Amusant.

Elle semblait sur la même longueur de pensées que lui pour dire à haute voix ce qu’il avait songé tout bas. Cela étant, il était persuadé que même les Jedis se voilaient volontairement la face et savaient pertinemment que les nuances de gris étaient plus que nombreuses. Dommage que certains maîtres soient aussi coincés pour refuser d’en discuter librement avec un utilisateur du Côté Obscur. Même Kenobi… il se souvenait encore de ses « retrouvailles » avec ce parangon de la Lumière.

- Non, pas si étrange que cela…

Maul n’en dit rien de plus. Quand bien même avoir une conversation avec elle était plus plaisant qu’avec un Jedi, il y avait certains points de la Force qu’il préférait ne pas aborder en sa présence. Ils n’étaient pas « du même bord » si l’on pouvait dire, il n’avait donc aucun intérêt à lui parler des Ténèbres de la Force.

C’était le genre de chose qu’il préférait confier à son héritier.

Ou héritière.

Ce qui n’était pas le cas. Il y avait eu son frère mais cela avait été très bref. Et puis… le jeune Ezra pourtant si prometteur mais trop prompt à porter secours à ses amis au péril de sa propre vie. Quel dommage de gâcher un si bon potentiel.

- Ne vous gênez pas pour moi, reprit-il en finissant son verre d’alcool et en ce qui concernait la nourriture devant eux vu qu’il la voyait presque picorer. N’hésitez pas. C’est vous qui l’avez commandé, après tout.

Le regard du Zabrak se baissa de nouveau sur le plateau. Il n’avait pas fait attention jusqu’à ce qu’elle en parle mais, effectivement, il y avait de quoi manger pour deux personnes. Même un troisième larron si l’on voulait éviter de trop forcer sur la ripaille… Il reporta son attention sur Rosas lorsqu’elle lui présenta ses excuses.

Il eut un geste assez sec, comme chassant une mouche et – par la même occasion – ses excuses, les refusant.

- Ce n’est pas de votre faute.

Dit de cette manière, cela sonnait parfaitement ridicule. Aussi releva-t-il l’une des jambes de son pantalon jusqu’à mi-cuisse pour lui montrer ce qui se cachait en-dessous : le métal froid et extrêmement solide. Il laissa ensuite retomber le tissu pour dissimuler le tout.

- La moitié basse de mon corps est inexistante à partir du bassin. Une partie de mes organes est donc absente. Cela ne m’empêche pas de manger, boire…

Les souvenirs sous forme de brume de sa décennie d’existence passée en tant que mi-hybride mi-humain à se nourrir sur les malheureux leurrés par ce serpent et tombés dans son antre lui revenaient parfois sous forme de flash alors que Mère Talzin avait fait en sorte qu’il n’en ai gardé que quelques séquelles.

Se battre à l’aveugle ? Il fut assez surpris par cette réflexion. Avec la technologie dont était capable la galaxie, il y avait bien d’autres moyens de pallier à une prochaine cécité.

Il n’y avait que les Miralukas pour demeurer « aveugle » en s’aidant simplement de la Force pour évoluer dans leur environnement. Les Miralukas et ceux qui désiraient apprendre de leurs erreurs… comme l’avait fait Kanaan, ce Jedi qu’il avait rendu aveugle par sa lame.

- Pourquoi ? Vous pouvez très bien avoir un œil cybernétique puis les deux : vous conserverez votre vue et elle n’en sera que meilleure. Ce qui est une très bonne chose pour une snipeuse de votre acabit.

Il plissa un instant ses yeux, le jaune cerclé de rouge de ses iris brillant brièvement.

- À moins que tout ce qui s’apparente de près comme de loin à la technologie de ce genre ne vous rappelle votre ancien amant.

Ce qui était une supposition logique s’il se basait sur ce qu’elle lui disait.

- Coûteuse ?

Il la dévisagea sans s’en cacher. Avec les tarifs que la jeune femme avait, sans compter certains honoraires et prime de risques, elle pourrait même avoir la galaxie dans sa main si elle le désirait. Comme beaucoup de mercenaires, d’ailleurs. Alors une opération de cet acabit n’était pas un problème d’argent, de son point de vue. C’était autre chose…

Heureusement, elle l’éclaircit sur ce point. Habituée depuis son enfance, il pouvait comprendre. Au moins, s’était-elle fait une raison depuis longtemps et s’était-elle résignée à son sort.

- Non, en effet. Mais la vue fait parti de notre sens le plus fort. Comme les personnes qui sont en bonne santé et qui ne comprennent que lorsqu’elles tombent gravement malades à quel point elles étaient chanceuses.

Ce n’était pas lui qui allait lui donner tort là-dessus. La cécité permettait paradoxalement de mieux comprendre la Force et d’avoir une vision que beaucoup ne pourraient jamais comprendre.

Le Zabrak se tut un moment, notant qu’elle observait toujours sa brochette. La taquinerie revint bien vite :

- Elle ne va pas vous manger, vous savez. Moi non plus.

Il avait déjà donné par le passé durant ses longues errances de folie. Très peu pour lui.

Intéressant… si elle avait épuisé ses économies à force de voyager, sa perte de mémoire était bien plus profonde qu’il ne semblait l’être au premier abord. Enfin, passons. Maul n’était pas là pour jouer les fins psychologues, cela ne faisait absolument pas parler de ses prérogatives. Au moins, ce handicap n’avait pas été gênant durant leur mission.

Il fut assez surpris de la voir réagir au quart de tour lorsqu’elle avala les légumes de sa brochette tant attendue. Son attention se baissa un instant sur le plateau où il restait quelques victuailles, les détaillant rapidement une par une.

- Vous savez… les hôtels de ce genre classent souvent les aliments : ceux à votre droite sont les plus épicés, ceux du milieu sont entre-deux et ceux de gauche sont les plus doux. Et s’il y a de la poudre rouge dessus, n’en prenez pas.

Le Zabrak se cala de nouveau contre le dossier du fauteuil. Le fait qu’elle réponde à sa taquinerie l’amusa quelque peu, laissant paraître un léger sourire.

- Je parlais au sens propre du terme, mais il est vrai qu’il y a d’autres moyens. De toutes manières, les humains ont un goût acide, ajouta-t-il en se remémorant quelques brides de son passé.

La voir faire le tri dans la nourriture présente sur le plateau était assez amusant, il fallait l’avouer. Cela étant, il ne risquait plus de la voir s’étrangler en ayant avalé un aliment qui cachait bien son jeu. Le Créateur soit témoin que certaines races étaient promptes à ce petit manège et de par leur habitude alimentaire… au grand désarroi de ceux qui ne faisaient pas attention.

- Le raisin, dit-il en désignant le fruit en question. Il vous rincera la gorge des épices.

Il faisait cela par automatisme, étant habitué depuis longtemps à savoir ce qui pouvait aider dans telle ou telle situation sans alarmer autrui. Comme Rosas s’étant habitué à vivre avec son œil aveugle et à pallier automatiquement à son manque, il avait fait de même avec l’absence de certains de ses organes remplacés par de la cybernétique de pointe.

Maul sortit soudainement de ses pensées en voyant qu’elle allait prendre une sucrerie d’apparence innocente. Presque aussitôt, il usa de la Force pour arrêter son geste.

- Non, n’y touchez pas. À moins que vous ne désiriez planer pendant quelques heures ensuite.

Il relâcha la pression de la Force pour s’expliquer.

- Ces pâtisseries sont agrémentées d’épices. Et par épice… je ne parle pas de quelque chose de piquant, mais de la drogue. Dans les mondes plus privilégiés, ce ne serait pas le cas.

Mais ils n’étaient pas sur un monde plus privilégié ou plus pète-sec. Ils étaient sur la lune de Nar Shadaa, la lune des contrebandiers sous la garde jalouse du Cartel des Hutts. Ce qui signifiait danger, prostitution, esclavage, jeux d’argent en tout genre… et drogue.

- Quand le personnel d’un hôtel voit un couple, quel que soit leur race, entrer et réserver une chambre, ils supposent que ce n’est pas pour discuter comme nous le faisons actuellement mais pour une connaissance plus approfondie. L’épice, la drogue… aide à faire tomber les barrières.

Maul eut un léger rire ressemblant à un ricanement.

- Un piège ? Non, cela fait parti des codes de certaines planètes.

Tout comme certains hôtel de luxe sur Coruscant pouvait user du terme « second oreiller » pour comprendre que leur client désirait une prostituée. Chaque lieu avait ses propres codes. Il était vrai que lorsqu’on n’y était pas habitué, cela pouvait surprendre et rendre des plus méfiants.

Le Zabrak jeta un œil presque désolé sur le plateau à présent délaissé. Il mangerait peut-être plus tard… lorsque la jeune femme serait endormie. Avaler quelque chose devant autrui n’était pas vraiment sa tasse de thé, quand bien même cela l’amenait à se comporter comme une sorte d’animal sauvage.

La dernière réflexion de la jeune femme le fit sourire.

- Vous parlez de vous-même, de moi ou bien de tout ce qui nous entoure ?

Il fallait bien donner constamment raison au proverbe humain : « Les apparences sont trompeuses ». Pas toujours, mais assez systématiquement.

- Vous êtes bien placés pour illustrer cette remarque. Vous avez un œil aveugle alors que rien ne pourrait le supposer. Comme vous l’avez noté : si vous ne me l’aviez pas dis, je ne l’aurai pas remarqué.

Des codes de certaine planètes? C'était vraiment étrange pour moi et un peu déstabilisant, mais bon c'est en faisant des expériences que l'on apprenait à comprendre vraiment la vie

C'est en découvrant que l'on apprend et que l'on fait des erreurs que l'on fait attention au final

Bon, j'avais bien rigolé de mes erreurs, mais je me méfierais à l'avenir pour ne pas me faire avoir à nouveau bêtement. C'était peut être pour ça qu'il n'avait préféré rien toucher, car il devrait connaître ce genre de plat

De moi, du monde qui nous entoure, mais aussi de vous

Oui, j'étais bien placé pour cette remarque, mais lui aussi, je ne m'étais pas attendue non plus à voir une partie métallique sur son corps

L'inverse est vrai pour vous aussi, je n'aurais jamais pensée à voir des prothèses mécaniques si vous ne me les aviez pas montré. Je commençais à fatiguer légèrement et j'étouffais un léger bâillement preuve que j'avais besoin de repos.

Les effets de la douche commençaient doucement à s'estomper et vue qu'il n'y avait qu'un lit dans la chambre, je restais sur le canapé à moitié allongé pour me reposer

Les bienfaits de la douche ont maintenant disparut, il semblerait que la fatigue reprenne doucement le dessus. Je suis contente d'avoir réussis à éveillé votre curiosité pour rester, j'ai passé un moment agréable

Certes, il se gardait bien de dire à quiconque que la partie inférieure de son corps était entièrement bionique. Cela étant, il ne s’en cachait pas non plus. Bien sûr, tous ses hommes étaient au courant et certains le respectaient même pour cela quand ce n’était pas ce qu’ils avaient entendu à son sujet par le passé qui les effrayait. Mais en temps normal, cela ne lui venait même pas à l’esprit : il vivait constamment avec.

Maul la vit étouffer un bâillement de sa main. Oh ? Il devait avouer ne pas avoir songé au temps qui passe. Mais le monde continuait de tourner et la lune d’orbiter autour de sa planète.

- Je vous en prie.

Aussi étrange que cela puisse paraître, ce moment agréable avait été… partagé.

- Vous pouvez prendre le lit, vous y serez plus à l’aise. Je ne compte pas dormir.

Du moins, pas pour le moment. Il attendrait donc patiemment que la jeune femme aille s’allonger, écouterait sa respiration jusqu’à l’entendre prendre le rythme du sommeil avant de s’en aller après avoir mangé un peu.

D’expérience, il savait qu’il ne valait mieux pas contrarier le sexe opposé. Aussi se garda-t-il de tout commentaire lorsqu’elle lui fit savoir qu’elle préférait rester là où elle se trouvait. Il la laissa donc se blottir et s’installer un peu plus confortablement dans ledit canapé et fermer ses yeux.

Distillant sa patience, il la regarda s’endormir et attendit tranquillement en prêtant une oreille attentive à sa respiration. D’abord rapide puis de plus en plus régulière, profonde. Son attention s’était reporté sur la clé contenant toutes les données qu’il fit lentement tourner entre ses doigts sans vraiment la voir. Le Zabrak laissa s’écouler une bonne heure pour être certain que la jeune femme ne se réveillerait pas. Seulement ensuite, il consentit à se mouvoir.

Rangeant son précieux butin, il mangea deux trois brochettes et fruits mais ne toucha pas à la nourriture drogué. Il avait besoin de toute sa tête. Ensuite, il daigna se lever et – après un moment d’hésitation – alla délicatement et lentement soulever Rosas pour la porter et l’installer dans le lit, rabattant les draps. Alors il sortit de la chambre, laissant la porte se verrouiller derrière lui.

Le personnel ne chercha pas à le retenir, pas plus qu’il ne rencontra d’ennuis au spatioport. Il put se rendre tranquillement en orbite de Nar Shadaa et fit le transit sur plusieurs navettes avant de revenir sur Dathomir.

- Nous sommes ravis de vous revoir, monsieur, l’accueillit une des femmes travaillant pour l'organisation qui récupéra aussitôt la précieuse clé et la donna à qui de droit pour que cette dernière soit épluchée. Votre mission s’est bien passé, je présume ?
- Vous présumez bien. Cette femme… Rosas Sky-Larek. Conservez son profil dans nos fichiers récurrents. Elle pourra nous être de nouveau utile.
- À vos ordres, mon seigneur.