Vuana se redressa péniblement, s’appuyant contre la lunette des toilettes d’une main et retenant ses cheveux de l’autre. Si vomir lui avait fait légèrement du bien, ça n’avait pas fait partir le stress pour autant. Oh bon sang… Déjà qu’elle avait du mal à gérer son stress, en temps normal, ça ne s’arrangeait pas lorsqu’elle se retrouvait dans une situation différant autant de son rythme de vie habituel. Elle détestait quitter sa zone de confort, justement pour éviter de se retrouver submergée comme ça par la tension. C’était d’ailleurs bien pour ça que son père l’avait poussée à partir pour aller aider leur nouvelle cousine. « Ça te fera le plus grand bien et tu apprendras à gérer les imprévus ! ». Le plus grand bien, le plus grand bien… Pour le moment, elle ne voyait pas où était le bien.

On frappa tout à coup à la porte, suivi d’une voix inquiète lui demandant si ça allait bien. Oui, oui ! Elle lança que c’était bon, se releva rapidement, passa un coup pour nettoyer puis se nettoya la figure et les mains, avant de sortir. L’Enseigne Ros'bah'orm patientait non loin, renouvelant sa question en voyant sa tête. Mais oui, tout va bien, aucune raison de s’inquiéter, ce n’était qu’un minuscule problème de gestion de stress, autrement dit, rien du tout. Il se passait des affaires infiniment plus graves ! Inutile, donc, de se soucier de si peu. Elle le suivit, avec ses affaires sur le dos et à la main, jusqu’au hangar, pour prendre une navette devant les emmener sur la base. Ce qui la rendait surtout inquiète, c’était cette horrible affaire d’enlèvement et la seconde tentative de meurtre contre la maman des enfants. Toute l’Ascendance ne parlait plus que de ça et la nouvelle allait sûrement être diffusée ici aussi.

Ros'bah'orm lui fit signe de le suivre, une fois la navette posée. Vuana ravala un maximum son inquiétude, soufflant discrètement, bien que sa démarche devait trahir sa tension. Étant donné qu’ils devaient d’abord traverser la partie militaire de la base, visiblement, elle put ne pas trop prendre garde aux chemins empruntés puisqu’elle n’aura aucune raison de s’y balader par la suite. Ni le droit, de toute façon. L’Enseigne lui parla en chemin du principe des clés magnétiques ou cylindres, pour passer d’une zone à l’autre, chaque personne était enregistrée avec des niveaux d’autorisation différents. D’accord… Pourvu qu’il y ait un accès extérieur, pour les civils, car pour le moment, ça lui donnait un lourd sentiment d’enfermement. Comme si elle venait d’arriver dans une prison ! La partie civile était… En fait, non, pas plus chaleureuse, dans les couloirs, que celle militaire.

Son guide du jour la laissa une fois arrivés à l’appartement de Vuewimea. Dès qu’elle lui ouvrit, Vuana fut frappé par son air épuisé, les traits tirés, bien plus que par son ventre déjà bien gonflé.  Mais il est vrai qu’ils étaient déjà en fin d’après-midi, elle était sans doute plus fatiguée à cause de ça. Une fois entrée, elle déposa ses affaires dans un petit coin, ne sachant pas encore si elle devra dormir là ou ailleurs, donc en attendant… Ah et en plus, si elle devait lui annoncer elle-même la nouvelle pour sa famille… C’est à ce moment que le petit garçon arriva, marchant doucement, vers elle. Awn. Elle s’accroupit pour lui dire bonjour, avec un sourire attendri.

Coucou Vuedoa, tu vas bien toi, aussi ?

Le garçonnet s’arrêtait juste au niveau de sa mère et s’accrocha à sa jupe, répondit au bonjour mais resta ensuite comme ça à la regarder, en se cachant à moitié. Son stress très élevé ne l’empêcha pas de fondre, il était tellement mignon. Elle se redressa ensuite, déjà plus inquiète pour la maman.

Navrée, je ne pouvais arriver plus tôt qu’en début de soirée, aujourd’hui. Comment vous sentez-vous ?

Elle devrait lui dire, pour sa famille, mais… Disons qu’elle aimerait bien, d’abord, la voir assise…

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Stress, 20. Timidité du petit, 12.

C’est déjà adorable d’avoir accepté de venir, tout court. Ça va, plus ou moins, le médecin me répète simplement de prendre du repos.

Ah ça, bien sûr, elle ne s’était pas attendue à autre chose. Elle la rejoignit dans la cuisine et posa son verre sur le côté, le temps de voir comment elle pouvait l’aider, déjà, pour le repas de ce soir. Mais à peine fut-elle assise qu’elle sentit une petite main lui tirer sur le pantalon puis vit le garçonnet s’employer à lui grimper sur les genoux. Awn… Il ne restait pas timide longtemps, celui-là. Elle l’aida à grimper puis le cala sur ses jambes, une fois mieux assise. Avant de légèrement reculer lorsqu’il voulut attraper son collier, qu’elle remit derrière son col. Allons, allons… Il avait un air éveillé, en tout cas, plutôt curieux de tout. Vuana se demandait toujours si elle allait vraiment être capable de s’occuper de lui, pour soulager sa mère… Elle n’avait jamais fait ça ! Il lui était déjà arrivé de jouer avec les petits jeunes du Clan, lors des réunions et fêtes de famille, mais jamais elle n’avait eu à s’en occuper longtemps. Elle avait dû, quoi… Parfois donner un biberon ou participer aux jeux des enfants pour les occuper.

Je vous ferai faire le tour de la base civile, un peu plus tard, si vous voulez. C’est encore très calme, vous verrez ça, il y a très peu d’enfants, ici. Mais depuis peu, il y a une crèche et une petite école. Pour la communication, les langues commerciales sont enseignées à chacun, autant que possible. Et les plus petits apprennent vite.

Comme toujours, sourit-elle.

Plus vite qu’eux, c’était certain. Elle tentait de ne pas montrer qu’elle n’était pas à l’aise, ne sachant trop comment s’y prendre. Est-ce qu’elle le tenait bien, au moins ? Un an, donc… Il était assez petit, pour son âge. Les premiers mots babillés, c’était toujours adorable. Elle tenta de libérer au moins une main pour aider sa nouvelle cousine à éplucher les légumes, puis se la fit reprendre par le garçonnet voulant l’examiner, car elle portait également un bracelet, fait maison, par ses propres soins. D’ailleurs, elle avait l’habitude de porter plusieurs bijoux, qu’elle se fabriquait elle-même, mais était-ce accepté, quand on devait s’occuper d’un enfant ? Elle les enlevait quand elle travaillait le bois et le verre, peut-être devait-elle faire la même chose quand elle s’occupait d’un bébé.

La mauvaise nouvelle lui trottait toujours dans la tête et elle ignorait toujours comment l’aborder. Ce n’était pas le moment et en même temps, ça ne le sera jamais. Peut-être attendre demain, dans la journée, sinon… Plutôt que la rendre malade toute la soirée et la nuit avec, alors qu’elle avait besoin de dormir.

Pour l’école, d’ailleurs, comment allez-vous faire ? Il sera tout de même scolarisé avec les autres enfants, dans l’Ascendance ?

Oh, non, ici. Il voit déjà assez peu son papa, sur certaines périodes plus que d’autres, alors l’envoyer là-bas, ce serait quasiment une séparation définitive. En comptant les temps de voyage, les vacances scolaires ne sont pas si longues, ça serait très peu possible de faire l’aller-retour. Surtout sachant que Thrawn peut aussi être parti longtemps. Il nous faut nous assurer ici que le niveau gagné par les enfants soit équivalent.

Ah, c’est vrai qu’il y avait des, hum, contraintes particulières à prendre en compte, dans cette situation. Vuana reposa le regard sur le bébé, libérant une main pour lui caresser doucement les cheveux, puis lui tapoter le haut du dos tout en douceur. Ce n’est que maintenant qu’elle commençait à réaliser que même si jeune, la vie de ce petit garçon était déjà terriblement impactée par le destin de ses parents. Il devait grandir dans une base militaire, entouré de peu de personnes de son peuple et donc forcément moins baigné dans sa culture d’origine. Il allait grandir dans un… mélange, comme disait sa maman, alors qu’elle allait mettre les légumes juste épluchés et coupés à cuire. Une richesse, hm, oui, quelque part, c’était vrai. Mais la jeune femme ne pouvait s’empêcher de trouver ça assez triste quand même… Il ne pourra même pas parler ouvertement de ses parents, dans l’Ascendance, ni de sa manière de vivre, une fois plus grand !

C’est simplement dommage pour… Enfin, ici, quasiment tout le monde a compris qui était son père, même s’ils ont la gentillesse de faire semblant de rien. Mais pour les nôtres… J’espère juste que ni lui ni ses sœurs ou son frère n’auront d’ennuis plus tard.

Respirer très fort et surtout, ne pas répondre que ça l’étonnerait énormément, qu’ils n’en aient pas, des ennuis. Et pas juste à cause de ça. Vu les parents, justement, ça ne l’étonnerait pas que leur descendance trouve assez tôt ses propres moyens de se jeter dans les problèmes, peu importe le domaine vers lequel ils se dirigeront.

A quoi ça sert de faire semblant, ici, si tout le monde le sait ? haussa-t-elle légèrement les sourcils, perplexe.

Aaah, ou alors, comme ils n’étaient pas mariés, les gens de cette base trouvaient ça gênants et préféraient éviter de le rappeler ouvertement ! Là, elle pourrait le comprendre, c’est vrai que ça ne se faisait pas, normalement, ce genre d’histoire… Ou bien, si ça arrivait, vous vous arrangiez pour vous marier peu de temps après, pour arranger les choses ! C’était déjà limite de se marier alors que votre dame était déjà enceinte, mais bon, avoir un enfant avant, ça, c’était… Bon, là encore, ne pas faire de remarques à haute voix. Même si elle ne trouvait pas ça correct, encore moins pour les enfants, ils n’avaient rien demandé à personne, eux ! Au fond, elle trouvait plus grave le fait qu’ils aient leurs bébés hors mariage plutôt que le fait qu’un des deux parents soit un exilé. Ils auraient tout de même pu se marier, même si ça restait secret aux yeux de l’Ascendance… S’il arrivait quelque chose à Ewime, leur père n’aura aucun moyen de prouver que la garde et la protection des enfants lui revenait, on pourrait l’accuser de les avoir enlevés. Et même, de toute façon, on ne faisait pas de bébé à une femme si on ne comptait pas l’épouser, c’était un énorme manque de respect, à ses yeux.

Pour ici, quelles sont les règles de vie à suivre ? Les endroits où l’on peut se rendre ou non, ce genre de chose ?

Donc une grosse section militaire, traversée plus tôt et où elle ne se rendra évidemment pas, une partie civile peu à peu développée au fil des travaux d’aménagement et d’ajouts pour les familles se formant ou s’agrandissant, un système de sécurité et d’alerte global, très bien, très bien… Il lui faudra un peu de temps pour s’y retrouver mais ça devrait le faire. Ce qui se passait du côté de l’armée ne l’intéressait pas des masses, elle n’y connaissait pas grand-chose et n’avait pas envie non plus de se mêler du sujet. Heureusement, sa cousine n’en parla que peu et passa à l’essentiel, sur leurs règles communautaires et les différents aménagements. Ainsi que les personnes y travaillant. C’était comme un petit hameau, finalement, à échelle réduite. Vuana se sentait plutôt soulagée, elle avait craint avant de venir que ça soit un cadre de vie rigide à souhait, à la façon de l’armée, où elle aurait dû passer plus de temps à lire les règles qu’à les appliquer.

Nous ne sommes pas si nombreux, dans la partie civile, vous le verrez bien vite. Et si vous voulez poursuivre votre activité professionnelle en même temps, on devrait pouvoir demander de l’aide pour monter un atelier, dans votre appartement. Je le pense, en tout cas, ça ne doit pas si compliqué à réaliser. Par contre, navrée pour les délais, pour ce que vous enverrez à vos clients.

Elle hocha la tête et répondit qu’elle avait déjà communiqué sur le sujet à ses clients, avant de partir, que ce ne sera pas un souci. Bien entendu, elle n’avait évoqué que les motifs familiaux, pas où elle se rendait ni pour aider qui, personne n’avait besoin de le savoir.

S’organiser va se faire à mesure, ça devrait aller.

Dans ses bras, Vuedoa commençait à s’agiter, d’une autre manière et elle devina qu’il commençait à avoir faim. Eh bien, il allait être temps de faire les premiers pas avec ce petit bout, histoire de prendre l’habitude. Ou commencer. Mais elle eut quand même besoin de sa mère pour savoir où étaient rangées les choses, ce que le petit garçon mangeait à l’heure actuelle, etc. Bah, pour le moment, ce n’était pas grave, elle pourra retenir vite.