Gloire à la série

Ven 16 Juin 2023 - 12:44

Loge premium, fraîche matinée ensoleillée

La journaliste Sky-Larek attendait avec une certaine impatience que son maquilleur ait fini de l’apprêter, avant de se rendre dans le salon aménagé pour les interviews. Elle avait la primeur d’interroger les acteurs et actrices, pour la chaîne Cœur TV. Et ce, grâce à sa formidable corrup… Grâce à son incroyable force de persuasion, bien entendu.

Rosas – Mmh… Ça ne me fait pas un si joli teint que je l’espérais.

Raine – Heu, c’est à dire que je débute un peu, dans le métier… J’ai fait une reconversion professionnelle, vous savez ! J’étais sergent, dans l’armée de terre, avant.

Rosas – Ah ? Et pourquoi avez-vous changé ?

Raine – Hum, oh, hé hé, trois fois rien, une obscure histoire d’explosion en pleine ville et deux ou trois petites bricoles, comme le meurtre du type que je devais capturer et heu… Bref ! Ha ha ! Vous voilà prête ! Et il est temps, ouh là là, l’heure passe vite ! Il est temps d’y aller !

Elle s’enfuit presque aussitôt, vous plantant là. De toute manière, elle a bien raison, il est temps pour vous d’y aller ! Tout le monde vous attend déjà et votre équipe est prête à filmer vos rencontres.

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Salon solaire, locaux de Cœur TV

Le premier invité est grand, très grand, drapé dans un costume large et imposant, le visage recouvert d’un long voile, comme sa tête. Assis sur le canapé, comme une immense masse informe, il répondit au bonjour de Rosas, installée sur le fauteuil en face, d’une voix sorti d’outre-tombe.

Rosas – Bonjour Maître des PNJs ! Et merci de répondre à cette interview, pour tous les téléspectateurs nous regardant.

Maître des PNJs – Appelez-nous Maître, c’est plus simple.

Rosas – Bien sûr, Maître. Alors, vous êtes des plus sollicités, sur le tournage de la série, vous vous rendez sur tous les mondes et dans toutes les situations ! Comment gérez-vous un tel rythme de travail ?

Maître des PNJs, d’une voix très lointaine et profonde – Eh bien, nous sommes nombreux, nous nous partageons le travail. C’est une grande responsabilité, vous savez… nous accueillons souvent des nouveaux arrivants et… Oh oh oh… Qu’est-ce que… J’ai dit qu’on ne s’entre-tue pas, hop, chacun dans sa chambre !

Rosas – Pardon ?

Maître des PNJs – Ce n’est rien… La cohabitation de certains d’entre nous est fluctuante… Hum, où en étais-je ? Oui, oui, c’est un travail délicat mais nous le menons à bien par passion du métier d’acteur… Oui, ouiiiii, Ziara, et actrice aussi.

Rosas – Combien êtes-vous dans… Enfin, vous… Vous êtes nombreux ?

Maître des PNJs, plus froid – Nous sommes trente-cinq… Hum, parfois, je mange… Je veux dire, j’admets d’autres personnes… Ensemble, nous sommes un Tout… Nous occupons… Le terrain… Nous nous répandons partout… Nous sommes indispensables… Nous sommes… Légion…

Rosas – Ah… ? Hum, ne le prenez pas mal, mais je commence à être mal à l’aise. On faire une paus…

Un bref cri de terreur coupe tout à coup l’émission et les téléspectateurs se retrouvent face à un écran d’attente. Cela dure quelques minutes, avant que la journaliste Sky-Larek ne revienne à l’écran, micro en main, tremblante et décoiffée.

Rosas – Navrée pour cet incident technique, nous passons tout de suite aux prochains invités !

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Rosas – Nous voici à présent avec Thrawn. Thrawn, bonjour !

Thrawn, avec une tasse de café – Bonjour. Pourquoi il y a-t-il une brèche béante vers le septième cercle de l’enfer, dans le coin du salon ?

Rosas – Oh, ça, ce n’est rien, petit incident technique, notre personnel va la refermer ! Donc, Thrawn, vous faites parti des plus anciens acteurs venus sur le tournage. Parlez-nous de votre travail, comment se passent vos journées ?

Thrawn – Je dois commencer toutes mes journées par la relecture du script et je me met en condition pour mes scènes. Durant la journée, lorsque je ne suis pas en plein tournage, j’essaye de faire l’éducation de certains de mes collègues.

Rosas – Ah, je ne savais pas que vous étiez aussi professeur ! Beaucoup de personnes se sont inscrites à vos cours ?

Thrawn – Non, non, inutile de faire de la paperasse. Je me contente de leur tendre des pièges dans le couloir puis je les enferme dans un placard, le temps de refaire leur éducation. C’est très important, vous savez. Pour les plus récalcitrants, j’attends qu’ils se blessent pendant le tournage puis je vais m’occuper d’eux pendant qu’ils sont coincés à l’hôpital. C’est très pratique, ils ne peuvent pas fuir.

Une certaine gêne tomba sur le plateau, avec un long silence, ponctué de quelques toussotements. D’abord bouche bée, Rosas finit par se reprendre, vivement.

Rosas – Je vois, c’est très intéressant ! Dans la série, votre personnage a vécu de nombreux changements, récemment. Comment le vivez-vous ?

Thrawn – C’est parfois bizarre, car l’actrice jouant ma femme est l’épouse de celui jouant mon frère. J’avoue avoir un peu de mal à l’embrasser pendant le tournage, alors que je les ai vu tous les deux s’étreindre passionnément juste avant. Ça me donne l’impression de l’embrasser lui aussi, en même temps.

Rosas – Les joies du métier d’acteur, je suis sûre que tous nos téléspectateurs compatiront. Que pensez-vous des nouveaux studios, où sont filmés tous les épisodes montrant votre base ?

Thrawn – Ils sont agréables et certainement plus classes que d’autres. Mais je préfère le studio où nous tournons les scènes sur le Chimaera. Cela dit, les litières des lézards devraient être changées plus régulièrement.

Rosas – Un grand merci pour tous ces détails ! Nous allons vous laisser retourner à votre travail et accueillir très vite, mesdames et monsieur, notre nouvel invité.

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L’équipe de nettoyage parvint tout juste à refermer la brèche, avant que l’actrice Rey ne prenne place à son tour sur le canapé. Des rires démoniaques continuent néanmoins de résonner parfois dans le salon.

Rosas – Alors, Rey, vous faites partie des derniers arrivants, vous avez pu tourner dans deux épisodes et vous vous installez doucement dans le rythme effréné du tournage. Quelles sont vos premières impressions ?

Rey – Trouver sa place est toujours délicat, au début ! Mais j’ai pu rencontrer des personnes sympathiques, à mon arrivée, qui ont su me mettre à l’aise, pendant les tournages et en-dehors. Je suis encore loin d’avoir rencontré l’ensemble du casting, par contre, j’espère que ça viendra !

Rosas – En tant que petite nouvelle, si on peut dire, avec un regard neuf sur la série, que pensez-vous des importantes évolutions amenées par l’intrigue ?

Rey, après avoir lancé un regard vers sa fiche de paie – Tout simplement merveilleux, que dis-je, époustouflant ! Je n’avais encore jamais travaillé sur une série d’une pareille envergure et je suis ébahie ! J’ai tant hâte de poursuivre l’aventure ! Et surtout, les effets spéciaux sont très réalistes. Lorsque j’ai vu la scène d’Ezra, pour l’attaque, j’ai cru qu’il s’était véritablement crashé sur le plateau, c’était du grand art !

Rosas, rougissant – Ah ah ah, oui, cette scène-là !! Très, très bien faite, ouais, super réaliste et tout, tout le monde y a cru ! Heu, eh bien, c’est déjà la fin, merci, Rey !

Rey – Hein, déj…

L’équipe la pousse dehors vite fait bien fait, claque la porte, puis crie pour appeler les suivants. Durant ce temps, Rosas en profite pour se faire repoudrer le nez puis ajuster son sourire de star de la télé.

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Rosas – Nous sommes désormais avec Sion, récemment arrivé également sur le plateau. Sion, pour tous nos fans de la série qui ne vous connaisse pas encore, pouvez-vous parler de votre personnage ?

Sion – Je suis spécial !!

Rosas – En quoi ?

Sion – Je ne sais pas, ma maîtresse à l’école disait tout le temps ça et qu’il ne fallait pas m’embêter, car tout le monde a le droit d’être original. Heu, c’était quoi, la question ?

Rosas – Pouvez-vous nous parler de votre personnage ?

Sion – Aaah, oui ! Mon personnage est spécial, tout comme moi ! Et original, aussi. Si si. Même ma maman me disait ça, que j’étais spécial et original. Et que je l’étais devenu juste après qu’elle m’ait fait tomber dans la cheminée allumée, un soir d’hiver.

Rosas – Votre mère a fait quoi ?!

Sion – C’était pour me rendre plus fort !

Rosas – Mais… Mais…

Sion – Et après, elle m’a entraîné à utiliser des couteaux et tout plein d’autres armes ! J’avais déjà quatre ans, il était temps de commencer mon apprentissage ! Et puis, elle m’a appris à frapper les autres enfants, pendant l’école primaire. Elle est forte, ma maman, elle m’a même offert un abonnement à la salle de sport CrèveLeurLesYeuxetArracheLeurLesEntrailles, vous vous rendez compte ?

Rosas, de plus en plus blême – Ah oui… Sympathique…

Sion – Pour ma majorité, je devais m’émanciper un peu alors je lui ai tranché la main !

Rosas – A votre mère ?

Sion – Ouais ! Je l’ai laissée pour morte, mais vous en faites pas, elle a la peau dure ! Ah là là, après un tel amour maternel et tant d’attentions, j’ai pu réaliser mon rêve et devenir acteur. La vie est si belle !

Le tournage est brièvement suspendu, le temps pour la journaliste d’aller boire de l’eau et se détendre. Durant ce temps, Sion court aux toilettes et demande à un technicien de venir l’aider à pousser.

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Tout le monde reprend sa place, ainsi que son souffle, alors que le nouvel invité s’installe sur le canapé. Avec un bloc-notes entre les mains et enfilant une paire de lunettes.

Obi-Wan – Bonjour, mademoiselle, installez-vous. Parlez-moi de votre enfance…

Rosas, toujours pâle – Non mais c’est moi qui pose les questions, ici !

Obi-Wan – Ah oui, pardon, déformation professionnelle.

Rosas – Heu, je… Donc… Donc, oui, voilà, vous êtes un ancien acteur et vous tournez dans la série depuis ses prémices. Comment avez-vous vécu les bouleversements de l’intrigue ?

Obi-Wan – Paisiblement, je prends les choses comme elles viennent vous savez. Et ainsi, j’ai pu accompagner tous mes pati… Je veux dire, mes collègues, durant le tournage. Telle est ma vocation. Désirez-vous parler des troubles vous assaillant ?

Rosas – C’est moi la journaliste, ici !

Obi-Wan – Certes. Je suppose que l’homme responsable de cette tension dans votre voix s’est comporté comme un goujat ?

Rosas – Mais oui !! Cette immense ordure a osé me plaquer sans même une parole, face à face, puis il a… Heu… Attendez, non non, reprenons plutôt l’interview ! Comment avez-vous vécu la transition dans les nouveaux studios dédiés à votre faction ?

Obi-Wan – Fort bien, je vous remercie. Vous vous souciez du bien-être des autres, à ce que je constate. Néanmoins, il faut savoir raison garder et veiller à son propre bien-être également, conserver un équilibre. Tous ne peuvent point être aidés.

Rosas, les larmes aux yeux – Je saiiiis… J’ai tout essayé, pourtant, ils ne m’écoutent pas, ça me rend triste !

Obi-Wan, en lui tendant un mouchoir – Je comprends. Vous avez fait de votre mieux, aucun regret ou culpabilité n’a lieu d’être. Parlez-moi de ce que vous ressentez.

Les cameramans et le producteur s’échangent des regards circonspects, alors que leur journaliste se roule en boule dans son fauteuil puis commence à raconter toute sa vie à l’acteur, en pleine prise de notes. Tout cela dure si longtemps qu’en attendant, des pages de pubs sont lancées aux téléspectateurs. Les confessions, c’est bien, se faire de l’argent pour passer le temps, c’est mieux.

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