Eli avait toujours trouvé méprisantes les remarques du style « Ces planètes ne sont que des trous perdus complètement inaccessibles », mais pour une fois, il n’était pas loin d’être d’accord avec cette affirmation. Aucune voie directe, un parcours tellement semé d’embûches que passer en hyperespace devenait beaucoup trop dangereux, il fallait se contenter de tous petits sauts ou ne pas en faire du tout. Tout ça pour atteindre la planète Naos III, aux fins fonds de l’Espace Sauvage. Le trajet avait mis finalement beaucoup plus de temps que ce qui était prévu, au point que le nouveau destroyer les suivant les contacte à trois reprises pour savoir ce qui se passait. Eux-mêmes, d’ailleurs, devaient avoir de sacrées difficultés à les suivre, cette fois-ci, dans le genre région inhospitalière, c’était très beau. Il n’y a que les autochtones qui pouvaient naviguer plus facilement, ils connaissaient les voies.

Ils n’arrivèrent finalement en orbite de Naos III que très tard, à une date où ils auraient déjà dû en être reparti depuis au moins quatre ou cinq jours. Eli observa un instant la planète, de loin, peu optimiste quant à leurs chances de réaliser quoi que ce soit ici. Selon leurs sources, il n’y avait même pas de véritable gouvernement, la population locale était sous l’emprise d’un groupuscule de commerce, malhonnête au possible, qui se remplissait les poches sur le dos des colons et avec le contrôle de la seule ville à peu près acceptable des lieux. Dès qu’on s’approchait, on remarquait assez vite pourquoi peu de personnes vivaient ici et pourquoi ceux qui y étaient voulaient en partir. Un paysage très vallonné, de boue, de glace et de neige, puis en arrivant sur la ville, une impression de misère générale. Très accueillant.

Un instant, il crut d’ailleurs qu’ils ne pourront pas se poser dans le spatioport, mais ça allait, il était petit et ils avaient juste assez de place. Une fois dehors, la navette verrouillée, Eli commença déjà à regretter un peu qu’ils ne se soient pas mis en tenue civile. Même si la population locale n’avait jamais émis de turbulences ou tancé l’Empire, la simple vue d’un uniforme suffisait à rendre certains nerveux. Ils n’étaient même pas lourdement armés non plus ! Même si… Bon, il avait déjà vu ce que pouvait faire Tayla avec un petit blaster. Dans un premier temps, il observa plus en détails la ville et les habitations. Beaucoup de préfabriqués, parfois, cela tenait à peine debout. Les habitants étaient très méfiants… Il y avait des Twi ’leks, des Humains, quelques Rodiens… Et Eli cru reconnaître, d’ailleurs, deux personnes fichées par l’Empire, qui s’éclipsèrent très vite.

– Il doit y avoir des groupes de fugitifs, murmura-t-il à Tayla. C’est l’endroit idéal pour se faire oublier.

Restait à voir, par contre, s’il y avait ou non un vrai gouvernement, ou si le groupe « commercial » était vraiment le seul à faire sa loi, dans le coin. Et comment les rencontrer, que ce soit l’un ou l’autre. S’ils acceptaient de les rencontrer, du moins… Ils n’étaient pas venus pour forcer la main de qui que ce soit, encore moins pour déclencher un combat ou menacer de guerre. Juste avant d’entrer dans une cantina, pour commencer à discuter avec les locaux, Eli crut voir une silhouette familière. Se détournant, il bifurqua vers une autre rue, puis s’arrêta à l’angle, très étonné.

– Amélia ?

Ça ne pouvait pas être elle, que ferait-elle dans un trou aussi perdu ? Sauf que si, c’était bien elle. Absolument la dernière personne dans cette galaxie qu’il se serait attendu à retrouver dans le coin. Il lança un coup d’œil en biais à Tayla pour lui dire que c’était bon, pas une ennemie potentielle, du moins il ne croyait pas.

– C’est vraiment le dernier endroit où je pensais vous revoir un jour, avoua-t-il, perplexe. Je vous présente le sergent Ferguson… Ne me dites pas que vous avez réussi à trouver du travail par ici ?

Ils avaient pris un retard monstrueux, et encore, ce n’était sûrement pas la fin des problèmes. Très loin de là… Avant de quitter la navette, Tayla glissa de nouveaux chargeurs dans ses blasters, puis son fusil dans le dos, en bandoulière, comme à son habitude, en se demandant ce qui allait leur tomber dessus, cette fois-ci. Elle n’était pas agacée, commençant tout simplement à s’habituer à la montagne de trucs anormaux, qui lui arrivaient depuis quelques mois. Se remettre dans une ligne ordinaire, de la Marine Impériale, lorsque tout sera terminé sera on ne peut plus ardu. Du moins, si ça se passait effectivement comme ça… Sans vouloir sombrer dans la paranoïa, la jeune femme doutait de plus en plus que tout se déroule comme elle l’avait imaginé, à la fin de cette mission. Même avant la fin de cette mission.

Tout d’abord, ce que lui avait avoué Eli et la relation qui s’était instaurée doucement entre eux. Rien que cela remettait en cause une bonne partie de ce qu’elle avait pensé. Ensuite, les agissements hors des clous hors des clous de l’amiral et du capitaine Pellaeon, dont elle était à présent certaine qu’ils auront encore une influence directe sur la direction que prendra sa vie, prochainement, et pas comme elle pourrait le supposer. Et enfin, ce qu’elle devra décider, ses propres choix, vis-à-vis de ce qu’elle avait pu apprendre sur l’Empire et ses actes, ce qui continuait de beaucoup la travailler. Sa loyauté, jusque là inébranlable, avait pris un coup très sévère. Sa vie était comme « en suspens », en attente des prochains mouvements, les siens comme ceux des autres, car elle n’était plus certaine de rien.

En attendant, elle suivait toujours le fil de leur mission sans dévoiler sa nervosité, encore moins en public. Un regard non attentif ne remarquerait d’ailleurs rien. Il y avait des personnes tellement habituées à tout scruter dans les moindres détails et prendre garde à tout qu’elles décelaient aussitôt les petits détails vous trahissant, mais ici, Tayla doutait de trouver une personne avec ce don. C’était très souvent l’apanage des politiciens, des diplomates, des stratèges et des espions. Sa mission principale consistait à protéger, pas à vraiment rentrer dans le jeu des diplomates. Elle hocha doucement la tête lorsque son compagnon fit remarquer qu’il y avait quelques fugitifs, dans les parages. Ils tenteront peut-être quelque chose, elle se tenait prête. Très peu de temps après, Eli reconnut soudainement quelqu’un d’autre, une femme, déviant de son trajet.

Le ton de sa voix trahissait la surprise qu’il avait à la trouver là. Après un échange de regards avec lui, Tayla ne se prépara pas à tirer, si cette femme n’était pas une menace. Elle restait néanmoins sur ses gardes, comme à son habitude. C’était une de ses amies ? Dans ces régions, aux yeux de Tayla, ça restait probable de croiser des amis d’enfance, surtout depuis la pandémie, beaucoup continuaient encore de voyager plus que de coutume, pour retrouver une planète ressemblant à celles qu’ils avaient perdu. Même si naos III n’était pas la destination qu’elle aurait voulu visiter en premier lieu.

"C’est vraiment le dernier endroit où je pensais vous revoir un jour. Je vous présente le sergent Ferguson… Ne me dites pas que vous avez réussi à trouver du travail par ici ?"

"c'est plutôt moi qui le suit : que peut bien faire ici deux officiers impériaux ? Vous êtes venus acheter une cargaison de steak de sharmu ?"

La sniper s’était contentée d’un signe de tête en guise de salut, lorsqu’il avait donné son nom, et d’un très maigre sourire. Elle n’était pas d’une nature qui se détendait facilement. Elle se bougea cependant pour lui serrer la main, lui rendre son salut de façon un peu moins distante et froide, faisant un effort. Après tout, ils avaient déjà assez souvent affaire à des personnes désagréables, elle n’avait besoin de les imiter.

"Enchantée, sergent. Appelez-moi Amélia comme le fait Eli. Et oui, j'ai trouvé un travail. Mon patron m'a demandé de lui ramener quelques kilos de viande, et de livrer deux trois bricoles à un ami local."

"C’est se rendre bien loin pour un peu de viande."

Le ton était resté neutre mais elle était surprise, malgré tout. Car elle ne voyait qui prendrait la peine de venir, ou envoyer quelqu’un, sur une planète si désolée pour deux ou trois courses. Soit son patron était le genre loufoque qui se fichait peu de gaspiller de l’argent dans ce type de trajet, soit la véritable affaire qu’elle menait ici n’avait rien à voir avec celle d’un coursier. Cela dit, tant que ce n’était pas un projet contre eux ou contre la mission de façon plus globale, Tayla n’avait envie de s’en soucier. Que quelqu’un projette de s’en prendre au régime de Palpatine la dérangeait de moins en moins…

"Si vous avez un ami, ici, il pourra peut-être nous en dire un peu si on trouve un autre gouvernement en place que la milice commerciale locale. Ou à qui s’adresser."

– C'est plutôt moi qui le suis : que peut bien faire ici deux officiers impériaux ? Vous êtes venus acheter une cargaison de steak de sharmu ?

Si seulement, tiens, ça éviterait de porter cet uniforme. Il lui adressa un maigre sourire puis s’écarta pour la laisser saluer Tayla, d’une poignée de mains, sentant au passage que sa collègue était, comme à son habitude, très méfiante et sur ses gardes. Bien plus depuis le coup de l’attaque sauvage de l’autre fois, elle devait s’attendre à ce que ça leur retombe dessus à n’importe quel moment. Eli s’en inquiétait un peu moins… Enfin, si, il restait sur ses gardes, mais entre ça et la suite, soit être pourchassé par le BSI ou il ne savait quoi, un des deux risques lui semblait plus important que l’autre. Il avait beau être heureux d’avoir pu en parler à Tayla, ça restait une erreur tout de même, car il ne devrait pas la mêler à ses propres problèmes et encore moins la mettre en danger. Tant qu’ils étaient sur cette mission, il comptait en profiter pour mettre à l’abri, autant que possible, ceux qu’il pouvait. Puis il… verra bien…

– Enchantée, sergent. Appelez-moi Amélia comme le fait Eli. Et oui, j'ai trouvé un travail. Mon patron m'a demandé de lui ramener quelques kilos de viande, et de livrer deux trois bricoles à un ami local.

– C’est se rendre bien loin pour un peu de viande.

Moui, ça devait être la raison officieuse de sa présence sur cette planète paumée, disons. Après, peu importe, chacun ses missions, ils n’étaient pas ici pour faire la chasse aux contrebandiers, aux rebelles, aux Jedis, aux sensitifs paumés du coin, ni à qui que ce soit. Encore qu’on pourrait leur répondre qu’ils étaient en permanence censés prendre garde et faire la chasse à ce type d’individu. Ah là là, c’était parfois si simple « d’oublier » les ordres venus de Coruscant, la planète était si loin, sa brochette de hauts gradés, d’espions et d’opportunistes aussi. Si facile aussi d’oublier les menaces à peine voilées des types du BSI et ceux du BRI, suivant qui s’intéressait à votre cas.

– Si vous avez un ami, ici, il pourra peut-être nous en dire un peu si on trouve un autre gouvernement en place que la milice commerciale locale. Ou à qui s’adresser.

Bonne idée, si ça pouvait leur faire gagner un peu de temps, ce serait pas mal. Eli revint un peu à la réalité, en entendant ça, quittant ses réflexions sur l’avenir un peu sombre qui se profilait devant lui pour se concentrer de nouveau sur le présent. Tant qu’ils avaient des opportunités de ne pas trop traîner ou perdre du temps… Avec ça, Amélia était loin d’être désagréable, il avait apprécié de la rencontrer, sur Corellia, pas juste pour se changer les idées mais parce qu’elle était finalement une des très rares personnes civiles à lui avoir parlé tout à fait normalement, malgré son appartenance à l’Empire. En plus de ça, il savait que la discussion, avec elle, n’allait pas déraper comme celle eu avec Olien… Enfin bref.

– Nous devons mener une mission de diplomatie, ajouta-t-il pour qu’elle comprenne ce qu’ils étaient venus faire ici et pourquoi demander ça. Rencontrer les dirigeants de différentes planètes de l’Espace Sauvage pour apaiser les tensions et inviter à des débats plus… posés, allons-nous dire, avec d’autres. Ça se passe plus ou moins bien selon les planètes. Vous connaissez bien celle-ci, pour que ce soit vous qui y ait été envoyée ?

"Nous devons mener une mission de diplomatie. Rencontrer les dirigeants de différentes planètes de l’Espace Sauvage pour apaiser les tensions et inviter à des débats plus… posés, allons-nous dire, avec d’autres. Ça se passe plus ou moins bien selon les planètes. Vous connaissez bien celle-ci, pour que ce soit vous qui y ayez été envoyée ?"

"Un gouvernement, ici, sur Naos III ? Je ne sais même pas si cette ville possède un maire. C'est un petit monde ici, vous savez mais il doit bien y avoir une ou deux personnes qui pourraient faire office de "responsable" si vous voulez. Attendez, je vais demander à mon contact."

Elle devait avoir raison, peu de chances qu’ils aient affaire à un véritable gouvernement local… C’était le genre de monde oublié, dont personne ne s’intéressait jamais, et s’ils voulaient participer aux débats, il leur faudra d’abord se mettre d’accord sur une personne pouvant tous les représenter. Le seul bon côté de l’affaire était qu’on ne risquait pas non plus, dans ce genre de lieux, de tomber sur des émeutes anti-Empire ou anti elle ne savait quoi. Au pire des cas, sur des groupes de pirates ou de contrebandiers venus chercher une paix relative pour mener leurs affaires. Voire sur des rebelles isolés, en vadrouille, cette planète était parfaite, pour quelqu’un voulant disparaître. La jeune femme finit par revenir vers eux en souriant, quelques instants plus tard. Alors ? Elle avait vraiment trouvé quelqu’un qui faisait office de gouverneur local ?

"Bon, il y aurait le docteur Nicholson mais il n'est pas en ville et ne reviendra pas avant quelques jours. C'est le seul toubib ici et il est très demandé. Je peux vous conduire à son cabinet pour que vous laissiez un message si vous voulez ?"

Quelques jours ?! Tayla retint de justesse une petite grimace de désespoir. Ils avaient déjà perdu un temps monstrueux simplement pour se rendre ici, tout court, aller devoir attendre des jours de plus pour que ce type revienne de son travail, puis ensuite, qu’il puisse leur accorder assez de temps pour qu’ils expliquent leur affaire… Bon, ils n’avaient pas le choix… Elle échangea un regard avec Eli, puis haussa un peu les épaules en répondant qu’il n’y avait que ça à faire, de toute manière. Si elle pouvait leur indiquer le chemin, ce serait gentil, en effet. Tayla s’était un peu plus détendue, maintenant qu’elle voyait que cette femme ne comptait pas les agresser. Pour le moment, en tout cas. Mais bon, Eli la connaissait, elle ne devait pas être foncièrement mauvaise.

Au cabinet, une jeune femme put prendre un message à l’intention du docteur, leur promettant de lui transmettre au plus vite. C’est en sortant du cabinet que Tayla eut la bizarre impression d’être coincée, comme pieds et poings liés sur cette planète. Au moins trois jours d’attente, alors qu’ils en avaient déjà perdu quatre. Déjà qu’ils n’avaient que peu de temps pour cette mission, en décomptant tous les jours nécessaires aux voyages.

"On va avoir du mal à rattraper le temps perdu, avec tout ça…"

Un marmonnement plus destiné à elle-même qu’aux autres. Les missions hors des clous, comme celle-ci, avaient un certain don pour la stresser, car elle n’avait pas réellement d’équivalence à laquelle se référer, sentir le moment où elle approchait de la ligne rouge et risquait donc des ennuis.

"Que peut-on faire, en attendant, on peut tâcher de s’entraîner sans devoir surveiller en permanence s’il n’y a pas d’autres groupes de rebelles dans les parages ou des types qui sortent de nulle part ?"

– Un gouvernement, ici, sur Naos III ? Je ne sais même pas si cette ville possède un maire. C'est un petit monde ici, vous savez mais il doit bien y avoir une ou deux personnes qui pourraient faire office de "responsable" si vous voulez. Attendez, je vais demander à mon contact.

Même s’il n’y avait pas de véritable gouvernement, il devait forcément y avoir au moins une personne plus influente ou écoutée que les autres. Il la regarda s’éloigner puis se retourna vers Tayla, souriant en ajoutant que ne devrait sans doute pas se passer si mal que la dernière fois, de toute façon. Ils n’attendirent pas des masses de temps avant qu’Amélia ne revienne vers eux, pour leur dire qu’il y avait bien une personne, pour faire office de « maire », si on pouvait dire ça comme ça, mais qu’il ne reviendra pas en ville avant plusieurs jours. Qu’ils pouvaient par contre au moins lui laisser un message, à son cabinet. Quelques jours… Bon, de toute façon, ce n’est pas comme s’ils avaient trop le choix. Il accepta de la suivre d’un petit signe de tête, dans le dédale des petites rues de cette ville, jusqu’au cabinet médical.

La secrétaire, sur place, parut d’abord un peu surprise de les voir arriver, mais elle resta aimable et prit leur message en leur promettant de le transmettre au plus tôt au docteur. Au passage, Eli lui demanda s’il travaillait seul ou non, essayant de savoir si d’autres seraient susceptibles de se joindre à la conversation. C’était typiquement le genre de planète où le plus compliqué n’était pas de se faire entendre mais surtout de convaincre les personnes que ce n’était pas une blague et qu’ils voulaient vraiment inviter des représentants de leur monde, qu’il soit aussi reculé ou pas. Ils en avaient pour quelques jours d’attente, au mieux trois, au pire cinq ou six… Il sourit faiblement au bref marmonnement de sa collègue, alors qu’ils retournaient dans la rue, plus résigné. Ce ne sera pas la première fois, après tout.

– Que peut-on faire, en attendant, on peut tâcher de s’entraîner sans devoir surveiller en permanence s’il n’y a pas d’autres groupes de rebelles dans les parages ou des types qui sortent de nulle part ?

– Des rebelles, ça ne m’étonnerait pas qu’il y en ait, quelque part, c’est le genre de planète idéale pour se cacher. On n’est pas venu ici pour les combattre, de toute façon, j’espère juste qu’il n’y a pas le même genre de fanatiques que l’autre fois. Pour les types qui sortent de nulle part, ça…

Il haussa un peu les épaules, avec un vague signe de la main. Ils ne pouvaient pas le prévoir, ni même le ressentir un peu à l’avance, donc ils verront bien ! Du moment que ce n’était pas un Sith… Quoi que, ça dépendait, en fait. Si c’était un Sith mais qu’il n’était pas avide de massacres, ça passera encore, il suffira de lui dire qu’il avait changé de temps et le laisser dégager le plus loin possible, voire lui indiquer une mauvaise direction pour qu’il aille se perdre dans les confins de la galaxie et y reste. Un plan qui ne marcherait certainement pas mais ça ne coûtait rien de rêver.

– Merci pour votre aide, Amélia, en tout cas. Qu’êtes-vous devenue, pour vous retrouver ici, vous continuez de changer d’employeurs en attendant de faire autre chose ? C’est rare de retrouver les personnes se perdre dans l’Espace Sauvage pour du travail.

"Des rebelles, ça ne m’étonnerait pas qu’il y en ait, quelque part, c’est le genre de planète idéale pour se cacher. On n’est pas venu ici pour les combattre, de toute façon, j’espère juste qu’il n’y a pas le même genre de fanatiques que l’autre fois. Pour les types qui sortent de nulle part, ça…"

"Les fanatiques, ça se combat."

Et ce n’était pas eux qui l’inquiétaient le plus, à vrai dire. Tayla avait légèrement froncé les sourcils, car ne n’était pas vraiment la réponse claire et franche qu’elle avait attendue, renforçant un peu plus ses inquiétudes, vis-à-vis de son collègue. Pour le moment, à part le garder à l’œil, elle ne pouvait pas faire grand-chose et c’était bien ce qui la perturbait. A moins qu’elle ne remonte de suite ses craintes à leurs supérieurs, mais il n’avait encore rien fait, sans compter qu’elle ne voulait pas non plus lui jeter le BSI sur le dos. Ou le BRI. Dans un cas comme dans l’autre, elle voyait les membres de ces groupes comme une autre sorte de fanatiques, côté impérial, cette fois. Des brutes sans aucun scrupules ni la moindre once d’humanité, chargés de faire le sale boulot. Ils lui donnaient envie de vomir.

Attendre et voir, elle n’avait pas vraiment le choix. Agir seulement si les choses se compliquaient. Peu importe ce qui allait se passer, elle devait veiller à ce qu’il ne s’enfonce pas plus loin sur ce chemin. Un pas de plus, un pas de trop, et il filera tout droit à la mort. Mais comment faire pour l’éviter ? Un demi-espoir s’éveilla en elle, en posant le regard sur Amélia. Elle disait qu’ils étaient amis, donc peut-être que la revoir allait détendre assez son collègue, pour le calmer et lui chasser un moment de la tête ses idées de désertion ? Difficile à dire… Tayla ne la connaissait pas du tout, avec ça, si elle avait déjà mené à bien son travail ici, elle repartira sans doute d’ici quelques heures.

"Quand à moi, et bien tu le sais, je viens déjà d'un trou perdu de la Bordure Extérieure alors je ne vois pas ce qu'il y a de si étrange d'accepter un travail dans un trou perdu de l'Espace Sauvage. Mais dites moi, vous parlez de "types qui sortent de nulle part". De quoi parlez-vous, si ce n'est pas indiscret ?"

Avec le recul, Tayla regrettait profondément d’avoir cherché à en savoir plus sur lui. Il avait fait parti des éléments qui rongeaient la loyauté de son collègue envers l’Empire, comme s’il y en avait besoin d’un de plus. Un très long soupir agacé lui échappa, alors qu’elle priait pour au moins ne plus recroiser le chemin de ce type. D’accord, il ne les avait pas énervés sciemment, il ne pouvait pas savoir ce qui se tramait à ce moment-là, mais cet argument logique ne diminuait pas pour autant sa rancune.

"Il y a parfois des gens paumés, qui débarquent comme ça, qui n’ont rien à faire ici. On en a croisé un, un… Chiss, c’est ça ?"

Elle avait déjà oublié le nom de ce peuple, tant elle s’était efforcée de tirer une croix sur cette rencontre désagréable et assez lourde de conséquences. Après un regard interrogateur vers Eli, elle leur la confirmation que oui, c’était bien ça. Allez donc savoir où était bien rendu l’autre type, maintenant, depuis qu’il était reparti de son côté dans la nature.

"Il cherchait à contacter l’Empire Fel ou je ne sais quoi. Il était peut-être juste cinglé, en fait…"

Ils ne pourront pas rattraper le temps perdu, mais grâce à Amélia, ils avaient au moins évité de perdre encore trois jours de plus en cherchant à qui s’adresser. Eli adressa rapidement un message au destroyer qui les suivait pour signaler ce délai, adressant un petit sourire à Amélia pour la remercier. Autant faire contre mauvaise fortune bon cœur, après tout, ce n’est pas comme s’ils étaient piégés au milieu d’ennemis non plus.

– Quant à moi, et bien tu le sais, je viens déjà d'un trou perdu de la Bordure Extérieure alors je ne vois pas ce qu'il y a de si étrange d'accepter un travail dans un trou perdu de l'Espace Sauvage. Mais dites moi, vous parlez de "types qui sortent de nulle part". De quoi parlez-vous, si ce n'est pas indiscret ?

– Il y a parfois des gens paumés, qui débarquent comme ça, qui n’ont rien à faire ici. On en a croisé un, un… Chiss, c’est ça ?

– Oui.

Elle était toujours en colère. Même si elle n’avait pas soupiré si fort, sa posture l’aurait indiqué sans le moindre problème. Pour sa part, il préférait encore laisser couler, s’en voulant déjà assez de réaction à ce moment-là alors que l’évidence aurait dû lui sauter aux yeux. Bah, maintenant, ça ne les concernait plus vraiment. Ce type n’était ni un Jedi, ni un Sith, ni un Rebelle, ils n’avaient aucune raison de l’arrêter et n’avaient pas non plus reçu l’ordre d’envoyer à Coruscant ou ailleurs les sensitifs venus des failles. Enfin… Techniquement, ils devaient juste arrêter ou signaler les Jedis. Si cet homme en avait vraiment été un, il ne se serait pas laissé arrêter aussi facilement. Eli commençait à se demander, en réalité, s’il ne l’aurait pas laissé partir sans rien tenter… Tout ce qui pouvait gêner les Siths était bon à prendre.

– Il cherchait à contacter l’Empire Fel ou je ne sais quoi. Il était peut-être juste cinglé, en fait…

– Il y aura vraiment un Empire Fel, même un Sith l’a crié, il n’avait pas menti. Ce ne sera pas forcément un mal.

Eli ne savait très bien si ce sera le sergent Fel, rebelle plutôt, qui sera à la tête de cet Empire ou bien un des descendants, toujours est-il qu’il avait pas mal d’agents à ses trousses. Des déserteurs de la Marine, il y en avait un sacré paquet, parfois des équipages presque entiers, mais des déserteurs dont on savait qu’ils participeront, directement ou pas, à la destruction de cet Empire et la création d’une toute nouvelle force, là, c’était autre chose. Quoi qu’il arrive maintenant, Fel avait tout intérêt à rester planqué parmi les Rebelles, le plus loin possible de Coruscant. Il leva rapidement la tête, vers le ciel de plus en plus chargé de lourds nuages, puis le reporta sur les deux femmes. Il sentait bien que Tayla était nerveuse, c’était de sa faute après tout, mais il était désolé, il y a des points où on ne pouvait pas faire marche arrière.

– On ferait mieux d’aller s’abriter. Tu viens déjeuner avec nous, Amélia, ou tu as du travail qui t’attend ailleurs ?

"Il y aura vraiment un Empire Fel, même un Sith l’a crié, il n’avait pas menti. Ce ne sera pas forcément un mal."

Peut-être, peut-être pas, à voir. Avec toutes ces failles, c’était un avenir aussi incertain que tout le reste. Elle se souvint à ce moment-là qu’elle connaissait, de nom, un Fel… Un sergent, enfin ancien sergent, il avait déserté, un pilote d’élite, à qui on avait confié un escadron poubelle et qui en avait tiré la meilleure unité de tout l’Empire. Il était venu dans une conversation il y a déjà longtemps, trois ou quatre ans, peut-être, par un pilote impressionné par les talents de ce type et qui rêvait d’intégrer un jour son unité, il en avait fait tout un discours, au déjeuner, dans le mess du vaisseau. C’était censé être lui, le futur Empereur de ce nouvel Empire hypothétique ? Ou le père du futur Empereur ? Parce qu’elle ignorait si un pilote d’exception avait aussi une bonne fibre politique. Surtout s’il était Corellien. Ça lui semblait incompatible.

"On ferait mieux d’aller s’abriter. Tu viens déjeuner avec nous, Amélia, ou tu as du travail qui t’attend ailleurs ?"

"Non, j'ai un peu de temps encore avant de repartir. C'est l'avantage de faire ce genre de travail : je fixe mon propre emploi du temps."

La jeune femme avait un peu de mal à imaginer le genre de vie menée par les personnes comme Amélia, ce n’était pas stressant ? Ou alors, elle était trop habituée à la vie très cadrée de la Marine Impériale pour parvenir à penser autrement, il lui avait déjà fallut pas mal de temps avant de réussir à être plus à l’aise dans cette mission. Et encore, ce serait bien mieux sans les quelques petites… crispations. Amélia les guida dans les petites rues jusqu’à une cantina, sans doute la seule cantina de la ville, au passage, un endroit parfaitement calme, sans musique. Une ambiance qui plut à Tayla, elle avait toujours eu horreur des endroits bondés, où la musique recouvrait toutes les conversations, où on ne pouvait pas se concentrer. Une fois tous assis, la porte en vue au cas où, elle se répéta une fois de plus d’essayer de se détendre.

"Alors, dites-moi, votre voyage se passe bien ? Ce n'est pas trop gênant pour vous deux de passer autant de temps seuls ?"

"Non, voyons, ça se passe le mieux du monde. C’est très bien d’apprendre aussi comment gérer des situations complètement impossibles et oublier au passage tous les codes qu’on vous a fourré dans la tête durant des années. Ça change beaucoup."

Oui, c’était totalement gratuit, et autant adressé à Eli qu’à son chef direct, d’ailleurs, même si jamais elle n’oserait le lui balancer comme ça en face. Elle était aussi toujours vexée qu’il n’arrive pas à écouter et faire preuve de plus de prudence, craignant qu’il ne finisse par faire une énorme connerie, tôt ou tard. Tayla ne put quand même pas s’empêcher d’adresser ensuite un petit sourire attendri à Eli. Elle comptait l’empêcher de faire n’importe quoi, si elle le pouvait du moins, mais elle ne voulait pas qu’il ait des ennuis avec l’Empire.

"Puisqu’on en est là, à attendre, pourquoi ne pas tenter de faire au passer le message aux voyageurs de passage, parmi ceux qui vont rester dans l’Espace Sauvage ?"

Amélia leur indiqua à nouveau où se rendre, une sorte de petite cantina locale, peu animée, mais qui avait au moins le mérite d’être discrète et sans une clientèle prête, à n’importe quel instant, de se lancer dans une bagarre ou il ne savait quoi. Un endroit qui lui rappelait un peu la cantina au bout de la rue, où vivaient avant ses parents sur Lysatra. C’était exactement le même genre, petit, assez spartiate, remplie le soir par les habitants du coin, brève pause avant de rentrer chez eux, et dans la journée par des voyageurs de passage. Le type de planète où seuls lesdits voyageurs parlaient le Basic, les autres avaient leurs propres dialectes locaux. Un faible sourire nostalgique lui vint, en y pensant. C’était un temps qui lui manquait un peu. Bah, après tout, on ne pouvait pas revenir en arrière.

– Alors, dites-moi, votre voyage se passe bien ? Ce n'est pas trop gênant pour vous deux de passer autant de temps seuls ?

– Non, voyons, ça se passe le mieux du monde. C’est très bien d’apprendre aussi comment gérer des situations complètement impossibles et oublier au passage tous les codes qu’on vous a fourré dans la tête durant des années. Ça change beaucoup.

Eli leva les yeux au ciel, tout en retenant un très long soupir. Mais il lui rendit quand même son sourire. Elle était toujours vexée ou quoi ? Et puis, les fameuses situations impossibles, ce n’était pas entièrement de sa faute ! Il en avait peut-être, un peu, provoqué une ou deux, mais pour le reste, cette mission toute entière d’ailleurs, c’était l’amiral qui l’avait organisé. Il fallait juste un petit peu de temps pour s’y habituer, voilà tout !

– Puisqu’on en est là, à attendre, pourquoi ne pas tenter de faire au passer le message aux voyageurs de passage, parmi ceux qui vont rester dans l’Espace Sauvage ?

– Je ne sais pas trop, on ne peut pas être sûr de savoir sur qui on tombe en si peu de temps. Rien ne nous garantie non plus qu’ils feront bien passer le mot à leur tour ensuite. On a surtout des chances d’attirer d’autres crétins comme ceux de Pochi.

Il s’interrompit quand le serveur vint leur demander ce qu’ils voulaient manger. Eli ne se posa pas trop de questions, restant sur le plat du jour. Dehors, comme prévu, la pluie avait commencé à tomber doucement, rendant déjà boueuses les petites rues de la ville. Les rares clients présents mangeaient aussi, certains jouaient aux cartes entre eux. Il fallut moins de quelques minutes au serveur pour revenir, apportant des plats brûlants sur la table. Eli pensa à ce moment que ça serait un bon endroit, pour Cygni, ce genre de planète. Très reculée, en plein milieu de l’Espace Sauvage, avec une population locale peu voire pas touchée par la propagande impériale.

– Ces régions ont toujours été repliées sur elles-mêmes, ça s’est beaucoup accentué depuis quelques mois. Est-ce que c’est forcément mauvais, après. J’ai l’impression que plus on s’éloigne de Coruscant, plus on tombe sur des gouvernements isolationnistes. J’aimerai bien que l’Empire sache accepter ça, pour moins de conflits.

Attirer d’autres idiots n’était pas ce qui inquiétait le plus Tayla, aussi ne souleva-t-elle pas ce point. Ils pouvaient se défendre, et même si ça tournait très mal de nouveau, ils pourront tout de même s’en sortir. Si elle n’était pas à l’aise sur ce genre de missions ou pour de nombreux autres points, elle avait en revanche une parfaite confiance en ses capacités de sniper. Un entraînement acharné ne vous trahissait pas, après tout. Et c’était quelque chose que lequel elle avait la main, qu’elle pouvait améliorer elle-même, de la façon dont elle estimait être la meilleure, c’était très agréable. Alors que concernant tout le reste… En fait, ce qui la gênait le plus, c’est lorsqu’elle se retrouvait dans des situations sans cadre ou limites, sans règles, où elle pouvait perdre complètement le contrôle de sa vie. C’était toujours très angoissant.

Un faible sourire lui échappa, ensuite, et elle lança un long regard à Eli. Il était si idéaliste, parfois, est-ce qu’il le réalisait ? Changer l’Empire était une idée… inenvisageable. C’est bon, c’était intégré. Quant à ce que l’amiral comptait faire dans ces régions, pour le moment, Tayla était plus en mode « attendre et voir ». Elle allait répondre, puis s’interrompit à l’arrivée du serveur, venu prendre leurs commandes. Ne sachant pas quoi prendre, elle imita alors Amélia et prit le plat du jour, en plus de l’eau. Pour sa part, elle ne buvait jamais d’alcool, plus depuis que la seule fois où elle avait testé, à l’académie, l’avait rendue complètement malade. Fallait dire aussi que son fiancé de cette époque tenait bien mieux l’alcool qu’elle, et ce qu’il lui avait fait goûter était très fort. Sa gorge se noua un peu mais elle fit mine de rien. Cela datait de si longtemps, maintenant.

– C'est un classique. D'une part, le gouvernement se préoccupe surtout des intérêts des mondes du Noyau et rarement des mondes de la Bordure ou de l'Espace sauvage. Du coup, ces mondes doivent apprendre à se débrouiller seuls, quand les organisations criminelles ne prennent pas leur contrôle.

– Il y en a moins ici que dans la Bordure Extérieure.

Quoi que… Le nombre avait tout de même dû augmenter, depuis son départ officiel, il y a un peu plus de dix ans, pour la simple et bonne raison que la plupart desdites organisations n’avaient plus la même « liberté de commerce » depuis que l’Empire étendait son emprise et renforçait ses moyens. Cela dit, la pandémie avait quand dû en chasser pas mal. Une grimace faillit lui échapper, en pensant à ça, et elle profita du retour du serveur, avec leurs plats, pour se redonner contenance. Au final, ce que voulaient vraiment les habitants de ces régions, c’est qu’on leur foute la paix. Jamais elle n’aurait imaginée un jour travailler pour l’effet inverse. Une certaine culpabilité commençait à lui ronger le ventre.

– Mais parlons plutôt de sujets plus légers. comment occupez-vous votre temps libre ? Je sais qu'Eli n'a rien contre faire la fête sur les plages mais vous, Tayla ?

Ah, il savait se détendre sur les plages, c’est vrai, ça ? Elle lui lança un petit regard en coin, un peu amusée, même si elle n’arrivait pas à l’imaginer dans ce contexte. Pour sa part, et bien… Tout dépendait d’où elle se trouvait et avec qui, pour être honnête. Jusqu’alors, elle avait passé la très grande majorité de son temps seule dans son coin, qu’elle soit en service ou pas. A la fois parce qu’elle avait du mal à aller spontanément vers les autres et parce qu’en tant que femme, dans cette Empire, elle était souvent oubliée ou reléguée au second plan.

– Je passe la majeure partie de mon temps libre à m’entraîner, en fait, répondit-elle avec un petit sourire, tout en commençant à manger. Comme il y a beaucoup de périodes un peu mortes, à bord d’un vaisseau de guerre, je passe mon temps dans les salles d’entraînement. Ou d’autres petites choses, qu’on peut faire seul.

Plus on passait de temps seul, plus on s’habituait et on le recherchait, ensuite, c’était triste à dire mais c’était comme ça. Elle haussa donc un peu les épaules, laissant passer une impression assez désagréable. Bah, après tout, c’est qui arrivera de nouveau par la suite, elle ferait mieux de ne pas s’habituer à autre chose.

– Pour cette mission, on ne peut pas faire grand-chose pendant les périodes comme ici, où il faut juste attendre. Passer du temps, sinon, pour… Heu, apprendre à se connaître.

– C'est un classique. D'une part, le gouvernement se préoccupe surtout des intérêts des mondes du Noyau et rarement des mondes de la Bordure ou de l'Espace sauvage. Du coup, ces mondes doivent apprendre à se débrouiller seuls, quand les organisations criminelles ne prennent pas leur contrôle.

– Même certaines organisations criminelles valent mieux que l’Empire, depuis quelques temps.

Pas les Hutts ni les autres du genre, évidemment, mais dans le cas de d’autres… Eli laissa échapper un petit soupir, passant une main dans ses cheveux puis contre la nuque, pour se détendre un petit peu. Il en avait sérieusement assez de faire semblant. Heureusement, Amélia détourna la conversation, du travail vers d’autres sujets plus détendus, et il eut un petit sourire un peu gêné lorsqu’elle évoqua leur rencontre sur Corellia, surtout suite au regard en coin de Tayla. Il avait l’impression que cette histoire-là remontait littéralement à une éternité ! Et, honnêtement, il n’avait pas envie de s’en rappeler. Il n’avait rien contre Amélia, au contraire, il la trouvait très sympathique, par contre, c’était trop proche d’autres souvenirs plus sensibles et il aimerait mieux effacer complètement cette époque de sa mémoire, si c’était possible. Ne plus jamais y repenser de sa vie.

Le serveur de toute à l’heure revint souplement dans leur direction, se glissant entre les tables, pour venir déposer les assiettes qu’il portait sur la leur. Très peu de nouveaux clients étaient entrés, depuis leur arrivée ici, et la majorité semblaient des habitués, à la façon dont ils saluaient le patron et ses employés. Au moins, personne ne leur prêtait la moindre attention. Les autres clients discutaient et buvaient entre eux, beaucoup s’étaient installés pour jouer aux cartes ou à d’autres jeux, tout en mangeant. Malgré tout, Eli gardait une impression assez bizarre. Ici, comme sur toutes les planètes qu’ils avaient vu, il manquait du monde. Les rues étaient vides, les établissements comme celui-ci aussi. Toutes les villes ou villages qu’ils avaient vu donnaient l’impression de n’héberger plus qu’une poignée de personnes. Il trouvait ça toujours aussi effrayant.

– Je passe la majeure partie de mon temps libre à m’entraîner, en fait. Comme il y a beaucoup de périodes un peu mortes, à bord d’un vaisseau de guerre, je passe mon temps dans les salles d’entraînement. Ou d’autres petites choses, qu’on peut faire seul. Pour cette mission, on ne peut pas faire grand-chose pendant les périodes comme ici, où il faut juste attendre. Passer du temps, sinon, pour… Heu, apprendre à se connaître.

Eli avala de travers ce qu’il venait juste de prendre, puis sentit le rouge enflammer son visage, littéralement. Il toussa un peu puis fit passer la sensation en buvant de l’eau.

– Pour une fois, les rapprochements sont encouragés par la propagande impériale, non ?

Les campagnes pour encourager les couples à avoir au moins deux ou trois enfants avaient fleuri dans toute la galaxie, ça ne se mettait pas juste dans aires de repos des destroyers. Et dans le même temps, les campagnes de guerre, cette fois, continuaient partout, surtout dans la Bordure Extérieure, depuis quelques semaines, cherchez donc la logique. S’il devait se rapprocher d’une seule personne, dans cette galaxie, il voulait que ce soit elle.

– De ton côté, Amélia, tu n’as pas d’enfant ?