige à rentrer dans le moule et qu’il… Enfin… Qu’il n’en arrive pas à de telles extrémités. Elle avait peur de le perdre, c’est tout ! Peu après le début du repas, Thrawn passa en coup de vent, pour dire bonjour et donner une boîte Lorana. Ewime essaya de lui rendre son sourire, cependant, elle avait l’estomac si noué par la tension que ça devait plutôt ressembler à une grimace. Pas génial, comme tentative pour cacher la peur, mais elle faisait ce qu’elle pouvait, hein ! Surtout que Formbi, lui, n’était pas inquiet du tout, ça l’énervait encore plus. Quand son compagnon dû repartir, elle le suivit du regard avec un air un peu blasé, en se demandant ce que lui penserait d’une histoire pareille… et s’il ne pourrait pas convaincre Formbi de penser un peu plus à sa propre sécurité. Quitte à le manipuler un petit peu.

« Que penses-tu de ce projet, pour le moment ? Comment vois-tu les choses ? »

« C’est un travail important, à ne pas prendre à la légère. Vous semblez penser que j’en suis capable, Formbi, malgré tout, il faut bien y réfléchir. Je n’ai que vingt-deux ans et… Je n’ai encore jamais formé qui que ce soit. Hors, ici, ça implique une grosse responsabilité. Je ne suis pas sûre d’être vraiment capable d’endosser ce rôle. Et toi, Thrass, pourquoi tu ne dis pas que je ne pourrai pas le faire ? »

Ewime eut un hoquet, manquant de s’étrangler avec le morceau de viande qu’elle venait tout juste d’avaler, puis toussa assez fort dans sa serviette. Les yeux ronds, elle fixa alors Lorana, complètement stupéfiée, en se demandant si elle n’avait pas rêvée, si elle venait vraiment de l’entendre demander à son MARI pourquoi il ne la rabaissait pas. Non mais… Non mais… sérieusement ?! Elle regarda après Formbi et Thrass, pour être bien sûre que ce n’était pas elle qui avait halluciné et rêvé de ce moment, si c’était bien réel, et voyant que ce n’était pas une simple hallucination, elle fut encore plus choquée. Elle pensait vraiment comme ça… ? Alors, il y avait moyen d’avoir peu confiance en soi, mais tout de même ! Le temps que Thrass réponde à ça, Ewime en profita pour boire de longues gorgées d’eau et tenter de se ressaisir un peu. Entre son frère et sa belle-sœur, aujourd’hui, le combo était complet ! Vraiment, qui avait formé cette jeune femme, déjà, et comment avait-il bien s’y prendre pour qu’elle en sorte avec aussi peu de confiance personnelle ?

« Ne pas avoir beaucoup confiance en soi, c’est une chose, mais là, tout de même… »

A ses yeux, le mentor de Lorana avait eu un comportement carrément criminel, pour qu’elle en arrive là aujourd’hui ! C’était tout bonnement incroyable ! Inadmissible ! Qui était le vautour qui l’avait éduquée, déjà ? Elle l’avait su, à un moment, puis ça lui était sorti de l’esprit. Bon, pas grave, pour le moment. Elle lança un nouveau regard à Formbi, pour qu’il dise quelque chose, lui aussi, qu’il réagisse. Il avait appris à encourager les autres, avec son travail, alors hop, au travail.

Ils mangeaient depuis seulement quelques minutes quand Thrawn passa, très rapidement, pressé par le travail. Parfaitement compréhensible, chacun sa bannière, et de toute façon, ce n’était pas lui que Formbi était venu voir en priorité aujourd’hui. Il devra le faire, mais pas maintenant, un problème à la fois. Il pourra aussi lui adresser un message, de toute façon, le moment venu. Néanmoins, il lui rendit un signe de tête poli, à son tour, pour le saluer. Plus sereinement qu’il n l’avait jamais fait, durant sa vie entière. Après ce petit passage, la conversation revint au sujet. Ce qu’ils développaient ici devrait aussi permettre à la jeune femme d’en parler à ses compagnons Jedis, lorsqu’elle sera rentrée avec sa famille. Mais comme il le lui avait déjà souligné, ce n’était que son avis, à elle, qu’il attendait, rien de plus. Elle pouvait aussi lui rapportait l’avis des autres membres de l’ordre si ça lui faisait plaisir, mais il n’en aura cure.

Ses pensées n’étaient pas tournées que vers cette conversation, cependant. Tout en déjeunant, et en parlant, il continuait de réfléchir à ses autres options et à comment il pouvait couper l’herbe sous le pied de son adversaire. Ces derniers jours, il avait eu le temps de faire changer les circuits de réapprovisionnement des marchandises les plus essentielles, en mêlant les commandes de Svarchi à celles de deux autres planètes voisines que le Clan Csapla ne pouvait pas se permettre de saboter au passage, étant donné qu’ils y avaient des forts intérêts. Leurs propres commandes seront bien sûr fragmentées et plus longues à arriver, mais elles arriveront entières et sans heurts au passage, c’était ça le plus important. Hélas, il ne pouvait pas faire la même chose pour tout, d’où l’attention de bien sélectionner les bases. Tout cela n’était encore qu’un faible début. Les Csapla auraient pu frapper plus fort et vite, Formbi en était conscient, on pouvait s’attendre au pire, dans les semaines à venir.

– Que penses-tu de ce projet, pour le moment ? Comment vois-tu les choses ?

– C’est un travail important, à ne pas prendre à la légère. Vous semblez penser que j’en suis capable, Formbi, malgré tout, il faut bien y réfléchir. Je n’ai que vingt-deux ans et… Je n’ai encore jamais formé qui que ce soit. Hors, ici, ça implique une grosse responsabilité. Je ne suis pas sûre d’être vraiment capable d’endosser ce rôle. Et toi, Thrass, pourquoi tu ne dis pas que je ne pourrai pas le faire ?

Ah oui. Tout de même. Celle-là, il fallait oser la sortir. Formbi laissa échapper une petite grimace incrédule, alors que sa sœur, elle, s’étouffait complètement. C’était… Wow. Demander à la personne qui vous avait épousé – et fait un enfant ! – pourquoi elle ne vous traînait pas dans la boue, c’était une superbe manière de se trahir, en laissant comprendre à quel point vous n’aviez aucune confiance en vous. Était-ce un trait commun à tous les Jedis ou bien cette jeune femme avait simplement été très mal formée ? Qui avait… Ah. Ah, mais oui, bien sûr, le vieux fou ! L’espèce de cinglé du Vol vers l’Infini, qu’ils avaient revu brièvement lors de la mission et que Nat Skywalker avait décapité, d’ailleurs. Merci encore à lui pour ça. Tout s’expliquait, si elle avait dû côtoyer ce sac d’os aigri et colérique durant des années, rien de plus normal à ce qu’elle se retrouve avec si peu de confiance en elle aujourd’hui.

Sa sœur lui lança un drôle de regard, après son marmonnement. Et bien quoi ? Elle voulait qu’il dise quelque chose, à son tour ? Et quoi ? Parce qu’il voulait bien, de son côté, dire platement ce qu’il pensait à propos du vieux cinglé, mais pas sûr que ça aide beaucoup la jeune femme. Quoi que, elle ne devait plus être si influencée que ça, maintenant… Après tout, loin de lui depuis des années, mariée, mère de famille, elle avait changé. Pour sa part, Formbi avait surtout été tout à fait ravi de voir Nat décapiter le cinglé dans l’épave du vaisseau. Ce maître-là avait eut un sale caractère, soit, mais niveau efficacité, il avait aussi été irréprochable. Il aimerait bien le revoir, celui-là, comme Luke.

– Eh, bien, miss Safis, l’âge d’une personne n’est pas garant de son niveau de compétence, ou d’incompétences dans le cas de certains. Cela dit, je comprends vos craintes et vous doutes, car lorsqu’on a été formé par un vieux con, c’est normal d’en sortir assez traumatisé. Vous avez déjà commencé à passer au-dessus tout cela, néanmoins, il vous juste du temps. Réfléchissez juste à ça, ce qui vous servait de maître voulait vous garder sous sa coupe, il a sciemment détruit votre confiance personnelle, c’est si évident que même un aveugle le verrait.

Même en ayant si peu connu le vieillard, sa personnalité néfaste laissait planer peu de doutes sur ses intentions. Ce genre de personne était simplement trop profondément toxique pour qu’on les laisse approcher le moindre enfant. Et dire que l’Ordre Jedi l’avait laissé s’occuper d’une fillette et la former… C’était destructeur. Il laissa ensuite un sourire ravi se dessiner sur cette pensée, en repensant une nouvelle fois à cette magnifique scène.

– Si vous revoyez Nat Skywalker un jour, n’oubliez pas de lui transmettre tous mes remerciements, pour avoir coupé la tête de ce vieux fou.

– C’est un travail important, à ne pas prendre à la légère. Vous semblez penser que j’en suis capable, Formbi, malgré tout, il faut bien y réfléchir. Je n’ai que vingt-deux ans et… Je n’ai encore jamais formé qui que ce soit. Hors, ici, ça implique une grosse responsabilité. Je ne suis pas sûre d’être vraiment capable d’endosser ce rôle. Et toi, Thrass, pourquoi tu ne dis pas que je ne pourrai pas le faire ?

– … Lora… Tu es ma femme… Et la mère de notre fille ! Tu crois vraiment que je vas m’amuser à te rabaisser ou me moquer, après t’avoir épousé ?

Il en bafouillait presque, tant il était choqué et sidéré. Il avait lâché tout ce qu’il tenait jusqu’à maintenant, pour lui prendre les mains et les serrer dans les siennes, tout en essayant d’avaler le choc. A chercher presque désespérément quoi lui dire pour lui enlever une idée pareille de la tête. C’était complètement insensé ! Qui aurait assez de cruauté en lui pour rabaisser volontairement un membre de sa propre famille ou vouloir le blesser ?! Un parent, un frère, une sœur, son mari ou sa femme, un enfant, peu importe, un proche était à protéger et encourager, point final ! C’est là qu’il se souvint que le propre frère de Lorana l’avait rejetée et copieusement insultée au passage, qu’il avait insulté leur bébé, et qu’en plus, sa femme avait eu ce vieux cinglé comme maître, durant des années… Un mélange de colère et de dégoût l’envahit, en pensant à ces deux-là, tous les deux avaient fait beaucoup de mal. Un petit soupir lui échappa, alors que Ewime, elle, semblait à la fois choquée et désespérée.

Quant à Formbi, sur le coup, il avait entièrement raison, Thrass ne pouvait qu’acquiescer à ça. Il hocha la tête avec une certaine ferveur, puis libéra une main pour la passer dans le dos de sa femme et la masser un peu, la sentant nerveuse. Là, tout ira bien, il pourra l’aider à retrouver confiance en elle, à force de temps. D’autant plus qu’elle avait déjà bien commencé. Et quoi qu’il arrive, maintenant, il la tiendra éloignée de C’Baoth le plus possible. Même si elle risquait de le revoir, quand ils iront retrouver l’Ordre, pas question de la laisser seule en tête à tête avec lui, il serait capable de tenter de la détruire psychologiquement encore une fois. Ou de dire quelque chose contre elle devant tout le monde… Humph, bah, de toute manière, elle se défendra, il la défendra, et si les autres Jedis avaient un minimum de sens de l’honneur, ils renverront aussi ce papy bouler dans un coin.

– Si vous revoyez Nat Skywalker un jour, n’oubliez pas de lui transmettre tous mes remerciements, pour avoir coupé la tête de ce vieux fou.

Thrass faillit lui répondre qu’il adorerait, effectivement, que le vieux maître soit de retour pour cette réunion, car avec son caractère si joyeux et direct, il aurait pu ne faire qu’une bouchée du vieil abruti. S’il ne se retint, ce ne fut que pour sa femme. Pour une fois qu’il était d’accord avec tout ce que disait Formbi, tiens… Mais bon, quand ça touchait à la famille… Il réagirait de la même manière si quelqu’un s’amusait à vouloir blesser son frère. Même si lui savait comment réagir à ça.

– Tu ne dois plus laisser ce vieux déchet t’influencer ainsi, il ne peut plus avoir aucune emprise sur toi. J’ignore s’il a réellement changé, depuis son retour, mais peu importe, il ne doit plus approcher de toi, quoi qu’il arrive maintenant. Il a été assez toxique comme ça.

« Eh, bien, miss Safis, l’âge d’une personne n’est pas garant de son niveau de compétence, ou d’incompétences dans le cas de certains. Cela dit, je comprends vos craintes et vous doutes, car lorsqu’on a été formé par un vieux con, c’est normal d’en sortir assez traumatisé. Vous avez déjà commencé à passer au-dessus tout cela, néanmoins, il vous juste du temps. Réfléchissez juste à ça, ce qui vous servait de maître voulait vous garder sous sa coupe, il a sciemment détruit votre confiance personnelle, c’est si évident que même un aveugle le verrait. »

Tout à fait ! Une très longue suite de mots d’oiseaux, dans un ton que la décence lui interdisait d’énoncer à haute voix, lui vint en tête, à la seule attention de ce sale type. Il était proprement honteux que l’Ordre, à l’époque, l’ait laissé prendre une enfant sous sa coupe et plus encore qu’il ne soit pas préoccupé des conséquences. Celles-ci, pourtant, crevaient les yeux, et la jeune femme se trahissait facilement, quand à ce qu’elle pensait d’elle-même. C’était un pur scandale ! Si ce projet d’école se concrétisait, Ewime préférait que ce soit une femme comme Lorana qui prenne les rênes des entraînements, car elle au moins n’avait pas cette attitude toxique et destructrice, contre les plus jeunes. Sans connaître le comportement des autres Jedis, ce ne serait pas très sûr de les laisser à l’œuvre, ici ou ailleurs… Ne serait-ce que pour écarter tout risque d’un autre C’Baoth vicié, elle jugeait plus prudent et plus sain de ne pas envoyer leurs enfants au loin, hors de l’Ascendance. On ne pouvait pas savoir si les chefs actuels de l’Ordre prenait plus garde à la mentalité des maîtres qui enseignaient, chez eux.

Thrass lui aussi semblait d’accord et tenta une nouvelle fois de rassurer sa femme, et lui faire comprendre qu’elle devait se tenir éloignée le plus possible de son ancien maître. Effectivement, à jamais, ce serait bien mieux. Qu’elle vienne dans l’Ascendance ou qu’elle reste dans leur Temple, elle ferait bien mieux de se couper pour de bon de ce vieillard infect. C’était une première étape, ensuite, avec le temps et l’expérience, elle poursuivra sa progression et regagnera cette confiance qu’on lui avait volé. Elle semblait un peu perdue, pour le moment, enfin, pas d’inquiétude, ça reviendra, il suffisait d’être patient et de réaliser quelques efforts. Ewime lui sourit, d’un air encourageant, puis continua à déjeuner. Tout le monde avait un peu oublié son assiette, sous le choc, mais il fallait dire qu’on ne s’attendait pas spécialement à entendre une jeune mère demander à son mari pourquoi il ne la rabaissait pas…

« Vous avez tous l’air convaincu que mon ancien maître m’a fait quelque chose, mais ça peut aussi bien venir de moi, c’est dans le caractère et… Voilà tout. Rien de plus. L’Ordre, le Conseil… D’autres Jedis l’auraient vu, si C’Baoth avait été toxique pour moi et d’autres. Ils ne seraient pas restés les bras croisés sans réagir. De toute façon, ce n’est pas le sujet, que j’ai confiance en moi ou non. Ça n’a pas d’importance. »

La future maman secoua la tête, en fronçant légèrement les sourcils. Bien sûr que si, ça avait de l’importance ! La confiance en soi était essentielle pour chacun, si jamais elle était atrophiée ou hypertrophiée, s’en devenait très malsain pour votre vie et celle de votre entourage. La gestion des sentiments, de la confiance, c’était une base de la vie qu’il ne fallait absolument pas négliger, pour bien avancer. Et lorsqu’il y avait un problème, ils devaient le traiter dès le plus jeune âge. Ce n’est pas à quarante ou cinquante ans qu’il faut commencer à se poser des questions, mais bien avant.

« La confiance personnelle s’apprend surtout une fois que l’on grandit, que l’on commence à faire la distinction entre le bien, le mal, ce qui est prudent ou dangereux, et ainsi de suite. Lorsqu’on grandit assez pour réfléchir par soi-même, somme toute. Et elle va dépendre des actions réalisées, de l’environnement et des personnes de l’entourage. Même si vous êtes une personne plus sensible, de base, jamais votre confiance personnelle n’aurait été si écrasée si vous aviez été été, jeune enfant, dans un environnement plus sain, qui renforce, plutôt que démolir. Quant à votre Conseil de l’époque, se souciait-il seulement de ce genre de chose, de contrôler ? S’occupait-il de chacun ou il y avait-il trop de monde pour que ce soit réalisable à leurs yeux ? Avaient-ils des personnes chargées spécifiquement de surveiller ces cas ou non ? Ce que vous pensez aujourd’hui est une preuve suffisante qu’ils ne sont pas souciés de ça. »

Tout de même, Lorana était très naïve. Gentille et douce, mais aussi profondément naïve et renfermée sur elle-même. Ça ne pouvait provenir que de son éducation et rien d’autre. Elle était décédée trop jeune pour avoir beaucoup vécu, et depuis son retour, son caractère avait commencé à évoluer doucement. Preuve de plus, s‘il en fallait, qu’elle ne pouvait aller mieux qu’en était loin de son ancien maître.

Cette idée d’école, d’académie, à voir comment ils appelleront ça, était le début, pour ce projet en particulier, la toute première étape, somme toute. Il devait d’abord en poser les bases et s’assurer que le tout était viable, avant de dévoiler la suite peu à peu. Autant car tout pouvait encore évoluer avec le temps que pour éviter que des détails ne s’échappent malencontreusement vers des horizons où il ne voulait pas les voir arriver. Par exemple, aux oreilles de maîtres de l’Ordre Jedi pouvant avoir la même mentalité que C'Baoth. Si Lorana acceptait de les rejoindre, il reverra tout cela plus tard, avec elle. Enfin, il y avait encore le temps… Même s’il mourrait avant, d’autres personnes, en qui il avait une pleine confiance, savaient elles aussi ce qu’il avait en tête, sur le long terme. Il restait encore beaucoup de détails à régler, pour les bases, mais rien qui ne soit insurmontable. Surtout, si la jeune femme acceptait, les décisions seront prises avec elle.

En attendant, il aura assez d’ennuis à gérer, en plus de son travail habituel. Tout en mangeant, il sourit très faiblement, en l’écoutant lancer que le souci pouvait juste venir d’elle, pas l’Ordre ni de son ancien maître. La naïveté de la jeunesse… Quelque part, ça la rendait profondément mignonne, de quoi lui donner envie de la câliner en lui répétant que tout ira bien. Hum, bon, bref. Ewime avait enchaîné presque aussitôt, apparemment, toujours agacée contre le maître de la jeune femme mais aussi contre la manière qu’avait eu l’ordre Jedi d’occulter ce type de problématique. Peut-être que les maîtres n’étaient pas formés à repérer ces soucis ? Tout simplement. Il n’en savait rien, et à vrai dire, il s’en souciait peu. La gestion interne de l’Ordre Jedi était leur sauce privée, il ne s’y intéressait pas. Comme l’inverse sera vrai, d’ailleurs. Tiens, ça lui faisait songer…

– Par ailleurs, si vous acceptez ce projet mais que les vôtres trouvent cet engagement incompatible avec le mien, que vous deviez choisir… Si vous demeurez auprès de l’Ordre, tenez-moi malgré tout informé si vous connaissez une personne, de confiance, qui serait prête à nous aider. Et si vous venez, sachez qu vous serez placée sous la protection du Clan Mitth, dont j’ai le soutien. Étant donné les circonstances, je ne pourrai pas vous accueillir sereinement sur Svarchi, mais vous pourrez l’être sur Copero. Et puis, il s’agit toujours de votre Clan, Thrass.

Lui n’avait pas été exilé. Et le chef du clan Mitth lui avait déjà assuré de son soutien le plus complet pour cette affaire. D’une part car il trouvait l’idée très intéressante pour la défense de l’Ascendance, d’autre part car lui aussi souhaitait, et depuis très longtemps dans son cas, plus d’ouverture de leur peuple. Lorsque tous les deux en avaient parlé, Mitth'san'suazee avait déclaré être prêt à prendre la petite humaine sous son aile, s’il le fallait, et la traiter comme un membre à part entière de son clan. Son vieux confrère était le plus ouvert d’esprit de tout le Conseil, à ne pas en douter, et le seul, avec Veeren, à avoir voyagé hors des frontières de l’Ascendance.

– Le côté pratique est que Copero abrite deux spots que mes ennemis ne peuvent se permettre de torpiller. En tout cas, pas autant qu’ils ne e feront sans doute sur mon bureau un beau matin.

Ah là là, Lora, Lora… Il faudrait qu’il lui trouve… Quelque chose à lire sur ce sujet, pour commencer, puis qu’il l’aide à peu à peu à gagner en confiance. Par exemple, en la poussant mine de rien à réaliser beaucoup de petits projets, car en voyant qu’elle les réussissait et progressait, ça la motivera à aller de l’avant ? Ou bien… Mmh… C’était difficile, de songer à des méthodes, il ne s’était jamais confronté à ce problème-là, avant… Petite, à l’école, c’était un axe qui se travaillait très naturellement, au fil du temps, il ne se rappelait donc pas de cours dédié à ce sujet. Heureusement, Ewime trouva assez vite quoi répondre, ça le soulagea assez. Tous ensemble, avec de la patience, ils arriveront à faire sortir la jeune mère de sa coquille, il avait confiance. Après tout, qui d’autre que la famille pouvait aider à ça ? Elle pouvait compter sur eux, sur sa famille, pour aller mieux. Autant lui que son beau-frère, sa belle-sœur, tout le monde.

– Par ailleurs, si vous acceptez ce projet mais que les vôtres trouvent cet engagement incompatible avec le mien, que vous deviez choisir… Si vous demeurez auprès de l’Ordre, tenez-moi malgré tout informé si vous connaissez une personne, de confiance, qui serait prête à nous aider. Et si vous venez, sachez qu vous serez placée sous la protection du Clan Mitth, dont j’ai le soutien. Étant donné les circonstances, je ne pourrai pas vous accueillir sereinement sur Svarchi, mais vous pourrez l’être sur Copero. Et puis, il s’agit toujours de votre Clan, Thrass.

– Effectivement.

Il avala à moitié de travers la bouchée qu’il venait de prendre lorsque Formbi déclara très tranquillement, presque amusé, que Copero ne pouvait pas être torpillé aussi facilement que son bureau. Devant sa sœur, il pourrait se retenir un peu… Enfin bref, il avait posé une question qui pouvait être problématique, c’est vrai que l’Ordre Jedi pourrait ne pas accepter que sa femme soit dans les deux factions à la fois. Et était-ce seulement possible ? Concilier ses devoirs, dans l’Ordre, et ceux induits dans ce projet d’académie, ça ne lui semblait pas réalisable. Maintenant, il ignorait ce qu’allaient en dire les Jedis, justement, il ne les connaissaient pas assez intimement pour le deviner. C’était une question dont Lorana lui avait déjà parlé, après leurs retrouvailles, elle se demandait si, en étant à couple avec lui, elle devait rester malgré tout dans l’ordre, ça lui semblait incompatible. La question était revenue une nouvelle fois lorsqu’ils avaient appris qu’elle était enceinte.

– On en avait déjà parlé, avant la naissance d’Edelweiss, mais cette fois, c’est vrai que ça peut poser un réel problème.

Au fond, lui pensait que ça ne serait plus mal pour sa femme, elle avait besoin de se couper pour de bon de son passé. Cependant, cette décision lui appartenait, à elle seule. Il craignait un peu que certains, dans l’Ordre, tentent de la déstabiliser, alors qu’elle était encore assez fragile, ou pire, comme le vieux fou. Il comptait bien être là près d’elle, de toute façon, invité ou pas. D’une part car ce projet le concernait aussi, d’autre part parce qu’il avait à cœur de protéger la mère de son enfant.

– C’est à toi seule de décider, dans tous les cas.

Il fallait bien se faire une raison… Bien qu’elle ne soit pas sûre de ce qui était le pire, entre craindre pour la vie d’un soldat, ayant choisi de partir au combat, ou craindre pour un politicien, qui choisissait tout autant de jouer avec sa vie. Les deux étaient tout aussi angoissant l’un que l’autre, à ses yeux. Par contre, si son frère pouvait éviter de parler avec autant de légèreté du risque de mort subite sur sa tête, elle lui en serait très reconnaissante… Ewime le fusilla du regard, après sa remarque, mais réussit à ne rien dire. Il ne le faisait sans doute pas exprès pour l’énerver, évidemment, mais tout de même. En silence, elle continua doucement de manger, ce déjeuner lui restait en travers de la gorge, néanmoins, elle ne devait pas sauter de repas, pour son enfant. Ni être trop tendue, d’ailleurs. La conversation repartit sur cette interrogation, fallait-il ou non que Lorana reste dans son Ordre ou le quitte. Ce n’était pas un choix très évident, cela dit, il était personnel. A moins que les Jedis aient le droit de dire quelque chose, dans ces cas-là ? Comment ça se déroulait, dans le passé ?

« Au vu des circonstances, je ne suis plus utile à l’Ordre Jedi depuis plusieurs mois, de toute façon. J’ai déjà quitté l’Ordre et la galaxie une fois sans que ça ne gêne personne. Disparue sans qu’on ne nous recherche, donc je ne vois pas pourquoi ce serait très différent aujourd’hui. »

« Il y a sûrement des personnes, aujourd’hui, qui pourront regretter votre départ, si vous choisissez cela. En revanche, j’admets que j’ai toujours trouvé un peu étrange que même après la guerre des clones, personne n’ait activé de recherches. Il y avait des centaines de personnes parties dans ce projet, toutes ou presque avaient des familles restées sur Coruscant ou ailleurs, non ? Parmi toutes ces familles et ces amis, ces connaissances, pourquoi n’a jamais tenté de lever un projet, pour savoir ce qui s’était passé… Ne pas s’en inquiéter durant cinq ans, dix ans, admettons, c’est normal… Mais après plus de trente ans… »

C’était ça qui la choquait le plus, à vrai dire, que les familles de tous ces gens partis ne se soient jamais unies pour tenter quelque chose. Jamais ils n’avaient repéré la moindre expédition, même petite, pour refaire le même chemin emprunté il y a des années par le Vol vers l’Infini. C’était comme si l’épisode de la Guerre des Clones avaient suffit à faire oublier le projet et que toutes les personnes parties avaient été rangées, avec le temps, dans la case des disparus dont on ne se posait plus la question. L’indifférence générale et complète. Ewime avait beaucoup de mal à le comprendre… Pour sa part, si son frère ou son enfant partait dans un tel projet, qu’après plus de dix ans, toujours rien, toujours aucune nouvelle, comment ne pas se poser de questions ? Ne rien tenter pour savoir ? Qu’il y a ait eu la guerre entre-temps, ce n’était évidemment pas une excuse pour en oublier les membres de sa propre famille ! Car non, même si les Jedis avaient subi un gros revers, il y avait eu très peu d’entre eux à être partis. Mais il restait en vie des milliers de personnes, très certainement, à avoir un proche ou un ami disparu dans ce projet fou.

Néanmoins, il ne servait maintenant plus à grand-chose de s’interroger là-dessus ou s’en attrister, c’était comme ça. Pour ne pas rester sur un sujet trop déprimant, elle encouragea alors tout le monde à prendre un dessert, ou un café, comme les assiettes se vidaient. Personne, autour de cette table, n’avait beaucoup mangé, cela dit, la conversation avait pris toute la place et elle n’avait pas été très détendue. Ewime se leva pour aller remplir la carafe d’eau et chercher le dessert, en songeant avec une certaine amertume que son frère lui en aura vraiment fait voir de toutes les couleurs… De toute façon, elle savait depuis un moment que c’était grave. Thrawn avait eu beau tenter de la rassurer, il y avait dès le départ trop d’alertes. Comme elle ne pouvait pas tout porter, elle appela son frère pour qu’il vienne l’aider. Lorsqu’il l’arriva, elle lui tapota l’épaule pour qu’il se penche vers elle, pour qu’elle puisse lui parler à voix basse.

« Je sais que rien ne pourra te faire changer d’avis, » murmura-t-elle rapidement. « Tout ce que je te demande, c’est de ne pas prendre de risques inconsidérés et de t’entourer de personnes de confiance. Toi aussi, tu vas avoir un fils, ne le laisse pas grandir sans toi. »

Elle lui mit ensuite la carafe entre les mains, puis recula un peu. Assez fière de réussir à ne pas pleurer ni montrer sa tension trop en évidence.

Un petit bip dans le creux de sa poche l’alerta et il se détacha un court instant de la conversation, le temps de vérifier le message venant d’arriver… Fartha… Il lui signalait des coupures de courant subites et répétées, depuis deux ou trois heures, pour les principales usines de la ville. Sans que ces dernières n’aient de problèmes d’installation. Un coup bas de plus, voilà tout, ça faisait partie de ces « petits problèmes » égayant le quotidienne de Copero depuis le début des hostilités. Il répondit rapidement à son Administrateur, qui de toute façon avait déjà commencé à gérer ça, puis rangea l’appareil dans sa poche. Les coupures, ce n’était pas le plus grave ou gênant, du moins, pas à cette période de l’année. A voir si les Csapla auront la décence de ne pas le faire en plein hiver. Il se nota mentalement de faire commander des générateurs de secours supplémentaires, au cas où, et avant que le froid ne revienne sur sa planète.

Ewime l’appela un petit instant après être partie dans la cuisine, pour qu’il vienne l’aider. En la rejoignant, il vite que ce n’était pas seule intention… Allons… Il ne comptait pas non plus foncer droit dans un mur en ne prenant aucune précaution, elle le savait, elle aussi. Il prit la carafe doucement et lui confirma dan un chuchotement que ça se passera bien. Par contre, il ne comptait pas s’attarder sr Nirauan, le nouveau problème des générateurs n’était pas le seul dont il devait se soucier, d’autant plus qu’il n’aimait guère rester loin de ses proches et de sa femme. Ewime était en sécurité, ici, mais pas les autres, pas dans l’Ascendance. C’était terrible de se dire ça… Après avoir aidé sa sœur, il finit par leur dire qu’il devait assez vite reprendre la route, maintenant, du travail l’attendait. Désolé de ne pas rester plus longtemps, enfin, les circonstances actuelles faisaient que… Enfin bref.

– Je vous ait dit l’essentiel pour le moment, miss, bon courage à tous les deux et tenez-moi au courant. En passant par ici, pour tout message concernant ce sujet, merci… Ewime, merci à toi aussi. Je vais y aller. Embrasse Thrawn pour moi et remercie-le de ma part pour t’avoir aidée, s’il te plaît.

Il serra la main du jeune couple, fit la bise à sa petite sœur, puis récupéra ses quelques affaires avant de repartir. Dès qu’il se fut assez éloigné de l’appartement, il en profita pour déjà contacter Fartha, demander plus de détails et où ça en était, avant de lui confirmer qu’il était en route. Son Administrateur lui renvoya assez vite un long message, puis demanda à la fin s’il avait pu faire « tout ce à quoi il avait pensé ». Formbi sourit légèrement, devant la tournure de phrase, son ami devait craindre que ce ne soit intercepté, puis il se contenta de lui répondre qu’il en parlera avec lui un peu plus tard. Sa seule hâte, maintenant, était de rejoindre Svarchi et s’assurer que sa femme allait bien. Pour le moment, il avait déjà « oublié » le projet de son académie, concentré sur tout autre chose.