Union sur Evros

Son père était encore plus nerveux que lui, c’était un exploit. Voilà dix bonnes minutes qu’il lui réarrangeait sa tenue et se mordillait les lèvres pour ne pas pleurer. Sa mère était moins angoissée mais tout aussi ému, en l’aidant. Un moment de famille devenu très rare, ces dernières années. Les retrouver tous les deux, seulement eux, au calme, était un instant magique dont il profitait pleinement. Très conscient de la chance qu’il avait encore d’encore les avoir. Son père finit d’ailleurs par se mettre à pleurer doucement. Oh… Eli s’approcha aussitôt, son père le prit dans ses bras et le serra contre lui à l’en étouffer. Sa mère resta près d’eux, elle aussi les larmes aux yeux. Ils étaient tous les deux toujours très affectés par tout ce qui était arrivé… Eli aussi, bien qu’il ait du mal à l’admettre. Dans les bras de son père, il avait l’impression de redevenir un enfant. Il lui tapota doucement le dos en disant de ne pas pleurer, pas aujourd’hui tout de même.

– Je ne pleure pas du tout, marmonna-t-il en s’essuyant les yeux. J’attendais simplement depuis longtemps de voir ce jour. Nous avons eu… trop souvent peur que ça ne puisse jamais arriver.

Il pâlit quelque peu, sembla sur le point d’ajouter autre chose, puis changea brusquement de sujet en lançant qu’il devait vérifier une dernière fois sa tenue puis qu’il sera l’heure d’y aller. Eli devait d’abord rejoindre Tayla chez elle, tous deux iront ensuite à la mairie, avec leurs parents respectifs, retrouver tous les invités, pour le début de la cérémonie. Ça aussi, c’était un miracle, pouvoir avoir, tous les deux, leurs parents auprès d’eux pour cette journée, en plus des amis et proches. Le jeune homme était aussi content que ce soit un mariage bien humain, c’est dire pas trop long, détendu, sans un millier de règle protocolaire, avec également très peu de sensitifs dans l’assemblée. Dont aucun, il l’espérait, n’était possédé, cette fois… Normalement, il n’y aura pas de problèmes de ce côté-là, Thrawn avait fait installer des ysalamiris un peu partout. Eli le soupçonnait aussi d’avoir appliqué ses « mesures » de sécurité dans leur dos, alors qu’il n’y en avait pas un tel besoin, avant le mariage, mais n’avait pas les moyens de le vérifier.

Enfin, bref, peu importe. En arrivant chez Tayla, il se rendit compte que ses parents étaient dans le même état que les siens. Il ne discuta qu’un peu avec eux, aussitôt happé par sa femme quand elle vint les rejoindre. Elle était magnifique ! Il lui tendit la main quand elle s’approcha, pour la serrer dans ses bras et lui répéter qu’elle était la plus belle femme qui soit. Son ventre formait une petite montagne entre eux. Contrairement à pas mal de robes chiss qu’elle avait porté jusque là, sa robe de mariée, elle, ne cachait pas du tout ses courbes. Lors de la cérémonie, ils seront eux aussi assis une bonne partie du temps, pour ne fatiguer Tayla, surtout. A ce stade de la grossesse, la position debout la gênait lorsqu’elle durait trop longtemps. Ils quittèrent la maison ensemble pour rejoindre la mairie, où attendait déjà la plupart des invités. Tayla et lui commencèrent par repérer leurs témoins, dans la petite foule, pour qu’ils puissent entrer juste derrière eux, lors de la cérémonie.

– Attention à ta robe, dit-il d’un coup en retenant sa femme par la main.

Le sol pavé était assez inégal, devant la marie, on sentait que c’était ancien. Du monde continuait d’arriver car les habitants de la petite ville comptaient bien profiter du mariage pour tous se retrouver et faire la fête ensemble, oublier les soucis du quotidien et les conséquences de la pandémie. Ils mirent un petit moment à rejoindre l’entrée de la mairie et retrouver leurs témoins au passage. Lui avait demandé à Thrawn, Tayla avait demandé à Lorana. C’était cette dernière qui avait surtout aidé Tayla à choisir sa robe et se préparer, dans l’Ascendance. Entre humaines, la communication s’était plus facilement établie, il fallait bien le dire, et Eli savait que Tayla s’était sentie très soulagée en apprenant qu’elle pourra avoir un contact plus régulier avec une femme partageant ses références et sa culture, tout comme la manière de penser. Même en partie. Plongé dans leur petit bain de foule, entourés par la famille et les amis, le jeune homme sentait la pression monter peu à peu. Il n’avait pas l’habitude qu’on le regarde et savait que c’était encore plus gênant pour sa compagne.

Voilà. Elle était tout simplement terrifiée. C’était un comble, pour une personne formée par l’armée impériale, peu réputée pour sa douceur, pouvant tirer sur la moindre menace sans sourciller, à l’aise, même, au milieu de batailles rangées ou de fusillade, d’être incroyablement stressée simplement en se regardant dans le miroir. Sa robe de mariée épousait la forme de son ventre arrondi par la grossesse, en le mettant en valeur. Là où elle avait toujours une certaine tendance à le cacher, au vu de la société, par habitude de se cacher elle-même. C’était la tenue la plus simple qu’elle avait pu trouver, sur Csilla, qui correspondait à sa sensibilité, surtout. Pauvre Lorana, à peine arrivée à son tour dans l’Ascendance, Tayla l’avait traînée avec elle durant des heures entières pour qu’elle l’aide à choisir sa robe, la plus simple possible, qui ne la gêne pas dans ses mouvements et qui ne lui serre pas non plus le ventre.

Son père s’était enfui dans le salon dès qu’il avait été question de coiffure et de maquillage. Sa mère avait pris les choses en main pour l’aider à se préparer et apporter la touche finale à sa tenue. Une fois prête, ses deux parents n’avaient cessé de lui répéter de se détendre, que tout allait très bien se dérouler, qu’il ne fallait tout de même pas être stressée ainsi pour un mariage et qu’elle se sentira bien mieux une fois la cérémonie achevée. C’était facile à dire ! Restée un moment seule dans sa chambre, Tayla s’appuya contre la commode et se pencha vers le miroir, observant avec attention son reflet. C’était bien la première fois de son existence toute entière qu’elle se maquillait… La première fois aussi qu’elle avait une coiffure aussi sophistiqué. C’était à peine si elle se reconnaissait ! Le mascara soulignait avec douceur la teinte de ses yeux, sa mère lui avait fait appliquer un rouge à lèvre léger, pour rehausser ses lèvres. C’était… bizarre.

Était-elle belle, comme ça ? Elle se redressa puis tourna un peu sur elle-même, en regardant l’effet dans le miroir. C’était bien, vraiment ? Très nerveuse, elle ne se détendit qu’un peu que lorsque Eli arriva pour la chercher et qu’ils partirent tous vers la mairie. Une détente de courte durée car elle sentit, aussitôt arrivée, beaucoup de regards posés sur eux. La nervosité la dévora de plus belle et elle faillit même trébucher un peu, sur les pavés inégaux devant la marie. Accrochée au bras de son compagnon, elle salua tous ceux qu’ils croisaient en se retenant de leur demander d’arrêter de la regarder, merci. Ses joue se coloraient d’un rose plus soutenue, elle se sentait assez gênée. Évidemment, elle ne regrettait pas d’être ici aujourd’hui, par contre, elle ne savait pas comment réagir aux regards et aux sourires. C’était…. Très étrange, d’être au centre de l’attention ou d’entendre des félicitations pour sa grossesse. Comme le faisait à ce moment précis un ami proche de ses parents.

"Attends-tu un garçon ou une fille ?"

"Deux petits garçons, des jumeaux."

"Doublement félicitations, dans ce cas ! Tes parents ne nous avaient pas encore dit que tu étais enceinte. Je vous souhaite tout le bonheur du monde, à tous les deux."

Sans trop savoir comment il fallait réagir devant l’enthousiasme et les félicitations, Tayla se contenta alors de sourire et de le remercier. Plutôt réservée de nature, même très réservée, elle n’était pas du genre à exposer facilement ses sentiments ou faire face à ceux des autres. Elle ne lâchait pas non plus le bras d’Eli, la gorge nouée par le stress.

C’était la première fois, depuis son propre mariage, qu’il devait porter un costume. Autant Thrass n’avait rien contre la plupart des habits traditionnels ou de cérémonie, autant il n’avait pas l’habitude de s’habiller de cette façon, c’était assez bizarre. Enfin, qui dit mariage humain dit également se fondre dans la masse et ne pas se faire remarquer. Sa femme avait bien raison, les deux mariés étaient tout à fait adorables. Thrass s’efforça de faire passer la crainte qu’il ne se produise quelque chose de mauvais, ou qu’un problème similaire à celui causé par Palpatine ne gâche tout. Ah là là, il devenait paranoïaque, il fallait se détendre un peu. Respirer profondément, arrêter de voir le mal partout et ne penser qu’au mariage en cours. La tension des mariés était plus qu’évidente, alors qu’ils arrivaient devant l’autel, surtout celle de Tayla, en réalité.

La pauvre semblait très gênée, pourtant, elle était sublime, dans cette longue robe blanche, mettant en valeur les courbes de sa grossesse. Finalement, seuls Formbi et Namia n’avaient pas fait l’acte ensemble avant leur mariage et respectés la tradition. D’ailleurs, songeant à ça, Formbi n’était pas venu ? L’ancien Administrateur lança un nouveau regard discret et circulaire sur la salle, pour tenter de l’apercevoir. Namia était installée quelques rangs plus loin, elle aussi très élégante dans un robe traditionnelle, mais elle était seule. Son mari avait sans doute eu trop de travail pour se déplacer aujourd’hui… A moins qu’il n’ait eu un problème spécifique à régler, lié à ses soucis actuels, et qu’il n’avait pas voulu que sa femme soit dans les parages à ce moment précis. Même s’il n’était sûrement pas seul, en ce moment – en tout cas il l’espérait, Thrass ne trouvait pas très rassurant qu’il soit loin de beaucoup d’alliés potentiels. Le temps de revenir à Svarchi, s’il arrivait quoi que ce soit…

En-dehors de cela, la majorité de l’assemblée était humaine. Beaucoup venaient de cette ville-même, s’il avait bien compris. Des amis de la famille de la mariée ou de simples connaissances, venues profiter de ce jour pour se détendre elles aussi. Peu de personne étaient venus en accompagnant les parents du jeune Eli. Là encore, des proches de la famille, mais bien plus rares. Ceux ayant réchappé à l’implacable épicentre de la pandémie. Enfin, son frère avait amené avec lui des amis, ou anciens officiers supérieurs d’Eli, il ne savait pas trop, avec lui. Il y avait même le petit Bridger, calé dans un fauteuil, qui prenait déjà des photos. Thrass reporta son attention sur le maire, bien lancé dans son discours, après avoir presque machinalement pris la main de son épouse dans la sienne. L’ambiance était légère, malgré la cérémonie, les visages autours d’eux ouverts et souriants. Les parents des deux mariés se retenaient visiblement à très grande-peine de fondre en larmes en regardant leurs enfants.

Ils avaient beaucoup de chance de pouvoir avoir leurs parents auprès d’eux aujourd’hui. Ce n’était pas donné à tout le monde. Thrass sortit discrètement son petit appareil pour prendre lui aussi quelques photos de ce moment, doucement pour ne pas perturber la cérémonie.

Le jeune homme ne savait même plus depuis combien de temps exactement il avait dû rester allongé gentiment dans son lit d’hôpital, ça lui paraissait une éternité ! Entre les visites des médecins, les examens, les opérations et compagnie, il en avait plus qu’assez. Alors oui, c’était pour son bien et bla bla bla, mais bon, quoi, m***. Juste voir un docteur se pencher sur lui commençait à lui filer des boutons. Hélas, il n’était pas encore remis. Coincé dans un fauteuil, les jambes et le bassin piégés dans des attelles et broches, il n’était pas question de bouger comme il le voulait. Tout le monde était sur son trente-et-un, ici, en costumes chics et en robe, sauf lui, qui n’avait qu’une petite chemise et une veste. A cause des blessures, des bandages et tout le reste. Mais bon, au moins, il était un peu dehors ! C’était ça qui comptait ! Épuisé, courbaturé, pas en forme, mais dehors quand même. Avec plein d’humains autour, quelques Chiss évidemment, les mariés, une bonne ambiance, pas de combat à l’horizon, loin des problèmes actuels de la galaxie. Il avait bien l’intention d’en profiter un peu.

Comme il ne pourra pas danser, se promener ou quoi que ce soit du même genre, Ezra s’était mis plutôt dans la peau de photographe d’un jour. D’abord parce que ça l’occupait, ensuite parce qu’il pensait ramener quelques photos de fête dans le Temple. Même si les autres Jedis ne connaissaient quasiment personne ici, Ezra était convaincu que le Temple sera moins morne si tout le monde prenait la peine de ramener des clichés ou souvenirs d’événements joyeux. Ne serait-ce que pour montrer autre chose que la guerre, dans cette pauvre galaxie, égayer un peu tout ça, faire penser à autre chose, tout simplement ! Il avait d’abord commencé par prendre la foule en photos, car il trouvait ça sympa, surtout avec un si beau temps. Comme bonne ambiance festive, il n’y avait pas mieux. Il avait aussi pris Lorana par surprise car elle n’avait pas eu envie de se laisser faire comme ça, surtout toute seule, et n’était pas peu fier d’avoir réussi à capturer ce cliché. Pour une fois qu’il la voyait porter une robe, en plus, ça valait la peine d’immortaliser le moment. Heureusement que la plupart des invités étaient plus coopératifs.

Le moment devint plus solennel lorsque l’assemblée et les mariés se retrouvèrent face au maire, dans la salle de bal. Ezra prit là encore quelques clichés au début puis baissa son appareil, le temps des paroles de bienvenue et de la lecture des lois du mariage. Il reprendra tout ça au moment de l’échange des alliances. C’était marrant, d’ailleurs, sur sa planète de naissance, les gens grinçaient un peu des dents lorsque la mariée était déjà enceinte. Ici, personne ne semblait en avoir quelque chose à cirer. C’était quand même beau, un mariage… Il souriait tout seul, dans son coin, en regardant les mariés, en suivant la cérémonie plus ou moins attentivement. Les grands discours, ce n’était pas son truc, ça avait tendance à l’endormir. D’ailleurs, il commençait bel et bien à somnoler. C’était obligatoire, autant de paroles, pendant l’échange des vœux ? Non mais, réellement ? A quoi ça servait ? L’assemblée n’avait pas l’air de trouver trop long, elle, de ce qu’il en voyait en tout cas. Seuls quelques uns attendaient clairement, comme lui, que le flot de paroles se tarissent.

"Ils vont échanger leurs alliances," murmura tout à coup son voisin de rangée.

Ezra se réveilla tout d’un bloc et reprit son appareil photo. Les mariés, leurs témoins, les alliances, il était prêt à mitrailler tout ça.

Formbi lui avait promis, avant son départ pour cette planète, de la contacter aussi s’il se passait quoi que ce soit de grave ou d’important. Tout comme elle lui avait assuré qu’elle le tiendra informé également s’il arrivait quelque chose. Deux gardes du corps, discrets, l’avaient accompagnée pour l’occasion et tâchaient tous deux de ne pas se faire voir dans cette assemblée. C’était le premier mariage 100% Humain auquel elle assistait, car même celui de leur jeune couple mixte avait été en partie humain et en partie Chiss. La procédure n’avait été adoucie et allégée qu’en égard à la grossesse de la mariée. Si seulement les choses avaient pu bien se dérouler de bout en bout… cela restait un triste événement, dans l’esprit de Namia, elle était toujours désolant que le jeune couple ait dû vivre un tel gâchis pour ce jour si particulier. Peut-être faudrait-il, pour leur premier anniversaire de mariage, organiser quelque chose de plus détendu et plus sécurisé, afin de pallier à ce mauvais souvenir ?

Ils avaient encore du temps devant eux pour proposer cela et y penser. Namia avait toujours beaucoup aimé organiser des fêtes et petites réceptions, si cela pouvait faire sourire un peu les jeunes parents, c’était à réfléchir. En attendant, c’était un autre mariage s’ouvrant à eux, dont il fallait profiter. En toute logique, rien ne devrait se dérouler comme le précédent. Elle s’amusait quelque peu à observer les tenues de fête et de soirée que portaient les Humains tout autour d’elle, en les comparant avec ce qu’elle connaissait. Il lui semblait qu’ici, tout comme dans l’Ascendance, les femmes avaient, de toute évidence, plus de choix dans la coupe des vêtements et les couleurs. Était-il d’usage, pour eux, de chercher à mettre plus en valeur, physiquement parlant, les femmes, durant les périodes de fête ? Les humaines mettaient plus facilement des robes colorées ou découvrant les épaules et les jambes, de ce qu’elle voyait. C’était un peu perturbant.

Pour sa part, jamais on ne lui avait appris à porter des tenues de cérémonie laissant trop apercevoir ses courbes, on ne montrait simplement pas ses jambes. Les épaules dénudées ou les bras nus étaient plus acceptés, mais les jambes, certainement pas. Voir donc beaucoup d’humaine en petites jupes, parfois même des jupes s’arrêtant au-dessus des genoux, était un petit choc culturel en soi. Surtout lorsque tous s’assirent dans la mairie, car ces jupes remontaient encore un peu plus une fois assis, on voyait bien les cuisses. Un peu gênée, Namia demeura concentrée sur les mariés et la cérémonie qui débutait, les mains posées contre elle. Au moins, la mariée était bien couverte, elle, c’était une robe très correcte et élégante. Namia ne put s’empêcher de lancer alors un regard vers Lorana et fut soulagée en constatant qu’elle aussi portait une tenue décente. Bien, au moins ses compatriotes, même si elles étaient humaines, savaient se vêtir de bonne façon. Une femme ne devait pas montrer ses cuisses ainsi, c’était honteux.

Les débuts de la cérémonie passèrent bien plus vite qu’escomptés, elle s’était attendue à ce que ce soit beaucoup plus long. C’était un peu surprenant. Mais étant donné que personne n’avait l’air surpris sauf elle, c’est qu’il devait s’agir de la norme dans un mariage humain. La plupart des invités prenaient des photos, les parents, au premier rang, observaient leurs enfants avec un air très ému, d’autres se penchaient un peu, dans l’assemblée, pour mieux voir.

"Nous allons désormais procéder à l’échange des vœux et des alliances," déclara le maire avec un grand sourire. "Les témoins, approchez également, s’il vous plaît."

La cérémonie ne devait donc durer qu’une heure ? Un peu moins ? C’était assez étrange, tout de même ! Enfin, puisque la jeune Tayla était elle aussi enceinte, peut-être était-ce mieux ainsi.

Il commençait à pas mal stresser, lui aussi. Pas encore au point de Tayla, sans doute, mais tout de même. Elle lui serrait le bras à lui en faire mal, quasiment, il ne trouvait pas vraiment les mots pour la détendre. Ce fut son père qui vint à son secours en lui montrant discrètement, sans se faire voir par la mariée, les bons gestes pour la soutenir et la détendre, sans que ça ne se remarque. Oh… Il tenta aussitôt la manœuvre, du mieux qu’il le put, l’air de rien. Ce sera bien mieux une fois tout le monde assis pour manger, après la cérémonie. En plus, à leur propre table, ils n’auront que leurs parents et leurs témoins, uniquement des têtes très familières, donc, aucune inquiétude à se faire. Il essayait lui-même de s’en convaincre, tandis que la pression montait en flèche. Allez, bon sang, c’était ridicule d’avoir peur le jour de son propre mariage ! Qu’avaient-ils à craindre, en plus de ça ? Ce n’était tout de même pas une gigantesque bataille spatiale qui allait se jouer dans les trois minutes.

Quand le moment clé arriva, Eli eut mal au ventre tant le stress avait atteint un niveau maximal. Les invités s’installèrent dans la salle, eux-mêmes arrivèrent face au maire, devant tous. Très nerveux, Eli eut un peu de peine à rendre son sourire au maire, debout derrière la longue table de bois, décorée de fleurs et d’une nappe blanche. S’asseoir fut un soulagement… Il garda les mains de sa fiancée entre les siennes et les serra, autant pour la rassurer que pour se rassurer lui-même. Au moins, tournant le dos à l’assemblée, il était plus facile de faire partir la gêne. Le maire débuta son discours d’accueil et de bienvenue, toujours aussi souriant, avant d’entamer la partie la plus « administrative ». La lecture des lois, des droits et des devoirs des époux. Il trouvait ça très solennel et formel, parfois même bizarre, par rapport à la réalité de la vie. Au moins, le « devoir » de procréer était déjà initié.

Ils remirent debout au moment de l’échange des vœux. Le stress revenait. Il inspira discrètement pour le faire passer, les joues un peu plus rouges. Le maire s’était rapproché d’eux, son livre entre les mains, pour prononcer les questions rituelles. Ils avaient pris les alliances, auparavant confiées aux témoins. Eli était très concentré, pour ne surtout pas bafouiller, d’abord, ne pas bafouiller, ensuite, ne pas montrer la tension, enfin. Dans le même temps, il était aussi ému qu’il était nerveux. Ne pas pleurer non plus, respirer doucement. Il passa en douceur la bague au doigt de Tayla et dû se retenir encore plus fort de pleurer lorsqu’elle fit de même. L’assemblée se mit à applaudir quand ils s’embrassèrent, tous les deux assez rouges de gêne de faire ça en public. Cette fois, il fut incapable de retenir quelques larmes et tourna rapidement la tête pour les essuyer. D’accord, très bien, du calme.

– Je vais vous demander de signer tous les deux, dit le marie sous le bruit de la petite foule qui applaudissait toujours, certains commençaient même à chanter. Ainsi que vos témoins. Merci.

Tayla signa, puis lui, avant qu’ils ne passent à Thrawn et Lorana. Le stress était retombé d’un seul coup. Le bruit amplifia à mesure, même lorsqu’ils quittèrent la mairie et qu’il fallut se plier à l’exercice habituel des photos de groupes. D’abord avec leurs parents, quelques membres plus éloignés de la famille de sa femme également, qui habitaient toujours sur Evros. Puis avec les témoins et les amis proches. Pas son exercice préféré, il fallait l’avouer platement, il n’aimait pas être dévisagé. Le reste de la fête devait se faire dans une grande salle non loin de la mairie, implantée dans le parc de la ville. La décoration débordait de pas mal de fleurs et de rubans. Un cocktail était d’abord servi dehors, avant que chacun n’entre pour le repas. Ce n’est que là qu’Eli se permit de souffler un peu, histoire de faire complètement redescendre la nervosité. Il serrait Tayla contre lui, en la tenant par la taille et en essayant de ne pas la mettre mal à l’aise, avec son ventre.

– Tu te sens mieux ? sourit-il en l’embrassant dans le cou puis sur la joue.

Il ne manquait désormais plus grand-chose avant qu’elle ne se mette à pleurer pour de bon. Le stress de ces dernières semaines, lorsqu’Eli était loin d’elle et parti en guerre, les préparatifs du mariage, l’anxiété de se retrouver comme ça exposée à la vue de tous et surtout, aujourd’hui, l’émotion de se marier. En plus de tout cela, comme s’ils ressentaient son stress aussi fort qu’elle, ses enfants bougeaient grandement dans son ventre, c’était à la fois mignon et inconfortable. Se remettre debout la soulagea un peu, même si ce fut de courte durée, car dès qu’elle cessa de bouger, elle eut la sensation qu’ils recommençaient à faire du saut à l’élastique en son sein. Allez, mes bébés, ce n’était pas trop le moment. Heureusement, face à Eli, elle était plus apaisée. Il lui tenait fort les mains entre les siennes alors que le maire prononçait d’un ton ému les phrases rituelles. Elle avait du mal à croire que c’était bien vrai, même maintenant.

Son compagnon avait un regard très concentré, lui aussi, ils devaient sans doute avoir l’air fin, tous les deux. L’anneau qu’il lui passa au doigt était tout simple, fait en argent, fin et pile à la bonne taille. Tout comme le sien. Elle trembla en le lui mettant mais réussit à retenir ses larmes, car elle ne voulait pas pleurer devant tout le monde. Ensuite, elle se rapprocha de lui pour venir l’embrasser doucement sur la bouche, les yeux fermés, concluant leur union par ce simple geste. Lorsque l’assemblée se mit à applaudir, cela la fit un peu sursauter et elle tourna un sourire gêné vers les invités, les joues très rouges, avant de reporter le regard vers son mari. Le maire les invita, dans la cohue naissante, à signer, avec leurs témoins. Un gros livre, comme à l’ancienne, avec des reliures gravées et fines. La preuve officielle de leur union, qui demeurera ici, à Evros. Elle tendit le stylo à Eli et s’écarta d’un pas le temps qu’il signe aussi, une main contre son ventre.

L’ambiance, jusque là assez solennelle, avait éclaté brusquement en ambiance de grande fête, quand ils quittèrent la marie avec tout le monde, puis durent s’arrêter le temps des photos. La nervosité était passé, elle était heureuse de retrouver l’air libre et surtout heureuse de pouvoir appeler Eli son mari. Même si se faire appeler madame la perturbait encore beaucoup. Ils durent attendre, le temps de se faire photographier par tout le monde, avec amis et familles, avant de pouvoir enfin rejoindre le parc où devait avoir lieu un cocktail, avant d’entrer dans la salle pour le repas. Une armée de serveurs envahit les lieux en même temps qu’eux pour servir à boire à tout le monde. Blottie debout contre son nouvel époux, elle se permit enfin de se détendre un peu. Ses muscles étaient tant contractés qu’elle en avait même un peu mal au dos. Il la serrait contre lui et l’embrassait dans le cou, ça l’aidait aussi à se remettre de cette grosse bouffée de stress.

"Tu te sens mieux ?"

"Oui, bien mieux, c’était quand même stressant. Les petits bougent beaucoup."

Ils devaient bel et bien ressentir son stress, ce n’était pas possible autrement. Ils étaient dans son ventre, après tout, tout ce qu’elle ressentait, ils le ressentaient aussi. Elle devait donc vraiment se calmer pour de bon. Allez. Elle s’approcha d’abord de Lorana pour la remercier et l’embrasser sur la joue, puis fit de même avec Thrawn la minute suivante. Ses parents avaient pris les choses en main et encourageaient tout le monde à prendre un verre, s’amuser, discuter. Ceux d’Eli avaient l’air un peu plus en retrait mais tous deux étaient quand même très émus, toujours. Ils avaient pu venir avec un ami de la famille, le seul qui avait survécu, si Tayla avait bien compris. Au moins, ce mariage pouvait leur mettre du baume au cœur, dans une année aussi difficile à vivre. La jeune mariée avait quand même le souffle un peu coupé, tant elle sentait ses fils bouger. Le temps se reprendre un peu, elle s’assit sur une des chaises, les mains contre son ventre. Sa mère s’approcha presque aussitôt, l’air tout à coup alarmé.

"Tout va bien, maman. Ils ont dû sentir que j’étais nerveuse, ils bougent simplement, je n’ai pas mal."

On lui avait dit qu’un bébé, tout seul, pouvait déjà beaucoup vous secouer, alors deux, à ce stade de la grossesse. Il fallait juste lui laisser un peu de temps pour récupérer.

"Profite donc de la fête avec papa, ne t’inquiète pas, ça ira mieux dans une minute."

Le jour du mariage était enfin arrivé, elle avait attendu ça assez longuement, ces derniers jours ! Voir enfin leurs deux jeunes petits humains se passer la bague au doigt, c’était émouvant aux larmes, Ewime était plus que ravie de pouvoir assister à ça. Elle avait même pu aider, comme l’avait pu, les parents de la jeune mariée à organiser tout cela. Les décorations, la musique, le repas, l’hébergement des invités pour cette nuit, les voyages pour beaucoup, pouvoir s’investir lui avait beaucoup plu et lui avait aussi changé les idées. Le psychologue de la station allait être content, lui qui ne cessait de la pousser à s’occuper l’esprit de différentes manières « pour son bien-être général ». elle s’occupait, pourtant ! Vivre sur une base militaire était loin de l’empêcher d’être active, elle avait toujours de quoi faire. Bon, soit, pas tous les jours non plus, ça dépendait aussi de facteurs extérieurs qu’elle ne contrôlait pas, mais c’était mieux que rien. Elle arrivait même à être plus active sur Nirauan qu’elle n’avait jamais pu l’être sur Csilla. Difficile de garder un travail stable lorsque votre état de santé vous empêchait d’être en permanence au meilleur de votre forme.

Pourtant, les choses allaient un peu mieux, en ce moment. Sur Nirauan, la bonne majorité de ceux ayant été pris dans l’attaque du vaisseau étaient très bien remis, leurs blessures guéries et ils avaient repris un service ordinaire. Quant au commandant, il allait lui aussi un peu mieux. Bien qu’il soit toujours un peu confus, certains jour, il parvenait maintenant à tenir des conversations et avait recouvré en bonne partie ses esprits. Peu à peu, il se remettait en forme. En fait, le plus gros travail restant avec lui était de lui faire passer la lourde culpabilité qu’il portait, par rapport à l’attaque. Il fallait laisser du temps, c’était la seule chose à faire. Il avait le soutien de ses camarades et amis, pour ça, après tout, ça devrait aller mieux si chacun restait patient. Même Formbi avait l’air d’aller mieux, ces derniers temps. Il devait toujours gérer une colonie d’ennuis, par contre, rien de grave ne s’était produit ces derniers temps, par bonheur. Comme si le conflit interne s’était un peu calmé. Ewime espérait sincèrement que c’était bien le cas, que l’Aristocra des Csapla. Il avait bien dû se dire qu’il n’avait rien à offrir à l’Ascendance en s’acharnant dans ce combat, n’est-ce pas ?

En bref, elle passait déjà une excellente journée, était plus remplie d’espoir que jamais pour l’avenir et espérait fortement que ce soit le cas pour tout le monde ici. Enfin, presque, pour le moment. Tayla avait un coup de fatigue, mais ça ne semblait être rien de grave, il lui fallait simplement du temps pour respirer. Ils étaient déjà certains qu’Eli allait prendre le plus grand soin d’elle, après tout. Namia aussi lui avait paru un peu plus distante qu’à son habitude, plongée dans ses pensées. Ce devait être normal, étant donné que Formbi n’était pas là, elle devait s’inquiéter pour lui. Difficile de lui dire de ne pas le faire. Par contre, même Lorana avait l’air un peu plus tendue et inquiète, elle aussi, ce qui était déjà moins normal. Peut-être craignait-elle qu’il n’arrive la même chose à ce mariage qu’il n’était arrivé au sien ? Il n’y avait pourtant pas de Jedis ici, hormis Ezra et elle-même, or, aucun d’eux deux n’avait ce genre de problème. Non ? Lançant un regard vers Ezra, elle le trouva assez en forme, malgré son état. En tout cas, il avait toujours ce même sourire aux lèvres. Voir beaucoup d’humains et leur parler devait lui faire du bien au moral, le pauvre. Elle tapota donc l’épaule de Lorana, pour attirer son attention, et lui offrir un large sourire rassurant.

« Tu parais inquiète. Tu peux être détendue, il n’arrivera pas les mêmes problèmes à ce mariage. »

Même à sa démarche, cela se voyait. Exactement comme pour Namia. Alors qu’elle disait ça, Thrass fit tout à coup une drôle de moue, un rapide regard vers sa femme, avant de reprendre un air normal. Mmh… Sur le moment, elle n’osa pas poser de questions, se contentant de garder son sourire et faire comme si de rien n’était, surtout pour ne pas faire peur à qui que ce soit, encore moins à leurs jeunes mariés.

Un grand soleil les accueillit à la sortie de la mairie, pour les traditionnelles photos de groupe. Ce n’est que là que la jeune femme s’autorisa à se détendre quelque peu, la cérémonie s’étant très bien passé, puis à se laisser enfin aller à sourire naturellement. Après les photos, ils se rendirent tous dans un grand parc bien décoré, encerclant une salle des fêtes, pour le vin d’honneur, avant le repas. Des banderoles de fleurs et de ballons avaient été accrochées entre les arbres, ainsi que de fines lumières prévues pour ce soir. Une musique était diffusée dans tout le parc, encore légère et non intrusive, des serveurs se dispersaient, des plateaux remplis, entre les invités. Une longue table avait d’ailleurs été disposée dehors, sur la terrasse de bois jouxtant la salle des fêtes, couverte de petits-fours, d’alcool, d’eau et de jus de fruit pour les enfants. La chaleur jouant, beaucoup avaient déjà un verre en main. C’était tout de même très agréable, la journée était belle, le mariage émouvant, ils pouvaient se détendre et en profiter en arrêtant d’avoir peur d’une nouvelle catastrophe.

Tayla vint à ce moment leur faire la bise, à elle et Thrawn, pour les remercier d’avoir été leurs témoins pour le mariage. Oh, il n’y avait pas de quoi. Par contre, Lorana fut un peu plus inquiète lorsque la jeune mariée eut juste après besoin de s’asseoir et un coup de fatigue. Elle avait mal au ventre ? Ou elle était juste fatiguée ? Si c’était simplement ses enfants qui bougeaient, il fallait juste attendre, en effet, eux aussi devaient être un peu nerveux, ils ressentaient tout. Ça, le docteur n’avait eu de cesse de le lui répéter tout le long de sa propre grossesse, Thrass aussi d’ailleurs. Se reposer, essayer de ne pas s’énerver, ne pas faire n’importe quoi, ne rien porter de lourd, ne pas accomplir de gros efforts et ainsi de suite. Elle adressa donc un sourire compatissant à Tayla, avant d’aller lui chercher de quoi boire, pour l’aider à se détendre un peu. C’était normal qu’elle se fatigue plus vite, en portant deux enfants. Avec un seul, c’était déjà pas mal, alors là. Elle n’avait pas l’air malade, en plus, simplement assez fatiguée.

« Ils doivent savoir combien c’est une journée importante, » lui sourit-elle. « Si tu prends ton temps, ça ira vite mieux. »

Elle était à un peu plus de six mois, maintenant, c’était ça ? Elle le lui avait dit mais Lorana ne se souvenait plus exactement. C’était durant les séances d’essayage pour lui faire essayer des robes de mariées, Tayla s’était inquiété de ne plus pouvoir rentrer dedans, à cause de son ventre, le jour du mariage. Le vendeur l’avait rassurée, en lui présentant des modèles s’adaptant facilement. Et elle n’allait pas non plus prendre cinq kilos d’un coup entre le jour de l’essayage et celui du mariage. La mère de Tayla continuait de surveiller activement sa fille, visiblement toute prête à courir chercher un médecin en cas de besoin. Lorana, de son côté, essayait de lui laisser assez d’air et de ne pas l’embêter, car c’était bien ça le pire, lorsqu’on se sentait moins bien. Durant ce temps, elle discuta un peu avec son mari puis les autres invités. Une part d’elle était maintenant très détendue, l’autre restait concentrée sur divers soucis continuant de la travailler, même si elle évitait bien sûr d’en faire part. Tout à coup, Ewime se rapprocha et vint lui tapoter doucement l’épaule. Oui ? Elle avait besoin d’aide, elle aussi ?

« Tu parais inquiète. Tu peux être détendue, il n’arrivera pas les mêmes problèmes à ce mariage. »

Comment ça, ça se voyait ?! La jeune femme retint de justesse une petite grimace et adressa à la place un sourire un peu bizarre à sa belle-sœur, en lui répondant que ce n’était pas du tout le problème et que tout allait très bien, évidemment. Changer de sujet, encore, rapidement… Elle interrogea ensuite Ewime sur sa santé, comment se portait son bébé, pour lui faire penser elle aussi à autre chose. Une fois qu’elle sera lancée là-dessus, c’était l’assurance de ne plus revenir au reste. Lorana avait tendance à oublier que les Chiss distinguaient bien mieux les détails dans la démarche, qui trahissaient beaucoup les états d’esprits chez une personne. Au moins,e n lançant ce sujet, elle était sûr que ça allait tenir Ewime au moins jusqu’au début du repas de fête et lui faire oublier toutes ses interrogations.

Les voilà mariés, tous les deux, c’était très émouvant. Même si leur nervosité fut particulièrement voyante. Il applaudit avec les autres avec un léger temps de retard, un peu surpris par ça, même s’il avait pourtant été mis au courant en amont des coutumes humaines pour le mariage. En revanche, ce qu’il préférait, c’était bien la durée de la cérémonie, bien moins longue que chez eux, ça faisait du bien. Les étapes suivantes étaient les photos, s’il avait bien tout retenu, puis un vin d’honneur dans le parc entourant la salle des fêtes, juste avant le repas. Il y avait aussi la valse des salutations et félicitations aux deux mariés, une cérémonie assez ordinaire, somme toute. Enfin, ça faisait du bien, là aussi, d’en voir une. Dans le parc, Ewime en profita d’ailleurs pour venir rassurer sa femme en lui disant qu’elle pouvait être détendue, se méprenant sur la véritable raison de cette tension. Il ne put retenir une petite moue, de son côté, espérant qu’il n’y aura pas d’autres visions, aujourd’hui.

Il aimerait bien qu’elle en parle à quelqu’un d’expérimenté, sur le sujet, ne serait-ce que pour se rassurer. Envoyer un message au Temple à… Hum… Maintenant qu’il y pensait, qui était expert en vision, parmi tous les Jedis… ? Peut-être parmi les maîtres… Ou bien, peut-être aura-t-elle l’occasion d’en parler à Meetra à son retour lorsqu’elle repassera par Nirauan récupérer Ezra, elle était elle aussi une maître, après tout. Plongé dans ses pensées, sur ce sujet, il fut plus distrait quand son petit frère, devenu plus grand en plus, arriva à sa hauteur pour saluer et demander comment s’était passé leur emménagement. Thrass n’osa pas lui raconter l’incident de la vision, sur le coup, et se contenta donc de répondre que tout s’était très bien passé. En plein mariage, ça lui semblait malvenu, de parler de ça, en plus, il n’avait pas envie d’alarmer son frère alors qu’ils n’avaient pas plus d’informations ou de preuves.

Thrawn lui proposa ensuite de plutôt chercher le médecin qui s’était occupé de leur père ou bien son dossier médical. Ou même dans le dossier d’enquête de l’accident. Thrass commençait à se demander si ce sera bien noté, même là, mais là encore, il se contenta de remercier son frère sans faire part de ses doutes. Pour le moment, mieux valait ne pas parler du pourquoi de cette recherche. Surtout si ça risquait de ne rien donner. Il commencera par Csilla. Et demandera sans doute aussi de l’aide à Thsans, ils étaient toujours bons amis, malgré le temps qui était passé. En attendant, ils étaient là pour profiter du mariage, par pour se faire le moindre soucis. Il retrouva Lorana avant que tous n’entrent peu à peu dans la salle de bal, où devait avoir lieu le repas. Là, Thrass se détendit quand même un peu plus, voyant bien qu’ils n’avaient rien à craindre et convaincu qu’il fallait mener tous les efforts possibles pour être tout sourire aujourd’hui.

Les invités se rassemblaient peu à peu dans la salle des fêtes, pour le début du repas. Il se trouvait à celle des mariés, Ewime aussi, comme leurs conjoints étaient témoins. Les parents de Tayla s’étaient détendus mais continuaient de surveiller leur fille du coin de l’œil. Ceux d’Eli aussi étaient plus relaxés maintenant, en revanche. Ils parlèrent assez vite de leurs futurs petits-enfants, dès le début du repas, en coeur avec ceux de Tayla. C’était quelque chose que Thrass continuait d’assez regretter, qu’ils n’avaient pas eu leurs parents, à tous les deux, pour partager l’évolution de la grossesse puis la naissance de leur fille. Enfin… C’était comme ça. La prochaine à passer par là sera sans doute Ewime. Thrass en connaissait un qui allait stresser encore plus que les deux parents réunis, le jour de la naissance, tiens.

– Parlant de bébé, dit-il en tournant la tête vers son frère et sa belle-sœur, – Avez-vous décidé comment nommer le vôtre ? Et vous allez déclarer sa naissance sur Nirauan, pour les papiers ?

Un mariage qui ne s’était pas terminé au milieu de la cérémonie en foire d’empoigne, merci la Force ! Ezra s’arrêta près du buffet pour boire un petit verre puis entreprit de vérifier toutes les photos prises jusque là, pour faire un premier tri. Il ne fallait garder que les meilleures, bien évidemment ! Une fois le mariage terminé, sur le trajet du retour avec les deux maîtres, il prendra celles le plus jolies pour les afficher sur un grand mur et mettre de la joie de vivre dans ce bloc de béton préfabriqué et ultra-moche qu’était le Temple Jedi ! Même s’il y avait dans le tas des récalcitrants qui avaient du mal à se laisser prendre gentiment en photos, il avait quand même réussi à en chopper pas mal, hé hé hé. Il aurait pu faire un si parfait petit espion, en vrai ! S’il savait être plus calme, aussi, bon, d’accord. Détails que tout cela. Il y avait des invités qui s’étaient pris au jeu et avaient fait des poses marrantes juste pour lui. Ça, c’était la vraie fête.

Quand arriva le moment du repas, Ezra se retrouva sans trop comprendre par quelle sorcellerie ça avait bien pu arriver à la même table que l’ex-colonel du BSI. Dès l’entrée posée devant eux, il entreprit alors de questionner comme un enfant le vieil homme sur la carrière qu’il avait mené lorsqu’il était amiral républicain et les batailles qu’il avait connu. Où exactement, avec qui sous ses ordres, pour quels enjeux, avec quels alliés, contre quels adversaires, dans quelles conditions, en combien de temps… Tout en mangeant, évidemment, car il avait une faim de loup et ce n’était pas être encore branché à des petits fils plus ou moins discrets qui allait lui couper l’appétit. Au début, le colonel parut d’abord surprit de cet intérêt soudain, même un peu méfiant, mais consentit finalement à lui répondre. Puis se détendit peu à peu en étant plus précis dans ses réponses et en se laissant plus aller. Il conservait toujours un ton très calme et posé, comme si être bombardé de questions soudaines ne le dérangeait pas du tout.

Pour sa part, Ezra profitait surtout d’avoir sous la main quelqu’un qui avait vécu la Guerre des Clones du point de vue de l’armée républicaine. Ça changeait beaucoup des récits de Jedis qu’il avait pu entendre ou encore de ceux qui avaient vécu cette période alors qu’ils étaient enfants. En plus, le colonel se prêtait bien au jeu et discutait tranquillement. Même si parfois, Ezra sentait que des sujets étaient encore un peu trop sensibles pour être discutés pendant un repas de mariage. Il tenta aussi de faire parler Parck, au passage, mais ce dernier se contenta juste de quelques brefs mots, se détournant de la conversation. Pfff, coincé, comme militaire. Ezra n’allait pas le bouffer. Il continua de discuter avec Yularen de sa carrière républicaine, en tentant d’en savoir plus sur l’organisation de l’armée à cette époque. C’était très différent de l’Empire ou pas tant que ça, finalement ? Comment étaient les relations entre les gradés et leurs hommes ? Comment Coruscant gérait la crise, concrètement ?

Ils avaient eu le temps de terminer l’entrée avant qu’Ezra n’ait eu le temps de poser toutes les questions qu’il avait en tête, sur cette période. Les autres à table semblaient légèrement blasés, même si un peu amusés pour certains. Le colonel, quant à lui, restait très patient. Par contre, il ne voulut pas parler ni de la fin de cette guerre, ni de la période qui avait suivi. Qu’à cela ne tienne, Ezra embraya sur sa fonction de colonel du BSI, en lui demandant d’abord comment il avait bien pu se retrouver à ce poste, pourquoi il était resté si longtemps et ce qu’il avait espéré. A côté, il crut entendre Parck murmurer faiblement « assommez-le » mais n’était pas sûr.

--------------
Dés

Il y avait quelque chose de très mignon, avec Lorana, c’était les petites moues qu’elle faisait à chaque fois lorsqu’on la prenait par surprise ou qu’elle comprenait qu’elle ne parvenait pas à le cacher lorsqu’elle était gênée, triste ou en colère. Un peu comme un petit chaton, Ewime trouvait ça parfaitement adorable, ça lui donnait toujours envie de la câliner. La jeune mère lui répondit qu’elle allait bien puis aussitôt, l’interrogea sur comment allait son bébé. Ah oui, c’est vrai qu’elle ne lui avait pas encore raconté les derniers détails ! Ewime lui raconta comment s’était passé la dernière échographie et l’évolution de son bébé. Il ressemblait vraiment à un petit bébé, maintenant, les premières images lui avaient fait drôle car on ne voyait pas grand-chose. Elle lui décrit en détails tout ce qui s’était passé depuis la dernière fois, très heureuse de pouvoir partager ça et brûlant d’impatience de tenir enfin son bébé dans les bras. Même si l’accouchement commençait à la stresser de plus en plus. Le médecin sur Nirauan lui répétait d’ailleurs que ce n’était pas la peine d’angoisser. C’était bien une remarque d’homme, ça !

Le repas débuta ensuite, dans une ambiance détendue. Ils étaient assis à la table des mariés aussi, comme Thrawn et Lorana étaient témoins, avec bien sûr les parents du jeune couple. La conversation se poursuivit sur le thème bébé, bien entendu. Ce n’était que depuis qu’Ewime attendait le sien qu’elle avait réalisé à quel point ce sujet-là revenait très souvent dans la conversation et surtout qu’elle comprenait que ça prenne autant de place. Tayla avait l’air de se sentir mieux, maintenant, ses joues avaient repris des couleurs et elle souriait. Elle était magnifique, dans cette tenue, ses futurs enfants seront sûrement de voir plus tard, sur les photos, à quoi elle avait ressemblé. Une petite armada de serveurs avait envahi les lieux pour servir le premier plat à toutes les tables, une sorte de salade locale avec du poisson. Des noms qui ne lui disaient rien du tout, on ne trouvait pas ça dans les Régions Inconnues. C’était un peu salé mais pas mauvais. Dommage qu’il n’y ait pas plus d’échanges de ce genre, pour la nourriture, ça permettrait de goûter à un peu tout.

« Parlant de bébé, avez-vous décidé comment nommer le vôtre ? Et vous allez déclarer sa naissance sur Nirauan, pour les papiers ? »

« Oui, ce sera Chaf’edo’asu. Pour les papiers, eh bien, il est déjà officiel que je vive sur Nirauan, donc ça ne posera de problèmes particuliers en y déclarant le lieu de naissance. On ne pourra simplement pas remplir tous les champs administratifs pour les parents. »

Même si ce n’était qu’un détail, au fond, ça avait tout de même le don de la chagriner quelque peu. Enfin, entre ce qui était noté sur les papiers et ce qui arrivait dans la vraie vie, il y avait parfois tout un monde. Ce qui lui faisait penser qu’ils n’avaient pas encore interrogé leurs jeunes mariés non plus sur les noms qu’ils allaient donner à leurs fils. La conversation repartit de plus belle sur le sujet des enfants, comment les nommer au mieux, les élever, avant de partir sur l’éducation. Les parents de Tayla avaient des idées bien arrêtées sur le sujet, visiblement, ils semblaient vouloir rester plus proches des méthodes traditionnelles de leur monde que ceux d’Eli ne semblaient le vouloir. De toute manière, ils prirent soin d’éviter d’évoquer Lysatra, de toute façon. Inutile de ramener les mauvais souvenirs autour de cette table, surtout en une journée pareille.

A un moment, sentant son enfant bouger, elle attrapa souplement et discrètement la main de Thrawn pour la lui faire poser contre son ventre, voulant qu’il ne profite un peu lui aussi. Il ne pouvait pas être là souvent alors elle tenait beaucoup à ce qu’il puisse quand même vivre ces petits moments. En général, son enfant se manifestait le plus lorsqu’elle était assise ou allongée. Lorsqu’elle marchait, le bercement produit devait sûrement l’endormir. Peu après ce court moment d’agitation, les serveurs vinrent enlever les assiettes et apporter le plat de résistance, servir à boire aux invités, de l’eau pour ces dames ne pouvant pas boire d’alcool pour raisons évidentes.

« D’ailleurs, Tayla, je n’ai jamais pensé à te le demander, qu’est-ce qui t’avait poussée à t’engager dans l’armée, initialement ? »

Rassurer sa mère était un exercice délicat. Tayla commençait à se demander si elle-même allait trop s’inquiéter aussi pour ses propres enfants sans même s’en rendre compte sur le coup. C’était héréditaire, de faire ça ? Elle passa dix bonnes minutes à lui répéter que tout allait bien, qu’il était normal qu’elle ait parfois des petits coups de fatigue en étant rendue à ce stade de la grossesse, que non elle n’allait pas accoucher ici et maintenant, que non elle n’avait pas mal au ventre et qu’il ne servait à rien de courir chercher un médecin ou appeler les services d’urgence de la ville. De toute façon, après avoir pris le temps de boire de l’eau et manger un peu de sucre, ça allait déjà beaucoup mieux. Assez pour se lever et rester très proche d’Eli, hors de portée des gens trop protecteurs. Très peu envie qu’on la stresse, merci ! Elle était déjà assez stressée par avance, depuis qu’on l’avait prévenue qu’une grossesse gémellaire se menait assez rarement à terme.

Au moins, en débutant le repas, ses parents commencèrent à se détendre un peu. La jeune femme galéra une minute ou deux à s’asseoir comme il faut, pour ne pas coincer les pans de sa robe sous les pieds de la chaise ni trop s’approcher du rebord de table à cause de son ventre. Une fois bien mise, elle se détendit à son tour. Toujours assez ébahie en voyant que tant de personnes de la ville avaient bien voulu faire le déplacement juste pour leur mariage. Ils n’avaient pas même eu besoin de trop se soucier de l’organisation car leurs familles et amis s’étaient occupés de quasiment tout. La nervosité était passée, la réalisation qu’elle était maintenant mariée se faisait doucement dans son esprit. Eli la rassurait aussi, assis à côté d’elle, elle se disait que tout allait mieux se passer, maintenant. Qu’ils auront un peu moins de problèmes par la suite. De toute manière, elle ne voyait pas ce qui pouvait arriver de pire encore, à cette galaxie, que la pandémie.

Dès le début du repas, la conversation revint bien vite sur les enfants. Il n’y avait pas à dire, les futurs grands-parents bouillaient assez d’impatience de découvrir enfin leurs petits-fils. Elle échangea un regard amusé avec Eli, lui murmurant qu’ils avaient à peine de pression avec ça. Les deux garçons n’étaient même pas nés que déjà, leurs grands-parents s’amusaient à imaginer à qui ils allaient ressembler et mêmes leurs caractères. Qu’est-ce que ça allait donner lorsqu’ils seront là. Seul point décevant, pour eux, ils ne pourront pas être présents le jour de l’accouchement ni même ceux à venir. Ça les rendait triste et en même temps, ils comprenaient bien la situation. Tayla, pour sa part, avait surtout peur de devoir accoucher toute seule, sans Eli pour lui tenir la main à ce moment-là. Si jamais il devait se trouver en mission elle ne savait où et que l’accouchement se précipitait ?

Ils en avaient déjà parlé ensemble plusieurs fois, s’étaient inquiété ensemble et n’avaient pas trouvé de solution idéale. Elle savait bien que dans l’armée, ce genre de chose ne se contrôlait pas. Elle lui serra un peu la main, sous la table, un instant, le temps de faire passer son trouble, puis participa de nouveau à la conversation comme si de rien n’était. Ewime leur partagea aussi le prénom de son futur bébé, finalement choisi. Pour ce qui était de l’impossibilité de déclarer les origines complètes du bébé, ça, c’était un autre problème. Tayla trouvait ça toujours aberrant mais n’en disait rien. Il lui fallut juste se retenir, ne pas laisser échapper de commentaires sur le sujet, puis continuer de manger le plus tranquillement possible. Le sujet partait maintenant sur l’éducation à donner aux enfants, surtout sur la partie tradition à respecter. La jeune mariée n’avait pas, pour sa part, d’idées bien arrêtées là-dessus. Elle comptait simplement faire au mieux.

“D’ailleurs, Tayla, je n’ai jamais pensé à te le demander, qu’est-ce qui t’avait poussée à t’engager dans l’armée, initialement ?”

“L’envie de découvrir autre chose, simplement. De voir d’autres mondes et d’essayer d’y être utile.”

Essayer car son statut de femme, couplé à celui de venir d’une région peu estimée, l’avait tenue souvent éloignée de missions vraiment utiles ou intéressantes, dans la pratique. Sans compter qu’elle avait souvent été mutée et baladée de droite à gauche sans aucune raison, au gré des fantaisies de l’énorme administration impériale. C’était bien pour ça qu’elle s’était vite habituée à s’effacer, demeurer dans son coin et ne surtout pas se faire remarquer, par personne. Une résolution qui avait volé en éclats lorsqu’une certaine personne, qu’elle ne nommera pas, avait fichu en l’air et une seul coup plusieurs mois de discrétion pure depuis son arrivée dans la 7ème Flotte. C’est le moment que choisi son père pour bougonner un peu que ce n’avait pas été une très bonne idée, elle n’avait jamais pu se faire une vraie place au sein de l’armée impériale.

“Je faisais simplement mon travail, papa. Tu sais qu’il peut être difficile pour certains de ne pas mépriser certaines zones.”

“Je voudrai quand même que tu ne retournes pas dans l’armée et fasse, après la naissance des petits, un métier plus... Comment dire... Plus acceptable pour une femme.”

Sa mère lui fila un léger coup de coude, juste après ça, moitié amusée, moitié exaspéré. Tayla, qui connaissait déjà par cœur ce petit discours, ne releva pas. Elle répondit tout simplement qu’elle avait encore le temps d’y réfléchir, histoire de faire plaisir à son père et de clore le débat. Elle tourna ensuite la tête vers Eli, le ton légèrement plus bas, avec un large sourire.

“On aurait dû se balader avec inscrit sur l’uniforme arrêtez de me demander pourquoi je travaille dans une armée.”

Ce qui était mieux, une fois à table, c’est qu’ils pouvaient se retrouver avec leurs proches sans être trop sous les regards, tant chacun était maintenant occupé à manger et à boire. C’était très agréable de se retrouver comme ça, simplement, sans avoir à penser à quoi que ce soit de mauvais, juste à profiter. Tayla lui avait fait un peu peur, toute à l’heure, mais le malaise était vite passé, elle avait retrouvé des couleurs et se sentait mieux maintenant. Ils débutèrent le repas de noce tout en discutant, surtout du sujet des enfants et de l’éducation. Il hocha la tête au murmure de sa femme, les joues un peu rouges à son tour. Dès que leurs parents respectifs le pouvaient, ils les abreuvaient autant de question que de conseils sur leurs petits-enfants en route. Leurs noms, la future école, les méthodes d’éducation, tout y passait. Sentant le stress de Tayla, il lui sourit quand elle eut besoin de lui serrer la main, quelques instants, sous la table, discrètement.

Le choix des prénoms avait causé un débat à lui seul. Ewime donna celui choisi pour son bébé, eux-mêmes hésitaient encore un peu. Il restait du temps encore, après tout, avant l’accouchement. Lorsqu’il dit ça à son père, ce dernier fit une moue appuyée en répliquant qu’avec des jumeaux, l’accouchement pouvait survenir plus tôt que planifié. Oh, avec un seul bébé aussi… Eli ne le répondit pas, évidemment, mais il le songea très fort. Sur l’éducation en elle-même, il n’avait pas d’avis tranché. Ils feront sans doute une partie à l’instinct et une partie en reproduisant l’éducation qu’eux-mêmes avaient reçu durant leur jeunesse, non ? Ce n’est pas comme s’il existait un guide tout tracé pour ça. Eli avala ensuite un peu de travers en entendant la réflexion de son beau-père, sur le fait qu’une femme ne devrait pas faire partie d’une armée. Tayla ne releva même pas, elle dit juste qu’elle allait y réfléchir. Beau sang-froid.

– On aurait dû se balader avec inscrit sur l’uniforme arrêtez de me demander pourquoi je travaille dans une armée.

– Pas certain que ça aurait suffit.

– Tout dépend aussi du poste tenu dans une armée, relança son père avec un léger soupir. Toutes les « surprises » ne mènent pas forcément dans un bon état physique ou mental.

– Papaaa…

Eli s’efforça de plutôt les relancer sur des sujets plus ordinaires, ou en tout cas, le plus loin possible de ce qui touchait à leurs carrières à tous les deux. Les joues maintenant aussi rouges qu’avant la cérémonie. Pitié, quoi… Mieux valait ne pas parler de l’armée, ni du passé, ni de quoi ce soit d’un peu gênant ou tabou. Entre le père de Tayla toujours mécontent que sa fille ait choisi les armes et le sien qui n’avait visiblement jamais dirigé sa redirection de carrière dès l’académie, ils n’étaient pas sortis de l’auberge. Enfin, il pouvait comprendre, pour son père, étant donné comment la vie dans l’armée impériale s’était terminée, mais tout de même. Sa mère n’avait rien dit mais Eli pouvait lire sur son visage qu’elle était d’accord avec son mari. Quoi qu’il en soit, aucune envie de relancer le débat, surtout ici et en plus devant Thrawn. Tout allait très bien, en plus, depuis la fin de la pandémie.

– D’ailleurs, Eli, j’avais mal compris ton message, au début, c’est vrai que tu as dû changer de nom ?

– Ne t’inquiète pas, c’est uniquement pour certains qui ont un peu de mal. Pour vous, ça ne change rien.

De toute façon, dans l’Ascendance, il y en avait bien qui étaient capables de l’appeler Eli, simplement. L’amiral, Vah’nya, l’Aristocra Formbi… Ce changement de nom servait surtout aux quelques uns que ça perturbait, sur le vaisseau, et les autres avaient suivi le mouvement.

– Pour vous, comment l’emménagement s’est passé ? demanda-t-il à Lorana et Thrass. Vous n’avez pas eu de soucis avec les voisins ?

Vice-amiral Voss Parck

Le petit cadet en avait fait, du chemin. Qui aurait pu prédire, en revanche, que tout irait si loin ? En y repensant, Voss ne pouvait s’empêcher de se demander s’il avait bien fait les choses… Ce qui aurait pu se passer s’il avait pris d’autres décisions, à une certaine époque. Bien qu’il soit un peu tard pour y réfléchir. Bah, après tout, si on omettait la pandémie évidemment, ça ne s’était pas passé si mal que ça. Non ? Un mariage était toujours un événement heureux, quoi qu’on en dise. C’était un des premiers auquel il assistait, d’ailleurs… Peut-être même le premier. Une parenthèse très inattendue, dans sa vie de militaire, il avait été extrêmement surpris en apprenant, sur Nirauan, être convié à la fête, d’ailleurs. Il avait cru que le jeune soldat l’avait oublié depuis longtemps, car après tout, tous deux ne s’étaient côtoyés que durant très peu de temps. Un stage de découverte sur le Vifassaut puis le voyage vers Coruscant, ce n’était pas grand-chose.

Même s’il avait pensé ça, lui-même n’avait pas oublié le cadet « abandonné » sur Coruscant avec le Chiss… Enfin, l’amiral, aujourd’hui, son patron qui plus est, douce ironie du sort… il s’en était un peu voulu et le colonel Barriss, lui, s’était étouffé sur place en apprenant la nouvelle. Sans oublier le responsable de l’académie de Myomar, qui s’était étranglé tout autant et l’avait accusé d’avoir jeté exprès un élève prometteur dans « un endroit où il va se faire bouffer et tout gâcher !! ». Curieusement, à la suite de ce coup-là, l’académie de Myomar l’avait rayé, et son équipage avec, de la liste des équipes pouvant prendre en charge des cadets pour la découverte des différents métiers. Pas que ses hommes s’en étaient plaints, bien sûr, mais ça ne donnait pas un très bon genre. D’autant plus que l’académie ne s’était ensuite pas gênée pour pourrir leur réputation, surtout la sienne, auprès d’autres officiers.

Les choses s’étaient un peu calmées lorsqu’ils avaient su que le cadet de l’Espace sauvage abandonné sur Coruscant avait bien eu son diplôme. Le directeur de Myomar avait en partie baissé les armes, cependant, il avait fallu encore une ou deux années de plus avant qu’il n’accepte de nouveau de leur confier des cadets. Voss eut la gorge serrée en repensant à ce qu’il était advenu de Myomar durant la pandémie… C’était lui, qui s’y était rendu avec une équipe, pour faire évacuer la base… Ils n’y avaient trouvé que des corps sans vie, en très grande partie. Dans des chambres et l’infirmerie, sur des lits de camps dans des salles de soin improvisées. La maladie avait déjà tout ravagé. Les rares survivants avaient été emmenés dans le centre médical orbital. Aujourd’hui, l’académie n’avait pas réouverte. Pas assez de demandes. Peur d’une nouvelle catastrophe car elle était isolée. L’académie était aujourd’hui un vieux fantôme à l’abandon, rongée peu à peu par la végétation.

Ces pensées le rendirent assez morose et il eut donc du mal à partager l’enthousiasme de leur voisin de table rebelle, branché de partout et coincé sur un fauteuil gravitationnel. Il déjeuna plutôt en silence, en essayant de ne plus repenser à ces horreurs et ce qui avait été vu durant la pandémie. Depuis lors, sa vie avait changé, il ne faisait même plus partie de l’Empire. Un léger soupir et marmonnement lui échappèrent, avec cette pile Jedi toujours en activité, mais il ne tenta pas de lui dire de se taire ou se calmer. Quand bien même, jusqu’à la fin du repas, il continua de parler en continu, sans même paraître assommer le pauvre colonel Yularen. Pitié ! Fort heureusement, lorsque la fin du repas arriva, tout le monde bougea un peu, pour laisser plus de place à la piste de danse. Voss en profita pour s’éclipser plus loin de la pile rebelle et s’asseoir plus loin, un verre en main. Les jeunes mariés devaient ouvrir le bal, puis les autres invités s’engageaient peu à peu.

Vous ne dansez pas ? lui lança au passage un des invités, en passant à côté, tout sourire.

Oh, non, non, merci. Je ne suis pas doué dans cet art.

En réalité, il n’était pas vraiment sûr de comment il convenait de se comporter, dans de telles fêtes. Aussi prit-il le parti de simplement observer le spectacle, tout en buvant son verre. La vie reprenait ses droits… Après l’horreur… il soupira légèrement, pour lui-même, en baissant un peu la tête. Pouvaient-ils seulement empêcher qu’un nouvel épisode dramatique d’une telle ampleur se produise ? La question demeurait en suspens.