Course dans les gorges

Syal dormait encore paisiblement, lorsqu’il se leva le plus doucement possible, pour ne pas la déranger. Il se pencha pour l’embrasser sur la joue et quitta la chambre sur la pointe des pieds. La suite fut assez habituelle. Douche, déjeuner, enfiler son uniforme, se raser, dessiner dans la buée formée sur le miroir et enfin sortir ! A cette heure-là, c’était plutôt calme, la relève du matin prenait son poste, certains, à des postes plus administratifs, disons, étaient encore un peu noyés dans leur café. Il en salua pas mal de la main au passage, pour dire bonjour, toujours content en revoyant de vieux collègues ou des gens avec qui il avait travaillé par le passé. En arrivant dans le hangar, il se rendit d’abord dans le petit bureau où le lieutenant Hyanik préparait les feuilles de route, pour ce matin, et lui mit une tape dans le haut du dos pour le saluer.

« Alors, quoi de neuf, docteur ? »

« Deux nouveaux élèves pour toi, » lança-t-il en lui fourrant le document sous le nez. « Envoyé dans ton cours par le capitaine Trecio. »

« Monsieur Je-n’ai-aucun-sens-de-l’humour en personne ? » sourit-il en jetant un œil au document. « Je croyais qu’il n’aimait pas trop mes méthodes. »

« Il n’est pas le seul, si tu veux le savoir. Mais il sait le reconnaître, lorsque c’est efficace. »

« Mouais, il n’y a pas que les gens un peu trop coincés qui ont du mal avec mes méthodes. A part les petits nouveaux, rien à signaler ? »

« Non, ça reste calme. »

Parfait ! Ils discutèrent quelques minutes encore puis Soontir quitta le bureau, il allait être temps de retrouver ses quatre élèves habituels du moment plus les deux nouveau. Un homme et une femme, la première qu’il avait dans le cours, d’ailleurs. Très souvent, les pilotes restaient des hommes. Une fois les salutations faites et les présentations, pour les nouveaux, il leur annonça le programme de ce matin. Cette fois-ci, ils allaient faire des exercices de vol dans les gorges de la planète, plusieurs zones étaient assez étroites et assez éloignées de la base elle-même pour ne pas trop perturber. Il comptait les faire travailler sur le TIE Defender, aujourd’hui, d’abord avec des exercices d’adresse et de vitesse, ensuite avec des simulations de combat. Il participera à tout cela avec eux, bien évidemment ! Pour pimenter l’exercice, les observer de près et corriger en direct lorsqu’il le fallait.

« Rappelez-vous toujours d’être un maximum détendu, en vol, même si vous avez quatorze ennemis aux fesses ! Plus vous serez décontractés et plus vous pourrez garder l’esprit clair et réagir vite, le stress sera toujours votre pire ennemi. Pour nos deux nouveaux, ne vous attendez pas non plus à bosser sur des formations bien précises, ce que je veux surtout, c’est que vous travailliez vos réflexes et que vous sachiez vous adapter à tout. »

En piste, maintenant, chacun dans son appareil et ils étaient partis ! Il grimpa rapidement dans le sien, s’attacha et mit son casque, avant de prendre les manettes. Les chasseurs décollèrent doucement du hangar et le quittèrent en suivant leur chef. Ils volèrent un moment pour atteindre la zone où Soontir comptait les faire travailler. Le gros avantages de cette planète était qu’elle offrait de très grandes zones d’entraînement, comme elle n’était pas habitée. Ils pouvaient faire toutes les cascades qu’ils voulaient et s’entraîner partout sans que que ça ne dérange qui que ce soit. Il signala dans la radio, à ses élèves, de se mettre en position, puis leur détailla le premier exercice à effectuer. Quant à lui, tout en les suivant, il allait s’arranger pour faire tomber des petits obstacles imprévus sur leur route.

Pas de simulateurs, ce matin, ni de séances d’entraînements physiques ou mentales. A la place, elle avait été convoquée au cours d’un instructeur de la base, avec un de ses confrères de son cours initial. C’était un peu bizarre, en plus, il n’y avait que quatre personnes, de base, c’était la première fois, depuis son arrivée, qu’elle voyait un instructeur se charger d’aussi peu d’élèves à la fois. Juste avant qu’il n’arrive, l’un des quatre leur signala qu’il venait de l’Alliance rebelle, initialement, mais qu’il était lui aussi un ex-agent de l’Empire. Et d’après sa réputation, un des meilleurs qui soit. Très bien. L’instructeur en question arriva peu de temps après, entamant d’abord les salutations puis les présentations. Elle l’observa durant ce temps, assez curieuse. Il ne semblait pas très âgé, en vérité, entre trente et quarante ans, dirons-nous. Comme c’était la première fois qu’elle avait affaire à lui, dur de savoir à quoi s’attendre. S’il ressemblait un peu au capitaine, ça restera on ne peut plus sérieux.

"Rappelez-vous toujours d’être un maximum détendu, en vol, même si vous avez quatorze ennemis aux fesses ! Plus vous serez décontractés et plus vous pourrez garder l’esprit clair et réagir vite, le stress sera toujours votre pire ennemi. Pour nos deux nouveaux, ne vous attendez pas non plus à bosser sur des formations bien précises, ce que je veux surtout, c’est que vous travailliez vos réflexes et que vous sachiez vous adapter à tout."

Elle échangea un très bref regard avec son collègue, lorsqu’il précisa qu’ils ne travailleront aucune formation de vol, se demandant tout à coup s’ils n’avaient pas affaire à un commandant du même style que le général… Est-ce que c’était elle qui avait le don de tomber dessus ou bien était-ce juste la norme, dans cette base ? Par anticipation, elle s’efforça, en montant dans le chasseur, de se mettre dans le même état d’esprit que lorsqu’elle côtoyait le général. C’est à dire oublier tout ce qui était pourtant censé se produire et dans quel ordre, pour un entraînement normal, oublier la plupart des règles établies et partir du principe qu’il faudra improviser à chaque petite seconde. Surtout, s’efforcer de ne pas s’étonner si un truc bizarre arrivait. Une fois la base quittée, ils filèrent à basse altitude en suivant le commandant, sur de longs kilomètres. En arrivant sur zone, leur instructeur leur parla par radio, pour donner ses instructions et détailler l’exercice.

Filer à fond dans des gorges, au moins, elle connaissait… Son niveau de stress monta évidemment d’un sacré cran, tant celui lui rappela ce qu’elle avait vécu, il n’y a pas si longtemps, avec cette créature horrible et inconnue. Elle respira assez vite, en se rappelant ce qu’on leur avait dit, rester détendu un maximum… Au début, ce fut très difficile de se détendre, elle était plutôt dans l’optique inverse. Concentrée comme si sa vie en dépendait, inconséquemment prête à voir débarquer un autre monstre du même type. Si cela eut le net avantage de raviver sa concentration et l’empêcher d’être surprise par les obstacles que leur instructeur dressait sur la route, le côté détente, lui, passa complètement à la trappe. Elle fit un effort, malgré tout, pour chasser de son esprit la crainte du monstre et dénouer ses muscles. Une tâche, disons… moyennement réussie. Elle parvint à calmer les battements de son corps et faire diminuer les tremblements de stress. En revanche, elle ne put pas faire disparaître la pression et encore moins le stress.

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Dés Vol d’entraînement : 2 – Arriver à se détendre : 9

Ses élèves filèrent sur le parcours initié et Soontir se mêla souplement à eux, passant de l’un à l’autre pour les observer et parfois, tirant contre les falaises pour leur jeter des obstacles imprévus dessus. Dexill fila juste sous son nez et évita un des rochers tombant en effectuant un tonneau parfaitement maîtrisant, puis il accéléra juste après. Parfait ! C’était le plus ancien de ses élèves, maintenant, il avait commencé presque directement à apprendre le pilotage avec lui, dès son arrivée chez les FID. Un petit jeune d’à peine vingt ans mais qui promettait, il avait très vite compris l’importance de savoir s’adapter à tout. Une performance identique suivie juste après, cette fois par Domawu, qui lui choisit d’effectuer un petit tir pour réduire l’obstacle en miettes et poursuivre comme si de rien n’était.

Les deux nouveaux, Yahli et Apsara, s’en sortaient eux aussi très bien. Il conserva un œil dessus plus longtemps que pour les autres, histoire de juger de leurs compétences. Yahli avait un pilotage légèrement moins souple que sa consœur, ce qui ne se remarquerait de toute façon pas aux yeux d’un néophyte. Mais tous les deux avaient une très bonne maîtrise, déjà, c’était une surprise agréable et il sentait qu’ils avaient le potentiel pour devenir un jour des pilotes d’élite. Il s’amusa avec eux pour les tester et jauger leurs réactions. Ni l’un ni l’autre ne parlait encore à la radio. Soit trop concentrés, soit n’osant pas encore le faire. Il faudra les habituer, la concertation et l’échange entre aillers, c’était vital, surtout dans un combat.

En les dépassant, il avisa Dantrah faire une pirouette, suivit d’une vrille en accélérant brusquement, pour éviter les débris que Soontir lui envoya dessus. Rah là là, on voyait tout de suite qui profitait de l’exercice pour s’amuser, hein mon bonhomme ! Son propre rire s’effaça alors qu’il aperçut la manœuvre bien moins maîtrisé du jeune Elvo. Directement, il fonça pour se positionner au-dessus de lui, corriger sa trajectoire avant qu’il n’aille se cogner contre la paroi puis le pousser à se dévier. Par radio, il lui indiqua tranquillement comment se remettre d’aplomb, entendant bien au son de sa voix qu’il avait paniqué. Respire, mon garçon, il n’y avait pas mort d’homme. Soontir resta à ses côtés, tout en gardant un œil sur le reste du groupe.

"Elvo, c’est un exercice, pas un combat, respire à fond," dit-il dans sa radio en essayant d’avoir le ton le pus serein qui soit. "On va remonter légèrement, tu vas corriger ta trajectoire, reprendre ton calme et poursuivre. Les autres, continuez comme vous le faites et n’avancez pas trop devant, je vous ai à l’œil."

Il surveilla et guida encore un moment Elvo, avant de lui faire reprendre l’exercice en cours avec le reste du groupe. La suite se passa déjà mieux. Les coups de panique ou de stress, c’était très usuel, dans les entraînements. Surtout avec ceux encore peu à l’aise ou entraînés ! Ce gamin-là était du genre nerveux, il avait besoin de gagner en confiance en lui.

"Parfait, tout le monde, on va passer à un petit combat d’entraînement. En binôme, pour commencer, vérifiez les réglages de vos appareils."

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Performance pour les 5 autres cadets :
- Dexill : 2
- Elvo : 15
- Dantrah : 4
- Yahli : 2
- Domawu : 2
- Apsara : 2

Aucun ennemi à l’horizon, le temps défilait et rien de très dangereux ne se présentait. Enfin, l’exercice en lui-même était dangereux mais tout de même. Elle finit enfin par se détendre un petit peu plus, en suivant les évolutions des gorges. Sous la surveillance de leur instructeur, ce qui la changeait déjà pas mal de la précédente sortie. Ou même du général. L’ambiance n’était pas la même non plus, malgré le côté sérieux qui devrait pourtant prédominer dans cet entraînement, la moitié du groupe avait plus l’air de s’y amuser qu’autre chose, c’était plutôt bizarre. De son côté, s’amuser n’était pas à l’ordre du jour, il faudrait déjà qu’elle fasse baisser la pression. Heureusement, à son très fort soulagement, ils reçurent bientôt la consigne de quitter les gorges et s’élever de nouveau vers le ciel. Sa gorge se dénoua d’un seul coup en retrouvant un espace plus libre et le soleil, elle respira bien plus librement.

"Parfait, tout le monde, on va passer à un petit combat d’entraînement. En binôme, pour commencer, vérifiez les réglages de vos appareils."

Les combats, avant d’arriver chez les FID, elle en avait eu l’occasion d’en mener quelques-uns, dans de veux chasseurs, essentiellement contre des pirates de passage. Enfin, si on pouvait appeler ça des combats, ça n’avait rien eu à voir avec ce que faisaient des armées régulières. Plutôt de la défense pure et une parfaite improvisation. Toujours dans l’urgence, lorsque ces rats de l’espace débarquaient. Elle avait donc hâte de découvrir si leur instructeur ce que leur instructeur allait leur montrer comme manœuvres particulières, comment on combattait vraiment au sein d’une véritable armée, ce qui allait changer par rapport à ce qu’elle avait connu ces dernières années. Parfaitement convaincue que ça sera totalement différent, elle en resta donc sciée un moment en observant le premier binôme se lancer dans le bal. Sidérée en voyant que les autres élèves non seulement ne semblaient n’avoir rien à faire d’une quelconque stratégie mais qu’en plus, le commandant lui-même encourageait à l’improvisation.

En se plaçant elle-même, elle soupira, secoua la tête, prit une grande inspiration et se répéta une énième fois que ce n’était pas bien grave, il suffisait de faire comme avant. Improviser. Oublier qu’elle n’avait encore rien vu de « normal », enfin, plutôt, rien vu de tout ce à quoi elle s’était attendue en venant rejoindre cette armée, puis s’élança à son tour contre son binôme. En vérité, même si elle avait encore du mal à se l’avouer, c’était plutôt amusant, ils avaient raison d’en profiter un peu. Plus particulièrement car ce chasseur était souple en main, répondait en vitesse à toutes les sollicitations et qu’elle n’avait jamais eu autant de plaisir avec un autre chasseurs entre les mains. Surtout, maintenant qu’ils étaient sortis des gorges, l’angoisse s’était en très grande partie envolée et elle se permit de se relâcher, tout comme son binôme.

Evidemment, un combat réel ne serait pas du tout dans la même ambiance et elle ne devrait pas s’y faire, elle le savait bien. Mais pour le moment, c’était tout simplement agréable et elle était heureuse de se trouver dans ce chasseur. Pour la première fois depuis que le général l’avait tiré hors de son début de carrière initial, dans cette armée, elle se sentait parfaitement à sa place.

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Combat d’entraînement : 1

Allez, les enfants, par paire de deux, on était partis ! Ils étaient remontés au-delà des gorges et chacun se mit en position, avant de partir dans la valse. Il leur dona ses instructions, suivant d’abord la première phase, les combats par deux. Très vite, l’ambiance devint beaucoup plus électrique, comme il les aimait. Il suivait, donnait des indications, se mêlait parfois brièvement au combat pour tenter de les déstabiliser et les habituer aux imprévus. Cette fois, ce fut Yahli qui eut plus de mal que les autres, il avait encore du mal à suivre le rythme et la cadence imposée, alors d’un combat aérien. Une prestation encore moyenne qui sera compensée à force d’entraînements, de toute façon. Les deux petits nouveaux s’en sortaient très bien, eux aussi. Même si Soontir n’était pas un grand fan des méthodes du capitaine, il devait reconnaître qu’il ne lui envoyait pas des quiches, en pilotage.

Après un combat deux contre deux, il les fit passer en trois contre trois. Après une brève pause pour déjeuner et se dégourdir un peu les jambes sur la terre ferme, chacun remonta dans son appareil et ce fut reparti ! Il modifia alors les équipes pour faire du quatre contre deux et ainsi de suite. Chacun des six élèves affronta les cinq autres seul, pour en finir avec cette phase. L’après-midi passa sous le feu des tirs d’entraînement et des vols rapides des chasseurs, entre tonneaux plus ou moins brutaux, vrilles, dérapages contrôlés, sursaut de vitesse, pointes et piquées. Ce n’est qu’en fin d’après-midi qu’il passa sur l’apprentissage de véritables stratégies, bien établies, des formations de combat plus détaillées et nettes. Pas sa partie favorite, rarement celle de ses élèves, mais il fallait bien en passer par là.

« Domawu, » lança-t-il avec léger soupir, « on évite de massacrer des pointes des gorges au passage, tu le sais ! Règle mieux tes armes, ce n’est pas un vrai combat. »

« Pardon ! »

« Une dernière passe puis il faudra rentrer à la base, sinon on va encore râler que je vous ai kidnappés. »

A vrai dire, ils étaient déjà censés être tous revenus depuis deux bonnes heures, facilement, sachant que la moitié de ses élèves du jour avaient d’autres cours le soir. Soontir avait une sévère tendance à ne pas faire suffisamment attention aux horaires, lorsqu’il partait sur des exercices de terrain avec ses jeunes recrues. Il avait déjà reçu quelques sermons pour ça, d’ailleurs, même si ça n’avait pas encore aidé à le pousser à plus d’attention. Ils travaillèrent encore vingt minutes, néanmoins, avant de reprendre la direction de la base. En route, Soontir consulta vérifia si on avait tenté de communiquer avec lui ou autre et il ne fut pas déçu. Il y en avait encore qui allaient être exaspérés par le retard, à l’arrivée. Ah là là, mais aussi, dans l’Empire, ils avaient fini par abandonner l’idée de le faire se conformer à ça, préférant le jeter dans son « unité poubelle », à ce temps-là, et chez les Rebelles, ça ne leur avait jamais posé de soucis.

Bon, il gérera ça le moment venu. La nuit était tombée lorsque les sept chasseurs se posèrent à leur emplacement initial, dans le regard. En écoutant ses élèves, il se dit que ceux d’entre eux censés avoir des cours ce soir les avaient eux aussi oublié, d’ailleurs. Avant que chacun ne s’éparpille, il retint juste un instant les deux nouveaux, Danthrah et Apsara. Pour leur adresser ses félicitations, dans un premier temps. Ils avaient des bases solides, tous les deux, ils s’étaient vites adaptés au style du cours et avaient bien réagi.

« C’était très bien, vraiment, vous avez un potentiel certain. Dites-moi donc, où avez-vous appris, chacun, à piloter ? Avant de débarquer sur cette planète, je veux dire. »

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- Dexill : 4
- Elvo : 2
- Dantrah : 1
- Yahli : 13
- Domawu : 8
- Apsara : 1
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Reçu des messages : Oui

C’était sans doute la première fois de sa vie qu’elle passait une journée toute entière dans un chasseur, à tournoyer, combattre, s’entraîner et s’amuser, aussi, au-dessus des gorges. Ça n’avait définitivement pas grand-chose à voir avec les simulateurs… Ils étaient bien ! Même très bien, mais rien de comparable avec une course réelle et l’air libre. Les simulateurs étaient un peu étouffants et il n’y avait pas la même liberté de contrôle. Ils enchaînèrent les exercices de combat, voltige et pointes jusqu’au soir, ne prenant qu’une petite pause sur la terre ferme en début d’après-midi. Maintenant beaucoup plus détendue, elle prenait pas mal de plaisir dans ces entraînements, il y avait un côté jouissif à réussir une belle vrille ou à prendre un adversaire par surprise et remporter la partie. Il n’y avait rien, aujourd’hui, qui puisse lui faire regretter son poste auprès des cartes et des manœuvres usuelles en voyage. A côté de cet appareil, les croiseurs légers avaient la grâce de banthas diabétiques. Et que dire des autres vaisseaux, plus gros, qui avaient des allures de monstres.

Le jour tombait, lorsqu‘ils se remirent en route vers la base. Plus tranquillement, leur instructeur n’en profita pas pour leur faire mener d’autres exercices durant le trajet. Ils passèrent dans le hangar principal et se posèrent chacun, tout en douceur, à leurs places indiquées. Elle ôté son casque et soupira un peu, en se massant la nuque, avant de quitter l’appareil. Pas mal engourdie mais aussi très satisfaite de cette journée. L’idée de participer à un jour à une véritable bataille continuait tout de même de l’angoisser un peu, elle se demandait si ça sera la même chose que dans les gorges… Qu’on vous envoie sur le terrain, avec une équipe de deux ou trois, sans aucun soutien à proximité au cas où les choses tournaient mal. Elle ne savait pas trop à qui elle pourrait poser cette question, se décider enfin à chasser cette source d’inquiétude. Leur commandant les retint, Danthrah et elle, avant qu’ils ne suivent le reste du groupe. Pour les féliciter. Elle rougit un peu, avec un sourire tremblotant, à la fois très fière et un peu nerveuse. Lorsqu’on avait l‘habitude de ne pas se faire remarquer, c’était toujours assez bizarre. Enfin, ça faisait plaisir, mais c’était tout de même bizarre.

"C’était très bien, vraiment, vous avez un potentiel certain. Dites-moi donc, où avez-vous appris, chacun, à piloter ? Avant de débarquer sur cette planète, je veux dire."

Elle tourna la tête vers Danthrah, le laissant répondre en premier, comme il avait l’air moins nerveux ou peut-être juste moins fatigué. Il expliqua qu’il avait d’abord appris sur de petits appareils prêtés par des amis de sa famille, sur sa planète natale, puis qu’il avait ensuite intégré un club de pilotage, pour s’entraîner et participer à des courses. Le tout dans le but de devenir pilote professionnel et pourquoi pas, par la suite, monter son propre club et former des gamins. La pandémie avait mis un gros coup d’arrêt à ses projets, le poussant plus tard, suite aux révélations faites dessus, à chercher un moyen de combattre pour que plus jamais, une telle horreur ne puisse se reproduire. Apsara se dit que c’était finalement le cas de beaucoup des « jeunes » issus de l’Espace Sauvage, venus ici ou ayant rejoint le Cygne Noir. La pandémie avait secoué si violemment que bien des personnes avaient décidé d’agir.

"De mon côté, j’ai appris avec ma famille," répondit-elle à son tour. "J’ai quitté ma planète par envie de découvertes, de voyages, de plus d’action… Je cherchais ma place. J’ai intégré plusieurs fois des petits corps de défenses, sur des mondes isolés de l’Espace Sauvage, surtout contre des pirates. C’est aussi après la pandémie que j’ai cherché comment en faire plus et que j’ai fini par atterrir ici."

Un parcours extrêmement classique et simple, comme d’autres, qui l’avait faite voyager d’un monde à l’autre en apprenant sur le tas ce qui lui sera utile dans la vie. Des bases en mécanique, au moins de quoi se débrouiller si elle se retrouvait en galère sur un monde perdu, le pilotage en lui-même, comment se lier avec d’autres et connaître les signes indiquant si on pouvait avoir confiance ou non. Ce genre de choses. Ce n’était pas grand-chose d’intéressant, elle discutait rarement de son passé. Comme elle ne parlait que rarement de son monde natal ou de sa famille, estimant que personne, à part elle-même, ne devait avoir envie d’en entendre parler.

Les deux jeunes avaient des parcours « attendus », d’une certaine matière, étant donné leurs lieux de naissance et leur génération. Ce qu’ils avaient vécu ces derniers mois. Soontir les écouta, tous les deux, avec attention. Depuis son arrivée ici, avec Syal, et tous les récits de ce type qu’il avait déjà pu écouter, il avait de plus en plus l’impression qu’il existait un gouffre abyssal entre ceux venus de mondes toujours sinistrés ou carrément abandonnés et ceux qui n’avaient pas dû émigrer après la maladie. En tout cas, pour Dantrah, plus que pour Apsara, qui avait quitté les siens avant l’apparition de la maladie. Il y avait une ambiance globale plus… Comme le dire… Beaucoup plus particulière sur les mondes de l’Espace Sauvage que ceux qu’il avait visité dans la Bordure Extérieure, avec les rebelles. Un mélange entre rancœur, repli sur soi, très fort communautarisme. Dur de dire si c’était bien ou mal mais c‘était marqué, dans tous les cas. Il avait bien compris que ceux refusant de s’intégrer n’avaient qu’à dégager.

"C’est déjà très bien, comme bases. Vous en apprendrez plus au fur et à mesure. Et il ne faut pas vous inquiéter, vous avez tout pour devenir d’excellents pilotes de chasseur, tous les deux. Bon, je ne vous retiens pas plus longtemps, allez vous reposer."

Pour sa part, il alla d’abord se changer, quitter sa tenue de pilote pour son uniforme, avant d’aller se soucier des affaires restantes. La soirée s’avançait déjà et il devait s’occuper de la mauvaise humeur d’un certain officier, pour son retard. Une discussion houleuse mais courte, par bonheur et pour une fois. Ce qu’il avait à régler aujourd’hui lui prit un peu moins d’une heure. Il partit rejoindre Syal un peu après, arrivant tout juste après elle. Depuis leur arrivée, elle travaillait pour accomplir des tâches administratives et suivait quelques entraînements. Rien d’extravagant, de quoi apprendre à se défendre et demeurer en forme, elle n’avait jamais voulu être soldat. Elle lança avoir terminé un peu plus tard, aujourd’hui, tout en lançant une petite écharpe vers le porte-manteau, avec assez de dextérité pour qu’elle s’y accroche à la perfection. Eh eh, joli.

"Et ça donne quoi, le logiciel de gestion refait dont parlait Eva, l’autre jour ?"

"Plus au point, maintenant. Il y a moins de lenteurs, la plupart des travaux sur les lignes sont terminés. Surtout, le problème de coupure a été réglé, depuis que les travaux de l’étage au-dessus ont terminés, eux aussi. Je contente, on a été à l’étroit pendant un bon moment."

"Il y a encore des travaux en cours," glissa Soontir en enlevant ses chaussures et sa veste. "La base s’agrandit lentement. Sinon, tu as quand même eu le temps d’aller voir le médecin ?"

"Pas encore, je verrai ça demain soir. Ou demain matin, si j’ai le temps."

Il ne devait rester qu’un examen ou deux, comme préparatifs, si tout allait bien, non ? Il s’arrêta pour jeter un œil au calendrier, sur le mur de l’entrée. C’était bien ça. Ils avaient suivi tous les deux des petites préparations, recommandées par le médecin, car ils désiraient avoir un premier enfant. Rien d’obligatoire mais simple question d’anticipation, selon lui, c’était aussi pour faciliter les choses. Avant ça, Soontir ne s’était même pas douté que ça existait. Alors que c’était pourtant logique, de petits examens pour s’assurer que certaines maladies ou risques ne soient pas présents. Ni Syal ni lui ne se protégeaient plus, depuis… Oh, deux semaines ? Il espérait que la nature puisse les gratifier d’un enfant cette année, s’ils avaient de la chance ! La voix étouffée de sa femme résonna, pour lui dire qu’elle revenait, elle prenait sa douche d’abord. De son côté, il alla vérifier s’ils avaient des restes ou s’il fallait se mettre à cuisiner, pour ce soir.

La soirée se profila assez tranquillement, ils mangèrent en discutant de leurs journées respectives, puis des derniers ragots de la base. Comme eux deux, d’autres jeunes couples s’engageaient dans des affaires plus sérieuses, c’était une nouvelle petite vie qui se dessinait, au milieu d’un cadre encore très militaire – forcément – et pas encore très développé, au niveau de ses familles. C’était encore trop léger pour être flagrant mais ça commençait à bouger. Il profita au maximum d’être avec Syal et de passer un temps tranquille avec elle, tant qu’il le pouvait. Le travail pouvait vite les amener à être séparés sur de longues périodes, parfois, alors il fallait se détendre un maximum.