On pouvait régler tant de problèmes, si on prenait le temps d’expliquer les choses et se poser, c’était toujours aussi incroyable. Le jeune officier, avec qui elle venait de passer une très large partie de l’après-midi, repartit bien plus confiant et visiblement soulagé aussi d’avoir vidé son sac auprès d’une oreille attentive. Comme quoi, très souvent, on se faisait des montagnes avec des problèmes qui, finalement, pouvaient se résoudre assez simplement. Il ne fallait que prendre un peu de recul. Ewime prit le temps de ranger ses affaires avant de quitter la pièce, amenant le tout dans la chambre qu’elle occupait pour le moment. Avoir une activité lui faisait du bien, même si ce n’était pas son travail habituel au sein de l’Ascendance, elle aimait bien être ici, découvrir autre chose et avoir des échanges avec des personnes qui n’appartenaient pas à son peuple. C’était très agréable, elle avait l’impression de garder tout de même une petite part de ce qui était arrivé durant la coalition, lorsque les barrières entre tous étaient enfin tombées, même pour un temps limité. Lorsqu’il n’y avait guère besoin de se demander si on pouvait se permettre d’adresser la parole à telle ou telle personne.

Le soir était tombé, maintenant, les bruits de travaux s’étaient estompés au loin et beaucoup se reposaient, après une longue journée. Ewime allait attendre un peu avant de manger et se reposer elle-même, elle avait besoin de prendre l’air avant toute chose. En sortant, elle salua quelques personnes qu’elle avait appris à connaître, ces derniers temps, tout en écoutant si son frère ne lui avait pas laissé un message, ou sa fille. Par bonheur, Formbi avait fini par s’apaiser un peu, ces derniers temps, il semblait prendre son parti, de ce qui arrivait. Lors de leurs dernières conversations, il était déjà beaucoup moins agacé qu’elle ait fini par venir ici et ils en avaient parlé posément, même si elle sentait qu’il s’inquiétait toujours beaucoup pour elle. Peut-être commençait-il à changer un peu, voir le monde d’une autre façon ? Elle l’espérait, il se sentira sûrement mieux ensuite, dès qu’il se sera plus calmé et détendu. Ewime sourit à cette pensée en rangeant son comlink, puis prit le chemin d’une baie d’observation, plus parce qu’elle aimait la vue lorsque le soir tombait que parce qu’elle tenait à exercer une surveillance attentive. Cette planète avait sa beauté, même si elle gardait une place spéciale dans son cœur pour Csilla. C’est en arrivant sur le baie qu’elle vit que Thrawn était là aussi.

« Bonsoir, amiral, sourit-elle. »

Elle avait oublié qu’il devait arriver aujourd’hui, pour voir son frère, ayant retenu que ce n’était prévu que pour dans deux jours ou trois. Il y avait eu, pour sa défense, beaucoup à faire et à penser, ces derniers temps, l’après-pandémie était plutôt compliqué. Par ailleurs, elle s’était aussi inquiété de ce que le retour de Thrass allait donner, dans l’Ascendance, même si quelques uns commençaient à voir d’un moins mauvais œil les sensitifs, ce n’était pas encore le cas de tout le monde, très loin de là.

« Je suis contente que vous ayez pu retrouver votre frère, c’est terrible de perdre des membres de sa famille de cette façon. Mais vous êtes sûr d’être assez reposé ? Vous avez une mine bizarre. »

Elle n’était pas infirmière, en revanche, elle pouvait voir à la tête des gens s’ils avaient l’air tendus, fatigués ou un peu bizarre, elle l’avait aussi vu sur Thrass alors qu’il essayait, vainement, de lui affirmer que ça allait bien.

« Ce sont les risques, quand on va en première ligne, dame Chaf'Ewime'Asu. Bonsoir. »

Bien sûr, qu’il s’agissait des risques, mais cela ne les empêchait pas de faire preuve de compassion lorsque cela arrivait à une famille, car qu’il y a-t-il de pire que la solitude, dans de telles situations ? Elle réagissait ainsi car elle-même était sûre qu’elle ne supporterait pas de demeurer seule si jamais son frère mourrait si brutalement. Quoi qu’il y ait bien plus de « chances » que ce soit elle qui meure la première, ayant une santé beaucoup plus délicate que celle de son frère. Elle en avait d’ailleurs déjà la preuve, si Feesa avait grandi sans mère. Elle s’installa sur une des chaises, face à la baie d’observation, que l’amiral lui désigna, plus fatiguée qu’elle ne l’admettait, ces derniers temps. Tout s’était enchaîné et il ne fallait pas non plus oublier la préparation du voyage, pour retrouver le vaisseau Et puis… Formbi était plus bizarre que d’ordinaire, depuis quelques jours. Evidemment, il n’admettra jamais que quelque chose puisse l’inquiéter ou le troubler, surtout pas à elle car il songeait toujours qu’il ne fallait pas l’inquiéter. Ridicule… Comme si elle ne pouvait pas le remarquer, lorsqu’il était troublé.

« Peut-être est-ce le léger éclairage qui vous le fait croire car ma santé est excellente. On me surveille sur ce sujet sur le chimaera, tout comme le lieutenant-colonel Vanto. Ne vous inquiétez donc plus de cela, madame. Dites-moi plutôt si tout se passe bien pour vous, ici. »

« Ni vous ni Formbi n’arriverez à m’empêcher de m’inquiéter pour les autres, répliqua-t-elle avec un sourire. Vous n’avez pas vu votre état, ni celui des autres, dans le centre médical. Enfin, c’est du passé. »

Façon de parler, en tout cas. La pandémie était certes passée mais la douleur d’avoir perdu des proches allait couver encore très longtemps dans le cœur de nombreuses, trop nombreuses, personnes. Elle perdit son sourire habituel, l’espace d’un instant, ignorant encore comment on pouvait consoler la peine de ceux qui avaient perdu tous ceux qu’ils aimaient. Elle lança un bref regard au lézard qu’il caressait, se souvenant que Veeren en avait parlé, sans entrer dans les détails. C’était quelque chose contre les sensitifs, c’est ça ? Ou qui servait à se protéger. Elle se releva pour venir observer la petite bestiole d’un peu plus près, curieuse.

« Ici, ça se passe… un peu mieux, allons nous dire. En tout cas, c’est plus simple que sur Csilla, cette pandémie n’a pas fait de bien aux relations inter-espèces. Je n’entends rien non plus sur les sensitifs, ici, comme on peut en entendre ailleurs. »

Une légère moue lui échappa, elle était cette fois-ci directement concernée par cette histoire et craignait, pour sa fille, que le pire n’arrive. Que sa volonté d’apprendre à maîtriser la Force ne la fasse à jamais chasser loin de son peuple… Avant son arrivée sur cette planète, elle en avait entendu tellement, au Parlement ou dans la capitale ! Qu’ils n’auraient jamais dû permettre à des Jedis de venir se mêler de leurs affaires, encore moins laisser complètement libre la jeune nièce de Formbi de partir avec eux, que son oncle avait « trahi » en permettant ça et ne parlons même pas d’elle-même. Reculant un peu, elle se détourna le temps de prendre une longue inspiration, couper la toux lui venant, puis poser une main contre sa bouche. C’est bon… L’énervement la fatiguait, elle ferait mieux de ne plus penser à tout ça, pour le moment. Elle se retourna ensuite, se frottant un peu les mains pour se réchauffer. D’ordinaire, elle supportait très bien le froid, sauf les périodes où la fatigue venait.

« J’ai entendu dire que vous pourriez participer à l’expédition qui se prépare, pour retrouver le vaisseau de la République. J’espère que mon frère se comportera bien… Et qu’il n’y aura pas d’invités surprise non plus, en cours de route. On peut s’attendre à tout, avec ces failles ou d’autres peuples agressifs. »

Que leur peuple soit aussi rétif et anti-Force à cause d’un massacre perpétué par un sensitif était une théorie intéressante, elle n’avait jamais songé que le problème puisse venir de là, pensant plutôt à une source religieuse ou sociale. Religieuse car le fait que ce pouvoir était considéré comme une impureté honteuse, sociale car ils étaient un peuple très cartésien, porté sur les sciences, la technologie, le concret avant tout, les forces mystiques n’avaient donc pas leur place dans ce tableau. A moins que ce soit un mélange de tout cela ? Personne n’en saura jamais rien, à moins qu’ils aient un jour une personne de leur peuple issue de la « bonne époque » qui ait connu ça ou en ait vécu les changements, quelqu’un qui puisse témoigner, car rien de ce style ne subsistait dans les bibliothèques de Csilla. C’était… comme profondément inscrit en eux, maintenant, dans leur culture, dans les esprits, faire marche arrière sera très compliqué, peut-être même impossible. Elle hocha la tête lorsque l’amiral que les Vagaari pourraient aussi faire parti du voyage, songeant pour sa part que la Force pouvait causer à elle seule bien plus de troubles que tous leurs ennemis assemblés. Des failles temporelles, ce n’était pas rien… Elle ne comprenait pas vraiment tout, sa vision de la Force demeurait toujours trop restreinte pour ne pas en être naïve. Mais vouloir en apprendre plus serait contre leurs lois.

« Je saurais prendre mes précautions, ne vous en faite pas, madame. Je m'inquiète plus pour votre frère, lui qui ne vous aura pas à ses côtés pour l'aider et le conseiller. Je pense qu'il a surtout besoin de vous actuellement : le conseil des familles régnantes doit sûrement être en train de débattre du sort des sensitifs ramenés par les failles, comme mon frère, votre fille ou le jeune Nuru. Et cela doit le troubler de devoir juger une nièce qu'il ne connaît pas. »

La jeune femme réprima un brusque frisson, sachant déjà très bien les seuls résultats possibles pouvant ressortir de ce fameux débat. L’Exil. Pur et simple. Et cette idée lui faisait horreur. Dans l’ordre… Nuru n’avait jamais rien demandé, il avait été perdu par les siens si petits et avait dû sa survie à des soldats de la République et à des Jedis, ce n’était pas lui qui avait voulu intégrer l’Ordre, il y avait juste été amené, voilà tout ! Qu’aurait-il pu faire d’autre, à quatre ou cinq ans, dans des régions galactiques dont il ne savait rien, au milieu de personnes dont il ne parlait même pas la langue ?! Veeren avait voulu le protéger en l’empêchant de ne serait-ce que penser à revenir, et pourtant, si elle avait si ce qui allait arriver, elle l’aurait sans doute ramené tout de même. Nuru était à peine plus jeune que son troisième enfant et un petit perdu ainsi, loin des siens, ça avait dû la toucher. Le petit reviendra-t-il seulement un jour ? Dans son cas, finalement, exilé officiellement n’avait pas une réelle importance, si on restait rationnel. Même lorsqu’il en avait eu l’occasion, il s’était tenu à l’écart, ces derniers mois, il avait compris depuis bien longtemps ne plus avoir sa place dans l’Ascendance. C’était cruel… Et pourtant, Ewime était convaincue qu’il saura s’en sortir.

Le cas de Thrass était plus délicat. Personne n’avait jamais rien soupçonné, lui-même ignorait tout de ce lien avec la Force avant d’en avoir une preuve aussi évidente en passant au travers de ces failles. Il avait pu se hisser à un haut niveau de pouvoir et d’influence, dans l’Ascendance, avant de mourir, c’était bien ça qui allait le plus gêner. Pour bien des personnes, il sera plus « pratique » de l’exiler et faire comme s’il n’était jamais revenu d’entre les morts. Sans oublier que le couper des siens l’empêchera aussi d’appuyer les envies de changement de Veeren ou aider depuis Csilla les plans de son petit frère, pour la protection des Régions Inconnues. Enfin, son lien avec Lorana… Les deux revenus d’entre les morts, et les rumeurs courant déjà, il ne sera pas aidé sur ce plan-là. De toute manière, comment cette relation, si elle se concrétisait, pourrait-elle bien finir ? Si Thrass laissait l’Ascendance pour suivre Lorana, il devra laisser derrière les siens et son propre frère, en entrant dans le camp opposé. S’il voulait rester sur Csilla, ou même travailler sur Nirauan, c’est alors Lorana qui devra sans doute quitter l’Ordre. L’un ou l’autre devra abandonner quelque chose derrière lui, et même avec ça, on avait jamais vu d’union entre Chiss et Humains, ils ignoraient si cela pouvait marcher.

Et enfin, sa propre fille… Ewime était en tout cas certaine que ce n’était pas d’elle que Feesa tirait son caractère. Elle était indépendante, très réfléchie, forte de ses principes et elle ne se laissait pas dicter sa conduite, à moins d’avoir décidé de suivre et écouter les conseils d’une personne choisie. La fouge de la jeunesse associée à un tempérament réfléchi mais téméraire, dans certains cas. Elle n’avait pas dissimulé sa volonté d’apprendre la Force et c’était surtout ça qui avait choqué en premier lieu sa mère. Que la jeune femme soit aussi déterminée sur le sujet et qu’elle en parle aussi librement, comme si rien dans son éducation ne lui avait jamais fait réprouver ce genre de chose ! Il était plus qu’évident qu’elle avait été élevée comme si les liens avec d’autres peuples ou le maniement de la force étaient… normaux. Mais aujourd’hui, ça ne pouvait que la desservir, et s’il fallait exiler quelqu’un, ce sera elle, sa mère en était convaincue. Formbi acceptera-t-il ça ? Feesa étant sa nièce, il était de parti pris, son avis ne vaudra sans doute pas tant qu’en circonstances ordinaires. Mais sa fille… Qu’elle vienne du futur ou non, peu importe, elle était tout de même sa fille.

« Mais pour en revenir à cette base en gestation, je voudrais vous demander si vous accepteriez un poste plus officiel et s'il y en avait un que vous apprécieriez plus qu'un autre. »

Ewime ne répondit pas tout de suite, légèrement assommée en imaginant son frère lui avouer que la décision avait été prise et que Feesa avait bel et bien été exilée. C’était la pire sentence qui pouvait être appliquée et elle n’avait été prononcée qu’une fois, contre Thrawn justement, au cours de ces dernières années. Elle fit un effort pour se reprendre et ne pas juste rester là, plantée devant la baie, la bouche légèrement entrouverte et le regard perdu dans le lointain. L’Ascendance n’aura pas de scrupules à jeter dehors une adolescente clamant sa fierté d’apprendre à être Jedi et qui n’était même pas censée être née. Ewime baissa légèrement le regard sur son ventre, les bras croisés dessus, sous sa poitrine. Elle ignorait même si cette enfant naîtra, dans cette époque-ci, si elle aura la force de la porter, sans tomber malade et en la menant à terme.

« Ma formation reste centrée sur la diplomatie. Pacifier les Régions Inconnues sera un travail de longue haleine et certains cas peuvent être traités par la négociation et la diplomatie, plutôt que par la guerre. Vous l’aurez sans doute noté, je ne suis pas faite pour combattre. »

Une légère pointe d’ironie avait percé dans sa voix, sur la fin, vite étouffée, cependant. Seul Formbi, et leur médecin de famille, étaient au courant pour sa maladie. Et Feesa, elle le lui avait rapidement expliqué durant leur conversation, au centre médical. Surtout pour que l’adolescente comprenne pourquoi elle avait dû grandir sans mère. Ni père, ça par contre, Ewime ne saurait pas l’expliquer. La guerre devait en être responsable. Ça pouvait aussi être un accident, une maladie ou elle ignorait quoi encore.

« Comment voyez-vous les choses, cela dit ? Il y a aussi un point, que je me demandais, vous avez déjà songé qu’en attaquant en premier certains peuples, vous puissiez les inciter à s’en prendre à l’Ascendance, là où ils n’y auraient peut-être jamais pensé ? »

Il y avait ainsi des points qu’Ewime jugeait important de préciser. Elle se rassit tout en écoutant la réponse donnée, plus rassurée, tout en trouvant bien dommage qu’il faille effectivement se soucier d’envoyer diplomates et négociateurs avec une escorte armée, bien souvent. Une escorte militaire pour entamer des négociations, quelle tristesse, sincèrement, bien qu’elle comprenne qu’il n’y avait parfois pas le choix. Les Vagaari n’étaient pas les seuls à être fermés à la discussion, et de toute manière, comment affirmer que leur propre peuple l’était tant ? Ewime estimait très heureux qu’ils ne soient pas porté à attaquer sans aucune provocation de la parti du camp adverse, sinon cela ferait bien mal, c’était cela qui les avait préservé de devenir une simple dictature parmi tant d’autres. Pour ce qui est de la suite, elle espérait sincèrement que cette coopération puisse fonctionner, avoir, en quelque sorte, une preuve que c’était possible, que leur peuple n’était pas condamnée à un isolationnisme profond et irréversible. Les mains posées contre ses genoux, elle se surprit aussi à se demander si l’Ascendance était réellement prête, si tout cela… N’était pas improbable, en réalité. Que ceux voulant une ouverture étaient encore trop peu nombreux, trop isolés.

« Actuellement, c'est le commandant Parck qui est chargé de gérer la diplomatie. Il sera content de bénéficier de vos compétences pour l'appuyer. »

S’il le voulait bien, elle sera ravie de pouvoir l’aider. Elle tourna la tête, souriant à l’amiral, lorsqu’il vint s’asseoir à côté d’elle, puis le reporta vers l’extérieur, sur le soleil qui avait maintenant presque terminé sa course et allait disparaître, ne laissant que la nuit. Il faisait de plus en plus sombre, bien que cela ne l’affecte pas, comme ça ne devait pas affecter Thrawn, leur vue la nuit était meilleure que celle des humains, comme elle avait pu le remarquer au cours du temps passé à travailler sur la station. Un détail découvert parmi d’autres, les livres ne vous suffisaient pas à bien connaître un peuple, il fallait le côtoyer, pour cela. Même si la pandémie avait été terrible, sans cette première « expérience », elle aurait sûrement commis des impairs avec les personnes travaillant ici, dans cette base, ou n’aurait pas compris la plupart des problèmes.

« Êtes-vous sûre de votre choix, Ewime ? De nombreux chiss ne le comprendront pas. Ne l'accepteront pas surtout après la menace de la pandémie. Votre frère pourrait en subir les conséquences à votre place. Le conseil n'a même pas fini de délibérer au sujet d'une alliance officieuse ! »

« Il y a beaucoup de choses que notre peuple, hélas, ne comprend pas ou n’accepte pas. Formbi vous déteste mais il ne compte pas m’empêcher à tout prix de mener ma vie. Je ne pourrai pas vivre vieille, je sais que Feesa a grandit sans mère ni père, et je ne compte pas passer les années qui me sont données à simplement attendre la mort dans un coin, à cause de la maladie. »

Ce qui l’effrayait, plus que la perspective de mourir jeune, c’était de ne pas avoir assez de temps pour vivre, pour découvrir, pour… Pour se sentir vivante, somme toute. Enfant, bien plus d’une fois, elle avait eu l’impression de n’être qu’un simple pot de fleurs dont on se servait comme d’une jolie décoration, pour faire bien dans la maison, la fille arrivée par surprise, dont la naissance avait coûté la vie de sa propre mère eu de temps après, et qui n’était pas destinée à servir à quoi que ce soit. Juste une fille, qui était là et dont on devait bien se soucier, la garder dans un coin en attendant de la marier et ne plus avoir à s’en préoccuper. Leur père était ensuite mort à son tour, Formbi s’était occupée d’elle, et s’il n’avait jamais eu, encore, la même envie de la faire se marier ou autres, Ewime ne pensait pas qu’il la pensait bien capable d’accomplir beaucoup de choses. Il la traitait comme si elle était en cristal et pouvait se briser à tout instant. Un léger soupir lui échappa, alors qu’elle serrait plus fort ses mains l’une dans l’autre, sur ses genoux. Feesa n’avait pas hérité de ça, c’était tout ce qui comptait. En revanche, elle avait hérité de la force, on ne sait ni pourquoi ni comment. Mais c’était ainsi.

« Je sais ce que je risque… Je peux plus facilement partir de Csilla que Formbi. Par ailleurs, avoir une fille issue des failles a été très perturbant, mais ça m’a aussi aidé. J’espère que les nôtres puissent avoir l’esprit plus ouvert, travailler en coopération avec d’autres peuples. C’est une belle enfant. Elle se fie à ses idées, ses principes, tant pis si elle doit en briser la loi, tant qu’elle agit selon ce qu’elle juge le plus juste. Je voudrai faire en sorte que plus des nôtres comprennent aussi que, parfois, il ne faut pas s’attacher uniquement aux traditions. »

Elle adressa à nouveau un sourire à Thrawn, cette fois plus doux, mais aussi plus grand. Ce n’était peut-être qu’un vœu pieux ou idéaliste, malgré tout, en voyant ce qui était possible de faire, elle tenait à poursuivre.

« Elle me rappelle un peu, certaines fois, votre propre caractère. Vous ne respectez pas non plus complètement les traditions. »

« Il y a beaucoup de choses que notre peuple, hélas, ne comprend pas ou n’accepte pas. Formbi vous déteste mais il ne compte pas m’empêcher à tout prix de mener ma vie. Je ne pourrai pas vivre vieille, je sais que Feesa a grandit sans mère ni père, et je ne compte pas passer les années qui me sont données à simplement attendre la mort dans un coin, à cause de la maladie. »

Thrawn hocha la tête, sans rien dire en retour. Après tout, qui sait si l'avenir sera le même. On racontait des choses surprenantes sur les compétences de guérisseurs de certains jedi. Par exemple, il était surprenant que Feesa soit sortie en aussi "bon état" des expériences de Plagueis. Cela avait permis au grand amiral de mieux comprendre pourquoi l'empereur souhaitait la capture de Cade Skywalker aussi fortement.

color=lightgreen]« Je sais ce que je risque… Je peux plus facilement partir de Csilla que Formbi. Par ailleurs, avoir une fille issue des failles a été très perturbant, mais ça m’a aussi aidé. J’espère que les nôtres puissent avoir l’esprit plus ouvert, travailler en coopération avec d’autres peuples. C’est une belle enfant. Elle se fie à ses idées, ses principes, tant pis si elle doit en briser la loi, tant qu’elle agit selon ce qu’elle juge le plus juste. Je voudrai faire en sorte que plus des nôtres comprennent aussi que, parfois, il ne faut pas s’attacher uniquement aux traditions. »[/color]

C'était amusant qu'elle dise cela à Thrawn, qui est connu justement pour savoir se détacher de certaines traditions, ce qui l'avait conduit à être exilé. Ses supérieurs n'avaient pas réussi à le protéger de ses "excès de compétences" comme disait autrefois Ar'Alani et Thrass dans son dos.

« Elle me rappelle un peu, certaines fois, votre propre caractère. Vous ne respectez pas non plus complètement les traditions. »

"Ce n'est pas tout à fait exact. J'ai juste tendance à mettre de côté celle qui sont plutôt négatives. Il y a des traditions qui sont bonnes et pour lesquelles il faut se battre et d'autres qu'il faut savoir corriger, améliorer. Hélas, je comprend ce que vous dites mais notre peuple est trop ancré dans ces certitudes pour changer."

Cela se voyait dans la manière dont les rares progressistes comme Thrawn étaient traités. Bien sur, le chiss espérait attirer sur Nirauan ceux pensant comme lui ou Ewime. Ils pourraient ainsi participer à la protection de l'Ascendance à leur façon, sans plus devoir réfléchir à comment le cacher pour éviter des sanctions.

"Toutefois, il sera difficile pour votre fille de venir ici régulièrement. Elle a rejoint l'Ordre Jedi qui sont censés être mes ennemis. Certains de mes hommes pourraient ne pas comprendre que j'autorise une de ses membres à se promener sur ma base à sa guise."

Enfin, c'était surtout son supérieur et les sith qui n'apprécieraient pas de savoir qu'il ne met pas tout en œuvre pour les arrêter, ces fameux jedi. Que ce soit Feesa, Jinzler qu'il avait rencontré dans une bibliothèque, ceux qu'il allait côtoyer pour retrouver le vol vers l'infini. Oh, on ne pouvait pas se plaindre de son efficacité ou de celle de ses subordonnés. Ce n'était pas sa faute si tous les jedi qu'il avait livré s'étaient évadés. Palpatine avait voulu trop en faire, avec le résultat que l'on sait : Alderaan avait montré que les jedi avaient toujours le mordant nécessaire pour le combattre.


"Le plus dur, je le crains, ce n'est pas nous qui le vivons mais ceux qui sont venus d'une autre période, comme votre fille ou mon frère. Ils doivent s'adapter brutalement, comprendre que les gens ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux qu'ils ont connu. C'est aussi une chance pour certains, comme Feesa qui va avoir la chance de pouvoir vous connaître."

« Ce n'est pas tout à fait exact. J'ai juste tendance à mettre de côté celles qui sont plutôt négatives. Il y a des traditions qui sont bonnes et pour lesquelles il faut se battre et d'autres qu'il faut savoir corriger, améliorer. Hélas, je comprends ce que vous dites mais notre peuple est trop ancré dans ces certitudes pour changer. »

Pour le moment, en tout cas, la jeune femme comptait bien qu’à force, ce ne soit plus le cas. Si d’autres projets comme celui-ci étaient menés, si d’autres personnes tâchaient de voir le monde différemment, même sans parler d’accepter la Force et les sensitifs, mais simplement d’envisager les situations sous un nouvel angle ! Cela prendra beaucoup de temps, il y a aura des difficultés, mais c’était possible… Sur le long terme, c’était possible, elle voulait y croire. D’autres personnes partageaient cet espoir, qu’elles se trouvent sur Csilla ou qu’elles soient venues ici, et le peu que Feesa avait raconté, lors de son passage, prouvait que les mentalités pouvaient évoluer, bien que ce soit très lent. Après tout, si même son grand frère s’était plus ouvert à d’autres mentalités et peuples, elle ne voyait pas en quoi ce serait impossible pour l’Ascendance. Le seul point plus triste était qu’elle ne verra sans doute rien de tout ça de son vivant. Pas plus que beaucoup ici, sans nul doute…

Ce qu’ajouta ensuite l’amiral ne la surprit pas et elle se contenta de simplement hocher la tête, sans réellement répondre. Ce n’était, bien entendu, pas ici qu’Ewime espérait revoir Feesa de temps à autre. Et ce n’était pas non plus au sein de l’Ascendance qu’elle pourra le faire également, sin son enfant était vraiment exilée. Elle devrait pouvoir la retrouver ailleurs, même si ce n’était pas très souvent. De toute manière, elle menait sa vie, elle avait une personne pour veiller sur elle et n’était pas non plus isolée. Elle parlait déjà très bien le Basic et avait, en sus, l’esprit relativement ouvert, plus que Ewime l’aurait cru sachant que cette enfant avait été éduquée par Formbi. Elle s’en sortira. La diplomate retint malgré tout un très léger soupir, regrettant qu’il faille en arriver à se cacher pour voir son propre enfant. Les parents de Larin, eux, avaient accepté de ne plus voir leur fille durant de longues années, Ewime ignorait si elle pourra en faire de même. Et pour ce que ça avait servi… La jeune Jedi avait finalement succombé au virus, comme tant d’autres.

« Le plus dur, je le crains, ce n'est pas nous qui le vivons mais ceux qui sont venus d'une autre période, comme votre fille ou mon frère. Ils doivent s'adapter brutalement, comprendre que les gens ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux qu'ils ont connu. C'est aussi une chance pour certains, comme Feesa qui va avoir la chance de pouvoir vous connaître.»

« Je me le demande. On ne peut pas dire qu’elle ait eu une réelle chance jusqu’ici, tomber directement sur ce Plagueis à peine arrivée dans cette époque… Si les Jedis ne l’avaient pas retrouvée et soignée, elle serait morte avant qu’on ne réalise qui elle était et d’où elle venait. En-dehors de ça, j’aurai dû m’attendre à ce qu’elle ne veuille pas rester sur Csilla, étant donné son caractère. Pourtant, elle est encore bien jeune et… Enfin, je ne sais pas comment expliquer ça, j’ai le sentiment que ce serait mal, de ne plus pouvoir garder un œil sur elle, même de loin, même si elle vient d’une faille. Ce serait comme… un abandon. Vous comprenez ? »

Ce n’était sans doute pas très clair, difficile d’exposer ce genre de ressenti sans s’embrouiller. Aux yeux de la jeune femme, même si cette enfant était arrivée complètement par surprise et d’un temps encore éloigné, même si elle n’avait pas portée, ni élevée, ni éduquée, elle ressentait comme un Devoir envers elle, le devoir d’être là pour elle, la protéger au mieux, faire en sorte qu’elle continue de grandir et d’évoluer sans avoir rien à craindre, même si on ne pouvait pas forcément écarter tout danger d’une personne à qui on tenait. Ewime s’en remettait aussi à Nat, maintenant mentor de la jeune fille, elle comptait sur lui pour veiller sur elle et l’aider à progresser. Un très léger rire nerveux lui échappa, alors qu’elle réalisait porter ses espoirs sur un humain et sensitif, alors même que son père, et son frère ensuite, avaient toujours clamé que la Force n’était qu’une tare qu’il fallait étouffer à jamais.

« Pour votre frère, au moins, il vous a… Et il retrouvera aussi Lorana, je pense, la première question qu’il m’a posé était de savoir si elle allait bien. Ils ont peut-être un avenir ensemble, même si ce ne sera pas facile… Enfin, je me mêle de ce qui ne me regarde pas. »

Elle s’interrompit le temps de faire passer un châle autour de ses épaules, en réprimant un frisson. Depuis l’année précédente, lors des périodes de plus grande fatigue, elle avait aussi plus froid, quand le soir tombait. Le médecin affirmait que c’était normal, mais ne pouvait pas faire grand-chose, il était tard. Pour le moment, le traitement lui permettait de vivre normalement. Pour combien de temps encore, cela restait la grande inconnue.

« Comment allez-vous faire d’ailleurs ? Vous pouvez avoir des ennuis, si votre Empereur apprend que votre grand frère est venu d'une faille. »

« Je me le demande. On ne peut pas dire qu’elle ait eu une réelle chance jusqu’ici, tomber directement sur ce Plagueis à peine arrivée dans cette époque… Si les Jedis ne l’avaient pas retrouvée et soignée, elle serait morte avant qu’on ne réalise qui elle était et d’où elle venait. En-dehors de ça, j’aurai dû m’attendre à ce qu’elle ne veuille pas rester sur Csilla, étant donné son caractère. Pourtant, elle est encore bien jeune et… Enfin, je ne sais pas comment expliquer ça, j’ai le sentiment que ce serait mal, de ne plus pouvoir garder un œil sur elle, même de loin, même si elle vient d’une faille. Ce serait comme… un abandon. Vous comprenez ? »

"Il me semble que les humains appellent cela "instinct maternel", tout simplement. Oui, je le comprends.'

« Pour votre frère, au moins, il vous a… Et il retrouvera aussi Lorana, je pense, la première question qu’il m’a posé était de savoir si elle allait bien. Ils ont peut-être un avenir ensemble, même si ce ne sera pas facile… Enfin, je me mêle de ce qui ne me regarde pas. Comment allez-vous faire d’ailleurs ? Vous pouvez avoir des ennuis, si votre Empereur apprend que votre grand frère est venu d'une faille. »

C'était une bonne question. L'empereur s'inquiétait déjà beaucoup de tous ses jedi et autres sensitifs non sith qui surgissaient du passé et du futur. Cela gênait ses plans, tout comme le faisait les sith venus d'un autre temps, l'obligeant à modifier ce qu'il avait prévu. Le fait d'apprendre que le propre frère de Thrawn en était un allait le faire réagir. Déjà, il pourrait estimer que "son" grand amiral était sensible lui aussi à la Force et il pourrait vouloir le former. Il risquait aussi de réclamer la capture de Thrass, pour qu'il soit formé ou bien serve de "levier" contre son frère cadet, ou tout simplement pour éviter qu'il ne rejoigne l'ordre jedi. Bref, oui, cela pourrait avoir des conséquences. Thrawn prit la parole, se voulant rassurant auprès de la sœur d'un aristocra.

"Je doute de risquer grand chose de la part de l'empereur Palpatine. Il est dans une situation plus délicate qu'il n'y paraît, avec une rébellion renforcée par plus de jedi qu'il ne l'aurait souhaité et par la présence de nombreux sith puissants, et pas forcément très fiable. Je suis l'un de ses principaux soutiens, un des douze plus hauts gradés de sa flotte.

De plus, s'il agit contre moi et manque son coup, il sait que je me retournerais alors contre lui. Et je ne pense pas qu'il veuille que je le fasse."

Cette raison était celle qui l'incitait le plus à douter que le dirigeant de l'empire agisse contre lui. Qu'il réclame la capture de Thrass, oui, il risquait de le faire mais il n'osera jamais l'utiliser contre Thrawn, pas plus qu'il ne s'en prendra à lui car il ne pourra jamais être sur de parvenir à l'avoir. En effet, il serait stupide de croire que le chiss ne prendrait pas ses précautions, à partir de maintenant.

"Enfin, prendrait-il le risque de perdre le seul qui soit à même de négocier avec l'Ascendance ?"

« Je doute de risquer grand chose de la part de l'empereur Palpatine. Il est dans une situation plus délicate qu'il n'y paraît, avec une rébellion renforcée par plus de jedi qu'il ne l'aurait souhaité et par la présence de nombreux sith puissants, et pas forcément très fiables. Je suis l'un de ses principaux soutiens, un des douze plus hauts gradés de sa flotte. De plus, s'il agit contre moi et manque son coup, il sait que je me retournerais alors contre lui. Et je ne pense pas qu'il veuille que je le fasse. »

Etait-il vraiment certain de ça ? Ewime connaissait certes très peu les réactions que pouvaient avoir les utilisateurs du Côté Obscur de la Force, cela dit, elle en avait pour l’heure entendu assez pour se méfier. Comment prévoir les plans ou actions de ce genre d’individus ? Alors même que dans leurs esprits malades pouvaient germer des idées telles qu’annihiler, rien de moins, des populations en masse à l’échelle de toute une galaxie ? A ce stade-là, il ne restait plus aucune logique, ce n’était que raisons dictées par la haine et la soif de pouvoir, il serait légitime de penser que l’Empereur Palpatine ne se soucie donc plus des motifs parfaitement rationnels et censés. Quoi que… Elle n’oubliait pas non plus que pour accéder à ce niveau de pouvoir et mener ensuite un Empire, il fallait autant être un renard politique qu’être capable de bien s’entourer. Cet Empire cultivait la xénophobie autant que l’Ascendance mais son dirigeant avait un non-humain dans ses plus hauts rangs de pouvoir. Ça, les Chiss ne le feraient pas, au grand jamais. Donc oui, sans doute, que le vieil Empereur savait comment manier les atouts qu’il avait en mains.

Cela dit, même si l’amiral risquait moins que ce qu’elle avait songé, elle ne pensait pas que cela écarte Thrass du danger pour autant. Même s’il n’était pas utilisé contre son frère, il restait tout de même une de ces personnes venues des failles. Non seulement un sensitif qui ne risquait pas de rejoindre un jour l’Ordre Sith, ce qui en faisait par automatisme un ennemi déclaré, mais en plus un sensitif attaché à une Jedi, par amitié, ou plutôt amour selon elle, rien de tel pour aggraver son cas. Ce sera connu, tôt ou tard, que leur confrère choisisse de s’entraîner ou pas. Elle doutait, de toute manière, qu’il demeure sur Csilla, il ne pourrait plus y vivre en paix comme autrefois, et en plus de cela, y rester seul, sans plus de famille ? Avec des amis pouvant lui tourner le dos à cause de son affiliation à la Force ? Et en parlant de la Force, si ce truc était vraiment héréditaire, alors l’amiral aussi pouvait y être sensible, même s’il ne pouvait pas s’en rendre compte. Elle retourna la tête vers lui, l’imaginant un court instant faire voler des trucs comme avait fait Feesa, une fois, à la maison. Cette image était bizarre… C’est à ce moment, aussi, qu’elle réalisa qu’elle n’avait pas envie qu’il lui arrive du mal.

« Enfin, prendrait-il le risque de perdre le seul qui soit à même de négocier avec l'Ascendance ? »

« Sans doute pas. Pour le moment… Faites attention à vous. »

Elle ne comptait pas le dire ainsi, bien sûr, mais il lui ferait mal d’apprendre sa mort ou autre chose. Il y avait très peu de personnes avec qui elle se sentait à l’aise ou en sécurité, ou bien avec qui elle aimait parler, tout simplement. Peu d’amis proches, peu avec qui elle pouvait se comporter plus familièrement, même si cela restait un bien grand mot. Ce n’était peut-être pas plus mal ainsi, si elle partait, elle ne manquera pas à beaucoup de monde. Très bien, on se reprend, depuis l’enfance, elle s’était toujours promis de toujours garder le sourire, dans n’importe quelle circonstance, toujours sourire même si on était effrayé ou qu’on avait de la peine, même si on se sentait moins bien. Elle utilisait cela autant pour se protéger elle-même que pour préserver les autres, ne jamais montrer à Formbi lorsqu’elle allait moins bien, pas plus qu’à Feesa aujourd’hui. Pour se garder elle-même, une sorte de barrière imposée pour ne pas se laisser aller, jamais. Une barrière que personne n’avait jamais réussi à briser, ni même à comprendre.

« Il va commencer à se faire tard. Si le cœur vous en dit, je peux vous inviter à dîner ? Pour vous aussi, la journée a dû être éprouvante. »

« Plutôt intrigante et… réconfortante. J'accepte votre invitation bien sûr. Je dois même avouer que je risque d'avoir un bon appétit. »

Il fallait bien un peu de temps avant de s’habituer à l’arrivée, ou au retour, de membres de votre famille, d’une telle manière. Elle lui sourit et se leva, répondant qu’elle préférait rester tranquille, ce soir. Après s’être mêlée à du monde toute la journée, dont une grande partie d’humains, retrouver un endroit plus calme était préférable, comme ce soir sur cette baie. Un endroit plus chaud, également, même s’il paraissait bizarre de l’avouer comme ça. Elle le conduisit dans les petits quartiers qu’elle occupait actuellement, un endroit somme toute assez simple mais qui la réconfortait, après une longue journée. Dès qu’on entrait à l’intérieur, on pouvait sentir le parfum léger et frais des crocus. Des fleurs blanches, assez belles et légèrement odorantes, qui l’aidaient à bien respirer lorsqu’elle s’endormait. Chez elle, sur Csilla, il y en avait beaucoup plus, ici, ce n’étaient que des bouquets discrets, posés ci et là, qu’on pourrait ne pas remarquer si on n’y prêtait pas garde. Il y avait également quelques cyclamens et edelweiss, sur les rebords de la fenêtre. Ewime changeait ces bouquets selon le temps et les espèces, ne prenant que les plantes ayant aussi un usage médicinal.

On pouvait dire que c’était la seule décoration ajouté, mis à part quelques photos encadrées qu’elle avait posé dans des coins. L’une d’elle la représentait bien plus jeune, à vingt ans, posant avec son grand frère. Une photo qu’elle aimait car pour une fois, Formbi souriait de toutes ses dents, en la serrant dans ses bras, il avait vraiment un air détendu, confiant, l’avenir libéré de tous soucis, un air si différent de l’habituel et presque choquant pour ceux ne l’ayant jamais vu ainsi. Elle avait aussi une photo de Feesa, prise un peu par surprise, qui regardait l’objectif à la volée avec un mélange entre un air surpris et un faible sourire. Ça, c’était peu de temps avant leur départ, Ewime avait voulu un souvenir avant que la petite ne reparte avec l’Ordre, on pouvait même voir son maître, en arrière-plan, qui regardait dehors avec une expression attristée ou… Elle ne savait pas trop, on aurait dit du regret, ou le faible espoir que les choses se passent différemment, difficile à déterminer, elle ne connaissait pas assez bien les expressions humaines. Après avoir déposé son châle et demandé à Thrawn ce qui lui ferait plaisir, elle alla dans la petite cuisine.

« C’est mon grand frère qui m’a appris à faire la cuisine. Quand il rentrait du travail, de temps en temps, le soir, je crois bien que ça le détendait. Je suppose que pour vous, c’est Thrass qui vous a appris, n’est-ce pas ? »

Il était du devoir des grands frères et grandes sœurs de s’occuper de leurs cadets si les parents n’étaient plus là pour le faire, à moins bien sûr que ces aînés soient eux-mêmes encore trop jeunes à ce moment-là. Dans son cas, on pouvait affirmer que son frère avait pris le rôle au sérieux, même bien plus qu’escompté, il était tellement protecteur. Sans avoir d’autres points de comparaison, elle ne saurait pas vraiment dire s’il en faisait sincèrement trop ou non, toujours est-il qu’elle avait été la dernière famille lui restant, la famille proche, c’était sans doute normal qu’il ait fait tant attention. Pour ne pas perdre trop de temps, elle commença à préparer, simplement, une jardinière de légumes avec du poisson, qu’on trouvait dans les eaux glacées de Csilla. Elle gardait aussi, dans la petite cuisine, une photo de leurs parents, avec elle, à deux ans, dans leurs bras et son frère à côté, debout, les mains dans le dos. Un cliché qu’elle appréciait beaucoup moins, mais c’était le seul qu’elle avait avec toute sa famille réunie. Trop sérieux, là-dessus, ses parents étaient tellement à collet monté.

« Vous pouvez vous mettre à l’aise, en attendant. Ça ne vous fait pas trop étrange de revenir dans les Régions Inconnues, après toutes ces années ? Vous retrouvez seul au milieu des humains, ça a dû être difficile. Si vous n’avez pas envie d’en parler, ne faites pas attention. »

« Ce ne fut pas si difficile que cela et cela m'a permit d'en savoir bien plus sur les peuples de cette galaxie. Il y a eu des avantages à cet exil… comme le prouve cette base. »

Peut-être bien, même si aux yeux de la jeune femme, ce genre d’avantages ne couvrait pas le fait d’être écarté si brusquement de son peuple natal, à jamais. Perdre les siens, que ce soit volontaire ou non d’ailleurs, était pour elle l’une des sentences les plus cruelles qui soit. Si cela, au moins, était justifié par un véritable crime, comme le meurtre, la trahison profonde, ce genre d’actes, ce serait parfaitement compréhensible ! Mais dans ce le cas de Thrawn, de Feesa, peut-être celui de Thrass très bientôt, où était la justification ? Simplement de ne pas faire comme tout le monde, de ne pas rentrer dans le moule, d’être différent ? Car le problème était bien là ! Ils étaient différents, ils étaient jugés différents plutôt, et ils ne pouvaient pas en être tenus pour responsables, c’était comme ça, voilà tout. Pourtant, la sentence tombait, irrévocable. Il y avait bien trop de peu de personnes, pour le moment, qui jugeaient cela idiot ou rétrograde, hélas. Ewime secoua très légèrement la tête, en continuant à cuisiner, espérant que l’Ascendance change, grâce au temps, à l’apparition de nouvelles mentalités. Même si cela devait prendre des années encore, ce n’était pas si grave, tant que la société évoluait.

« Me demandez-vous cela à cause de votre fille ? Afin de savoir si elle peut s'en sortir en quittant l'ascendance pour les jedi ? »

Oui et non… Elle lui avait demandé ça car elle jugeait cruel qu’il ait été ainsi renvoyé au loin pour ce genre de raisons. Formbi pouvait bien en dire tout ce qu’il souhaitait, non, ce n’était pas un argumentaire valable ou recevable, en tout cas, pas pour elle. Et dans le même temps, oui, elle voyait bien qu’il n’avait pas l’air de s’en porter mal pour autant, ce qui signifiait forcément qu’il était tout à fait possible de s’en sortir correctement ou se fondre parmi d’autres peuples en faisant des efforts. Nuru aussi, en était un exemple, par contre, il était « parti » beaucoup plus jeune, son intégration avait dû en être facilitée. Elle ne répondit pas tout de suite, profitant d’avoir le dos tournée pour se mordiller les lèvres, laissant entrevoir la part d’angoisse qui la travaillait, puis se reprenant, pour conserver un ton égal. Souris, continue à sourire. Elle mit de l’eau à chauffer, à feu vif, au moins fière de ne rien montrer, dans ses gestes, si elle était fatiguée ou angoissée.

« Je le demande car je juge que les rasions qui ont conduits à votre exil ne sont pas recevables. Je ne trouve pas non plus normal d’exiler une personne uniquement à cause de sa sensibilité à la Force. Quant à Feesa, elle peut… sans doute s’en sortir. J’ignore comment Formbi a bien pu l’élever mais je vois bien qu’elle parle très bien le Basic, même à son âge, et qu’elle en sait aussi pas mal sur la galaxie connue ou les humains, sans l’avoir déjà parcourue comme vous. Ça, je dois avouer que ça me perturbe beaucoup. Mon frère n’est pourtant pas très ouvert d’esprit. »

Elle ne devrait sans doute pas dire ça, cela dit, elle ne mentait pas. Son frère détestait les humains, c’était bien faible de le dire ainsi, alors pourquoi apprendre le Basic à sa nièce, pourquoi la laisser côtoyer des humains, pire encore, pourquoi travailler avec eux et pousser Feesa à faire de même ? Pourquoi avoir collaboré avec des Jedis ? De ça aussi, elle était certaine qu’il l’avait fait, de ce que sa fille avait laissé échapper. Bien sûr, les gens changeaient avec le temps, mais là, ce n’était plus une simple évolution de la personnalité, carrément une conversion miraculeuse. En attendant que le repas, soit prêt, cuit comme il le fallait, elle sortit deux verres et un alcool léger, qu’elle servit à table.

« Je ne comprends toujours pas bien les Jedis, malgré tout. Et ce n’est pas Skywalker qui va plus s’expliquer… Vous en savez un peu plus ? »

Que son frère ait changé, ça oui, on pouvait le dire. De toutes les informations obtenues sur celui qu’il était devenu, on en arrivait effectivement à un homme beaucoup plus tolérant, calme et ouvert d’esprit que celui qu’il était encore aujourd’hui. En revanche, pour changer à ce point-là, qu’avait-il vécu ? Il était rare que des changements profonds de la personnalité se fassent sans qu’il n’y ait toute une remise en cause de soi ou bien des événements assez traumatisants ou bouleversants, poussant à reconsidérer sa façon de vivre toute entière. Ça ne pouvait pas être l’arrivée seule de sa nièce qui avait pu le pousser à changer à ce point, il y avait obligatoirement autre chose… Autre chose qu’il l’ait fait réfléchir, peu à peu, autre chose qu’il l’ait poussé à voir la vie d’une autre manière. Feesa n’en avait que peu parlé, de son côté, et sa mère doutait qu’elle dise tout, loin de là. Il restait tellement de questions en suspens, tellement de points qu’ils ne pouvaient pas comprendre sans avoir de réponses. C’était terrible mais Ewime savait qu’elle ne pourra pas réellement comprendre sa propre fille sans obtenir certaines réponses. Pas plus que comprendre l’époque d’où elle venait, quand bien même ce n’était pas si éloigné. Et comprendre l’époque d’où venait Nat, là, inutile de seulement l’espérer.

« Concernant l'exil des sensitifs, je pense que ce sera le "châtiment" le plus gentil que notre peuple puisse choisir. Le mien était légitime, par contre. Je savais enfreindre non seulement nos traditions mais aussi nos lois en attaquant ce peuple. Cet exil que je vis, je l'assume et je veille à continuer à protéger l'Ascendance à ma manière, même si beaucoup continuent de se méfier de moi. »

La vraie question était plutôt de savoir si combattre pour protéger les siens et briser des règles pour cela valait la peine qu’on vous condamne à l’exil. En tout cas, à son sens, cette question méritait d’être creusée, il y aurait pu avoir des réactions plus justes que celle-ci. Les règles, les traditions, la place de chacun et chacune bien définie dans la société, jamais un écart d’autorisé, toutes les différences mises de côté ou simplement écrasées, ce n’étaient pas les aspects les plus joyeux de leur peuple. Une discipline quasi-militaire qui assurait la force de l’Ascendance mais qui coupait aussi à la moindre différence de comportement ou de mentalité, il fallait rentrer dans le moule ou accepter de partir. La jeune femme se poussa un peu quand Thrawn vint prendre les couverts, doutant très fortement que Feesa ait pu rentrer une seule fois dans le moule voulu par l’Ascendance, ne serait-ce que dix minutes de sa vie, et que c’était bien pour cette raison qu’elle s’était retrouvée à vivre ici, sur Nirauan. Elle ne remontait pas en doute sa capacité à s’adapter, bien sûr, par contre, elle remettait en doute sa capacité à se plier gentiment aux règles, convenances et traditions.

« Ma condamnation était donc juste et logique. Celle sur les sensitifs revenus par les failles me semblent au contraire absurde et potentiellement néfaste pour l'Ascendance. Cela peut créer un ressentiment négatif envers notre peuple voire mettre mal à l'aise l'Ordre Jedi, si jamais les aristocra envisage de nouer des liens avec eux. »

« Je doute sincèrement que les nôtres acceptent de s’ouvrir un peu envers qui que ce soit après cette pandémie. Je veux bien être optimiste, mais pour le coup, Veeren va sans doute se fatiguer pour rien en essayant. Vous n’avez pas entendu les réactions au Parlement, quand il a été évoqué que Lorana revienne dans les parages. Ce sera pire quand ils vont réaliser que Thrass tient à elle. Étant donné la position qu’il avait autrefois auprès du Conseil, si non seulement il ne cache pas qu’il est sensible à la Force mais qu’en plus il est amoureux d’une Jedi… Ça leur causera des ennuis à tous les deux, surtout si Lorana tombe enceinte. »

D’ailleurs, est-ce que les unions entre Humains et Chiss étaient vraiment fertiles ? Techniquement, disons d’un point de vue strictement biologique, les différences n’étaient pas si importantes, du moins pas plus qu’avec des unions mixtes, par exemple Humains et Twi’lek, où la fertilité était possible. En terme d’âge, Lorana était apte à enfanter, tout comme Thrass, donc s’ils se retrouvaient et décidaient d’être ensemble, on pouvait tout à fait imaginer la naissance d’un bébé dans les prochains mois. Ewime marmonna pour elle-même doucement que ça n’allait pas forcément arranger leur cas, puis se pencha au-dessus de sa marmite pour vérifier si la cuisson était bonne. Il ne fallait pas beaucoup de temps, pour ce type de poisson, pour qu’il reste tendre. Mettant à feu un peu plus fort, elle lança un regard en biais vers Thrawn, l’imaginant un instant avec son neveu ou sa nièce dans les bras alors qu’il dirigeait une bataille en même temps. C’est qu’il en serait bien capable, selon elle.

« Vous voulez boire quelque chose ? »

Seule, elle ne buvait jamais, mais avec un invité, elle faisait l’effort, tout comme durant les soirées. L’alcool, c’était quelque chose avec lequel elle faisait très attention, ça commençait par la désinhiber, elle ne se rendait plus vraiment compte de ce qu’elle pouvait lâcher en discutant, puis si elle buvait trop, elle était ensuite capable de dormir quatorze heures d’affilée. Elle servit les verres en attendant que le plat finisse de cuire.

« Si l’affaire du Vol vers l’infini se passe bien, on pourra espérer que notre peuple se déride un petit peu, vis-à-vis des sensitifs. Vous n’avez pas envie de faire le test pour savoir si vous l’êtes aussi ? »

Le seul moyen d’arrondir un peu les angles, pour Thrass, serait qu’il fasse en sorte de ne jamais montrer cette sensibilité à la Force, qu’il l’oubli, voire suive un traitement contre elle, mais il faudrait alors qu’il oublie aussi son frère, s’il demeurait sur Csilla, et qu’il oublie de même Lorana. Ewime ne le connaissait pas bien mais savait déjà qu’il ne pourra oublier ni l’un ni l’autre, ce serait beaucoup trop exiger. La dernière solution était donc la pire de toutes. La Force causait tout de même… pas mal d’ennuis. Était-ce si mal accepté également chez les autres peuples ? Ou avoir un membre de sa famille sensible n’était-il pas si horrible que cela ? Et si ce lien était vraiment héréditaire… Une éventualité qui l’effrayait assez, pour être honnête, elle ne pouvait s’empêcher de voir ça comme une sorte de maladie ou d’entité possessive, se transmettant des parents aux enfants, des oncles et tantes à leurs neveux et nièces, comme un genre de malédiction. Et elle ne voyait pas ce qui pouvait faire sourire l’amiral à cette idée. C’était tout de même important.

« Hum.. Imaginez cela, que je sois sensitif. Une fois formé, j'aurais accès à de grands pouvoirs ! Je pourrais agir, faire manœuvrer mes vaisseaux avec une bien meilleure précision, intervenir sur plusieurs fronts en même temps. Qui sait, je pourrais même mettre un terme à toute opposition contre l'empire, vaincre les rebelles, les jedi. Je pourrais même renverser Palpatine pour offrir à la galaxie un empire plus juste, moins xénophobe, moins brutal… mais je ne serais peut-être plus moi-même alors. Et je préfère rester le simple Mitth'Raw'Nuruodo. »

Ewime se demanda un instant s’il se moquait d’elle ou non, préférant rester silencieuse sur le moment. Dans le doute, mieux valait sans doute ne rien dire. Elle n’avait pas pensé si loin, utiliser la Force pour mener la guerre, encore et encore, plutôt dans le sens « Quels nouveaux ennuis cela pourrait-il apporter si les membres d’une même famille étaient susceptibles d’être tous sensitifs, à plus ou moins grand niveau ? ». Thrass allait en faire les frais, si ça n’avait pas déjà commencé, son frère pouvait y venir. Quant à Feesa, qu’en sera-t-il pour ses propres enfants, lorsqu’elle sera maman à son tour ? Ewime avait beau tâcher de garder l’esprit le plus ouvert possible, il y avait des limites, et pour elle, la Force restait avant tout un aimant à ennuis. Il suffisait de constater ce qui était arrivé à son bébé alors qu’elle avait à peine débarqué dans cet univers ! Enfin… Elle n’était pas non plus tombée au meilleur endroit qui soit et encore moins du type le plus sain d’esprit qu’on puisse trouver, ça avait énormément joué aussi. Bref, ne plus y penser, c’était du passé… Et ce psychopathe ne pourra plus jamais causer le moindre mal à qui que ce soit, tout va très bien.

« Ce qui me posait question, ce sont tous les ennuis que ça peut apporter, maintenant ou plus tard. Vous, ça a l’air d’aller, mais vous imaginez si ça arrive dans d’autres familles, où les membres ne peuvent pas ignorer cette sensibilité? Ça doit être dur à vivre ou supporter. »

Évidemment, elle n’en avait aucune preuve, ce n’est que ce qu’elle supposait, avec les quelques connaissances acquises sur la Force depuis le début. Le maître de Feesa aussi lui avait insinué le doute, tant il répugnait à ce qu’on lui fasse remarquer son titre ou qu’on utilise son nom de famille. Elle apporta finalement le plat sur la table, puis s’assit à son tour.

« Vous en voulez beaucoup ou non ? Prenez ce qui vous fait envie, sinon. Ça doit vous changer des repas plus formels, dans l’armée. »

Elle baissa un peu les yeux vers son comlink quand il émit un petit son, l’éteignant juste après. Ça, c’était encore son frère, à son avis, il devait se demander ce qu’elle pouvait bien faire « toute seule, sur cette planète à moitié remplie d’humains et si loin de chez elle ». Son frère si protecteur… Elle lui répondra plus tard, ou plutôt demain matin, pour le moment, elle voulait surtout passer une soirée tranquille.

Il y avait toujours eu des soucis plus ou moins graves à régler, mais cela dit, Ewime devait bien avouer que beaucoup desdits sujets, ces derniers mois, la dépassaient complètement. Il était déjà compliqué d’avaler que la Force pouvait être assez puissante pour ramener de cette façon des personnes venues des failles temporelles et plus encore d’accepter que ces personnes pouvaient aussi être de votre propre sang. Elle remercia Thrawn lorsqu’il lui tendit son assiette, prenant un peu d’eau pour commencer, puis s’asseyant correctement. Mine de rien, elle commençait à avoir faim, la journée avait été longue, assez chargée en émotions, et d’une façon globale, toute sa vie avait été pas mal bouleversée ces derniers temps. C’était un peu comme si elle avait passé toutes ces années dans une sorte de sommeil long et doucereux, avant de brusquement se réveiller et se retrouver entraînée dans des affaires qu’elle n’aurait jamais pu imaginer. Une sensation bizarre, sur Csilla, elle était sans cesse restée « protégée » de tout. Un chemin que ne risquait pas de suivre sa fille, en tout cas, c’était même plutôt le contraire.

« Dites moi, pour changer de sujet, quels sont vos loisirs ? Je tiens à ce que toutes les personnes qui travailleront, vivront, ici puissent pouvoir s'adonner à leurs activités préférées, afin de se détendre, se reposer. »

La jeune femme en s’attendait pas à cette question, pas de la part du responsable d’un complexe militaire, aussi eut-elle un léger temps d’arrêt en le regardant, avant de se reprendre. Même s’il était logique de prendre des moments où on pouvait se permettre de penser à tout sauf au travail, elle n’avait jamais vu personne lui demander ce qu’elle faisait de son temps libre. Pour la simple et bonne raison que la seule personne dans cette galaxie susceptible de s’y intéresser avait été son frère et qu’il savait déjà depuis très longtemps ce qu’elle aimait faire ou non. En-dehors de ça, elle n’avait pas réellement d’amis proches avec qui le partager. Mangeant un peu en réfléchissant, elle se dit avec un sourire intérieur que le « loisir » qui lui plaisait plus restait le plus inaccessible, plus particulièrement encore dans ces temps troublés.

« Souvent, je lis, tout simplement. J’aime beaucoup les livres d’Histoire ou tâcher d’en savoir plus sur ce qu’était l’Ascendance autrefois. Je n’ai jamais rien trouvé sur ses origines ou sa création, les archives doivent s’être perdues… »

Perdues ou détruites, elle n’excluait pas la seconde possibilité. Comme dans n’importe quelle autre société, il y avait des faits historiques qui étaient volontairement « oubliés », effacés, écartés de la portée du grand public. Des passages douloureux de l’Histoire, des changements ou faits que les dirigeants de l’époque avaient pu préférer faire disparaître aux yeux des générations futures. Un peu comme sur ce qu’était la Force, on ne trouvait presque rien à la Bibliothèque.

« C’est plus facile d’en apprendre sur les autres peuples que sur le nôtre, en réalité, sur Csilla. Sinon, j’aime bien jouer un peu de musique quand je suis seule. Formbi se fait un point d’honneur à passer assez souvent, il est très… attaché à la famille. »

Il devait craindre qu’elle se sente seule, en réalité… Depuis un an, environ, il tâchait de lui présenter plus de prétendants, d’hommes « comme il se doit », dès qu’il en trouvait ou qu’il pensait qu’elle serait intéressée. Et à chaque fois, elle se devait de les éconduire poliment. C’était aussi lassant que parfois agaçant, même si elle comprenait la démarche de son frère, et était aussi consciente qu’elle arrivait à un âge où il était plus que temps d’y songer, elle n’avait pas réellement envie d’un mariage arrangé comme il était coutume de le faire. Elle voulait… Elle voulait vraiment trouver un homme avec qui elle se sentirait bien, détendue, en sécurité, pas juste un homme « convenable pour elle », selon un ensemble de critères comme l’âge, le statut social, la vie menée, le métier ou encore autre chose. Un sourire amusé vint éclairer son visage lorsqu’elle pensa au dernier homme qu’on lui avait présenté, plat et morne comme ce n’était pas autorisé. Plutôt finir vieille fille que de vivre avec lui, c’était ce qu’elle s’était convaincue dès les trois premières minutes de discussion.

« J’ai pris l’habitude de m’occuper seule, disons. Vous-même, vous avez des occupations favorites ? J’ai cru comprendre que vous aimiez beaucoup l’art. Ou des endroits où vous aimeriez vous installer pour de bon ? »

« Je suis, hélas, dans l'impossibilité d'aller sur ce monde en question. Je me rassure, toutefois, en m'assurant que je ferais de mon mieux pour le protéger, qu'il le veuille ou non. »

La jeune femme se demandait quand même s’il n’allait pas finir par complètement se décourager, à un moment, ou être lassé. Leur peuple n’était pas prêt à accepter ce genre de méthodes et ne le sera sans doute pas avant encore un grand nombre d’années, donc en partant de ce constat, finira-t-il par abandonner, en voyant que jamais l’Ascendance ne changera, qu’il ne valait plus la peine, en quelque sorte, de la protéger pour rien ? Elle baissa un instant les yeux sur son assiette, le temps d’enlever quelques arrêtes restantes avec le poisson et de mélanger la sauce blanche légère avec les légumes et le reste. A sa place, elle ignorait ce qu’elle ferait… Sans doute pas autant, c’était certain. Au moins pouvait-elle enfin se rendre un tant soit peu utile sur cette planète, c’était déjà cela, non ? Elle devait aussi faire comprendre à son grand frère que non, elle ne l’abandonnait pas pour autant, car elle était convaincue qu’il pensait déjà cela. Après la mission de secours vers l’épave, elle prendra du temps pour lui parler de son choix et de ce qui la motivait, il comprendra que ce n’était pas pour l’ennuyer. Peut-être viendra-t-il aussi lui rendre visite ici… Ou peut-être pas. Il détestait assez Thrawn pour vouloir rester éloigné de cette base.

« Sinon, l'art est un passe-temps, en effet, tout comme l'apprentissage de toutes ces cultures, ces mondes et technologies qui habitent cette galaxie. Parfois, je me dis que notre peuple perd beaucoup à vivre ainsi isolé. Je vais faire savoir qu'il serait bon d'installer une bibliothèque, entre autre. »

« Il doit bien y avoir une raison. J’imagine parfois qu’autrefois, notre peuple a décidé de s’isoler à jamais à la suite d’une catastrophe, ou peut-être après avoir frôlé l’extinction lors d’une guerre, par exemple. Quelque chose qui aurait poussé les dirigeants de cette époque à couper le contact. Qui sait, nous aurons peut-être un jour un Chiss qui viendra d’une de ces failles et assez loin pour être en mesure d’expliquer ce qui s’est passé autrefois. Et expliquer pourquoi les sensitifs sont rejetés. »

Quoi qu’elle n’était pas vraiment certaine que ce soit une si bonne idée, après tout, quand des secrets étaient aussi bien enfouis, que les archives étaient disparues ou détruites, c’est qu’il y avait généralement une très bonne raison. En supposant qu’il y avait bel et bien eu un traumatisme quelconque, peut-être lié au cataclysme qui avait changé Csilla en une planète de glace, serait-ce vraiment bon de déterrer le passé ? Ewime se leva avec une petite moue, pour aller remplir une carafe d’eau et la ramener sur la table, avant de se rasseoir. Pour reprendre sur une note plus joyeuse, elle parla aussi des quelques idées qu’elle avait pu entendre ces deux derniers jours dans la base en parlant avec les uns et les autres. Les militaires étaient pragmatiques, un trait de personnalité qu’elle appréciait beaucoup, et allaient droit au but. La plupart des installations auxquels ils songeaient avaient pour but le confort moral des soldats et la surveillance accrue de la zone, personne n’oubliait qu’ils étaient au cœur des Régions Inconnues. En revanche, Ewime parvenait encore peu à imaginer Feesa et d’autres enfants avoir grandi ici… L’esprit militaire y était pour le moment si fort qu’elle ne pouvait visualiser de jeunes enfants s’amuser dans les parages.

« Il ne devrait pas y avoir que des soldats, par ici, à l’avenir. C’est une base militaire, bien sûr, mais une petite communauté devrait pouvoir s’y développer, non ? Je sais que Feesa a passé une partie de son enfance ici, elle a aussi parlé d’une académie militaire, mais je ne sais pas si c’est bien ici ou ailleurs. »

De toute manière, il y avait encore beaucoup de travaux et cette base ne sortait qu’à peine de terre, peu de chance que l’endroit ait encore quoi que ce soit à voir avec ce que sa fille avait connu, même si ça ne tenait qu’à quelques années près. La jeune femme ignorait si elle vivra assez longtemps pour observer ce que ça donnera ensuite, ne pouvant qu’espérer que la coopération entre leur peuple et les humains se noue solidement puis se renforce.

« D’ailleurs, est-ce que ce serait gênant si mon grand frère voulait venir me voir ici ? Je ne sais pas encore s’il le ferait ou si c’est moi qui devrais aller sur Csilla, mais je dois savoir s’il pourrait avoir le droit. »

« Je n'ai aucune raison de l'en empêcher, tant qu'il se rappelle bien qui dirige ici. Je tiens à ce que mon projet ici soit apprécié par le conseil des familles et cela veut dire accepter leurs visites. Et puis, celles-ci pourraient aussi se révéler utiles, d'ailleurs. »

La jeune femme se demandait si le Conseil allait accepter ou pas ce projet, pour le moment, rien ne leur permettait de pencher pour une théorie ou une autre. Il suffisait que le Conseil soit un peu plus remonté que d’habitude, avec les récents troubles, et ça ne passera plus. Mais bon, elle était au moins contente que son grand frère puisse venir ici, ne serait-ce qu’une fois, car elle se doutait qu’il voudra s’assurer qu’elle aille bien, dans les parages, que personne ne comptait lui faire du mal ou elle ne savait quoi encore. Un désir assez fort pour surmonter son aversion et oublier qui avait fait bâtir cet endroit et pourquoi. Formbi pouvait être très têtu, terriblement, mais au fond, il avait un cœur en or, il suffisait d’apprendre à le connaître. Elle remercia donc Thrawn d’un sourire, notant tout de même dans un coin de son esprit de s’arranger pour que, la première fois, les deux n’aient pas la moindre chance de se croiser. Après tout, on ne savait jamais… Déjà, voir comment aller se dérouler l’expédition vers le Vol vers l’Infini avant de tenter quoi que ce soit d’autre. Son souhait le plus cher serait que son frère passe au-dessus des rancœurs qu’il gardait envers certains, mais bon, un pas après l’autre.

Elle passa ensuite à un sujet de conversation plus léger, à savoir la fête de Leda, qui avait eu lieu il y a peu de temps. C’était une sorte de commémoration, enfin plus une tradition maintenant, pour le souvenir de la fondation de la capitale sous les glaces de la planète. Ewime avait toujours adoré cette fête et cette année, celle-ci avait eu un goût un peu particulier, après la pandémie. Il y avait eu tellement de morts… Malgré tout, elle considérait ce genre d’événements comme très importants, autant pour maintenir l’équilibre social que pour trouver des occasions de tous se rassembler, le temps d’une soirée, et se vider la tête des tracas du quotidien. Quant à cet endroit, même si c’était une base militaire, il devait bien y avoir des occasions de tous se retrouver, n’est-ce pas ? A ses yeux, en plus d’un travail commun, il fallait aussi des soirées ci et là pour permettre à chacun de discuter avec les autres en-dehors du pur cadre du travail. Des personnes qui se connaissaient, c’était des personnes qui faisaient du meilleur boulot ensemble. Si elle savait à quelles occasions les Chiss se rassemblaient, elle ne savait en revanche rien des humains.

« Il doit y avoir des occasions ou prétextes communs, pour inciter les personnes ici à apprendre à se connaître et se comprendre mutuellement. Et ça aidera beaucoup à apaiser la méfiance latente ou les tensions. »

Elle imaginait que les Humains fêtaient aussi certains événements de la vie comme les mariages ou les naissances, mais ce n’était pas forcément le plus pratique, peu de couples apprécieraient, selon elle, de se marier sur une base militaire. Quant aux naissances, dans ce genre de lieu, ce n’était pas non plus pour tout de suite. Tout en y réfléchissant, elle continuait à manger, beaucoup plus détendue maintenant.

« Qu’est-ce que les Humains ont l’habitude de fêter ? »