« Allégez un peu sur le rouge et le noir, nous ne voudrions pas que les invités se sentent oppressés. N’oubliez pas que la Fondation célèbre l’Unité avant tout. »Le jeune homme de l’Intendance posté juste à côté eut une moue un peu décontenancée, en regardant la grande salle de bal, et le reste du petit personnel qui s’attelait à la tâche.
« Vous en êtes certaine ? C’est que leurs Maj-… »« Ce n’était pas une question, » le coupa-t-elle un peu fermement, malgré son air neutre, et l’absence de crispation.
« Contentez-vous de faire ce que l’on vous demande. »L’homme balbutia, avant d’hocher vivement de la tête et de prendre des notes sur son pad, en vue des changements à apporter. Là, voilà. Ce n’était pas si difficile, n’est-ce pas ?
Les préparatifs pour des célébrations comme celles-ci étaient traditionnellement et majoritairement du ressort de l’Intendance. C’était eux qui géraient les bals du personnel du Palais, l’approvisionnement, et le décorum. Bref, ils s’assuraient que tout soit prêt, jusque dans les moindres détails. Les décisions relatives à leurs Majestés étant ensuite vues aves elles, pour s’assurer qu’il n’y ait pas de quiproquo. L’ouverture des festivités de la Fondation allaient se dérouler comme les années précédentes, par une rapide procession à travers Aldera qui se terminerait aux portes du Palais, sur la grande esplanade. Comme à l’accoutumée, certains avaient levé la voix en précisant que cela représentait un risque. Acceptable, à son humble avis, surtout maintenant que les mentalités changeaient
enfin. Le Palais n’avait jamais été aussi
efficace, et rodé. Au sein de la population, les mécontentements se faisaient de moins en moins forts, les protestataires de moins en moins nombreux. Même si ces trois dernières années avaient apporté leurs lots de drames, il était enfin plus que temps qu’ils réalisent que la trajectoire et les changements entrepris par leurs Majestés étaient les bons. La main plus
ferme, mais juste, avec laquelle leur Reine avait repris les choses ne pouvaient faire qu’améliorer les choses.
Les relents de la gouvernance légère et haïssable de l’ancien vice-roi avaient fait beaucoup de mal à leur monde, dans son ensemble. Elle-même avait été bien trop naïve, pour ne pas s’en rendre compte plus tôt. Il était satisfaisant de voir que tous, ici, partageait ce point de vue. Lentement elle se mit à marcher au milieu de la grande salle de bal circulaire, se glissant entre les tables rondes prévues pour les aides et serviteurs de leurs invités en faisant attention de ne pas glisser ou trébucher sur un avec ses talons. Son regard critique, lui, oscillait entre les décorations, les ouvriers encore en train de travailler, et sa lecture des dispositions prises par l’Intendance. Une lecture qui manqua in-extremis de lui tirer un soupir d’exaspération.
Il était prévu qu’une fois arrivées aux portes du Palais, leurs Majestés retrouvent la Princesse au balcon, pour saluer la foule rassemblée pour l’occasion. Puis, elles seraient attendus dans la grande salle de bal, avec leurs invités, où une grande table avait été dressée en un long arc de cercle d’où leurs Majestés pourront contempler toute l’assemblée. Conformément à leur demande, la Princesse n’était pas sensée rester plus longtemps que nécessaire, le temps pour les représentants des différentes Maisons de la rencontrer, avant qu’elle ne soit discrètement exfiltrée. Jusque-là, il n’y avait pas grand-chose à redire. Par contre, que l’Intendance ait pu suggérer le nom de Miri pour se charger de cette tâche relevait de l’incompétence, ou de l’inconscience. Les apprenties se devaient d’être encadrées, et la sienne n’était tout simplement pas prête pour tout un tas de raisons, la plus évidente étant qu’il était tout simplement hors de question de dévoiler son existence et sa ressemblance avec la Reine-Consort devant un tel parterre d’invités. Il était préférable qu’elle s’occupe de la Princesse pour le reste de la soirée, justement. Loin des regards indiscrets.
Cela lui évitera également de se faire réprimander une fois de plus par la reine en personne, comme ça avait été le cas récemment, au sujet du régime que suivait Miri. Lisbeth était bien conscience des carences de la jeune femme, et elle avait déjà pris des mesures à ce sujet avant cet incident. La petite avait un problème, avait tenté de le cacher, mais devait à présent se résoudre à manger. Il était hors de question qu’elle se fasse remarquer de la sorte une fois de plus. Certes, l’entrainement intensif qu’elle lui faisait suivre pour la mettre au niveau était probablement un facteur supplémentaire. Peut-être. Mais elle devrait s’y faire. Aucune erreur, aucun faux pas ne saurait être toléré, seule la
perfection était acceptable. Cela, la jeune rousse l’avait bien compris. Son travail, bien que parfois encore un peu hésitant, se voulait de plus en plus soigné. Bien que cette sotte soit apparemment incapable de se faire discrète en présence de leurs Majestés. A moins que ce ne soit ces dernières, qui ne cherchent à tout prix à l’observer. Difficile à dire, cela était toujours arrivé en son absence.
Mmph, si c’était le cas, elles devaient probablement avoir de bonnes raisons.
« Cela ne va pas non plus, » fit-elle, plus calmement cette fois, après avoir traversé la moitié de la salle et s’être arrêtée près de la grande table prévue pour leurs Majestés et leurs invités.
« Leurs Majestés préfèreraient voir les Rists assis en face d’elles, plutôt qu’à leurs côtés. »« D’accord. Dans ce cas, comment ajustons-nous le reste du plan de table ? »« Le Moff Bauvan se tiendra aux côtés de Sa Majesté, ou de sa Consort. Puis vous décalerez les Thuls. Les Ulgo devront se trouver de l’autre côté. » répondit-elle calmement, en se contentant d’appliquer au mieux les demandes que lui avait transmises leurs Majestés. Elles voulaient que le Moff se sente privilégié, et les Ulgo, dont la position restait neutre, flattés.
« Il n’y a pas d’autres changements, veillez simplement à ce que les Antilles, les Alde, les Panteer et les Terals soient bien encadrés. »Question de politique, tout simplement. Pour le Moff, positionner les Thuls et leurs ambitions pro-impériales tombait sous le sens. Concernant le reste, il était nécessaire de garder les grandes Maisons vers le centre, et de les intercaler avec celles mineures, mais alliées ou vassales, pour disposer d’oreilles partout, en toute circonstance. Lisbeth savait que leurs Majestés avaient grandement travaillé dans l’ombre, pour obtenir que la majorité de la noblesse approuve leurs changements et leur vision pour Alderaan. Comment, cela ne la regardait pas.
« Par ailleurs, pour quand est prévue la reconnaissance de la salle par le personnel des autres Maisons ? »« Dès cet après-midi, à commencer par les Thul et les Antilles. Les autres suivront dans la journée, ou les prochains jours. »