Le temps de la moisson [Rosas]

- Comment désires-tu que je me fasse pardonner ? demanda-t-il avec un léger sourire amusé.

Il se leva ensuite pour la suivre à l’extérieur.

La forêt lui rappela quelque peu Dathomir, en bien moins sombre et effrayante. La verdure était omniprésente, démontrant du climat propice aux plantes qui évoluaient sur cette planète. Rien à voir avec sa planète natale, mais le souvenir de ses nombreux voyages à travers la galaxie au temps où il effectuait des missions pour Sidious s’y apparentait.

La clairière avait ce petit côté « paix intérieure » qui aurait pu le faire grimacer. À la place, il inspira lentement et profondément tandis qu’il conservait ses propres pensées pour lui-même. Il y avait cependant une chose sur laquelle il ne pouvait que lui donner raison.

- L’entraînement en extérieur est la meilleure chose à faire.

Au moins, sur ce point, Jedi comme Sith étaient d’accord.

Il baissa ses yeux vers elle à sa remarque. Remarque qui l’amusa quelque peu, d’ailleurs.

- Les Jedis comme les Siths ou les… neutres comme toi ne sont pas toujours en désaccord sur tous les points concernant la Force. Il arrive, parfois, que les principes se rejoignent.

La scission était surtout au niveau de l’utilisation de la Force. Certains principes, une éthique… tout pouvait être sujet à débat quand bien même ils arrivaient très rarement à se mettre d’accord et que ce genre de « discussion » se terminait en conflit. Comme l’Empire et feu la République.

Maul marcha lentement dans l’herbe verte de la clairière, longeant le maigre ruisseau qui se trouvait là. Son regard se perdit un instant dans les rapides avant de se lever vers le ciel entièrement dégagé, révélant son bleu azur.

Enfin, il sortit de ses pensées.

- Ensuite ?

Cette fois, le Zabrak se garda bien d’émettre son propre avis au sujet de capacités liées à la Force. Il préféra réfléchir brièvement à sa question.

- Lac.

Cela faisait longtemps qu’il n’en avait pas vu un, et contempler des eaux profondes et insondables avait quelque chose de terriblement grisant. Comme s’il s’agissait de se jeter dans un trou noir… avec les dangers liés à cette expérience en moins, bien sûr.

Il allait pour sortir de la clairière quand il entendit un « plouf ! » assez sonore dans son dos.

Maul se retourna, constata que la jeune femme avait soudainement subi la gravité et s’était retrouvé dans l’eau du ruisseau. À force de sauter ainsi sur les rochers, elle avait sans doute dû glisser sur une pierre trop humide.

- Tu ne t’es pas fait mal ? demanda-t-il en lui tendant une main gantée pour l’aider à se relever.

Jusqu’à ce qu’il constate qu’elle était littéralement trempée. Sans un mot et une fois qu’elle fut sur ses jambes, il retira la lourde cape qu’il portait et la passa sur les épaules de Rosas, partageant ainsi sa chaleur pour l’aider à se réchauffer.

À présent avec son simple vêtement qu’était sa veste classique et un pantalon recouvrant ses jambes synthétiques agrémentés de bottes – il ne tenait pas à éveiller les curieux par son apparence – il la suivit en direction de la maison qu’ils avaient quitté à peine plus tôt.

- Ce n’est pas grave, elle séchera.

Ce qui était vrai et serait sans doute le cas dans très peu de temps au vu de l’agréable chaleur que le soleil dégageait sur la planète. Le Zabrak attendit donc, de nouveau, que la maîtresse des lieux se change avant de lui répondre.

- Je préfère le speeder. Surtout si l’on doit aller ailleurs ensuite.

S’ils devaient se déplacer à de nombreuses reprises, autant utiliser les moyens les plus rapides, non ? Cela ferait un écho à son propre rôle de guide sur Dathomir où il avait conduit assez souvent en si peu de temps.

Il suivit la maîtresse des lieux jusqu’au hangar en question. Petit était un faible mot… le lieu était soigneusement aménagé et suffisant pour abriter un vaisseau. Il eut un léger sourire amusé devant le speeder qui s’était vu offrir une nouvelle vie. Oh, il la croyait concernant le lac. Après tout, c’était elle qui avait coutume de vivre ici et, par conséquent, de connaître les bons plans.

Docile, le Zabrak se plaça donc sur le siège arrière. Lorsqu’elle s’installa devant lui et afin de ne pas perdre l’équilibre – quand bien même il doutait fortement que le sol soit aussi aléatoire que sur Dathomir – il glissa ses bras de chaque côté de ses hanches et ses mains attrapèrent la zone située sous le guidon du speeder afin de ne pas la gêner durant sa conduite.

Étant plus grand qu’elle et légèrement penché ainsi, il pouvait sentir l’odeur de ses cheveux et savait qu’elle percevrait son souffle chaud sur sa nuque.

Une fois arrivé à destination, il se laissa simplement glisser du speeder et la suivit ensuite à travers les arbres et rochers. La plage avait un côté visuellement agréable avec ses galets. Il jeta toutefois un œil à la jeune femme, n’ayant pas très envie de devoir encore faire le chemin jusqu’à sa demeure au cas où elle tomberait de nouveau.

Chose qui devait être parfaitement lisible dans son regard et il en avait conscience.

- Tu vas encore faire une acrobatie et te retrouve à l’eau ? lui demanda-t-il pour la taquiner et en référence à sa précédente chute.

Il lui jeta un dernier regard volontairement suspicieux avant de détourner son attention vers le lac.

Parfois aussi profond et sombre que les abysses, les étendues d’eau lui rappelaient le Côté Obscur de bien des manières. À commencer par cette légende du lac d’Ambria où Darth Bane s’était réfugié et qui contenait une sorcellerie Sith des plus puissantes que si l’on touchait ne serait-ce que la surface lisse du lac, on pouvait passer l’arme à gauche.

Le Zabrak écouta d’une oreille les explications de la jeune femme alors que son regard se promenait sur la surface liquide et miroitante. Il eut un léger ricanement lorsqu’elle mentionna la zone touristique.

- C’est parfois utile pour se fondre dans la masse, mais très vite éreintant pour les nerfs lorsqu’il y a un peu trop de noblesse.

Les foules de ce genre étaient souvent les pires… ou les plus risibles.

Il détourna son attention du lac pour revenir vers elle.

- Je suis d’accord pour ce coin perdu. Calme. Solitaire.

Maintenant qu’il avait vu le lac, il était temps de passer à la suite de ce qu’il en déduisit. De nouveau, il prit place derrière la jeune femme sans faire la moindre remarque. Il s’accrocha là où il ne pouvait la gêner et resta longuement silencieux à l’arrière tandis que les minutes s’égrenaient alors qu’ils roulaient dans une toute autre direction.

Il découvrit laquelle assez rapidement en voyant les montagnes se dessiner et grandir à mesure qu’ils s’en rapprochaient.

Une fois pied à terre, il leva le nez vers le sommet avec un léger sourire amusé. Et comment qu’il était prêt ! Un peu d’exercice allait lui faire du bien, cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas entraîné de la sorte à gravir ainsi une paroi à mains nues avec juste la Force pour le retenir de frôler la mort.

Aussi ne se fit-il pas prier quand il la vit commencer à escalier. Il fit de même.

Dans son élément pour ce genre de chose, il agrippa de fines corniches et se hissa avec la Force comme une araignée grimpant rapidement le long d’un mur. Il rattrapa assez rapidement Rosas pour la dépasser et, à défaut de se tenir sur une arête rocheuse qui risquait de céder à cause de son corps de métal, il préféra monter encore un peu et s’arrêter à une solide corniche.

Le paysage était digne de ces holos qui donnaient envie aux bonnes gens en mal de verdure de s’enfuir de Coruscant pour aller s’égayer ailleurs. Maul reconnut sans mal le lac qu’ils avaient précédemment visité, et nota la ville un peu plus loin.

- Tu fais ça souvent ? Te rendre ici, demanda-t-il en haussant légèrement la voix pour qu'elle l'entende correctement.

Debout sur la corniche, le Zabrak semblait affronter le vent dû à l’altitude. Il ne bronchait pas, conservant ses mains croisées dans son dos et son regard balayant lentement ce qui s’était à ses pieds.

C’était… grisant de croire ainsi que l’on pouvait tenir le monde – une planète du moins – dans le creux de sa main rien qu’en la tendant.

Il huma un instant les diverses odeurs qui lui parvenaient, détaillant chacune d’entre elle. Après ce genre d’effort, c’était toujours appréciable. Son attention finit par se reporter sur la jeune femme qui avait grimpé jusqu’à lui.

- Pourquoi s’en priver ? C’est un bon entraînement pour le corps et l’esprit.

Qui permettait aussi de se forger physiquement et spirituellement, étant donné le genre de lutte que l’on pouvait avoir avec ses propres peurs : vertiges des hauteurs, peur de la mort suite à une chute vertigineuse… elles étaient nombreuses.

La sienne était seulement d’échouer.

Autrefois.

Un second coin perdu. Tout comme celui du lac, c’était à présent celui de la montagne. D’un côté, il se sentit quelque peu flatté qu’elle ait profité de sa présence pour jouir de l’escalade. À croire que cela ne lui arrivait visiblement pas tous les jours.

Intrigué, il la regarda descendre… puis remonter avec cette étrange plaque de métal. Longue mais solide, il dévisagea un instant le morceau avant de comprendre de quoi il en retournait. Un bref sourire vint un instant effleurer ses larmes.

- Ne serait-ce pas plus intéressant de trancher ce morceau en deux et de savoir qui, de nous deux, atteindra le sol sans se tuer ?

Faire le plein de sensations fortes ne le dérangeait nullement. Mais quand on parlait de frôler la mort en défiant la gravité ou quelque chose de similaire… c’était encore mieux.

De ce qu’il put voir, elle fut enchantée par sa proposition. Tant mieux.

Le Zabrak lui laissa le soin de trancher correctement la planche en deux. Il prit celle qu’elle lui tendit et se pencha pour fixer correctement ladite planche tranchée à ses « pieds » de métal, ajoutant un point d’ancrage grâce à la Force pour éviter de voir glisser la planche par inadvertance. Ensuite, avec une légère poussée de Force, il s’élança pour rattraper Rosas.

S’aidant de ses bras pour s’équilibrer correctement et tourner, il sentit l’adrénaline monter rapidement dans ses veines, pulser à ses oreilles et lui prodiguer ce frisson de plaisir si particulier. Appréciant la vitesse, il se pencha légèrement pour accélérer davantage pour en basculant le haut de son corps à gauche ou à droite pour s’orienter et éviter les nombreux obstacles sur sa route.

Dans son champ de vision, il remarque qu’il avait rattrapé la jeune femme, dépassé… avant qu’elle ne réceptionne soudain à côté de lui et qu’elle n’use de la Force pour le dévier. Il encaissa le coup, fit une large courbe pour s’éloigner un instant et s’éviter une dangereuse chute… et revint aussitôt à la charge vers elle en faisant en sorte de frôler sa planche de la sienne, un sourire carnassier aux lèvres. Avec la vitesse, l’effet fut immédiat comme sur une piste de podracers : elle perdit légèrement l’équilibre et s’érafla sur un rocher alors que sa planche commençait à zigzaguer chaotiquement.

Son sourire disparut lorsqu’il constata que son petit manège avait eu l’effet inverse : à défaut de la retarder, cela l’avait propulsé à leur point d’arrivée avec quelques contusions en guise de trophée. Pivotant pour faire face à la pente, Maul freina en dégageant une gerbe de graviers et rochers afin de s’arrêter. Il défit ensuite la planche de métal de ses pieds.

- C’était amusant.

- En effet, dit-il en réponse au fait qu’elle avait indubitablement remporté cette course.

À défaut de s’asseoir sur le sol, le Zabrak prit place sur un rocher assez grand pour lui permettre d’être quelque peu à son aise. Assis en tailleur, il laissa retomber la plaque de métal au sol en un tintement sec avant de se masser les poignets. Mine de rien et en plus de l’escalade, cela lui avait fait un autre type d’exercice.

Il s’interrompit dans ses réflexions quand elle lui demanda de l’aider.

Inclinant légèrement la tête en un signe affirmatif, Maul délia ses jambes synthétiques pour se remettre debout et s’avança vers lui. Il mit toutefois un genou à terre pour être à sa hauteur et inspecta ledit front.

- Ça saigne beaucoup mais ce n’est pas profond.

Il prit la fiole qu’elle lui tendit. Avec quelques gestes précautionneux, il dégageait des cheveux qui s'étaient pris dans la plaie saignante et fit en sorte de la désinfecter correctement avant d'y mettre le gel que contenait la fiole pour aider à la cicatrisation.

Par réflexe, il lécha le sang de la jeune femme qu'il avait sur ses gants de cuir.

- Amusant… à chaque fois que l’on se rencontre, tu finis par te blesser quelque part.

La première fois ayant été ce tir de blaster que son épaule avait encaissé. Sans compter sa main blessée quand il y avait eu la tempête sur Dathomir.

Il lui rendit la fiole une fois qu’il eut fini.

Sa remarque concernant le fait qu’il devait lui porter malchance l’amusa quelque peu. Il était Sith. Enfin… plus ou moins, à présent. Les ennuies et attirer le mauvais œil sur lui, cela le connaissait que trop bien. En revanche, il la dévisagea un moment avant d’émettre un léger grognement.

- Plaît-il ? Dois-je te rappeler qui m’a envoyé une poussée de Force à cause de laquelle j’ai dû faire un énorme virage ?

Quelle petite chipie à occulter ce qui l’arrangeait.

- Je n’ai fais que répliquer.

Certes, il avait été très fourbe sur ce point-là. Mais aucun n’avait précisé les règles, n’est-ce pas ? Il avait agi selon son bon vouloir sur le moment.

Le Zabrak se redressa, époussetant le tissu qui recouvrait ses jambes avant de tendre une main vers la jeune femme.

- Tu peux te lever ou je dois te porter ?